REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRET DU 21 MARS 2024
(n° /2024, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 19/02748 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7HKX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 décembre 2018 - Tribunal de grande instance de Paris (18ème chambre, 1ère section) - RG n° 16/03295
APPELANTE
S.A.R.L. HDL PRIME
Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 493 509 483
Agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de Paris, toque : L0069 (avocat postulant)
INTIMEE
S.C.I. L'ETOILE SAINT MARTIN
Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 421 942 475
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de Paris, toque : P0241
Assistée de Me Benoît ATTAL, avocat au barreau de Paris, toque : G608
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
Mme Sandra Leroy, conseillère
Mme Emmanuelle Lebée, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par M. Maxime Martinez, greffier, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 19 juillet 1984, Mme [F] aux droits de laquelle se trouve la société civile immobilière l'Étoile du matin a donné à bail en renouvellement à la société L'hôtel du rond-point de [Localité 4], aux droits de laquelle se trouve la société Hdl Prime, des locaux à destination de « marchands de vins, hôtel meublé et restaurant », situés [Adresse 1], pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 1984 moyennant un loyer de 35 200 francs par an en principal.
Le 20 mars 2013 la bailleresse a fait délivrer à la preneuse un congé avec refus de renouvellement et offre de payer l'indemnité d'éviction à effet du 22 septembre 2013 « ou à défaut, en tout état de cause, pour le terme d'usage consécutif au terme contractuel, soit le 30 septembre 2013 ».
Le 16 février 2016, elle a fait assigner la preneuse devant le tribunal de grande instance de Paris afin de voir notamment constater l'acquisition de la prescription biennale en l'absence de contestation sur la validité du congé signifié le 20 mars 2013 et ordonner son expulsion des locaux donnés à bail.
Le tribunal de grande instance de Paris par jugement non assorti de l'exécution provisoire, en date du 17 décembre 2018, a notamment déclaré acquise la prescription biennale, débouté la société Hdl Prime de sa demande de nullité du congé du 20 mars 2013, dit qu'elle était occupante sans droit ni titre des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 5], autorisé son expulsion et fixé l'indemnité d'occupation de droit commun due à compter du 23 septembre 2013 à la somme de 11.484 euros majorée des charges et taxes.
Par arrêt en date du 8 avril 2021, cette cour a, en substance, infirmé ce jugement, déclaré recevable l'action du preneur, validé le congé délivré le 20 mars 2013 sans offre de renouvellement et avec offre d'indemnité d'éviction, avant dire droit au fond sur le montant de l'indemnité d'éviction, désigné en qualité d'expert M. [R] avec pour mission de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction et a sursis à statuer sur le surplus des demandes, étant relevé par la cour que le bailleur n'avait formé, même à titre subsidiaire, aucune demande de fixation d'une indemnité d'occupation statutaire.
L'expert a déposé son rapport le 1er août 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS EN OUVERTURE DU RAPPORT
Pour leur exposé complet, il est fait renvoi aux écritures visées ci-dessous :
Vu les conclusions récapitulatives de la société civile immobilière L'étoile du matin, en date du 26 janvier 2024, tendant à voir la cour débouter l'appelante de ses demandes, fixer l'indemnité d'éviction à la somme de 684.000 euros, condamner la preneuse à lui verser la somme totale de 641.000 euros hors taxes, soit la somme de 769.200 euros TTC, au titre de l'indemnité d'occupation pour la période du 1er octobre 2013 au 1er octobre 2023 de laquelle doivent être déduits les loyers et charges versés pour la même période, ordonner la compensation des sommes éventuellement dues au titre de l'indemnité d'éviction avec les sommes dues au titre l'indemnité d'occupation depuis le 1er octobre 2013, à titre subsidiaire, désigner un expert avec pour mission d'estimer l'indemnité d'occupation pour la même période, en tout état de cause, ordonner le partage des frais d'expertise, condamner la preneuse à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu les conclusions récapitulatives de la société Hdl Prime, en date du 16 janvier 2024, tendant à voir la cour condamner la société civile immobilière à lui payer la somme de 756.266 euros à titre d'indemnité d'éviction, la débouter de ses demandes relatives au paiement d'une indemnité d'occupation, la condamner à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise, dépens dont la distraction est demandée.
DISCUSSION
Sur l'indemnité d'éviction :
La société Hdl Prime demande à la cour d'entériner le rapport de l'expert, c'est-à-dire de fixer le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 756.266 euros, dès lors qu'il n'y a pas de frais de réinstallation, alors que la société civile immobilière propose, en s'appuyant sur les conclusions de l'expert amiable qu'elle a missionné, de fixer ce même montant à la somme de 684.000 euros.
Pour évaluer le montant de l'indemnité d'éviction, hors frais de licenciement, l'expert judiciaire, qui a pu examiner le rapport de l'expert amiable, a tenu compte de l'emplacement plutôt bien adapté au regard de l'activité de café-restaurant exercée ainsi que de celle d'hôtel non classé, de la bonne desserte par les transports en commun, de la catégorie ordinaire de l'immeuble, en adéquation avec le quartier, ayant fait l'objet d'un ravalement de ses façades sur le boulevard et sur cour en 2015/2016, de la toiture refaite et des planchers renforcés en 2015 / 2016, des parties communes et chambres entièrement rénovées au cours des dernières années (1er étage en 2015, 2e étage en 2018, 3e et 4e étages en 2021), de la catégorie de l'hôtel (non classé), des prestations modestes (chambres non climatisées), de la capacité d'accueil limitée (25 chambres pour une capacité d'accueil de 45 personnes), des surfaces des chambres plutôt modestes, de l'absence de conformité aux normes d'accessibilités PMR (dérogation de la Préfecture de Police accordée à l'hôtel), du bail aux clauses et conditions ordinaires et de droit hormis les travaux de mise en conformité limités à l'hygiène et à la sécurité à la charge du preneur, et fonds légèrement déficitaire (EBE moyen négatif), de l'absence de rémunération du gérant et du faible montant du loyer.
Au vu de ces éléments, que l'expert amiable ne critique pas utilement, la cour retient l'évaluation de M. [R].
Sur l'indemnité d'occupation :
à l'appui de sa demande tendant à la condamnation de la preneuse à lui payer la somme de 769.200 euros TTC, au titre de l'indemnité d'occupation pour la période du 1er octobre 2013 au 1er octobre 2023, la bailleresse soutient que l'indemnité d'occupation statutaire doit être fixée à la somme de 64.100 euros HT/HC depuis le 1er octobre 2013 outre les indexations qui seront définies ultérieurement, somme qui se compensera avec les loyers versés par le preneur au cours de la même période. Elle précise que ce montant, qui comprend l'abattement pour précarité a été défini par le rapport d'expertise amiable de Mme [Y].
La preneuse réplique que la demande en fixation d'une indemnité d'occupation fait l'objet d'une procédure distincte devant le tribunal judiciaire de Paris.
Cependant, même si la bailleresse a saisi le tribunal judiciaire de Paris d'une demande en fixation d'une telle demande, inscrite au rôle de cette juridiction sous le n° RG 23/04706 dont elle ne s'est pas désistée alors qu'elle s'est désistée de l'incident formé devant la cour tendant à étendre la mission de l'expert à l'évaluation de l'indemnité d'occupation statutaire, il appartient à la cour de statuer sur ce chef de demande, l'exception de connexité, en application de l'article 102 du code de procédure civile, ne pouvant être soulevée que devant la juridiction du degré inférieur.
Il convient de fixer le montant de l'indemnité d'occupation statutaire au 1er octobre 2013 à la valeur locative retenue par l'expert à cette date, non sérieusement critiquée par la bailleresse, soit à la somme annuelle de 66.000 euros HT.
En l'absence de décompte des indexations produit par la bailleresse et des indemnités d'occupation versées par la preneuse, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de condamnation de celle-ci à payer la somme de 769.200 euros TTC, au titre de l'indemnité d'occupation pour la période du 1er octobre 2013 au 1er octobre 2023.
Sur la demande de compensation :
Aux termes de l'article 1347 du code civil, la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes, Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies. En l'espèce, la bailleresse ne précisant pas le montant des loyers et charges payés par la preneuse et le solde restant dû et demandant la compensation avec des sommes éventuellement dues, les conditions de certitude et de liquidité de l'obligation à compenser ne sont pas réunies.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
L'intimée qui succombe principalement doit être condamnée aux dépens, déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à l'appelante, en application de ces dernières dispositions, la somme dont le montant est précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;
Condamne la société civile immobilière L'étoile Saint-Martin à payer à la société Hdl Prime la somme de 756 266 euros à titre d'indemnité d'éviction, hors frais de licenciement sur justificatifs ;
Fixe le montant de l'indemnité d'occupation statutaire au 1er octobre 2013 à la somme de 66 000 euros HT ;
Rejette la demande de compensation ;
Condamne la société civile immobilière L'étoile Saint-Martin à payer à la société Hdl Prime la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE