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05/04/2024 | FRANCE | N°19/02279

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 05 avril 2024, 19/02279


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 05 Avril 2024



(n° , 2 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/02279 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7JXB



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Octobre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/05403



APPELANTE

SAS [6]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par M. [P

] [H] (Salarié) en vertu d'un pouvoir spécial



INTIMEE

CPAM 83 - VAR

[Adresse 8]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substit...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 05 Avril 2024

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/02279 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7JXB

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Octobre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/05403

APPELANTE

SAS [6]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par M. [P] [H] (Salarié) en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

CPAM 83 - VAR

[Adresse 8]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller , chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Monsieur Christophe LATIL, Conseiller

Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre par Madame Agnès ALLARDI, greffière laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la société [6] (la société) d'un jugement rendu le 5 octobre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, dans un litige l'opposant à la Caisse primaire d'assurance maladie du Var (la caisse).

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

M. [B] [L], intérimaire de la société [6] et mis à la disposition de la société [7] de [Localité 5] en qualité d'agent de collecte, a déclaré avoir été victime d'un accident du travail. La déclaration d'accident du travail souscrite par son employeur, le 29 août 2016, mentionne un accident survenu le 26 août 2016, à 10 heures 45, selon les circonstances suivantes : « selon les dires de l'intérimaire, en ouvrant la grille des encombrants celle-ci c'est déssoudée et m'a emporté le bras » et des douleurs à l'épaule droite.

Le certificat médical initial établi le 26 août 2016 fait état d'une « suspicion de rupture traumatique de la coiffe des rotateurs épaule droite » et prescrit un arrêt de travail.

Par courrier du 14 septembre 2016, la société a émis des réserves, se prévalant d'une blessure préexistante, étrangère au travail.

Par décision du 15 septembre 2016, la caisse a pris en charge l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

Après vaine saisine de la commission de recours amiable, la société a saisi, le 29 novembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris en inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident du travail.

Par jugement du 5 octobre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a :

- déclaré le recours de la société recevable mais mal fondé,

- déclaré opposable à l'employeur la prise en charge au titre des risques professionnels par la caisse de l'accident du 26 août 2016 dont M. [L] a été victime,

- rejeté toutes autres demandes des parties.

Pour statuer ainsi, le tribunal a notamment retenu que les réserves de l'employeur n'étaient pas motivées et ne justifiaient donc pas la mise en 'uvre d'une instruction ; que les mentions figurant sur la déclaration d'accident du travail et le certificat médical initial sont concordantes et corroborent une action violente caractéristique d'un fait accidentel et non un processus pathologique dans la durée ; que la société ne démontre pas l'existence d'une pathologie ou d'une cause totalement étrangère au travail.

La société a interjeté appel de ce jugement, par courrier recommandé avec demande d'accusé de réception du 13 février 2019, qui lui avait été notifié à une date qui ne ressort pas du dossier du tribunal.

Aux termes de ses conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société demande à la cour de :

- la recevoir en son appel et le dire bien fondé,

- infirmer le jugement du 5 octobre 2018 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de l'accident du 26 août 2016 déclaré par M. [L],

- débouter la caisse de toutes ses demandes, fins et conclusions.

La société fait valoir pour l'essentiel qu'aucun témoin ne peut confirmer les déclarations de l'assuré ; qu'au regard des constatations du certificat médical initial, il n'existe pas de lien de causalité entre les lésions déclarées et le travail de l'assuré ; que les lésions déclarées, à savoir une rupture de la coiffe des rotateurs, se caractérisent par une apparition progressive des lésions et ne sont pas dues à une action soudaine survenue lors d'une activité professionnelle ; qu'ainsi ces lésions relèvent davantage d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n°57 des maladies professionnelles que d'un fait accidentel ; que l'assuré, exerçant son métier d'agent de collecte depuis 40 ans et travaillant dans la société depuis seulement deux mois, a développé les douleurs à l'épaule antérieurement à son poste actuel dans la société ; que les douleurs à l'épaule résultent donc d'un état pathologique préexistant ; que l'assuré avait informé l'employeur qu'il avait subi une intervention chirurgicale dix ans auparavant pour une rupture des ligaments de l'épaule droite, sur le même siège des lésions que celui déclaré, alors qu'il ne travaillait pas encore pour la société ; qu'ainsi les lésions constatées ont une cause étrangère au travail ; qu'elle a émis des réserves motivées sur l'existence d'un état pathologique préexistant et d'une précédente opération chirurgicale sur le même siège des lésions, de sorte que la caisse ne pouvait prendre de décision sans diligenter une instruction ; qu'en toute hypothèse, une instruction était nécessaire ; que la caisse a pris hâtivement sa décision et n'a pas ainsi permis à l'employeur d'émettre des réserves dans un temps proche de l'accident ; qu'il était impossible pour la caisse de prendre en charge d'emblée les lésions au titre d'un accident du travail alors que celles-ci résultaient manifestement d'une maladie.

Aux termes de ses conclusions écrites déposées et complétées oralement par son conseil, la caisse demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 octobre 2018,

- confirmer l'opposabilité à l'encontre de la société de la décision reconnaissant le caractère professionnel de l'accident survenu le 26 août 2016 à M. [L] ainsi que l'ensemble de ses conséquences.

La caisse fait valoir que les réserves émises par la société sont intervenues postérieurement à la décision de prise en charge, de sorte que la prise en charge d'emblée est justifiée ; que l'accident est survenu aux temps et lieu du travail ; que l'employeur a été informé de l'accident le jour des faits ; que le caractère traumatique des lésions a été constaté le jour même par un certificat médical initial qui corrobore les déclarations de l'assuré ; que la présomption d'imputabilité trouve donc à s'appliquer.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 17 janvier 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE,

Sur le respect des obligations réglementaires par la caisse :

L'article R.441-11, III, du code de sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose qu'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.

Il résulte des exigences de ce texte que les réserves doivent, à peine d'irrecevabilité, parvenir à la caisse avant que celle-ci n'ait pris sa décision. Les réserves qui ont été réceptionnées par la caisse le jour de la décision de prise en charge n'ont pas été portées à sa connaissance avant la décision et ne sont donc pas recevables (Civ 2ème, 18 septembre 2014, no 13-23.205).

En l'espèce, la société a rempli une déclaration d'accident du travail, le 29 août 2016, puis elle a adressé à la caisse une lettre de réserves datée du 14 septembre 2016 qui a été reçue par la caisse postérieurement à sa prise de décision matérialisée par courrier du

15 septembre 2016 de sorte que la caisse n'était pas de ce chef tenue de procéder à une instruction si elle considérait que les conditions d'une prise en charge d'emblée était remplie.

La société fait également valoir que la prise de décision de la caisse serait intervenue trop rapidement.

Il résulte des dispositions de l'article R.441-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, que la caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident.

La déclaration de l'accident du travail a été établie le 29 août 2016 et la décision de prise en charge de l'accident est intervenue le 15 septembre 2016, soit dans le délai fixé par ce texte après réception de cette déclaration et du certificat médical initial.

La société ne peut donc se prévaloir que la décision de la caisse serait hâtive, la caisse ayant pu estimer que les éléments en sa possession étaient suffisamment complets pour retenir le caractère professionnel de l'accident et une prise en charge d'emblée.

Sur la matérialité de l'accident du travail :

Il résulte des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci (Soc., 2 avril 2003, no 00-21.768, Bull. no132). Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail (Soc., 20 décembre 2001, Bulletin civil 2001, V, n° 397).

Le salarié (ou la caisse substituée dans les droits de la victime dans ses rapports avec l'employeur) doit ainsi établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel (Soc., 26 mai 1994, Bull. no181) ; il importe qu'elles soient corroborées par d'autres éléments (Soc., 11 mars 1999,

no 97-17.149, Civ 2ème 28 mai 2014, no 13-16.968).

En revanche, dès lors qu'il est établi la survenance d'un événement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celle-ci est présumée imputable au travail, sauf pour celui qui entend la contester de rapporter la preuve qu'elle provient d'une cause totalement étrangère au travail.

Il est rappelé que la déclaration d'accident du travail indique que, le 26 août 2016 à 10 heures 45, l'assuré a, selon ses déclarations, ouvert la grille des encombrants qui s'est dessoudée et lui a emporté le bras. La déclaration mentionne des douleurs à l'épaule droite. La déclaration précise également que l'accident a été connu par la société le même jour à 11 heures 30, soit 45 minutes après les faits, et que les horaires de travail de l'assuré étaient de 7 heures à 11 heures.

Le certificat médical initial établi le 26 août 2016, soit le même jour, fait état d'une « suspicion de rupture traumatique de la coiffe des rotateurs épaule droite ».

Au regard de ces éléments qui rendent indifférente l'absence de témoin, des déclarations circonstanciées du salarié sur la survenance des lésions qui sont corroborées par le certificat médical initial dressé le même jour faisant état d'une atteinte à l'épaule droite et du fait que l'employeur a été avisé de la survenance de l'accident dans un laps de temps très court, la caisse justifie de présomptions graves, précises et concordantes de nature à établir la survenance d'une lésion au préjudice de l'assuré aux temps et lieu du travail.

Aussi, la lésion est présumée imputable au travail et il appartient à la société de renverser cette présomption en rapportant la preuve que l'accident a une cause totalement étrangère au travail.

Or, le certificat médical initial évoque une suspicion de 'rupture traumatique' de la coiffe des rotateurs et non une pathologie d'apparition lente comme une tendinopathie, de sorte que la société ne peut soutenir utilement que la lésion, médicalement constatée comme soudaine, relèverait d'une prise en charge au titre des maladies professionnelles à l'exclusion des accidents du travail.

De plus, la société ne prouve pas que la lésion proviendrait d'un état pathologique antérieur ayant spontanément évolué sans lien avec le travail, celle-ci n'excluant pas que l'accident ait pu dolorisé une pathologie préexistante.

La société ne justifiant pas que la lésion survenue aux temps et lieu du travail aurait une cause étrangère au travail, c'est donc à juste titre que la caisse a pris en charge l'accident du travail du 26 août 2016 au titre de la législation sur les risques professionnels ; dès lors, le jugement sera confirmé.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

DECLARE recevable l'appel interjeté par la S.A.S [6],

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 octobre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris,

Y ajoutant,

CONDAMNE la S.A.S [6] aux entiers dépens d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 19/02279
Date de la décision : 05/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-05;19.02279 ?
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