Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 30 AVRIL 2024
(n° 2024/ 99 , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21084 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYNO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris - RG n° 19/02973
APPELANTE
S.A.S. SUSHI SHOP GROUP, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 1]
[Localité 5]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : 532 883 105
représentée par Me Jefferson LARUE, avocat au barreau de PARIS, toque C 739
INTIMÉ
Maître [U] [W] demeurant [Adresse 3], ès-qualité de Liquidateur Judiciaire de la société Mutuelle des Transports Assurances (MTA), dont le siège social est [Adresse 2], suivant jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS le 1er décembre 2016 (RG 16/14865)
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, toque : L0056, ayant pour avocat plaidant, Me Patrick EVRARD, SCP STREAM , avocat au barreau de Paris, toque P 132, substitué à l'audience par Me Jihène BENSASSI, SCP STREAM, avocat au barreau de PARIS, toque P 132
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme FAIVRE, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Mme FAIVRE, Présidente de chambre
M SENEL, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame POUPET
ARRÊT : Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 avril 2024, prorogé au 30 avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par, Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Mme POUPET, greffière, présente lors de la mise à disposition.
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EXPOSÉ DU LITIGE :
La SA Mutuelle des Transports Assurances, ci-après dénommée MTA, est une société d'assurance mutuelle à cotisation variable régie par les dispositions des articles L. 322-26-1 et suivants du code des assurances.
La SAS Sushi Shop a souscrit auprès de MTA un contrat d'assurance
« Transports publics de marchandises » n°'59102/604285 notamment afin d'assurer sa flotte de véhicules de livraison, en responsabilité civile à compter du 1er janvier 2011.
Le 7 janvier 2013, la MTA et la société Sushi Shop ont signé un avenant.
Le contrat a pris fin le 31 décembre 2015.
La MTA rencontrant des difficultés financières, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a désigné Monsieur [G] [E] en qualité d'administrateur provisoire par décision du 10 juillet 2015.
Par décision du 15 décembre 2015, M. [E] a décidé de faire procéder à des appels de cotisations complémentaires.
Par jugement du 1er décembre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :
- constaté que la société d'assurance Mutuelle des Transports Assurances (MTA) s'est vu retirer ses agréments par décision du 23 août 2016 de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)';
- constaté la désignation par l'ACPR de Monsieur [G] [E] en qualité de liquidateur des opérations d'assurance et de Monsieur [D] [T], en qualité de commissaire assistant le juge-commissaire par le secrétariat général de l'ACPR';
- rappelé qu'il appartiendra à l'ACPR de désigner de son côté un liquidateur';
- prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société d'assurance Mutuelle des Transports Assurances';
[...]
- désigné Maître [U] [W], mandataire judiciaire en qualité de liquidateur';
- désigné la SELARL Allemand-Nguyen en qualité de commissaire priseur [...].
Par lettres recommandées réceptionnées le 5 janvier 2016, la société Sushi Shop a été destinataire d'appels complémentaires de cotisations au titre des exercices 2011, 2012 et 2013 pour un montant total de 64 495,51 euros se décomposant de la façon suivante :
- 11 226,53 euros pour 2011,
- 21 248,74 euros pour 2012,
- 32 020,24 euros pour 2013.
Le 2 mars 2016, la MTA a mis vainement en demeure la société Sushi Shop de s'exécuter.
PROCÉDURE
C'est dans ce contexte que, par exploit d'huissier en date du 28 février 2019, Maître [U] [W], ès qualités, a fait citer la société Sushi Shop devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement du 21 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
- Condamné la société Sushi Shop à payer à Maître [U] [W] pris en sa qualité de liquidateur de la société Mutuelle des transports assurances, la somme de 64 095,62 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2016 ;
- Dit que les intérêts des sommes dues seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil à compter de l'assignation ;
- Condamné la société Sushi Shop aux dépens ;
- Condamné la société Sushi Shop à payer à Maître [U] [W] pris en sa qualité de liquidateur de la société Mutuelle des transports assurances, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l'exposé du litige ;
- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration électronique du 1er décembre2021, enregistrée au greffe le 8 décembre 2021, la SAS SUSHI SHOP GROUP a interjeté appel de toutes les dispositions du jugement.
Par conclusions d'appelante n° 2 notifiées par voie électronique le 12 décembre 2023, la SAS Sushi Shop Group demande à la cour, au visa des articles L. 114-1 et R. 322-71 du code des assurances, 1290 du code civil et 9 et 700 du code de procédure civile, de :
- INFIRMER le jugement du 21 octobre 2021 (RG n° 19/02973) du tribunal judiciaire de Paris ;
Statuant à nouveau,
À TITRE PRINCIPAL,
- JUGER que seuls les sociétaires appartenant à un groupement déficitaire peuvent être appelés à verser des cotisations complémentaires ;
- JUGER au contraire qu'il ressort des rapports annuels du conseil d'administration de la société Mutuelle des Transports Assurances que le résultat technique de la branche transports, à laquelle appartient la société Sushi Shop Group, a été excédentaire lors de chacune des années au titre desquelles la société Mutuelle des Transports Assurances a cru pouvoir demander le versement de cotisations complémentaires ;
- JUGER au surplus que la société Mutuelle des Transports Assurances a également contrevenu le principe d'interdiction des traitements préférentiels au profit de certains sociétaires, tel qu'il est prévu par l'alinéa 1er de l'article R. 322-72 du code des assurances;
En conséquence,
- JUGER que Maître [U] [W], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des Transports Assurances, ne rapporte pas la preuve du caractère insuffisant des cotisations versées par les sociétaires du groupement des transporteurs publics de marchandises durant les exercices 2011, 2012 et 2013 par rapport au montant des sinistres, des frais de gestion et des frais de réassurance afférents de ces mêmes exercices ;
- JUGER que les conditions légales et contractuelles de recours à l'appel de cotisations complémentaires pour les exercices 2011 à 2013 n'étaient pas remplies en ce qui concerne la société Sushi Shop Group ;
À TITRE SUBSIDIAIRE,
- JUGER que la créance de la société Mutuelle des Transports Assurances au titre de son appel de cotisations complémentaires à l'encontre de la société Sushi Shop Group, s'est éteinte par compensation avec la créance de cette dernière en remboursement des provisions versées au titre des exercices 2013, 2014 et 2015 ;
En conséquence,
- DÉBOUTER Maître [U] [W], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des Transports Assurances, de l'ensemble des demandes qu'il forme au titre des cotisations complémentaires ;
EN TOUTE HYPOTHESE
- FIXER au passif de la société Mutuelle des Transports Assurances à la somme de 8 000 euros, la créance de la société Sushi Shop Group au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par conclusions d'intimé notifiées par voie électronique le 18 décembre 2023, Me [W], ès qualités de liquidateur judiciaire de la MTA, demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 ancien et 1103 nouveau du code civil, de :
- CONFIRMER dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en date du 21 octobre 2021 (n° RG 19/02973) en ce qu'il a fait droit à la demande de Maître [U] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la MUTUELLE DES TRANSPORTS ASSURANCES en condamnant la société SUSHI SHOP GROUP au règlement de la somme en principal de 64 095,62 euros au titre des cotisations complémentaires impayées ainsi que la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et, statuant à nouveau,
CONDAMNER la société SUSHI SHOP GROUP à régler la somme de
64 095,62 euros, sauf à parfaire, à Maître [U] [W], ès qualités de liquidateur judiciaire de la MUTUELLE DES TRANSPORTS ASSURANCES, avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 7 avril 2016 et capitalisation des intérêts, année par année, dans les termes de l'article 1343-2 du code civil, au titre des sommes dues relativement aux appels de cotisations complémentaires';
- DÉBOUTER la société SUSHI SHOP GROUP de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Et, y ajoutant,
CONDAMNER la société SUSHI SHOP GROUP à verser à Maître [U] [W], ès qualités de liquidateur judiciaire de la MUTUELLE DES TRANSPORTS ASSURANCES, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction, pour ceux la concernant, au profit de la SELARL 2H AVOCATS prise en la personne de Maître Audrey SCHWAB et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 décembre 2023.
Il convient de se reporter aux dernières conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I Sur le bien-fondé des appels de cotisations complémentaires
L'action introduite en première instance par la MTA a pour objet une demande en paiement d'un complément de cotisations.
A l'appui de son appel, SUSHI SHOP sollicite l'infirmation du jugement faisant essentiellement valoir que :
les dispositions légales et le stipulations contractuelles ne permettent pas de prélever des cotisations auprès de sociétaires appartenant à des groupements dont le résultat annuel est bénéficiaire.
Elle estime que MTA ne rapporte pas la preuve du caractère insuffisant des cotisations payées par les sociétaires du groupement des transporteurs publics de marchandises par rapport au coût des sinistres et des frais de gestion y afférents. Pour ce faire, elle expose qu'en application des dispositions réglementaires et des stipulations contractuelles, le déficit est apprécié à la lumière de deux critères, d'une part, le ratio sinistres indemnisés/ primes encaissées, d'autre part, les frais de gestion ; qu'en revanche, ces dispositions ne prévoient pas la prise en compte de l'éventuel coût de la réassurance. Elle fait valoir que le groupement de SUSHI SHOP GROUP était excédentaire au titre de chacun des exercices litigieux et que c'est en réalité la branche «'Automobile'» qui rencontrait un déficit technique à l'origine du manque de fonds propres de MTA.
Elle reproche aussi à MTA de ne pas avoir déterminé avec précision les sommes qui lui seraient dues. Enfin, elle estime que MTA n'a pas respecté le principe de l'interdiction des traitements préférentiels au profit de certains associés, pour les raisons suivantes:
* d'une part, en faisant une discrimination entre les anciens et nouveaux souscripteurs d'un même groupement,
* d'autre part, l'administrateur provisoire a déterminé une tarification qui conduit à ce que les sociétaires des groupements ayant le taux de sinistralité le plus mauvais, soient le moins mis à contribution ;
En réplique, la MTA sollicite la confirmation du jugement et le débouté de l'appelante de l'ensemble de ses demandes faisant essentiellement valoir que :
* le tribunal a procédé à une appréciation exacte des faits de la cause et des conséquences qu'il y a lieu d'en tirer :
* il ressort des éléments comptables que MTA a supporté des déficits en 2011, 2012 et 2013 qui n'ont pu être compensés par l'excédent de déficit de l'exercice 2014 ; que l'administrateur provisoire désigné par l'ACPR constatant que ces «'déficits sont en effet la conséquence directe de cotisations insuffisantes de certains groupements de sociétaires'» a pris la décision de procéder à un appel complémentaire de cotisations auprès des sociétaires de la MTA répartis en groupements, conformément aux dispositions du code des assurances et des statuts de la MTA ; qu'il a pris en compte la situation de chacun des groupements pour fixer le montant des cotisations complémentaires.
A cet égard, la MTA précise qu'il convient d'ajouter au taux de sinistralité, les coûts de gestion de l'assureur et de la réassurance ; s'agissant de la réassurance, MTA rappelle que le rapport sinistre/ cotisation est écrêté des sinistres pris en charge pour la réassurance, qu'il est donc normal d'en tenir compte au titre du coût de la réassurance, contrepartie de cet écrêtement. Elle fait aussi valoir qu'il importe peu que le taux soit excédentaire ou déficitaire dès lors qu'il a été constaté que les cotisations totales perçues par MTA sont insuffisantes pour faire face au total des sinistres et frais de gestion : la faculté de procéder à un appel complémentaire de cotisations peut alors être mis en oeuvre auprès de l'ensemble des sociétaires avec des répartitions du taux de rappel en fonction des groupements. Elle ajoute que ni la législation, ni la jurisprudence ne prévoit l'obligation de n'appeler les cotisations complémentaires qu'auprès des seuls sociétaires appartenant à un groupe déficitaire ; qu'en effet, la participation des sociétaires au règlement des cotisations complémentaires découle des obligations attachées au statut de sociétaire d'une mutuelle et au principe de solidarité des sociétaires propre aux compagnies d'assurance mutuelle ; qu'il en résulte que SUSHI SHOP GROUP ne peut se soustraire à son obligation de solidarité financière qui découle de sa qualité de sociétaire d'une mutuelle à cotisations variables.
La MTA précise aussi que seuls les adhérents présents au cours des exercices déficitaires sont concernés par les appels complémentaires qui sont destinés à compenser les insuffisances de cotisations de ces années. Il n'est donc pas porté atteinte au principe d'interdiction de traitement préférentiel.
