Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 5
ARRET DU 18 JUIN 2024
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/20769 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CG22O
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 novembre 2022 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 21/02636
APPELANT
LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté à l'audience par Madame Martine TRAPERO, avocat général
INTIME
Monsieur [X] [Y] né le 30 novembre 1997 à [Localité 5] (Sénégal),
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Olivier CHEMIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque: 28
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 mai 2024, en audience publique, le ministère public et l'avocat de l'intimé ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre
Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère
Mme Marie LAMBLING, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire du 30 novembre 2022 du tribunal judiciaire de Paris qui a dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, jugé que M. [X] [Y], né le 30 novembre 1997 à [Localité 5] (Sénégal), est de nationalité française, ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil, rejeté la demande de M. [X] [Y] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens et rejeté toute autre demande ;
Vu la déclaration d'appel du 9 décembre 2022 du ministère public ;
Vu les conclusions remises au greffe le 9 janvier 2023 par la voie électronique et signifiées en même temps que la déclaration d'appel par acte de commissaire de justice le 23 janvier 2023 à M. [X] [Y] aux termes desquelles le ministère public demande à la cour d'infirmer le jugement, ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil et condamner M. [X] [Y] aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance d'incident du 12 octobre 2023 du conseiller de la mise en état qui a dit que l'intimé est irrecevable à conclure ;
Vu l'ordonnance de clôture du 26 mars 2024 ;
Vu l'audience du 2 mai 2024 ;
Vu le bulletin adressé le 2 mai 2024 par la cour invitant les parties à faire connaitre leurs observations sur la recevabilité des pièces communiquées par l'intimé le 14 février 2024 ;
Vu les observations transmises le 6 mai 2024 par le ministère public qui considère que l'ordonnance du 12 octobre 2023 du conseiller de la mise en état est définitive et qu'en conséquence l'intimé est irrecevable à conclure et à communiquer des pièces ;
Vu les observations transmises le 21 mai 2024 par M. [X] [Y] qui considère que l'ordonnance du conseiller de la mise en état ne le prive pas de communiquer des pièces, mentionnant seulement que l'intimé est irrecevable à conclure, que les pièces produites sont des actes d'état civil indispensables à l'examen de sa demande et que les écarter des débats reviendrait à le priver de tout accès à la justice ;
MOTIFS
Sur la recevabilité des pièces de l'intimé
Aux termes de l'article 906 du code de procédure civile, les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie et les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.
Dans la procédure d'appel en matière contentieuse avec représentation obligatoire, les pièces sont écartées des débats lorsque les conclusions au soutien desquelles elles sont communiquées sont déclarées irrecevables, au seul constat de l'irrecevabilité de ces conclusions. (Cass., ass. Plen.,5 déc 2014, n°13-27501).
Il s'ensuit que les pièces communiquées par l'intimé le 14 février 2024 doivent être écartées des débats.
Sur le fond
Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1040 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 20 décembre 2022 par le ministère de la Justice.
Invoquant l'article 18 du code civil, M. [X] [Y] revendique la nationalité française par filiation paternelle pour être né le 30 novembre 1997 à [Localité 5] (Sénégal) de M. [C] [Y], né le 1er avril 1954 à [Localité 7] (Sénégal), de nationalité française pour avoir souscrit une déclaration de nationalité française le 29 novembre 1983, laquelle a été enregistrée le 22 mai 1984.
Conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil.
M. [X] [Y] n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité. Il lui appartient donc d'apporter la preuve de la nationalité française de son père au jour de sa naissance, d'un lien de filiation légalement établi à son égard durant sa minorité et de son identité au moyen d'actes d'état civil fiables et probants au sens de l'article 47 du code civil selon lequel « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française'.
En application de l'article 954 alinéa 6 du code de procédure civile, l'intimé n'ayant pas conclu devant la cour, est réputé s'être approprié les motifs du jugement, qui pour juger qu'il était français a retenu qu'il disposait d'un état civil certain aux motifs que son acte de naissance sénégalais avait été transcrit sur les registres du service central de l'état civil et que son père [C] [Y] à l'égard duquel la filiation était établie était français pour avoir souscrit le 29 novembre 1983 une déclaration de nationalité française.
Mais, la circonstance que l'acte de naissance étranger de M. [X] [Y] a été transcrit le 21 octobre 2014 sur les registres du service central de l'état civil à [Localité 6] n'a pas pour effet de rendre les dispositions de l'article 47 du code civil inopérantes et de le purger des vices dont il est atteint (1re Civ., 8 juillet 2020, pourvoi n° 19-15.088) dès lors que la valeur probante de cette transcription est subordonnée à celle de l'acte étranger à partir duquel la transcription a été effectuée. En outre, aucune disposition ne fait obligation au ministère public d'agir en nullité de l'acte transcrit par l'officier d'état civil consulaire.
Pour considérer que l'acte de naissance sénégalais de M. [X] [Y] n'est pas probant, le ministère public fait justement valoir, comme l'avait relevé le tribunal, qu'il ne contient ni l'heure de la naissance ni l'heure à laquelle l'acte a été dressé en violation de l'article 40 du code de la famille sénégalais qui dispose que tout acte de l'état civil, quel qu'en soit l'objet, énonce l'année, le mois, le jour et l'heure où il est reçu et de l'article 52 qui prévoit que l'acte de naissance énonce l'heure de la naissance.
En outre, il ressort des mentions du jugement que l'acte de naissance de M. [X] [Y] a été dressé le 31 décembre 1997 alors que l'intéressé est né le 30 novembre 1997. Ainsi, comme le souligne le ministère public, cet acte a été dressé en violation de l'article 51 du code de la famille sénégalais qui prévoit que toute naissance doit être déclarée à l'officier de l'état civil dans le délai franc d'un mois et que si le délai arrive à expiration un jour férié, la déclaration sera reçue valablement le premier jour ouvrable. Si en première instance, M. [X] [Y] soutenait que le 30 novembre 1997 était un dimanche pour justifier le report d'un jour du délai, le ministère public fait justement observer que le report du délai aurait été justifié si le 30 décembre 1997, dernier jour du délai était un dimanche, ce qui n'était pas le cas.
Ainsi, il résulte de ces constatations que l'acte de naissance de M. [X] [Y] n'a pas été dressé conformément aux dispositions légales sénégalaises et qu'il est en conséquence dépourvu de force probante.
M. [X] [Y] ne disposant d'aucune identité certaine au sens de l'article 47 du code civil ne peut se voir reconnaître à aucun titre la nationalité française. Il convient de constater son extranéité.
M. [X] [Y], succombant à l'instance, est condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Ecarte des débats les pièces communiquées par M. [X] [Y],
Dit que l'accomplissement de la formalité prévue à l'article 1040 du code de procédure civile a été accomplie et que la procédure régulière,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Dit que M. [X] [Y], se disant né le 30 novembre 1997 à [Localité 5] (Sénégal), n'est pas de nationalité française,
Ordonne la transcription de la mention prévue à l'article 28 du code civil,
Condamne M. [X] [Y] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE