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04/07/2023 | FRANCE | N°21/00626

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 9, 04 juillet 2023, 21/00626


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 9



ORDONNANCE DU 04 JUILLET 2023

Contestations d'Honoraires d'Avocat

(N° /2023, 6 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00626 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZMP





NOUS, Laurence CHAINTRON, conseillère à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Shakiba

EDIGHOFFER, greffière à l'audience et au prononcé de l'ordonnance.



Vu le recours formé par :



Monsieur [E] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté p...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 9

ORDONNANCE DU 04 JUILLET 2023

Contestations d'Honoraires d'Avocat

(N° /2023, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00626 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZMP

NOUS, Laurence CHAINTRON, conseillère à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Shakiba EDIGHOFFER, greffière à l'audience et au prononcé de l'ordonnance.

Vu le recours formé par :

Monsieur [E] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Michel TAMBA MBUMBA SALAMBONGO, avocat au barreau de PARIS, toque : C1069

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/00535 du 11/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

Demandeur au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :

Maître [O] [M]

Avocat à la Cour -

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie ULLIAC, avocat au barreau de PARIS, toque : D1663

Défendeur au recours,

Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au greffe,

et après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 06 Juin 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L'affaire a été mise en délibéré au 04 Juillet 2023 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

***

Au mois de juin 2020, M. [E] [T] a confié à Me [O] [M] la défense de ses intérêts afin qu'elle succède à son précédent conseil dans le cadre d'un litige prud'homal qui l'opposait à son ancien employeur, la société France Télévisions, relatif à la requalification d'un contrat à durée déterminée et à son licenciement pour faute grave intervenu le 15 janvier 2014.

Le 9 juin 2020, une convention d'honoraires a été conclue entre les parties qui prévoyait un honoraire forfaitaire d'un montant de 1666,67 euros HT, outre un honoraire complémentaire de résultat de 10 % HT.

Le 18 novembre 2020, une seconde convention d'honoraires a été conclue entre les parties dans le cadre de la procédure d'appel interjeté à l'encontre du jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 30 octobre 2020 qui prévoyait également un honoraire forfaitaire d'un montant de 1666,67 euros HT, outre un honoraire complémentaire de résultat de 10 % HT.

Par courriel du 9 mai 2021, Me [M] a dessaisi M. [T] de sa mission.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 22 septembre 2021, reçu le 24 septembre 2021, M. [T] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris d'une contestation des honoraires de Me [M] d'un montant total de 1 666,67 euros HT intégralement réglés.

Par décision réputée contradictoire rendue le 30 novembre 2021, le déléguée du bâtonnier:

- s'est déclaré incompétent au profit des juridictions de droit commun pour examiner les griefs pouvant mettre en cause la responsabilité éventuelle de Me [M],

- a fixé à la somme de 1 666,67 euros HT le montant total des honoraires dus à Me [M] par M. [T],

- a constaté le règlement de cette somme par M. [T],

- a débouté en conséquence M. [T] de sa demande de restitution,

- a rejeté toutes autres demandes plus amples ou complémentaires.

La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec demande d'avis de réception en date du 1er décembre 2021 dont Me [M] a accusé réception le 2 décembre 2021 et M. [T] le 3 décembre 2021.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 10 décembre 2021, le cachet de la poste faisant foi, M. [T] a formé un recours contre la décision du bâtonnier.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 6 juin 2023 par lettres recommandées avec demande d'avis de réception en date du 6 février 2023 dont elles ont accusé réception le 8 février 2023 pour Me [M] et le 11 février 2023 pour M. [T].

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, M. [T] demande à la délégataire du premier président de :

- infirmer la décision du bâtonnier de Paris,

- minorer les honoraires à la somme de 120 euros TTC,

- dire et constater que les honoraires sont soldés,

- condamner Me [M] à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle,

- condamner Me [M] à restituer la somme de 1 000 euros à M. [T].

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience Me [M] demande à la délégataire du premier président de :

- la recevoir en ses moyens, fins et conclusions,

- l'y dire bien fondée,

En conséquence, confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

-Y ajoutant, se déclarer incompétent pour statuer sur les manquements déontologiques allégués et leurs conséquences,

- débouter M. [T] de toutes ses demandes,

- condamner M. [T] à verser à Me [M] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

SUR CE

Sur les honoraires

M. [T] reconnaît avoir signé une convention d'honoraires avec Me [M]. Il critique la décision déférée en ce qu'elle n'a pas pris en compte sa situation de fortune et rappelle qu'à l'époque de la saisine de l'avocate, il bénéficiait de l'allocation spécifique de solidarité. Il allègue que Me [M] ne s'est jamais entretenue avec lui et n'a pas pris en considération les pièces qu'il lui avait transmises pour construire son dossier. Il précise que les écritures rédigées par Me [M] devant la cour d'appel ont été déposées un jour avant la date limite du délai d'expiration du dépôt des conclusions. Il relève, notamment, de graves erreurs factuelles commises par l'avocate, de nombreuses contradictions dans le traitement de son dossier, l'absence de plusieurs prétentions et chefs de demandes, outre des inexactitudes et des confusions. Il estime que l'intimée a fait un 'copier-coller' des écritures de son prédécesseur. Il en conclut que les manquements commis sont à l'origine de la perte de son dossier et d'un grave préjudice financier. Il reproche à l'avocate un manquement à son obligation de transparence quant à ses diligences. Enfin, il soutient que les honoraires facturés sont disproportionnés par rapport aux diligences de l'avocate.

Me [M] rappelle qu'il n'appartient pas, en application des articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991, au bâtonnier et en appel au premier président de connaître, même à titre incident, de la responsabilité professionnelle de l'avocat. Elle sollicite en conséquence la confirmation de la décision déférée de ce chef. Par ailleurs, elle relève que ses prétendus manquements déontologiques ne relèvent pas davantage de la compétence du premier président.

Elle rappelle que M. [T] lui a confié deux missions, la première en juin 2020 dans le cadre de la procédure de première instance et la seconde en novembre 2020 au titre de la procédure d'appel et qu'une convention d'honoraires a été établie pour chacune de ces missions. Elle précise que la demande de réduction et de restitution des honoraires concerne la deuxième mission à laquelle il a été mis fin à la suite de son dessaisissement par M. [T]. Elle relève que, compte-tenu de son dessaisissement, la convention d'honoraires initialement conclue est inapplicable et que ses honoraires doivent être fixés selon les critères définis à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971. Elle rappelle avoir plus de 22 années d'ancienneté dans la profession et précise que son domaine de compétence est exclusivement le droit social et plus spécifiquement, la défense des salariés. Elle relève que le dossier de M. [T] était particulièrement complexe et que les diligences accomplies ne sont d'ailleurs pas contestées par M. [T]. Elle précise justifier de l'ensemble de ses diligences pendant toute la durée des relations contractuelles avec le requérant et avoir consacré au dossier de M. [T] 25 heures et 45 minutes de travail. Elle souligne également que M. [T] avait perçu plus de 70 000 euros au titre de l'exécution provisoire du jugement de départage et n'était donc pas totalement démuni.

Le recours formé par M. [T], selon les formes et délai prévus par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, est recevable.

La procédure de recours contre les décisions du bâtonnier en matière d'honoraires est une procédure spéciale régie par les articles 174 et suivants du décret précité qui ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats.

Il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président ou son délégataire, n'ont pas à connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir d'information sur les conditions de sa rémunération ou, plus généralement, à son obligation de conseil.

Il s'ensuit que, dans ce cadre juridique applicable au présent litige, le défaut de compétence et les manquements allégués de l'avocate à son devoir de conseil et les prétendues fautes commises tant à titre professionnel, que déontologique, ne peuvent pas conduire à une réfaction des honoraires dans une proportion appréciée par le juge.

Il y a donc lieu de confirmer la décision déférée en ce que le bâtonnier s'est déclaré incompétent au profit des juridictions de droit commun pour examiner les griefs pouvant mettre en cause la responsabilité éventuelle de Me [M], et y ajoutant de se déclarer incompétent pour statuer sur les manquements déontologiques allégués et leurs conséquences éventuelles.

Selon l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

'Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.'

Le présent litige a pour objet la fixation des honoraires de diligences de Me [M] au titre de la procédure d'appel et la demande de restitution des honoraires versés à ce titre par M. [T].

Aux termes de la convention d'honoraires conclue entre les parties le 18 novembre 2020, M. [T] a chargé l'avocate de la défense de ses intérêts dans le cadre du litige l'opposant à la société France télévisions et portant sur l'exécution et la rupture de son contrat de travail, devant la cour d'appel de Paris à la suite du jugement de départage rendu entre les parties par le conseil de prud'hommes de Paris le 30 octobre 2020.

Aux termes de l'article 3 de cette convention, les parties sont convenues d'un honoraire forfaitaire fixé à la somme de 1 666,67 euros HT, outre la TVA. Il était précisé, à titre indicatif, que le taux horaire de Me [M] était de 200 euros HT.

L'article 4 prévoyait un honoraire complémentaire de résultat fixé à 10 % du montant de la condamnation pécuniaire de l'adversaire.

Les parties sont par ailleurs convenues à l'article 8 d'une clause de dessaisissement aux termes de laquelle il était prévu que dans l'hypothèse où le client souhaiterait dessaisir l'avocate et transférer son dossier à un autre avocat, ce dernier s'engageait à régler sans délai les honoraires, frais, débours et dépens dus à l'avocat pour les diligences effectuées antérieurement au dessaisissement et qu'en cas de dessaisissement, les honoraires seraient fixés en fonction du temps passé au taux horaire du cabinet indiqué à l'article 3 précité (pièce n° 5).

En application des dispositions de l'article 1103 du code civil, dans sa version en vigueur issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

M. [T] n'invoque et ne justifie nullement d'un vice du consentement au moment de la signature de cette convention, de sorte que cette dernière doit recevoir application.

En l'espèce, il est constant que M. [T] a dessaisi Me [M] de sa mission par courriel du 9 mai 2021.

Il en résulte que la clause de dessaisissement prévue entre les parties doit recevoir application.

Me [M] produit une facture n° 2020197460 en date du 18 novembre 2020 d'un montant de 1 666,67 euros HT, soit 1 333 euros TTC, après déduction du règlement de la somme de 555,83 euros au titre des diligences suivantes : 'Assistance et représentation devant la cour d'appel de Paris - appel du jugement de départage du conseil de prud'hommes de Paris du 30 octobre 2020.'(pièce n° 6).

Elle produit par ailleurs une liste récapitulative des diligences effectuées du 4 juin 2020 au 23 avril 2021 pour un temps total passé de 25,75 heures (pièce n° 7).

Il ressort de la liste des diligences effectuées et des pièces versées aux débats que Me [M] a :

- régularisé dans l'intérêt de son client une déclaration d'appel à l'encontre du jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 30 octobre 2020 (pièce n° 11),

- régularisé devant la cour d'appel de Paris des conclusions de 25 pages auxquelles était joint un bordereau de communication de 57 pièces (pièce n°12),

- échangé de nombreux mails avec son client et eu des entretiens téléphoniques avec ce dernier.

Comme l'a relevé à juste titre le bâtonnier de Paris, la réalité des diligences accomplies par Me [M] est attestée par les pièces produites et le montant d'honoraires revendiqué par l'intimée est très raisonnable compte tenu de l'ensemble des diligences accomplies mais également de son ancienneté de 22 années d'exercice professionnel.

Il y a donc lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a fixé le montant des honoraires de Me [M], au titre des diligences accomplies à la somme de 1 666,67 euros HT, constaté le règlement de cette somme par M. [T] et débouté en conséquence M. [T] de sa demande de restitution d'honoraires.

Sur les autres demandes

M. [T], partie perdante, sera condamné aux dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en dernier ressort, par ordonnance contradictoire, et par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme la décision déférée rendue par le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris le 30 novembre 2021 ;

Y ajoutant,

Se déclare incompétent pour statuer sur les manquements déontologiques allégués et leurs conséquences éventuelles ;

Condamne M. [E] [T] aux dépens de la présente instance ;

Rejette toute autre demande ;

Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 21/00626
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;21.00626 ?
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