Sur ce,
L'article L. 322-26-1 du code des assurances dispose que : « Les sociétés d'assurance mutuelles ont un objet non commercial. Elles sont constituées pour assurer les risques apportés par leurs sociétaires. Moyennant le paiement d'une cotisation fixe ou variable, elles garantissent à ces derniers le règlement intégral des engagements qu'elles
contractent. »
L'article R. 322-42 du même code énonce que : « Les sociétés d'assurance à forme mutuelle garantissent à leurs sociétaires, moyennant le versement d'une cotisation fixe ou variable, le règlement intégral de leurs engagements en cas de réalisation des risques dont elles ont pris la charge ».
L'article R. 322-71 pose les contours du principe de la variabilité de la cotisation ainsi qu'il suit :
« Le sociétaire ne peut être tenu en aucun cas, sauf par application des dispositions du premier alinéa de l'article R. 322-65, ni au-delà de la cotisation inscrite sur sa police dans le cas d'une société à cotisations fixes, ni au-delà du montant maximal de cotisation indiqué sur sa police dans le cas d'une société à cotisations variables.
Le montant maximal de cotisation prévu dans ce dernier cas ne peut être inférieur à une fois et demie le montant de la cotisation normale nécessaire pour faire face aux charges probables résultant des sinistres et aux frais de gestion.
Le montant de la cotisation normale doit être indiqué sur les polices délivrées à leurs sociétaires par les sociétés à cotisations variables.
Les fractions du montant maximal de cotisation que les assurés des sociétés à cotisations variables peuvent, le cas échéant, avoir à verser en sus de la cotisation normale, sont fixées par le conseil d'administration. »
Il est constant que la MTA a choisi d'opter pour le principe de la variabilité des cotisations. Ses statuts, comme ceux de toutes les sociétés d'assurance mutuelle à cotisations variables, prévoient que, lorsque l'entreprise constate, pour certains exercices, que les cotisations appelées et encaissées ne permettent pas de faire face aux charges globales des sinistres et des frais de gestion, elle peut procéder à un appel complémentaire pour couvrir ses charges.
Ainsi cette faculté, issue de l'article R. 322-71 du code des assurances, et inscrite dans ses statuts (article 10) est aussi rappelée dans les conditions générales applicables au contrat litigieux, en ces termes :
« S'il s'avère que la cotisation dite normale appelée d'avance, ne permet pas de faire face aux charges probables d'un exercice résultant des sinistres et des frais de gestion, le Conseil d'Administration de la MUTUELLE peut décider de procéder, conformément à ses statuts, à un appel de cotisation complémentaire pour l'exercice considéré ».
« IL NE PEUT ETRE EXIGE POUR UN EXERCICE UNE COTISATION SUPERIEURE A UNE FOIS ET DEMIE LE MONTANT DE LA COTISATION NORMALE ». (article 47 du paragraphe 4 relatif aux cotisations)
La faculté ouverte aux sociétés d'assurances mutuelles de procéder à des rappels de cotisations, au visa de l'article R. 322-71 du code des assurances, repose sur le seul critère de la constatation de déficits consécutifs à une insuffisance des cotisations par rapport à la charge des sinistres et des frais de gestion.
L'appel complémentaire vient ainsi s'ajouter aux cotisations normales payées pour ces exercices. La cotisation complémentaire est due quelle que soit la situation des sociétaires et même si le contrat a été résilié, dès lors que ce contrat a été en vigueur au cours de l'un des exercices.
Enfin, il est rappelé les termes de l'article L. 612-34 du code monétaire et financier en vertu duquel l'ACPR « peut désigner un administrateur provisoire auprès d'une personne qu'elle contrôle, auquel sont transférés tous les pouvoirs d'administration, de direction et de représentation de la personne morale ».
En l'espèce, SUSHI SHOP GROUP qui ne conteste pas avoir adhéré aux statuts et aux conditions générales de la MTA, dont elle a eu connaissance, les conditions particulières de la police d'assurance signée y faisant expressément référence, était parfaitement et suffisamment informée de la faculté de la MTA de procéder à des appels complémentaires.
M. [E], désigné en qualité d'administrateur provisoire de la mutuelle, le 10 juillet 2015 par l'ACPR au visa notamment de l'article L. 612-34 du code monétaire et financier, antérieurement au retrait des agréments de la MTA, le 23 août 2016, et au prononcé de la liquidation du 1er décembre 2016, a été régulièrement substitué au conseil d'administration de la MTA.
Il avait donc compétence pour prendre les décisions dévolues antérieurement au conseil d'administration et notamment pour décider, au nom de celui-ci, de procéder à un rappel de cotisations complémentaires. Au regard du défaut de fonds propres de la MTA, il a décidé le 15 décembre 2015 de procéder à des appels de cotisations complémentaires afin que la MTA puisse faire face à ses engagements contractuels.
Dans cette décision, il fait état au cours des exercices 2011 à 2013, de l'enregistrement par la MTA d'importantes pertes qui ont consommé la totalité des fonds propres de la mutuelle :
* 2011 : 1 807 424 euros
* 2012 : 5 018 865 euros
* 2013 : 5 105 387 euros.
Et que les appels de cotisations complémentaires découlent de ces pertes.
Pour en justifier, la MTA produit aux débats le rapport du conseil d'administration présenté à l'assemblée générale du 20 juin 2012 pour l'exercice 2011, le rapport du conseil d'administration présenté à l'assemblée générale du 27 juin 2013 pour l'exercice 2012 et le rapport du conseil d'administration du 30 juin 2014 pour l'exercice 2013.
Au vu des exercices déficitaires de 2011, 2012 et 2013, au regard des comptes sociaux, faisant apparaître l'aggravation de la situation financière, en distinguant poste par poste les cotisations normales appelées, les charges des sinistres, les frais de gestion et les autres charges, approuvés par les représentants des groupements de sociétaires et certifiés par le commissaire aux comptes, et eu égard au résultat technique négatif de chaque exercice, il s'avère que les déficits techniques des trois exercices concernés par les rappels contestés sont justifiés par les pièces versées aux débats et par les explications fournies.
La MTA, ne pouvant faire appel à des financements extérieurs, ne pouvait faire face à ses engagements financiers consécutifs aux sinistres et avait la nécessité de faire appel à des cotisations complémentaires. La reconstitution des fonds propres de l'assureur n'est destinée qu'à assurer la pérennité des indemnisations des sinistres. Si la MTA n'est pas parvenue à disposer du « minimum de capital requis », d'où le retrait de ses agréments suivi de sa mise en liquidation, cette situation est toutefois sans effet sur l'obligation qui pèse sur l'assureur de poursuivre le règlement des indemnités des sinistres, et ce, précisément au moyen des cotisations complémentaires appelées sur les trois exercices déficitaires 2011, 2012 et 2013.
Dès lors que le déficit a bien été constaté sur les trois exercices considérés, le rappel des compléments de cotisations est justifié.
La cour précise que, contrairement aux allégations de l'appelante, les données concernant la prise en charge de sinistres par la réassurance ressortent des comptes sociaux approuvés par les commissaires aux comptes et les assemblées générales et la MTA justifie avoir communiqué l'intégralité des traités de réassurance.
Les considérations de l'appelante sur l'exclusion de la réassurance du calcul du taux de sinistralité, sont sans objet puisque la décision de rappel de cotisations doit prendre en compte les frais de réassurance dès lors que les sinistres pris en charge par la réassurance ont été exclus du calcul du taux sinistre/cotisation.
C'est aussi à juste titre que les frais de gestion de l'année en cause sont pris en compte dans le taux de sinistralité. En effet, il est constant que le contrat d'assurance qui est un contrat à titre onéreux, prévoit au titre des obligations de l'assuré, le paiement d'une prime (ou cotisation) qui comprend non seulement la part contributive de l'assuré à la mutualisation des risques mais aussi les frais engendrés par la gestion des sinistres.
La loi précise que la mutuelle pouvait appliquer un taux de rappel jusqu'à 150 % des cotisations normales appelées lors d'un exercice. Le rapport cumulé sinistres/cotisations du groupement des ' transports publics de marchandises ', sur les trois exercices 2011, 2012 et 2013 est égal à 85 %, ce que reconnaît d'ailleurs SUSHI SHOP GROUP dès lors qu'elle ajoute les frais de gestions et les charges de réassurance au taux sinistre/cotisation, justifiant un taux de rappel de 15 %, conforme à la décision clairement motivée de l'administrateur provisoire. L'argument de SUSHI SHOP GROUP tiré du seul exercice de 2013 selon lequel le taux serait inférieur à 80 %, ne saurait être retenu dès lors que M. [E] explique dans sa décision du 15 décembre 2015, que «'pour la détermination du taux, il est retenu le coût total des sinistres des trois exercices et le montant total des cotisations [...]'».
Concernant la répartition des sociétaires en groupement, celle-ci résulte de l'article 11 des statuts de la MTA et de l'article R. 322-58 du code des assurances.
Par ailleurs, SUSHI SHOP GROUP n'est pas fondée à affirmer que seuls les sociétaires appartenant à un groupement déficitaire peuvent être appelés à verser des cotisations complémentaires.
En effet, les statuts (article 10) prévoient que «' Les fractions du maximum de cotisations, réclamées le cas échéant en sus de la cotisation normale, sont fixées par le conseil d'administration. Celui-ci peut prendre des décisions s'appliquant à l'ensemble des sociétaires, toutes catégories d'assurance confondues ou à des catégories ou sous-catégories au sens de l'article R.322-58 du code des assurances.'»
Ainsi la participation des sociétaires aux règlements des cotisations complémentaires découle des obligations attachées au statut de sociétaire d'une mutuelle à cotisation variable et du principe de solidarité des sociétaires propre aux compagnies d'assurance mutuelle.
La faculté de procéder à un appel complémentaire peut donc être mise en oeuvre auprès de tous les sociétaires des années déficitaires.
SUSHI SHOP GROUP n'est pas non plus fondée à considérer qu'il a été porté atteinte au principe d'égalité de traitement en écartant de la contribution complémentaire, les sociétaires qui ont souscrit auprès de la mutuelle, postérieurement aux années déficitaires puisqu'ils ne sont pas à l'origine de ce déficit.
Il résulte de l'ensemble de ces constatations que la MTA fait valoir à juste titre que la décision de M. [E] est justifiée par le déficit constaté de la MTA et par la modulation du taux de cotisation complémentaire qu'il a opéré en fonction du taux de sinistralité de chaque groupement, frais de gestion et de réassurance compris.
Ainsi, le calcul des cotisations complémentaires dues par SUSHI SHOP GROUP, a été opéré par la MTA conformément aux dispositions légales, statutaires et contractuelles.
La créance de SUSHI SHOP GROUP est donc certaine, liquide et exigible et elle est redevable au titre de son contrat, de la somme totale en principal de 64 095,62 euros au titre des trois exercices déficitaires 2011, 2012 et 2013.
Pour ces motifs et ceux retenus par le tribunal, SUSHI SHOP GROUP sera condamnée au paiement de ladite somme, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation valant mise en demeure, outre la capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1343-2 du code civil.
Le jugement déféré sera confirmé s'agissant de la condamnation en principal et infirmée concernant le point de départ des intérêts légaux.
II Sur la demande subsidiaire de compensation formée par SUSHI SHOP GROUP
Le tribunal a débouté SUSHI SHOP GROUP de sa demande subsidiaire de compensation, celle-ci ne justifiant pas du montant de sa demande.
La cour observe qu'en appel, SUSHI SHOP GROUP ne fait valoir aucun nouveau moyen à l'appui de sa prétention et ne justifie pas plus qu'en première instance des provisions versées par SUSHI SHOP GROUP à hauteur de
120 000 euros.
Au vu de la pièce 12 communiquée par SUSHI SHOP GROUP et invoquée à l'appui de sa demande, il s'avère que la MTA a opéré la déduction de la compensation sur sinistre mais reconnaît que dans sa demande de rappel du 12 avril 2018, elle a omis de comptabiliser la somme de 71,40 euros versée le 1er juin 2016. Elle a donc opéré dans son assignation de première instance, une rectification.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le tribunal a rejeté à juste titre la demande de compensation formée par SUSHI SHOP GROUP.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
III Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné SUSHI SHOP GROUP à payer à la MTA représentée par maître [W] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de l'instance.
En cause d'appel, SUSHI SHOP GROUP qui succombe sera condamnée à payer à la MTA, représentée par son liquidateur, une indemnité de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens d'appel.
Elle sera déboutée de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort rendu par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a condamné la société SUSHI SHOP GROUP aux intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2016 ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société SUSHI SHOP GROUP aux intérêts au taux légal à compter du 28 février 2019 ;
Y ajoutant,
Condamne la société SUSHI SHOP GROUP à payer à la MTA, représentée par son liquidateur, maître [U] [W], une indemnité de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile, au profit de maître Audrey SCHWAB ;
Déboute la société SUSHI SHOP GROUP de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toutes autres demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE