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04/04/2024 | FRANCE | N°20/15882

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 04 avril 2024, 20/15882


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 04 AVRIL 2024



(n° , 15 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/15882 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCS7T





Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Octobre 2020 - Tribunal judiciaire de MELUN RG n° 17/01472



APPELANTE



SC [Localité 13] EQUIN, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés è

s qualités audit siège

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Adresse 9]



Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D111...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRÊT DU 04 AVRIL 2024

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/15882 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCS7T

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Octobre 2020 - Tribunal judiciaire de MELUN RG n° 17/01472

APPELANTE

SC [Localité 13] EQUIN, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

Assistée de Me Didier JAUBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1558, substitué à l'audience par Me Coralie BLUM, avocat au barreau de COUTANCES

INTIMÉS

Madame [N] [R] épouse [P]

née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 17]

[Adresse 12]

[Adresse 12]

Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Assistée l'audience de Me Xavier BACQUET de la SELEURL XAVIER BACQUET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1529

Monsieur [WZ] [E]

né le [Date naissance 4] 1965 à [Localité 18]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

ET

Monsieur [V] [C]

né le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 16]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentés et assistés par Me Emmanuelle KRYMKIER D'ESTIENNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0537, substituée à l'audience par Me Apolline BARRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0537

INTERVENANT

Monsieur [B] [G] en qualité de gérant de la SCP [G], SIEGEL, BERTHIER, RIEU et MERLIN, employeur du Docteur [C] au moment des faits,

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté et assisté par Me Emmanuelle KRYMKIER D'ESTIENNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0537, substituée à l'audience par Me Apolline BARRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0537

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été plaidée le 01 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Valérie MORLET dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

Faits et procédure

Madame [R], épouse [P], propriétaire de Padoue Blue, pur-sang arabe de 13 ans, jument de compétition, a le 2 avril 2016 signé un document portant « Location d'un cheval d'endurance pour la Royal Cavalry of Oman » (caractères gras et soulignés du document), reconnaissant avoir été informée des conditions de rémunération pour la dite location aux fins de Course d'Endurance Internationale (CEI) de niveau 3***, 2** et 1*. Elle a le même jour signé, en sa qualité de propriétaire du cheval Padoue Blue loué à la SC [Localité 13] Equin dans le cadre de la compétition d'endurance de [Localité 10] devant se tenir le même jour, une attestation de bonne santé de l'animal.

Ainsi, mis à la disposition de la Royal Cavalry Of Oman par l'intermédiaire de la société [Localité 13] Equin et moyennant un paiement de 3.500 euros HT, le cheval devait participer à la course internationale d'endurance de 160 kilomètres prévue à [Localité 10] le 2 avril 2016 (course de haut niveau, 3***).

Le cheval a été préparé et sellé par son entraîneur et cavalier habituel, Madame [X] [T], qui a posé un tapis aux couleurs vertes de la Royal Cavalry Of Oman, puis sa propre selle.

En raison du changement de cavalier initialement prévu, la jument a pris le départ d'une course d'endurance de moindre niveau, de 120 kilomètres (2**).

Padoue Blue était montée par Monsieur [Y] [S], cavalier de la Royal Cavalry Of Oman. Après avoir parcouru treize kilomètres, à 800 mètres d'un point de contrôle, le cavalier s'est arrêté et a mis pied à terre afin de remettre en place le tapis et la selle. Il a perdu le contrôle de la jument et celle-ci s'est enfuie à travers la forêt vers l'autoroute A6 qu'elle a empruntée. Elle a pu être retrouvée après quelques kilomètres, immobilisée entre les barrières de sécurité centrales et blessée.

Padoue Blue a été amenée et prise en charge à la clinique [7] à [Localité 8] pour y être soignée. Les docteurs [WZ] [E] et [V] [C] ont le 4 février 2016 signé le compte-rendu d'hospitalisation de l'animal, selon lequel, au regard du pronostic vital engagé, « une euthanasie pour raisons humanitaires » de l'animal a été réalisée en accord avec ses propriétaires.

*

Arguant de fautes de la part de la société [Localité 13] Equin, Madame [P] l'a par acte du 16 mai 2017 assignée en responsabilité et indemnisation devant le tribunal de grande instance de Melun.

La société [Localité 13] Equin a à son tour et par actes des 9 mars et 24 avril 2019 assigné les docteurs vétérinaires [E] et [C] en intervention forcée devant le tribunal.

Le docteur [B] [G] est volontairement intervenu à l'instance aux côtés des deux vétérinaires en qualité d'employeur du docteur [C], par conclusions signifiées le 30 avril 2019.

*

Le tribunal, devenu tribunal judiciaire, par jugement du 20 octobre 2020, a :

- condamné la société [Localité 13] Equin à payer à Madame [P] les sommes de :

. 3.500 euros HT au titre des sommes impayées résultant du contrat de location,

. 754,90 euros TTC au titre des frais exposés pour la prise en charge du cheval,

. 155.000 euros en réparation de son préjudice financier,

. 7.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- dit que la somme de 155.000 euros portera intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- rejeté l'intervention volontaire du docteur [G],

- débouté le docteur [E] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société [Localité 13] Equin à payer à Madame [P] une somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [Localité 13] Equin à payer au docteur [E] une somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [Localité 13] Equin aux dépens, incluant les frais et honoraires d'expertise amiable,

- autorisé la distraction des dépens au profit du conseil des docteurs [E] et [C],

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

La société [Localité 13] Equin a par acte du 4 novembre 2020 interjeté appel du jugement, intimant Madame [P] et les docteurs [E] et [C] devant la Cour.

Non intimé, le docteur [G] est volontairement intervenu à l'instance d'appel, en qualité de gérant de la SCP employeur du docteur [C], par conclusions signifiées le 30 avril 2021.

*

Le conseiller de la mise en état, saisi par la société [Localité 13] Equin d'un incident de communication de pièces, a par ordonnance du 12 avril 2023 constaté son désistement à ce titre et mis les dépens de l'incident à sa charge.

*

La société [Localité 13] Equin, dans ses dernières conclusions n°2 signifiées le 16 janvier 2024, demande à la Cour de :

- la dire recevable et fondée en son appel,

Et, y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

. la condamne à payer à Madame [P] les sommes de :

. 3.500 euros HT au titre des sommes impayées résultant du contrat de location,

. 754,90 euros TTC au titre des frais exposés pour la prise en charge du cheval,

. 155.000 euros en réparation de son préjudice financier,

. 7.000 euros en réparation de son préjudice moral,

. dit que la somme de 155.000 euros portera intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

. la condamne à payer à Madame [P] une somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. la condamne à payer au docteur [E] une somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. dit n'y a lieu d'avoir à statuer sur les demandes qu'elle présentait dans son assignation en intervention forcée,

. la condamne aux dépens en ce compris les frais et honoraires d'expertise amiable,

Statuant à nouveau, à titre principal,

- débouter les intimés de toutes leurs demandes,

A titre subsidiaire, si la Cour retenait une faute qui lui était imputable,

- limiter très partiellement la prise en charge de cette faute au regard des fautes démontrées par ailleurs, à savoir :

. la faute de la préposée de Madame [P], laquelle n'a pas fixé le tapis à la selle,

. la faute des vétérinaires de la clinique de [Localité 8], la chute de la jument, sous leur responsabilité, ayant provoqué son euthanasie,

A titre infiniment subsidiaire, sur l'évaluation des préjudices subis par Madame [P],

- entériner le rapport d'expertise de Monsieur [U],

- fixer le préjudice financier de Madame [P] à un montant total de 28.000 euros,

- fixer le préjudice moral de Madame [P] au montant de 5.000 euros,

En toute hypothèse,

- débouter Madame [P], les docteurs [E], [C] et [G] à lui « payer (') de toutes leurs demandes, fins et conclusions »,

- condamner solidairement Madame [P], les docteurs [E], [C] et [G] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du « CPC », à parfaire des entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Belgin Pelit-Jumel.

Madame [P], dans ses dernières conclusions signifiées le 15 janvier 2024, demande à la Cour de :

- la déclarer recevable en ses entières écritures et l'y déclarer bien fondée,

Ce faisant,

- confirmer en tous points le jugement critiqué,

- débouter la société [Localité 13] Equin de toutes ses demandes,

Y ajoutant,

- condamner la société [Localité 13] Equin à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du « CPC »,

- condamner la société [Localité 13] Equin aux entiers dépens.

Les docteurs [E], [C] et [G], dans leurs dernières conclusions n°3 signifiées le 30 janvier 2024, demandent à la Cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

. constaté qu'aucune demande n'était formulée à leur encontre,

. condamné la société [Localité 13] Equin à payer au docteur [E] une somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné la société [Localité 13] Equin aux dépens en ce compris les frais et honoraires d'expertise amiable, avec distraction au profit de son conseil,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

. rejeté l'intervention volontaire du docteur [G],

. débouté le docteur [E] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

. débouté les parties du surplus de leurs demandes,

Et statuant à nouveau,

- mettre hors de cause le docteur [C] en ce qu'il était salarié au moment des faits,

- débouter la société [Localité 13] Equin de l'ensemble des demandes formulées à leur encontre,

- donner acte au docteur [G], gérant de la SCP employeur du docteur [C], de son intervention volontaire,

- constater que la société [Localité 13] Equin, à l'origine de l'intervention forcée des concluants, n'apporte nullement la preuve qu'une faute des docteurs [E] et [C] dans leur prise en charge de Padoue Blue,

- constater qu'aucune faute n'a été commise par les docteurs [E] et [C] dans la prise en charge de Padoue Blue,

- dire, en conséquence, que la responsabilité des concluants n'est nullement engagée,

- mettre hors de cause les docteurs [E] et [G] en sa qualité de gérant de la SCP employeur du Docteur [C],

- condamner la société [Localité 13] Equin à payer aux docteurs [E] et [G] en sa qualité de gérant de la SCP employeur du docteur [C] la somme de 3.000 euros, chacun, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société [Localité 13] Equin à leur payer la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les entiers dépens avec distraction au profit de Maître Emmanuelle Krymkier d'Estienne.

*

La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 31 janvier 2024, l'affaire plaidée le 2 février 2024 et mise en délibéré au 4 avril 2024.

Motifs

Sur les demandes de Madame [P] à l'encontre de la société [Localité 13] Equin

Les premiers juges ont d'abord considéré que l'acte par lequel Madame [P] atteste mettre sa jument à la disposition de la société [Localité 13] Equin constitue un contrat de location, onéreux, assorti de clauses limitatives de responsabilité. Ils ont ensuite estimé que la société [Localité 13] Equin, locataire de l'animal et débitrice d'une obligation de moyens renforcée, devait répondre des dommages subis par l'animal pendant sa course et démontrer l'absence de toute faute de sa part. Ecartant la faute de la victime, la clause limitative de responsabilité contenue dans l'attestation de Madame [P], la survenue d'un cas de force majeure (faute d'extériorité) et l'absence de lien de causalité (alors que le comportement du cavalier a directement permis la fuite du cheval), les premiers juges ont retenu l'entière responsabilité de la société [Localité 13] Equin.

La société [Localité 13] Equin estime également que le contrat en cause conclu avec Madame [P] est un contrat de location. Elle critique ensuite le jugement. Elle oppose d'abord la clause exonératoire de responsabilité du locataire acceptée et signée par Madame [P], clause qui se justifie au regard du risque inhérent à la location d'un cheval pour une compétition. Elle fait ensuite état de l'aléa inhérent au contrat de location d'un cheval de course d'endurance (formalisé par la clause d'exonération de responsabilité) ainsi que l'acceptation par la propriétaire de la jument d'un risque et, en l'absence de toute faute inexcusable ou lourde de sa part, considère sa responsabilité non engagée et conclut à l'infirmation du jugement et au rejet de l'ensemble des demandes de Madame [P] à son encontre.

A titre subsidiaire, la société [Localité 13] Equin soutient n'avoir commis aucune faute au moment de la préparation du cheval pour la course, lorsque le cavalier a mis pied à terre, évoque la chute du cavalier la fuite imprévisible de Padoue Blue et rappelle que les secours ont bien été appelés. Elle soutient ensuite que le dommage subi par Madame [P] trouve sa véritable cause dans l'euthanasie de la jument, imputable à de multiples fautes auxquelles elle est étrangère (fuite du cheval après avoir fait chuter son cavalier, chute du cheval après son admission à la clinique du fait des vétérinaires - les docteurs [E] et [C], ayant entraîné son euthanasie).

A titre infiniment subsidiaire, la société [Localité 13] Equin discute le montant des indemnités réclamées par Madame [P].

Madame [P] rappelle en premier lieu que les courses d'endurance sont régies par une réglementation assortie de sanctions lorsqu'elle n'est pas respectée, que la philosophie des courses d'endurance est d'atteindre la ligne d'arrivée dans le temps le plus court, tout en préservant la monture. Elle indique ensuite ne pas être une professionnelle du milieu équin mais une propriétaire amateur, ajoute que la course en cause était de haut niveau de sorte que la société [Localité 13] Equin a reconnu avoir loué une jument de haut niveau et précise que le prix de la location n'a jamais été payé.

Elle soutient également que le cavalier ne possédait pas son propre matériel et que la société [Localité 13] Equin a seule pris la décision de recourir à un matériel ne lui appartenant pas, que son équipe (et notamment son entraîneur, Monsieur [L] [D]) et son cavalier portent la responsabilité de la préparation du cheval au-delà de la pose du tapis et de la selle (échauffement, ajustement et contrôle des harnachements, qui n'ont pas été effectués par le personnel du locataire). Elle distingue les tapis de dressage et d'endurance et affirme que la société [Localité 13] Equin a, contrairement à ses dires (et évoquant ici la production par celle-ci d'un faux pour asseoir ses prétentions), utilisé un tapis d'endurance, ajoutant qu'il est possible de réaliser une course d'endurance sans utiliser les passants du tapis de selle lorsque le cheval est monté correctement et qu'il a été procédé aux ajustements d'usage pendant la phase d'échauffement.

Madame [P] considère ensuite que le cavalier ne s'est pas arrêté suffisamment tôt pour remettre d'équerre le tapis et la selle et a en outre, lorsqu'il s'est arrêté, confié les rênes de la jument à un tiers à la course, en dérogeant ainsi aux règles élémentaires en matière d'équitation, perdant volontairement la maîtrise et le contrôle de l'animal et commettant ainsi une faute inexcusable. Elle évoque à ce titre la sanction administrée à Monsieur [S], le cavalier, en suite de l'euthanasie de Padoue Blue. Elle considère ensuite plusieurs autres fautes du cavalier (prise de départ sans informer l'entraineur ou l'assistance du problème de tapis de selle constaté dès l'échauffement, absence de reconnaissance du parcours et des points d'assistance autorisés, absence de contact avec son assistance officielle).

Elle présente en conséquence une demande en paiement de la location et ses demandes indemnitaires (3.500 euros), faisant à ce titre valoir la valorisation de Padoue Blue et concluant à la confirmation du jugement (754,90 euros TTC au titre des frais de prise en charge, 155.000 euros en réparation du préjudice financier et 7.000 euros en réparation du préjudice moral).

Sur ce,

1. sur la qualification des liens entre Madame [P] et la société [Localité 13] Equin

Aucun contrat n'a été expressément formalisé, signé des deux parties, entre Madame [P], propriétaire du cheval Padoue Blue, et la société [Localité 13] Equin, qui selon ses statuts (enregistrés au Service des Impôts des Entreprises de [Localité 14]-Extérieur le 24 septembre 2013) a pour objet « la prise en charge matérielle des chevaux du Sultanat d'Oman sur les Domaines de [Localité 13] et de [Localité 15] (') dans le cadre de l'activité équine de loisir du Sultan d'Oman sur le territoire français ». Il n'est cependant contesté d'aucune part qu'ils sont entrés en relations contractuelles.

Leurs responsabilités respectives doivent donc être examinées sur le fondement principal des articles 1134 et 1147 du code civil en sa version applicable en l'espèce, antérieure au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, selon lesquels les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, doivent être exécutées de bonne foi et se résolvent en dommages et intérêts à raison de l'inexécution ou de la mauvaise exécution par le débiteur de son obligation.

Padoue Blue, animal doué de sensibilité, est soumis au régime des biens en application de l'article 515-14 du code civil.

Or il résulte des échanges entre les parties, de l'attestation de Monsieur [D] (9 août 2018), des termes du document portant « Location d'un cheval d'endurance pour la Royal Cavalry of Oman » signé le 2 avril 2016 par Madame [P] et concernant les conditions de rémunération de la « location d'un cheval d'endurance » à la Royal Cavalry Of Oman (énumérant trois prix pour les trois types de course) ainsi que de l'attestation signée le même jour par Madame [P] également, témoignant de la bonne santé du cheval et dégageant la société [Localité 13] Equin et la Royal Cavalry Of Oman de toute responsabilité en cas d'accident physique ou de santé du cheval, que celle-ci a mis à la disposition de la société [Localité 13] Equin, pour le compte de la Royal Cavalry Of Oman, le cheval Padoue Blue pour une course déterminée et moyennant un prix fixé selon la difficulté de celle-ci.

A ainsi été conclu entre Madame [P] et la société [Localité 13] Equin un contrat spécial de louage de chose, tel que défini par l'article 1709 du code civil comme étant celui par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer.

Les premiers juges ont en conséquence à bon droit retenu la qualification de contrat de location (louage de chose) liant Madame [P] et la société [Localité 13] Equin, écartant celle de contrat de dépôt (même à titre onéreux) alors qu'aucune obligation de garde (sans usage) n'est établie (la société [Localité 13] Equin bénéficiant de l'usage du cheval pour une course particulière), ainsi que celle de contrat mixte de location de carrière de course en l'absence de dépôt du cheval entre les mains d'un tiers dans une optique de dressage ou de participation à des courses hippiques.

2. sur les obligations des parties

Madame [P] s'est obligée à faire jouir la société [Localité 13] Equin du cheval Padoue Blue pendant la course d'endurance de [Localité 10] du 2 avril 2016, conformément aux dispositions de l'article 1709 du code civil. Il lui appartenait donc de remettre à ladite société un animal en bonne santé, apte à la course d'endurance pour laquelle il était loué, et de ne pas en perturber l'utilisation par le preneur.

La société [Localité 13] Equin, en application des mêmes dispositions, s'est obligée à payer le prix de la location de Padoue Blue pour la course, à respecter l'usage prévu pour le cheval, soigner et assurer son entretien pendant la durée de la course et à le restituer au terme de celle-ci.

Les premiers juges et les deux parties appliquent en outre l'article 1732 du code civil, qui concerne les règles communes aux baux des maisons et biens ruraux, selon lequel le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.

La société [Localité 13] Equin était ainsi tenue d'une obligation de moyens renforcée, la blessure du cheval objet de la location emportant présomption de responsabilité, sauf pour elle à démontrer une absence de faute ayant entraîné cette blessure.

3. sur l'aléa, les risques, l'acceptation des risques et la clause exonératoire de responsabilité

Le contrat de location portant sur un cheval n'est pas en lui-même un contrat aléatoire (comme le sont le contrat d'assurance, le jeu et le pari ou encore le contrat de rente viagère) tel que défini par l'article 1964 ancien du code civil, ses effets ne dépendant pas d'un événement incertain.

Si une course de chevaux comporte un certain aléa, attaché à l'aptitude du cavalier, aux événements susceptibles de survenir lors de celle-ci et à ses résultats, et si une location de carrière d'un cheval, par laquelle le preneur prend en charge l'entretien de l'animal, son entraînement, sa nourriture et sa participation à une épreuve de course hippique, en contrepartie d'une partie de ses gains allouée au propriétaire du cheval, tel n'était pas le cas du contrat liant Madame [P] et la société [Localité 13] Equin, qui ne dépendait aucunement d'un événement aléatoire. La propriétaire de Padoue Blue a mis celui-ci à la disposition de la société [Localité 13] Equin moyennant un prix fixe et déterminé ne dépendant pas des résultats du cheval lors de la course d'endurance au titre de laquelle le contrat a été conclu.

Le fait que le cheval réussisse à parcourir la longue distance de 120 kilomètres pour laquelle il était engagé et obtienne le meilleur temps, qu'il parvienne au terme de la course mais non en première place ou encore qu'il y échoue par abandon ou toute autre cause est inopérant dans le cadre du contrat conclu avec Madame [P], non intéressée aux résultats de la course d'endurance.

L'aléa évoqué par la société [Localité 13] Equin, lié aux risques d'une course équestre par la perte de contrôle du cheval, le comportement erratique de celui-ci, sa chute ou la chute du cavalier, ses blessures, etc. et qui doit être accepté par le cavalier auquel il peut être opposé, n'est donc pas opposable à Madame [P].

Il ne peut ainsi être affirmé par la société [Localité 13] Equin que Madame [P] avait accepté le risque de ne pas retrouver son cheval après la course, quand bien même elle avait envisagé la mort du cheval avant la signature des deux documents du 2 avril 2016 pour la course d'endurance de [Localité 10] (attestation du 21 avril 2016 Monsieur [A] [M], gérant de la société [Localité 13] et attestation du 1er septembre 2018 de Madame [F] [K], interlocutrice de Madame [P] pour la société [Localité 13] Equin).

Aux termes du document portant « Location d'un cheval d'endurance pour la Royal Cavalry of Oman » signé le 2 avril 2016, Madame [P] « s'engage à fournir avant le départ de l'épreuve, la décharge de responsabilité ainsi que l'attestation de propriété pour chaque cheval loué » (caractères gras du document).

Or ni attestation de propriété de Padoue Blue (au demeurant non contestée) ni « décharge de responsabilité », ainsi intitulées, ne sont versées aux débats.

Madame [P] a en revanche attesté, ce même 2 avril 2016, de ce que le cheval Padoue Blue, loué à la société [Localité 13] Equin dans le cadre d'une compétition d'endurance devant se tenir le même jour à [Localité 10], « est en bonne santé, apte à la pratique de cette compétition et entraîné pour pouvoir effectuer un parcours d'endurance de 160 kms (CEI 3*) » (les mentions barrées étant remplacées, sans contestation sur ce point, par les mentions manuscrites de « 120 » et « 2* »). Elle ajoute, « par conséquent », qu'elle « dégage l'entreprise [Localité 13] EQUIN ainsi que celui de la ROYAL CAVALRY of OMAN et tout leur personnel (cavalier, entraîneur et personnel soignant') de toute responsabilité en cas d'accident physique ou de santé du cheval lors de compétition » (caractères majuscules de l'acte).

Une telle attestation constitue une clause exonératoire de responsabilité au profit de la société [Localité 13] Equin mais non une « décharge » de toute responsabilité, telle qu'annoncée dans le document précité portant « Location ».

En effet, Madame [P] ayant en premier lieu attesté de la « bonne santé » de Padoue Blue et de son aptitude à la course d'endurance, les termes suivants de l'attestation laissent apparaître que la responsabilité de la société [Localité 13] Equin ne peut pas être engagée en cas d'accident physique ou de santé du cheval lors de la compétition mentionnée (course d'endurance du 2 avril 2016 à [Localité 10]), et uniquement en ce cas, ce qui exclut l'exonération de responsabilité dans tout autre cas (accident non physique ni de santé, faute du cavalier ou d'un tiers, etc.).

Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, au-delà de cette clause exonératoire de responsabilité s'inscrivant dans le cadre bien précis et mentionné d'un accident physique ou de santé du cheval, dont la bonne santé est affirmée, il n'est pas établi que Madame [P] et la société [Localité 13] Equin aient souhaité déroger au droit régissant le louage de chose.

Or le cheval Padoue Blue n'a pas été victime d'un accident physique ou de santé (rupture osseuse, accident cardiaque, rupture d'anévrisme, crise d'épilepsie, insuffisance respiratoire, etc..) lors de la course d'endurance du 2 avril 2016.

Les premiers juges ont en conséquence à juste titre écarté l'application de la clause exonératoire de responsabilité, non applicable aux faits de l'espèce.

L'imprévisibilité d'un cheval a enfin à juste titre empêché les premiers juges de retenir le caractère de force majeure aux événements ayant conduit Padoue Blue à fuir vers l'autoroute.

4. sur les manquements des parties à leurs obligations

La première obligation de la société [Localité 13] Equin, qui a pris le cheval Padoue Blue en location, était d'en payer le prix convenu, fixé à 3.500 euros HT pour une course d'endurance de niveau 3*** (160 kilomètres) et à 2.500 euros HT pour une course de niveau 2** (120 kilomètres). Une course de 160 kilomètres était initialement prévue et Madame [P] a signé son attestation de bonne santé du cheval du 2 avril 2016, examinée plus haut, en mentionnant celle-ci et la somme de 3.500 euros HT. Le cheval a finalement pris le départ d'une course de 120 kilomètres du seul fait de la société [Localité 13] Equin, qui n'a pas utilisé les services de l'entraîneur habituel du cheval mais ceux d'un cavalier de la Royal Cavalry Of Oman et qui reconnaît ne pas avoir « renégocié » le prix, de sorte que la somme de 3.500 euros était bien contractuellement due à Madame [P].

Doivent ensuite être examinées les obligations des parties tout au long du parcours.

Si Madame [P] verse au débat le programme des courses d'endurance de [Localité 10] des 1er et 2 avril 2016, incluant la carte des parcours (avec la mention des points d'eau) et les « consignes générales » des courses, aucune des parties ne communique le règlement de la course équestre d'endurance qui s'est tenue à [Localité 10] le 2 avril 2016.

Les circonstances des faits survenus ce jour et qui se sont achevées par la mort de Padoue Blue ne sont par ailleurs pas parfaitement circonscrites.

Les photographies produites aux débats n'ont ni date ni objet certains et n'ont donc aucune valeur probante du déroulement de la course du 2 avril 2016 jusqu'au décès de Padoue Blue.

Il ne saurait par ailleurs être tenu compte de l'attestation de Monsieur [Y] [Z] [J] [S] du 18 avril 2016, alors que celle-ci n'est pas accompagnée de la pièce d'identité de son auteur en méconnaissance des termes de l'article 202 du code civil, qu'elle est rédigée en arabe et que sa traduction par Madame [O] [I] telle que communiquée par les deux parties est différente (un paragraphe manque dans la version produite par la société [Localité 13] Equin).

Aucune des parties ne conteste que le cheval, avant le départ de la course et en vue de celle-ci, a subi un examen médical et aucune ne conteste non plus la bonne santé de l'animal et son aptitude à s'engager dans une course d'endurance d'au moins 120 kilomètres. Ces points font l'objet de l'attestation de Madame [P] du 2 avril 2016, examinée plus haut.

Madame [T] indique dans une attestation du 10 octobre 2018 qu'elle était l'entraîneur « officiel » de Padoue Blue par « contrat de mise en pension et entraînement pour la discipline d'endurance » (non versé aux débats) et qu'elle s'était engagée pour la course d'endurance de 120 kilomètres de [Localité 10] le 2 avril 2016. Padoue Blue a cependant été mis à la disposition de la société [Localité 13] Equin et un cavalier d'Oman a été prévu pour le monter lors de cette course. Il n'est contesté d'aucune part que Madame [T] s'est chargée du transport du cheval entre [Localité 11] et [Localité 10], ainsi que de la préparation du cheval pour la course (pose du tapis et de la selle).

Il est ensuite admis que Madame [T] n'a pas posé sur le cheval son propre tapis, mais un tapis aux couleurs du sultanat d'Oman (vert) et qu'elle a posé sa propre selle sur Padoue Blue, adaptée à la morphologie de l'animal et au type de course envisagé.

Aucun élément ne démontre que le tapis utilisé n'ait pas été adapté au cheval et à la selle prévue ou qu'il ait été mal sanglé ou à tout le moins mal posé. Les débats sur la marque et le modèle de tapis utilisé (gamme Coolback, modèle « dressage » ou « endurance », existence ou non de passants pour une sangle, etc.), sur la faute de Madame [T] qui l'a posé et ne l'aurait pas attaché à la selle ou celle de Monsieur [S], cavalier qui n'aurait pas vérifié après l'échauffement et avant le départ le tapis, la selle et le sanglage, sont inopérants en l'espèce alors que sur ces points les parties ne procèdent que par allégations, sans preuve concrète des modalités de préparation effectives du cheval ce jour et des équipements réellement utilisés. Aucune expertise à ce titre et aucun regard extérieur n'étayent, dans un sens ou dans l'autre, les explications des parties.

Le cheval Padoue Blue et son cavalier, Monsieur [S], courant pour la Royal Cavalry Of Oman, ont pris le départ de la course d'endurance de 120 kilomètres.

S'il est admis de part et d'autre que Monsieur [S] s'est arrêté après avoir parcouru 13 kilomètres, à moins d'un kilomètre de l'un des postes de contrôle régulièrement posés le long du parcours, les conditions exactes de cet arrêt ne sont pas non plus clairement établies.

L'arrêt du cheval et le pied à terre du cavalier ne constituent pas, dans ce type de course, une faute, étant autorisés lorsque le cavalier le juge nécessaire par l'article 8-1 du règlement des compétitions édité par la Fédération Française d'Equitation (FFE, « Dispositions spécifiques endurance ») en sa version applicable au jour de la course du mois d'avril 2016. Aucun élément ne permet de démontrer que l'arrêt de Monsieur [S] était « urgentissime » selon les termes de la société [Localité 13] Equin, ni qu'il n'était pas nécessaire ou aurait pu intervenir un peu plus tard au point de contrôle le plus proche selon les affirmations de Madame [P].

Les parties s'entendent pour exposer que Monsieur [S] a dû repositionner le tapis et la selle. La société [Localité 13] Equin affirme que le tapis Coolback avait glissé sous la selle, obligeant le cavalier à l'arrêt, mais ne prouve nullement que ceci soit imputable à une absence de fixation dès l'origine du tapis à la selle du cheval, plutôt qu'à un mauvais sanglage non vérifié au départ. Ainsi et faute d'élément tangible et probant, la faute de Madame [T] n'est pas établie. Madame [W] [H], qui était présente sur le bord du parcours et prenait des photographies, a été le seul témoin de l'arrêt de Padoue Blue (attestation du 28 avril 2016). Elle indique que le cavalier lui a demandé de tenir le cheval car il avait des problèmes avec la selle et devait la fixer (he asked me if I could hold the horse, because he had problems with the saddle and had to fix it), et n'en dit pas plus sur les causes de ce problème.

Il n'est en l'espèce pas démontré qu'il ait été interdit à Monsieur [S], dont l'arrêt était autorisé, de confier les rênes du cheval à un tiers à la course afin de pouvoir correctement s'occuper de la remise en place du tapis et de la selle.

Madame [H] a également été le seul témoin de la fuite de Padoue Blue. Elle précise que le cavalier a fixé la selle et est remonté sur le cheval et qu'au même moment, alors qu'il prenait place sur la selle, la jument s'est cabrée, s'est tenue sur ses jambes arrières et s'est retournée, qu'alors le cavalier est tombé au sol et qu'elle-même ne pouvait plus tenir la jument qui s'est tournée et a fui ([Y] fixed the saddle, then he mounted the horse and in the same moment, when he sit in the saddle, she reared up and was standing on her back legs and turned sideward. The rider fell backwards on the ground. For me, il wasn't anylonger possible to hold her. She turned around and ran away, même attestation du 28 avril 2016).

Aucun manquement du cavalier à ses obligations n'est mis en lumière par ces explications, qui contredisent celles de Madame [P] lorsqu'elle affirme que le cavalier a volontairement perdu la maîtrise et le contrôle de Padoue Blue. Le témoignage de Madame [H] révèle au contraire que le cheval ne s'est jamais retrouvé non tenu : il était bien tenu par son cavalier avant son arrêt, celui-ci a pris soin d'en confier les rênes à un tiers afin qu'il ne soit pas lâché pendant qu'il mettait pied à terre pour agir sur le sanglage du tapis et de la selle et l'a ensuite repris en mains pour le monter à nouveau, n'en perdant le contrôle qu'à ce moment du fait du mouvement du cheval, de manière alors nécessairement involontaire.

Le comportement fautif du cavalier après sa chute et la fuite du cheval n'est enfin pas non plus démontré.

Madame [P], qui ne verse pas le règlement de la course aux débats, ne démontre pas l'obligation faite aux cavaliers de courir avec un téléphone portable. La carte du dossard attribué (à l'origine à Madame [T]) pour l'épreuve « CEI2* 120 - 02/04 » (course d'endurance internationale de niveau 2** de 120 kilomètres du 2 avril [2016]) porte certes la mention « TELEPHONE d'URGENCE OBLIGATOIRE » (caractères majuscules gras et soulignés du document), mais cette obligation semble seulement concerner l'inscription d'un numéro dans le cadre prévu à cet effet. Madame [P], en tout état de cause, affirme mais ne prouve pas que Monsieur [S] n'avait pas de téléphone pendant sa course. Quoi qu'il en soit, Madame [H], témoin évoqué plus haut, a indiqué avoir elle-même appelé Monsieur [D], entraîneur de l'écurie [Localité 13] Equin (I informed [L] [D] by phone, attestation précitée du 28 avril 2016) et il n'est aucunement démontré que les secours aient été tardivement appelés, ni qu'ils auraient pu être appelés avant.

Monsieur [S] possédait en 2016 une licence fédérale de compétition délivrée par la Fédération Française d'Equitation (FFE). Madame [P] fait état du piètre palmarès du cavalier, mais sa pièce n°5 communiquée à ce titre, issue d'une recherche sur internet et portant « ATHLETE PERFORMANCE » ne laisse pas apparaître, à première lecture, les mauvaises performances du cavalier. La société [Localité 13] Equin reconnaît que le cavalier a fait l'objet d'une sanction en conséquence de l'accident dont a été victime Padoue Blue, mais les conditions dans lesquelles cette sanction a été infligée ne sont pas démontrées, la nature de la sanction n'est pas établie et il n'est ainsi pas prouvé qu'elle implique la responsabilité civile du cavalier. Madame [P] affirme également que l'intéressé a été suspendu par la Fédération Equestre Internationale (FEI) après une autre course courue le 5 mai 2016 à l'issue de laquelle son cheval aurait subi des soins intensifs, mais cette sanction, du reste alléguée et non démontrée, ne concerne en tout état de cause pas la course de [Localité 10] du 2 avril 2016.

***

Il apparaît au terme de ces développements que Madame [P] a remis à la société [Localité 13] Equin, le 2 avril 2016, le cheval Padoue Blue dont la bonne santé et l'aptitude à la course d'endurance prévue ne sont pas remis en cause, et qu'il n'est pas établi qu'elle-même ou Madame [T], entraîneur habituel de l'animal, aient perturbé la jouissance par le preneur de celui-ci.

La société [Localité 13] Equin, de son côté, apparaît avoir failli à son obligation de paiement, sans qu'il ne soit ensuite démontré qu'elle n'ait pas respecté l'usage prévu du cheval Padoue Blue objet de la location ni qu'elle ait manqué à son obligation de soins et d'entretien pendant la durée de la course. Elle n'a pu restituer le cheval à l'issue de celle-ci du seul fait de circonstances extérieures, indépendantes de sa volonté et de toute faute de sa part.

Aucune faute de la part de la société [Localité 13] Equin (ni de Monsieur [S] qui a monté le cheval) n'est démontrée comme étant à l'origine de la fuite du cheval, qui s'est terminée par son euthanasie. Elle a pu établir que les blessures et la mort du cheval qu'elle avait pris en location pour une course d'endurance, certes advenues pendant sa jouissance de celui-ci, ne sont pas survenues de son fait ni de sa faute.

Il n'y a donc pas lieu d'examiner la responsabilité des docteurs [E] et [C] ayant pris en charge le cheval Padoue Blue après qu'il a été retrouvé sur l'autoroute, évoquée à titre subsidiaire par la société [Localité 13] Equin à seule fin de voire réduire sa propre part de responsabilité éventuelle.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu l'absence de paiement de la part de la société [Localité 13] Equin et condamné celle-ci à payer la somme de 3.500 euros HT entre les mains de Madame [P] (prix qui a manifestement été réglé en paiement des causes du jugement dont appel), mais infirmé pour le surplus, en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société [Localité 13] Equin à l'origine du décès du cheval Padoue Blue et l'a condamnée à indemnisation au profit de Madame [P].

Statuant à nouveau, la Cour déboutera Madame [P] de toute demande indemnitaire présentée contre la société [Localité 13] Equin.

Sur la responsabilité des médecins vétérinaires

Les docteurs [E] et [C] ont été assignés devant les premiers juges par la société [Localité 13] Equin, qui n'a pourtant présenté aucune demande ni aucun recours en garantie contre les vétérinaires qui ont eu à s'occuper du cheval Padoue Blue après sa fuite sur l'autoroute. Madame [P], en première instance, n'a pas non plus formulé de prétentions contre les docteurs [E] et [C]. Aucune réclamation d'aucune partie n'a non plus été émise contre le docteur [G], intervenu volontairement à l'instance.

De même, si les docteurs [E] et [C] ont été intimés devant la Cour par la société [Localité 13] Equin, et si le docteur [G] est à nouveau volontairement intervenu à l'instance, aucun appel en garantie, aucune demande d'aucune sorte n'est présentée contre les médecins vétérinaires. Il en est pris acte.

Il n'y a pas donc pas lieu de mettre hors de cause les deux médecins vétérinaires, alors qu'aucune demande n'est présentée contre eux et que leur responsabilité n'a en tout état de cause pas été examinée.

Sur les demandes des docteurs [E] et [G]

Les premiers juges ont estimé que le docteur [G] aurait été irrecevable à formuler une demande reconventionnelle, alors que seule la responsabilité personnelle des docteurs [E] et [C] aurait pu être recherchée, et ont « rejeté » son intervention volontaire. Ils ont ensuite débouté le docteur [E] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le docteur [G] demande qu'il lui soit donné acte de son intervention volontaire en sa qualité de gérant de la SCP [G], Siegel, Berthier, Rieu et Melin, employeur du docteur [C]. Les docteurs [E] et [G] ès qualités critiquent le jugement qui a rejeté leur demande de dommages et intérêts, estimant que la société [Localité 13] Equin a agi contre eux en l'absence de raison juridique de manière abusive, et réclament sa condamnation à leur payer la somme de 3.000 euros.

La société [Localité 13] Equin indique avoir attrait en la cause les docteurs [E] et [C] en raison de leur implication dans le décès de Padoue Blue. Elle évoque un appel en garantie contre les vétérinaires et considère que leur assignation en intervention forcée ne peut constituer un abus de droit. Elle conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté leur demande de dommages et intérêts.

Sur ce,

1. sur l'intervention volontaire du docteur [G]

L'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant (article 325 du code de procédure civile). L'intervention volontaire est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme et n'est alors recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention (article 329 du code de procédure civile). L'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie et est alors recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie (article 330 du code de procédure civile).

Si les docteurs [E] et [C] ont été assignés en première instance puis intimés devant la Cour, aucun recours en garantie n'a été formé à leur encontre, aucune demande n'a été présentée contre eux.

Il ressort des explications de la société [Localité 13] Equin que celle-ci évoque la responsabilité personnelle des docteur [E] et [C], estimant qu'ils sont seuls à l'origine de la dégradation de l'état de santé de Padoue Blue alors que la jument était sous leur garde (affirmant sur ce point qu'une chute de l'animal dans les locaux de la clinique « au cours d'un mouvement défensif de sa part » a déplacé la fracture dont il souffrait, ce qui a seul imposé son euthanasie).

Il est en premier lieu observé que le docteur [G] affirme intervenir en sa qualité d'employeur du docteur [C], mais n'établit pas cette qualité, ne communiquant aucune pièce.

Il apparaît ensuite qu'il n'élève aucune prétention à son profit. Il sollicite certes la mise hors de cause du docteur [C], qui aurait été son salarié au moment des faits, mais il ne peut être retenu qu'il appuie les prétentions de l'intéressé, qui n'en présente aucune.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a « rejeté » l'intervention volontaire du docteur [G], la Cour précisant qu'il ne s'agit pas d'un rejet après examen au fond, mais d'une déclaration d'irrecevabilité.

Le docteur [G] étant irrecevable en son intervention volontaire, il n'y a pas lieu d'examiner sa demande de dommages et intérêts.

2. sur la demande de dommages et intérêts du docteur [E]

L'article 32-1 du code de procédure civile énonce que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile, sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés. La demande indemnitaire est alors examinée sur le fondement de l'article 1240 nouveau - 1382 ancien - du code civil, selon lequel tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La société [Localité 13] Equin pouvait expliquer son assignation des docteurs [E] et [C] en intervention forcée devant les premiers juges par la volonté de préserver ses droits et, éventuellement, de formuler un recours en garantie contre ceux-ci. Quand bien même aucune demande n'a été présentée contre les deux vétérinaires, leur responsabilité a été évoquée aux fins de minimisation de celle de ladite société et cette mise en cause justifie leur présence afin qu'ils puissent y répondre. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a écarté un abus de procédure et débouté le docteur [E] de sa demande de dommages et intérêts formulée contre la société [Localité 13] Equin.

La société [Localité 13] Equin a intimé les docteurs [E] et [C] devant la Cour aux mêmes fins. Aucun recours n'est formulé contre les deux vétérinaires, mais leur comportement est évoqué, à titre subsidiaire, afin de réduire l'éventuelle responsabilité de la société. Ainsi que cela était le cas en première instance, la présence des vétérinaires mis en cause leur a permis de présenter leur point de vue, et apparaît donc justifiée.

Il n'y a donc pas non plus d'abus de procédure contre les docteurs [E] et [C] devant la Cour. Ceux-ci, par ailleurs, ne justifient d'aucun préjudice distinct de celui qui est causé par la nécessité de présenter une défense en justice, examiné sur un autre fondement.

Aussi, confirmant le jugement qui a débouté les deux vétérinaires de leur demande de dommages et intérêts présentée contre la société [Localité 13] Equin, la Cour déboutera également les docteurs [E] et [C] de leur demande indemnitaire au titre d'un abus de procédure d'appel à leur encontre, non caractérisé.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à l'infirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance mis à la charge de la société [Localité 13] Equin (sauf au profit du docteur [E], point qui sera confirmé).

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement, la Cour condamnera Madame [P], qui succombe à l'instance, aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit des conseils de la société [Localité 13] Equin et des docteurs [E] et [C], en application des articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Tenue aux dépens, Madame [P] sera condamnée à payer à la société [Localité 13] Equin la somme équitable de 3.000 euros en indemnisation des frais exposés en première instance et en cause d'appel et non compris dans les dépens, conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur le même fondement et parce qu'elle succombe à l'instance engagée contre les docteurs [E] et [C], la société [Localité 13] Equin sera cependant condamnée à payer à ceux-ci, ensemble alors qu'ils ont constitué un seul et même avocat, la somme équitable de 2.000 euros en indemnisation de leurs frais irrépétibles d'appel.

Ces condamnations emportent le rejet des prétentions à ces titres de Madame [P].

L'intervention volontaire du docteur [G] étant déclarée irrecevable, sa demande d'indemnisation de frais irrépétibles sera également rejetée.

Par ces motifs,

La Cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SC [Localité 13] Equin à payer à Madame [N] [R], épouse [P], la somme de 3.500 euros au titre des frais de location de Padoue Blue, en ce qu'il a rejeté (déclaré irrecevable) l'intervention volontaire du docteur [B] [G], en ce qu'il a débouté le docteur [WZ] [E] de sa demande de dommages et intérêts et en ce qu'il a condamné la SC [Localité 13] Equin à payer la somme de 1.800 euros au docteur [WZ] [E] en indemnisation de ses frais irrépétibles de première instance,

Infirme le jugement en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement,

Déboute Madame [N] [R], épouse [P], de toute demande indemnitaire présentée contre la SC [Localité 13] Equin,

Déboute le docteur [WZ] [E] de sa demande de dommages et intérêts présentée contre la SC [Localité 13] Equin en réparation d'un préjudice subi du fait d'un appel abusif à son encontre,

Condamne Madame [N] [R], épouse [P], aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Maître Belgin Pelit-Jumel et de Maître Emmanuelle Krymkier d'Estienne,

Condamne Madame [N] [R], épouse [P], à payer la somme de 3.000 euros à la SC [Localité 13] Equin en indemnisation de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne la SC [Localité 13] Equin à payer la somme de 2.000 euros aux docteurs [WZ] [E] et [V] [C], ensemble, en indemnisation de leurs frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 20/15882
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;20.15882 ?
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