Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRET DU 30 AVRIL 2024
(n° 2024/ , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08049 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEM6D
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Août 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/02435
APPELANT
Monsieur [G] [W]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Olivier POUEY, avocat au barreau de LYON, toque : 1129
INTIMEE
S.A.S.U. MARIONNAUD LAFAYETTE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Anne VINCENT-IBARRONDO, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nelly CHRETIENNOT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Stéphane MEYER, président
Fabrice MORILLO, conseiller
Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Le 10 avril 2018, Monsieur [W] a été mis à disposition de la société MARIONNAUD LAFAYETTE dans le cadre d'un contrat de mission intérimaire.
A compter du 1er septembre 2018, la relation contractuelle s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Monsieur [W] étant embauché en qualité de Directeur Comptable, statut cadre, avec reprise d'ancienneté depuis le 10 avril 2018.
Son salaire mensuel moyen était de 9.126,33 €.
Le 12 avril 2019, Monsieur [W] a été convoqué à un entretien préalable, prévu le 23 avril 2019. A compter du 12 avril 2019, il a été dispensé de toute activité, tout en étant rémunéré.
Le 26 avril 2019, la société MARIONNAUD LAFAYETTE a notifié à Monsieur [W] son licenciement pour faute, au motif d'un défaut de contrôle de l'exactitude des informations et des données lors de la déclaration de paiement de la TVA et d'absence d'avertissement du supérieur hiérarchique de l'erreur commise.
Monsieur [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 10 avril 2020 pour contester son licenciement et solliciter le paiement des heures supplémentaires alléguées, en invoquant l'inopposabilité de sa convention de forfait jour.
Par jugement du 27 août 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Fixé le salaire de Monsieur [W] à la somme de 9 126.33 € ;
- Condamné la SAS MARIONNAUD LAFAYETTE à verser à Monsieur [W] les sommes suivantes :
-18.252,66 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,
-1.000 € au titre des frais de procédure,
- Débouté Monsieur [W] du surplus de ses demandes ;
- Débouté la SAS MARIONNAUD LAFAYETTE de ses demandes reconventionnelles ;
- Condamné la S.A.S MARIONNAUD LAFAYETTE aux dépens.
Monsieur [W] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 septembre 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.
Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 7 décembre 2021, Monsieur [W] demande à la cour de :
- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société MARIONNAUD LAFAYETTE à lui verser la somme de 18.252,66 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes,
Statuant à nouveau :
- Juger que la convention de forfait jours de Monsieur [W] est privée d'effet,
- Condamner la société MARIONNAUD LA FAFAYETTE à lui verser les sommes suivantes :
- 19.841,74 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l'année 2018, outre 1.984,17 € de congés payés y afférents,
- 15.863,16 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l'année 2019, outre 1.586,31 € de congés payés y afférents,
- 14.005,74 € à titre de rappel de salaire pour contrepartie obligatoire en repos pour l'année 2018, outre 1.400,57 € de congés payés y afférent,
- 10.097,16 € à titre de rappel de salaire pour contrepartie obligatoire en repos pour l'année 2019, outre 1.009,71 € de congés payés y afférent,
- 27.378,99 € nets (3 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires,
- 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société MARIONNAUD LA FAFAYETTE aux dépens.
Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 7 mars 2022, la société MARIONNAUD LAFAYETTE demande à la cour de :
- Confirmer les dispositions du jugement déféré en ce qu'il a " Débouté M. [W] du surplus de ses demandes ",
- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
" Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Fixé le salaire de M. [W] [G] à la somme de 9.126,33 €,
Condamné la SAS MARIONNAUD LAFAYETTE à verser à M. [W] [G]
les sommes suivantes :
- 18.252,66 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,
- 1 000 € au titre de l'article 700 du CPC ['],
- Débouté la SAS MARIONNAUD LAFAYETTE de ses demandes reconventionnelles,
- Condamné la S.A.S MARIONNAUD LAFAYETTE aux dépens ".
Statuant à nouveau,
- Juger que la convention de forfait en jours de Monsieur [W] est valable et opposable,
- Juger que le licenciement notifié à Monsieur [W] est fondé et justifié,
-Juger que la société MARIONNAUD LAFAYETTE n'a commis aucun manquement à l'égard de Monsieur [W],
En conséquence,
- Débouter Monsieur [W] de l'ensemble de ses demandes,
- Condamner Monsieur [W] à verser à la société MARIONNAUD LAFAYETTE la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 janvier 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
Sur le licenciement
Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 26 avril 2019, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, est libellée dans les termes suivants :
" Par courrier remis en main propre contre signature en date du 12 avril 2019, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à licenciement.
Cet entretien s'est tenu le 23 avril 2019 dans nos locaux situés [Adresse 1]. Vous vous êtes présenté à cet entretien accompagné de Monsieur [B] [D], représentant du personnel.
Nous vous avons alors exposé les faits qui nous conduisent à envisager votre licenciement pour cause réelle et sérieuse et avons recueilli vos explications. Pour rappel, ces faits sont les suivants :
En tant que Directeur comptable de la société, vous avez en charge :
- Garantir avec l'équipe la production des liasses comptables et fiscales dans les délais et certifiables,
- Garantir avec l'équipe le paiement et l'encaissement des factures fournisseurs (hors cash pooling) des impôts et des taxes,
- Garantir la justification des comptes,
- Garantir le management de son équipe,
- Contribuer à l'optimisation de l'organisation du travail et des process,
- (').
Or, le 20 février 2019, un important incident s'est produit dans l'exercice de vos fonctions.
En effet, ce même jour, Monsieur [C] [T] l'un des collaborateurs de votre service, adresse à Monsieur [K] [L], Responsable Trésorerie Finance, et [Z] [A], Trésorier Finance, un mail dont vous êtes en copie ainsi que Monsieur [I] [P], Comptable Finance, les informant avoir procédé au paiement de la TVA de la société Marionnaud LAFAYETTE pour un montant de 5.042.938 € sur le compte de BECM.
Le montant indiqué dans le mail a suscité l'étonnement de Monsieur [K] [L], demandant alors à Monsieur [T] de calculer la TVA sur les autres entités du groupe afin de voir si le montant de 5.042.938 € ne devait pas être minoré par un crédit de TVA porté par une autre société.
Le lendemain, le 21 février 2019, Monsieur [T] demande à Monsieur [L] de faire opposition au prélèvement devant intervenir le 22 février 2019, en attendant de pouvoir définir le montant exact de la TVA due, ce dont vous êtes informé par mail.
Le 22 février 2019, Madame [J] [M], Trésorière de la société, a soumis la lettre d'opposition au prélèvement de la TVA à Monsieur [O] [X], Directeur Administratif et Financier, pour signature. Ce n'est qu'à ce moment, que Monsieur [X] a connaissance du problème relatif au paiement de la TVA.
A défaut d'une validation du courrier d'opposition de la part du Service trésorerie à Monsieur [X], ce dernier n'aurait probablement pas été mis au courant de cette erreur qui, sans être régularisée dans les temps, aurait eu d'importantes conséquences négatives sur la société.
D'une part, vous auriez dû, en tant que Directeur de la Comptabilité, contrôler l'exactitude des informations et des données lors de la déclaration de paiement. Il vous incombe en tant que Responsable de Monsieur [T] de veiller à la bonne exécution de ses missions.
En effet, si Monsieur [L] n'avait pas fait part de sa suspicion quant au montant considérable de la TVA, la société aurait eu du " cash out " à tort. Force est de constater que vous ne prenez pas la mesure de vos missions et que la vérification des diverses opérations réalisées par votre équipe, et qui pourtant vous incombe, ne semble pas être réalisée.
De surcroît, il convenait d'envoyer dans les meilleurs délais, et donc le 22 février 2019 au plus tard, la déclaration rectificative sous peine de condamnation à des indemnités de retard.
D'autre part, et plus grave encore, vous auriez dû, une fois informé de cette problématique cruciale, vous empresser d'informer votre supérieur hiérarchique et le consulter sur la conduite à tenir. Or, vous n'en avez rien fait.
Vous avez tout simplement dissimulé cette erreur. Cette attitude est absolument intolérable et nuisible au bon fonctionnement de notre entreprise. D'une part vous n'avez pas fait preuve de transparence et de loyauté envers votre supérieur hiérarchique du problème. D'autre part, vous avez exposé notre entreprise à un risque réel de condamnation par l'administration. Et pour finir, vous n'avez pas su mener à bien vos responsabilités de Directeur en ne procédant pas au contrôle du travail de vos collaborateurs.
Compte tenu de votre fonction et de l'enjeu des sujets et opérations dont vous avez la charge, il n'est pas acceptable qu'une telle situation se produise.
Monsieur [X] vous a d'ailleurs fait remarquer votre défaillance quant à l'information que vous auriez dû lui communiquer, par mail du 22 février 2019. A cette remarque, vous vous êtes contenté de répondre : " [O], j'ai dit à [C] qu'il informe la tréso de l'erreur et qu'il demande le rejet du prélèvement. (') ".
Lors de l'entretien, vous avez reconnu l'existence de cette erreur et avez considéré que l'incident avait été pris en main et n'avez pas apporté d'argument supplémentaire.
Compte tenu des faits reprochés et de l'absence d'explication rationnelle durant l'entretien, nous ne sommes pas en mesure de modifier notre appréciation sur votre comportement.
En effet, ces faits mettent en cause la bonne marche de l'entreprise et remettre en cause la relation de confiance nécessaire à notre collaboration.
Au vu des faits précédemment énoncés, nous avons décidé de mettre un terme à votre contrat de travail pour cause réelle et sérieuse. ['] ".
Il n'est pas contesté que Monsieur [T], subordonné de Monsieur [W], a commis une erreur d'un montant important relativement à la déclaration de TVA, qui a été identifiée non pas par Monsieur [W], qui en sa qualité de directeur comptable, devait vérifier le travail réalisé par Monsieur [T] et l'exactitude des déclarations fiscales réalisées, mais par Monsieur [L], responsable trésorerie finance.
Monsieur [W] soutient que ce n'est pas lui qui a commis l'erreur, mais Monsieur [T]. Toutefois, il ne lui est pas reproché d'avoir commis lui-même l'erreur, mais de ne pas avoir contrôlé le travail de Monsieur [T], et ce s'agissant d'une déclaration de TVA au montant particulièrement important. Cette erreur était identifiable puisqu'elle l'a été par le directeur trésorerie.
Par ailleurs, cette erreur concernant une somme importante devait donner lieu à une opposition à prélèvement et à une nouvelle déclaration en urgence. Cette situation méritait d'être signalée à son supérieur hiérarchique. Or, celui-ci n'en a été informé que lorsque le service trésorerie lui a présenté le courrier d'opposition à valider.
Au regard de ces éléments, Monsieur [W] a commis une faute en ne vérifiant pas le travail de Monsieur [T], et en omettant d'informer son supérieur hiérarchique de la situation.
Le licenciement était donc justifié, et c'est à tort que le conseil de prud'hommes a jugé qu'il était sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il a condamné la société à verser au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la convention de forfait en jours
Il ressort des dispositions de l'article L. 3121-63 du code du travail que les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
Le non-respect par l'employeur des clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours prive d'effet la convention de forfait.
Plus spécifiquement, le défaut de tenue des entretiens spécifiques portant sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié, entraîne l'inopposabilité de la convention de forfait au salarié.
En l'espèce, Monsieur [W] était soumis à une convention de forfait en jours en application de son contrat de travail, qui se réfère à l'accord d'entreprise sur la révision du temps de travail du 27 novembre 2008.
Le salarié fait valoir que cette convention de forfait lui est inopposable, d'une part car aucun entretien annuel destiné à analyser son temps de travail n'a été mis en place, et d'autre part car l'employeur n'a pas établi de contrôle des jours travaillés.
S'agissant de la tenue d'un entretien annuel, l'accord relatif au temps de travail et le contrat de travail prévoient que l'application du forfait en jour et notamment l'organisation et la charge de travail seraient évoquées au cours d'un entretien annuel.
En l'espèce, le salarié a été engagé par un contrat à durée indéterminé du 1er septembre 2018 qui prévoyait une convention de forfait en jours. Si le contrat de travail mentionnait une reprise d'ancienneté au 10 avril 2018, compte tenu de sa mission intérimaire ayant précédé, il n'est pas démontré par le salarié, qui ne produit pas le contrat de mission intérimaire, que la convention de forfait en jour avait commencé à s'appliquer avant la signature du contrat du 1er septembre 2018.
Lorsqu'il a été convoqué à son entretien préalable au licenciement et dispensé d'activité, le 12 avril 2019, puis licencié le 26 avril 2019, la convention de forfait avait été mise en place depuis huit mois, soit moins d'un an. Dès lors, il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas avoir tenu avec le salarié un entretien annuel relatif à l'application de cette convention de forfait. Ce motif d'inopposabilité ne peut donc être retenu.
S'agissant du contrôle des jours travaillés, l'accord relatif au temps de travail prévoit que chaque salarié remonte chaque mois à son supérieur hiérarchique le nombre de jour travaillé sur le mois précédent, et que celui-ci transmet ce relevé à la direction des ressources humaines qui en assure le suivi. Le contrat de travail du salarié, outre qu'il rappelle les règles en matière de durée maximale du travail, vient ajouter que le salarié devra transmettre à son supérieur hiérarchique une déclaration hebdomadaire de ses journées travaillées, devra signaler les journées au cours desquelles il aurait travaillé exceptionnellement plus de 10 heures de travail effectif. Il est également prévu qu'un récapitulatif annuel est adressé au salarié afin de vérifier que le plafond de journées travaillées se trouve respecté.
Les dispositifs mis en place tant par l'accord collectif que par la convention de forfait figurant au contrat de travail assuraient un suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.
L'employeur fait valoir que Monsieur [W] s'étant abstenu d'établir les relevés de son temps de travail et de ses jours travaillés, il ne peut se prévaloir de sa propre carence pour faire juger que la convention de forfait lui est inopposable, alors qu'il a fait échec aux dispositions de contrôle mises en place tant par l'accord collectif que le contrat de travail.
La cour relève cependant qu'alors que le salarié s'est abstenu pendant huit mois de produire ses relevés de jours travaillés, destinés à assurer le contrôle régulier de son temps de travail, ni sa hiérarchie, ni le service des ressources humaines ne lui ont adressé une relance à ce sujet, alors qu'ils se trouvaient de fait dans l'impossibilité de s'assurer du respect des dispositions conventionnelles et contractuelles destinées à permettre la bonne application de la convention de forfait. Cela établit que durant huit mois, l'employeur ne s'est pas préoccupé de l'adaptation de la charge de travail du salarié avec sa vie personnelle et familiale, et n'était pas en mesure de remédier en temps utile à une charge de travail inadaptée.
Les dispositions protectrices du salarié n'ayant pas été appliquées, la convention de forfait lui est inopposable.
Sur la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires
La suspension des effets du forfait autorise le salarié à réclamer, s'il y a lieu, le paiement d'heures supplémentaires.
Aux termes de l'article L. 3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat.
Aux termes de l'article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement, en produisant ses propres éléments.
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
Il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, lus à la lumière de l'article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que de l'article 4, paragraphe 1, de l'article 11, paragraphe 3, et de l'article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, qu'il incombe à l'employeur, l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.
En l'espèce, Monsieur [W] indique qu'il travaillait tous les jours de 9h15 à 20h30, soit 10h30 par jour compte tenu de ses 45 minutes de pause quotidienne. Il produit un tableau détaillé de calcul des heures supplémentaires sur cette base. Il indique avoir accompli 287 heures supplémentaires en 2018 et 231 heures supplémentaires en 2019.
L'employeur conteste la réalisation de ces heures, mais il ne produit aucun élément relatif au décompte du temps de travail du salarié ou qui serait susceptible de contredire les éléments dont fait état Monsieur [W].
En considération de ce qui précède, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, et statuant de nouveau, de condamner l'employeur à lui verser :
- 19.841,74 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l'année 2018, outre 1.984,17 € de congés payés y afférents,
- 15.863,16 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l'année 2019, outre 1.586,31 € de congés payés y afférents.
Sur la demande d'indemnité pour absence de contrepartie obligatoire en repos
L'accord de révision relatif au temps de travail prévoit en son Chapitre 3 III que :
" Les dispositions légales seront applicables dans le cadre de la réalisation des heures supplémentaires.
Les heures supplémentaires réalisées entre la 36ème heure et la 43ème heures incluse :
- Seront majorées de 25%
- Déclencheront un repos compensateur obligatoire égal à 50% des heures réalisées au-delà de la 41ème heure
A partir de la 44ème heure les heures supplémentaires réalisées :
- Seront majorées de 50%,
- Déclencheront un repos compensateur obligatoire égal à 50% des heures réalisées
Lorsque le salarié réalise des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel, le repos compensateur obligatoire est égal à 100% des heures réalisées.
Les heures cumulées au titre du repos compensateur obligatoire doivent être prise dans un délai d'un an à compter de leur acquisition. Elles doivent être prises en dehors de la période du 1er juillet au 31 août et ne doivent pas être accolées au congé annuel.
Le contingent d'heures supplémentaires est égal à 100 heures par an. "
Monsieur [W] n'ayant pas pu prendre ses heures de repos compensateur, il doit être indemnisé à ce titre.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre du repos compensateur, et statuant de nouveau, de condamner l'employeur à lui verser :
- 14.005,74 € à titre de rappel de salaire pour contrepartie obligatoire en repos pour l'année 2018, outre 1.400,57 € de congés payés y afférent,
- 10.097,16 € à titre de rappel de salaire pour contrepartie obligatoire en repos pour l'année 2019, outre 1.009,71 € de congés payés y afférent.
Sur la demande subsidiaire de remboursement des journées de RTT
Dans le corps de ses écritures, l'employeur forme une demande de remboursement des journées de RTT. Toutefois, celle-ci n'étant pas reprise dans le dispositif des écritures, la cour n'en est pas saisie.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du licenciement vexatoire
Le salarié justifiant, en raison des circonstances vexatoires et brutales de la rupture, d'un préjudice distinct du licenciement lui-même, que celui-ci soit justifié ou sans cause réelle et sérieuse, peut obtenir réparation de son préjudice se traduisant par l'allocation de dommages et intérêts.
En l'espèce, le salarié fait valoir que la dispense d'activité qui lui a été imposée par l'employeur dès sa convocation à l'entretien préalable était injustifiée et vexatoire.
La cour relève toutefois que le salarié avait une faible ancienneté dans l'entreprise, et que la dispense d'activité était justifiée par la perte de confiance de l'employeur. En outre, le salarié, ne démontre pas le préjudice qu'il invoque.
En considération de ces éléments, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'indemnisation au titre du licenciement vexatoire.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes sur ces points, et y ajoutant, de condamner l'employeur aux dépens de l'appel ainsi qu'à verser à Monsieur [W] la somme de 1.500 € au titre des frais de procédure engagés en cause d'appel.
L'employeur sera débouté de sa demande au titre des frais de procédure.
Sur les intérêts
Il convient de dire, conformément aux dispositions de l'article 1231-7 code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2020, date de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du même code et de faire application de celles de l'article 1343-2 s'agissant de la capitalisation des intérêts.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a :
- jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société MARIONNAUD LAFAYETTE à verser à Monsieur [W] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouté Monsieur [W] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs,
Statuant de nouveau,
DÉBOUTE Monsieur [W] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société MARIONNAUD LAFAYETTE à verser à Monsieur [W] :
- 19.841,74 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l'année 2018, outre 1.984,17 € de congés payés y afférents,
- 15.863,16 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l'année 2019, outre 1.586,31 € de congés payés y afférents,
- 14.005,74 € à titre de rappel de salaire pour contrepartie obligatoire en repos pour l'année 2018, outre 1.400,57 € de congés payés y afférent,
- 10.097,16 € à titre de rappel de salaire pour contrepartie obligatoire en repos pour l'année 2019, outre 1.009,71 € de congés payés y afférent,
-1.500 € au titre des frais de procédure engagés en cause d'appel,
CONDAMNE la société MARIONNAUD LAFAYETTE aux dépens de l'appel,
DÉBOUTE la société MARIONNAUD LAFAYETTE de sa demande au titre des frais de procédure,
DIT que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2020,
DIT qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil s'agissant de la capitalisation des intérêts.
LE GREFFIER LE PRESIDENT