Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 9
ORDONNANCE DU 04 JUILLET 2023
Contestations d'Honoraires d'Avocat
(N° / 2023, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00286 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDW2S
NOUS, Laurence CHAINTRON, conseillère à la Cour d'appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Shakiba EDIGHOFFER, greffière, présente à l'audience et au prononcé de l'ordonnance.
Vu le recours formé par :
Madame [J] [I]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Comparante en personne
assistée par Madame [S] [U], interprète en langue des signes
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :
Maître [G] [H]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Comparant en personne
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au greffe,
et après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 06 Juin 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L'affaire a été mise en délibéré au 04 Juillet 2023 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
***
Au mois de janvier 2020, Mme [J] [I] a confié à Me [G] [H] la défense de ses intérêts à la suite du décès de son époux survenu dans le cadre d'un accident du travail.
Me [H] soutient qu'un contrat de mission a été conclu entre les parties le 27 janvier 2020 qui prévoyait une rémunération au temps passé sur la base d'un taux horaire de 435 euros HT pour un avocat associé et de 335 euros HT pour un avocat collaborateur.
Par courriel du 21 août 2020, Mme [I] a indiqué à Me [H] qu'elle le dessaisissait de son dossier.
Par décision contradictoire rendue le 3 mai 2021, le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris a :
- fixé à la somme de 4 995 euros TTC le montant total des honoraires dus par Mme [I] à Me [H] ;
- constaté un règlement d'ores et déjà intervenu à hauteur de cette somme ;
- débouté Mme [I] de sa demande de restitution d'honoraires ;
- débouté Me [H] de sa demande complémentaire d'honoraires ;
- débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou complémentaires.
La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec demande d'avis de réception en date du 7 mai 2021 dont elles ont accusé réception le 10 mai 2021.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 25 mai 2021 reçue au greffe de la cour le 27 mai 2021, Mme [I] a formé un recours contre la décision du bâtonnier.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 7 mars 2023 par lettres recommandées avec demande d'avis de réception en date du 9 décembre 2022 dont Me [H] a accusé réception le 10 décembre 2022 et Mme [I] le 12 décembre 2022.
A l'audience du 7 mars 2023 à laquelle ont comparu les deux parties, l'affaire a été contradictoirement renvoyée au 6 juin 2023.
Les deux parties ont comparu à cette audience.
A l'audience, Mme [I] assistée d'un interprète en langue des signes a sollicité oralement l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle a fixé à la somme de 4 995 euros TTC le montant total des honoraires dus à Me [H] et l'a déboutée de sa demande de restitution de cette somme.
Me [H] a sollicité la confirmation de la décision déférée.
SUR CE
Sur les honoraires
Mme [I] conteste être signataire de la convention d'honoraires du 27 janvier 2020 produite
par Me [H]. Elle expose avoir déposé une plainte à son encontre entre les mains du commissariat de police de [Localité 4] le 22 janvier 2021, mais ignore quelle suite a été donnée à cette plainte. Elle soutient avoir réglé par chèque à Me [H] la somme de 4 995 euros TTC. Elle affirme que celui-ci a manqué à son obligation d'information et de conseil, a fait preuve de négligences dans la gestion de son dossier, a commis des erreurs, n'a apporté aucune réponse à ses différents mails, appels et SMS, n'a effectué aucune diligence et ne s'est pas présenté à l'audience du tribunal judiciaire de Pontoise, ni à celle du conseil de prud'hommes de Montmorency du 22 septembre 2020 à laquelle elle a dû se présenter seule car elle avait refusé de payer ses honoraires. Elle en déduit avoir perdu une chance réelle et sérieuse de gagner son procès.
Me [H] expose qu'une convention d'honoraires a été conclue entre les parties le 27 janvier 2020. Il fait valoir que Mme [I] l'a saisi de la défense de ses intérêts à la suite de l'accident mortel de travail dont son époux avait été victime le 18 avril 2017. Il précise avoir engagé trois procédures pour le compte de sa cliente : une procédure pénale devant le doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Pontoise pour homicide involontaire et mise en danger de la vie d'autrui, une procédure devant le tribunal judiciaire de Pontoise, contentieux de la sécurité sociale, au titre de la faute inexcusable commise par l'employeur de l'époux de Mme [I], une procédure devant le bureau de jugement - section industrie du conseil de prud'hommes de Montmorency relative aux conséquences pécuniaires de la faute inexcusable de l'employeur. Il fait valoir que ces procédures n'ont pas été menées à terme en raison de l'attitude de sa cliente. Il allègue que cette dernière reste redevable à son égard d'un solde d'honoraires de 4 475,15 euros HT, soit 5 368,15 euros TTC, mais qu'il renonce à en demander le règlement par souci d'humanité.
Le recours formé par Mme [I], selon les formes et délai prévus par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, est recevable.
Le présent litige a pour objet la fixation des honoraires de diligences de Me [H].
La procédure de recours contre les décisions du bâtonnier en matière d'honoraires est une procédure spéciale régie par les articles 174 et suivants du décret précité qui ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats.
Il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président ou son délégataire, n'ont pas à connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir d'information sur les conditions de sa rémunération ou, plus généralement, à son obligation de conseil.
Il s'ensuit que, dans ce cadre juridique applicable au présent litige, le manquement allégué de l'avocat à son devoir d'information et de conseil et les prétendues négligences et fautes professionnelles commises par ce dernier dans le traitement du dossier ne peuvent pas conduire à une réfaction des honoraires de l'avocat dans une proportion appréciée par le juge.
Me [H] produit un contrat de mission daté du 27 janvier 2020 comportant deux signatures sous la mention 'Le client' et 'L'avocat' qui prévoit que la mission confiée à l'avocat consiste :
- d'abord à 'accélérer la procédure pénale, le client ayant déposé une plainte devant le procureur de la République, sans résultat. Il y a lieu de saisir d'urgence le doyen des juges d'instruction d'une plainte avec constitution de partie civile, pour blessures involontaires et autres',
- à 'saisir le TASS pour la faute inexcusable commise par l'employeur',
- à 'suivre la procédure prud'homale introduite, celle-ci ayant déjà fait l'objet de plusieurs audiences, mais qu'il faut mener à son terme.'
S'agissant des honoraires, il était prévu une rémunération au temps passé sur la base d'un taux horaire de 435 euros HT, valeur 2019, pour un avocat associé et de 335 euros HT, valeur 2019 pour un avocat collaborateur, outre un honoraire complémentaire de résultat calculé comme suit:
' Hypothèse 1
Sur l'économie réalisée par le Client par rapport aux sommes maximales réclamées par l'adversaire à son encontre (15 % HT et TTC)...,
Hypothèse 2
Sur le gain obtenu par le Client par rapport au résultat prévu par les parties (15 % HT et TTC)...'
Mme [I] conteste être signataire de cette convention d'honoraires.
Il résulte toutefois de l'article 287 du code de procédure civile que si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que Me [H] a été dessaisi du dossier de la requérante par courriel de cette dernière du 21 août 2020 avant la fin de sa mission et avant que soit intervenu un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, de sorte que la convention d'honoraires conclue entre les parties est inapplicable et que la contestation par Mme [I] de sa signature est sans incidence sur la solution du présent litige.
Ainsi, à défaut de convention d'honoraires applicable entre les parties, il convient pour fixer les honoraires dus à Me [H] de faire application des dispositions de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, qui dispose que :
'Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.'
En l'espèce, Me [H] produit une demande de provision sur frais et honoraires en date du 6 janvier 2020 d'un montant de 4 408,33 euros HT, soit 4 995 euros TTC, après remise gracieuse d'un montant de 295 euros TTC, dont il n'est pas contesté qu'elle a été réglée par Mme [I]. Il indique par ailleurs dans son courrier du 20 février 2023 auquel il a déclaré se rapporter à l'audience qu'il renonce à réclamer le solde de ses honoraires d'un montant de 4 475,15 euros HT.
Le taux horaire revendiqué par l'avocat d'un montant de 440 euros HT n'apparaît pas excessif pour un avocat au barreau de Paris spécialisé en droit pénal et en droit des personnes et sera donc retenu.
Me [H] indique avoir consacré au dossier de Mme [I] 20 heures et 10 minutes de travail selon relevé de diligences versé aux débats qui détaille la date des diligences, leur intitulé et le temps de travail consacré à chacune de ses diligences.
Il en ressort que Me [H] n'a pas facturé à sa cliente la totalité du temps consacré à son dossier puisqu'il ressort de la demande de provision précitée qu'il lui a facturé moins de 10 heures de travail sur la base du taux horaire retenu, soit un abattement de la moitié de ses honoraires.
Il ressort des pièces versées aux débats et des explications des parties que :
- un rendez-vous s'est tenu au cabinet de Me [H] le 6 janvier 2020,
- Me [H] a établi un projet de plainte devant le doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Pontoise,
- Me [H] a rédigé des conclusions devant le conseil de prud'hommes de Montmorency section industrie pour l'audience du 22 septembre 2020 qui comportent 21 pages et auxquelles est annexé un bordereau de communication de 39 pièces, ces conclusions étant versées aux débats,
- des échanges de courriels ont eu lieu entre les parties.
Me [H] a par ailleurs nécessairement dû étudier les nombreuses pièces du dossier de sa cliente.
Au regard des diligences justifiées dans la présente instance, il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a fixé les honoraires dus à Me [H] par Mme [I] à la somme de 4 995 euros TTC, constaté le règlement d'ores et déjà intervenu de cette somme et débouté Mme [I] de sa demande de restitution d'honoraires.
Sur les autres demandes
Mme [I], partie perdante, sera condamnée aux dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant en dernier ressort, publiquement, par ordonnance contradictoire, et par mise à disposition au greffe,
Confirme la décision déférée du bâtonnier de Paris en date du 3 mai 2021 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [J] [I] aux entiers dépens ;
Rejette toute autre demande ;
Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE