RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 7
ARRÊT DU 27 Juin 2024
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/05440 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHKTC
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Janvier 2023 par le Tribunal Judiciaire de BOBIGNY - RG n° 22/00021
APPELANTS
Monsieur [E] [I]
[Adresse 9]
[Localité 6]
représenté par Me Hélène DESTREM de l'ASSOCIATION CHAUMANET, CALANDRE - EHANNO, CAYLA - DESTREM, avocat au barreau de PARIS, toque : R101
Madame [S] [P] [W] [I]
[Adresse 9]
[Localité 6]
représentée par Me Hélène DESTREM de l'ASSOCIATION CHAUMANET, CALANDRE - EHANNO, CAYLA - DESTREM, avocat au barreau de PARIS, toque : R101
S.A.R.L. SHANA & ELYAH
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Hélène DESTREM de l'ASSOCIATION CHAUMANET, CALANDRE - EHANNO, CAYLA - DESTREM, avocat au barreau de PARIS, toque : R101
INTIMÉES
SOREQA
S.A. SOCIÉTÉ DE REQUALIFICATION DES QUARTIERS ANCIENS
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131, substitué à l'audience par Me Grégoire DUCONSEIL, avocat au barreau de PARIS
DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE SAINT DENIS - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
Division Missions Domaniales
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Madame [G] [Z], en vertu d'un pouvoir général
Non comparante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Hervé LOCU, Président
Madame Valérie MORLET, Conseillère
Madame Nathalie BRET, Conseillère
Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [E] [I] et Madame [S] [I] [W] étaient propriétaires d'un fonds de commerce exploité dans un local commercial situé [Adresse 3] à [Localité 8], sur la parcelle cadastrée section AK n° [Cadastre 1].
Il s'agit d'un local commercial dans lequel était exercée une activité de coiffure et esthétique.
Ils étaient titulaires d'un bail commercial conclu avec M. [R] [M] le 8 octobre 2013.
Selon avenant au bail commercial du 1er décembre 2014, la société SHANA ET ELYAH s'est substituée à M. [E] [I] et Madame [S] [I] [W] dans leurs droits et obligations, de sorte que c'est désormais la société susvisée qui est titulaire dudit bail commercial, pour un loyer annuel hors charge de 12'000 euros TTC.
Le local loué est situé dans le périmètre du projet de requalification de l'ensemble immobilier situé [Adresse 3] à Saint-Denis. Ce projet a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique et ledit immeuble a été déclaré cessible au profit de la société de requalification des quartiers anciens (SOREQA) selon arrêté préfectoral n° 2019-3030 du 22 novembre 2019.
Par ordonnance d'expropriation rendue le 23 septembre 2021, le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny a transféré la propriété du bien donné à bail à la société SHANA & ELYAH à la SOREQA.
Après avoir notifié son mémoire valant offre de l'autorité expropriante, la SOREQA a saisi par requête le 27 janvier 2022 la juridiction de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de fixer ses obligations à l'égard de M. [E] [I] et Madame [S] [I] [W].
Par jugement contradictoire du 12 janvier 2023, après transport sur les lieux le 16 juin 2022 le juge de l'expropriation de la Seine-Saint-Denis a :
'annexé à la décision le procès-verbal de transport du 16 juin 2022 ;
'reçu l'intervention volontaire de la SARL SHANA ET ALYAH ;
'fixé l'indemnité totale d'éviction due par la société de requalification des quartiers anciens (SOREQA) à la SARL SHANA ET ELYAH au titre de l'opération d'expropriation des locaux commerciaux d'activités situés [Adresse 3] à [Localité 8], sur la parcelle cadastrée section AK n° [Cadastre 1] à la somme de 53'700 euros, décomposée de la manière suivante :
'indemnité principale : 44'041 euros, selon la valeur de l'entier fonds de commerce ;
'indemnité de remploi : 3254 euros ;
'indemnité pour trouble commercial : 4404 euros ;
'indemnité pour frais de déménagement : 2 000 euros ;
'sursis à statuer sur les indemnités destinées à couvrir les frais de licenciement du personnel qui seraient la conséquence directe de l'expropriation ;
'dit qu'il incombe à la SARL SHANA ET ELYAH de saisir la juridiction de céans en possession des justificatifs afférents aux indemnités pour frais de licenciement ;
'dit que l'indemnisation d'éviction commerciale selon la valeur de l'entier fonds de commerce implique que la SARL SHANA et ELYAH ne se réinstalle pas à court terme à proximité du local commercial exproprié ;
- condamné la société de requalification des quartiers anciens (SOREQA) à payer à la SARL SHANA ET ELYAH la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
'condamné la société de requalification des quartiers anciens (SOREQA) aux dépens.
M. [E] [I], Madame [S] [W] [I] et la SARL SHANA et ELYAH ont interjeté appel par RPVA le 23 mars 2023 sur toutes les dispositions du jugement.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :
1/déposées au greffe le 1er juin 2023 notifiées le 12 juin 2023 (AR intimé du 14 juin 2023 et AR CG du 14 juin 2023) M. [E] [I], Madame [S] [W] [I] et la SARL SHANA & ELYAH COIFFURE aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
'infirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau :
'fixer le montant total de l'indemnité d'éviction due par la SOREQA à la SARL SHANA ET ELYAH COIFFURE à la somme de 254'000 euros au titre de l'opération d'expropriation des locaux commerciaux d'activités situés au [Adresse 3] à [Localité 8] décomposée comme suit :
'indemnité principale : 220'000 euros
'indemnité de remploi : 23'000 euros
'indemnité de déménagement : 2 000 euros
'indemnité pour trouble commercial : 9 000 euros
'surseoir à statuer concernant le montant des indemnités de licenciement
'condamner la SOREQA à lui verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
2/ adressées au greffe le 19 septembre 2023 notifiées le 23 octobre 2023 (AR appelant du 24 octobre 2023 et AR CG du 25 octobre 2023) par la SOREQA aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
'confirmer le jugement dont appel
ajoutant,
'condamner conjointement les appelants au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
Le commissaire du gouvernement n'a pas déposé ou adressé de conclusions.
EXPOSÉ DES MOYENS DES PARTIES
M. [E] [I], Madame [S] [W] [I] et la SARL SHANA & ELYAH COIFFURE exposent que :
Il est constant que conformément aux dispositions des articles L213-6 et L213-4 du code de l'urbanisme, la date du 20 mars 2020 doit être retenue comme date de référence.
Il est observé que le dit jugement indique que le commerce est dans « un bon état d'entretien et est bien situé », et que les fonds de commerce à [Localité 8] ont connu une très forte augmentation ces dernières années en raison notamment de la dynamisation économique portée par le Grand Paris.
I s'agissant des chiffres d'affaires hors taxes pris en compte
Le chiffre d'affaires a fortement diminué en 2020 du fait du confinement et des restrictions d'exploitation qui ont perduré en 2021.
Il convient donc de retenir la moyenne des deux meilleurs chiffres d'affaires, à savoir l'année 2018 et l'année 2019 : (93'150+ 90'955)/2= 92'452,50 euros.
Elle maintient donc sa demande d'évaluation de son fonds de commerce à hauteur de 220'000 euros et conteste les éléments retenus par le commissaire du gouvernement, à savoir les cessions de salons de coiffure non situés à [Localité 8] ; en outre le salon a fait l'objet de travaux en 2019 pour plus de 40'000 euros et est doté de matériel neuf acheté en 2022 (pièces n° 3 n° 4).
Le ratio doit être a minima de 120 %.
L'indemnité de remploi doit être fixée à 23'000 euros.
2 sur les indemnités accessoires
Il convient de surseoir à statuer sur les indemnités de licenciement des salariés.
Il convient de confirmer pour l'indemnité de déménagement pour un montant de 2000 euros.
Sur l'indemnité pour trouble commercial, il convient de leur accorder le fondement le plus avantageux à savoir un mois de salaires et charges soit la somme de 9 000 euros.
La SOREQA rétorque :
Dans le cadre du traité de concession du 29 décembre 2010 passé entre l'établissement public territorial plaine et la SOREQA, il a été décidé par le conseil d'administration de cette dernière le 13 février 2019 d'engager une procédure de déclaration d'utilité publique concernant l'ensemble immobilier sis [Adresse 3] à [Localité 8], édifié sur la parcelle cadastrée AK n° [Cadastre 1].
L'arrêté préfectoral n° 2019-3130 du 22 novembre 2019 a donc déclaré d'utilité publique l'acquisition par voie d'expropriation.
Le bien est édifié sur une parcelle de forme régulière cadastrée AK d'une surface cadastrale de 180 m².
Il s'agit d'un ensemble immobilier édifié en 1892 comprenant un bâtiment A sur rue d'un rez-de-chaussée, trois étages et combles, un bâtiment B possédant une aile en R+3 et une aile en R+2 et un bâtiment C en R+1.
L'ensemble immobilier comprend trois locaux commerciaux en rez-de-chaussée sur rue d'une surface moyenne de 32 m² (coiffure) et des logements.
Par arrêté préfectoral du 7 août 2015, l'ensemble immobilier dans sa totalité a été déclaré insalubre à titre irrémédiable et interdit définitivement à l'habitation dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêté.
La surface du bâti déclarée au cadastre est de 450 m², dont 87 m² pour les locaux commerciaux en rez-de-chaussée ; au PLUI de plaine commune approuvée par délibération du conseil du territoire de plaine commune du 25 avril 2020, exécutoire depuis le 30 mars 2020, le bien est situé en zone UMT ; le bien étant soumis au droit de préemption, la date de référence est donc le 25 février 2020.
La zone UMT correspond aux espaces denses des centres-villes anciens, souvent historiques, au tissu traditionnel.
Cette zone regroupe de nombreuses fonctions urbaines (habitat, commerces et services, artisanat, équipements). Elle comprend deux sous secteurs :
UMTa : centre-ville d'[Localité 10] de [Localité 11]
UMTb : centre-ville de [Localité 8] et de [Localité 12].
La SOREQA n'ayant pas d'informations sur l'activité de bénéficiaire du bail, M. et Madame [I], porté à sa connaissance par le propriétaire (bail commercial du 8 octobre 2013), il a été offert une indemnité correspondant à six mois de loyers outre le remploi, pour un montant total de 6 300 euros.
M. et Madame [I] ont déposé un mémoire conjointement avec la société SHANA & ELYAH aux termes duquel le titulaire actuel du bail est cette société.
Par mail de leur conseil du 31 août 2022, ils ont renoncé à toute indemnité au profit de cette société.
En conséquence l'offre a été faite conjointement à cette société et le jugement dont appel a fixé l'indemnité au profit de celle-ci.
S'agissant du chiffre d'affaires moyen, la société évincée a pu bénéficier, comme toutes entreprises, des aides mises à disposition par les pouvoirs publics à l'occasion de cette pandémie.
Sur le coefficient, celui de 120 % du chiffre d'affaires revendiqué ne peut être retenu et il convient de confirmer le jugement.
Sur les indemnités de remploi, il convient d'appliquer le barème habituel.
S'agissant des indemnités accessoires, il est demandé à la cour de statuer sur les indemnités de licenciement, alors que l'effectivité de celles-ci n'est pas établie.
L'indemnité de déménagement fixée par le premier juge n'est pas contestée.
Pour ce qui est qui enfin du trouble commercial, il n'est pas produit de pièces à l'appui de la demande de 9 000 euros.
SUR CE, LA COUR
- Sur la recevabilité des conclusions
Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret n°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1er septembre 2017, l'appel étant du 23 mars 2023, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.
À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.
L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.
Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.
Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.
Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.
En l'espèce, les conclusions de M. [E] [I], Mme [S] [W] [I] et de la SARL SHANA & ELYAH COIFFURE du 1er juin 2023 et de la SOREQA du19 septembre 2023 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.
- Sur le fond
Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.
Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.
L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.
Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.
Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.
Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.
Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 du dit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.
L'appel porte sur le montant de l'indemnité d'éviction.
S'agissant de la date de référence, le juge a retenu le 30 mars 2020.
Les appelants n'ont pas conclu sur ce point et la SOREQA retient la date du 25 février 2020.
En application des articles L 213-6 et L 213-4 du code de l'urbanisme, le bien étant soumis au droit de préemption, la date de référence est celle du plan le local d'urbanisme intercommunal(PLUI) de Plaine commune approuvé le 25 février 2020, exécutoire depuis le 30 mars 2020 et plaçant le bien en zone UMT.
Le jugement sera donc confirmé qui a exactement retenu le 30 mars 2020 comme date de référence.
La zone UMT correspondant aux espaces denses des centres-villes anciens, souvent historiques, des tissus traditionnel.
Cette zone peut regrouper de nombreuses fonctions urbaines (habitat, commerce, service, artisanat, équipements). Elle comprend deux sous secteurs :
' UMTa : le centre-ville d'[Localité 10] et de [Localité 11]
' UMTb : le centre-ville de [Localité 8] et de [Localité 12].
Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit d'un fonds de commerce de coiffure et d'esthétique situé [Adresse 3] à [Localité 8], sur la parcelle cadastrée section AK numéro [Cadastre 1].
Cette rue à sens unique est très commerçante ; elle est située à cinq minutes à pied de l'arrêt de tramway « marché de [Localité 8] » (T1 et T5) et à 20 minutes à pied de la station de métro « Saint-Denis - port de Paris » (L13).
Le commerce est situé au rez-de-chaussée d'un immeuble type R+3 très dégradé ayant fait l'objet le 7 août 2015 d'un arrêté préfectoral déclarant insalubre à titre irrémédiable et en interdisant définitivement l'habitation. Des logements se situent aux étages et trois commerces de type salon de coiffure se situent au rez-de-chaussée. Il ressort du procès-verbal transport que le salon évincé comprend une dizaine de sièges coiffure avec miroir et matière de coiffure à chaque poste. Au fond la pièce principale se situe un comptoir ainsi qu'un casque sèche-cheveux. Une seconde pièce située à l'arrière donne sur un espace de manucure avec deux bureaux, un siège pour le shampooing et un ballon d'eau chaude.
Globalement, le commerce est dans un bon état entretien et est bien situé.
Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport.
S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 12 janvier 2023.
- Sur l'indemnité principale d'éviction commerciale
A sur la méthode d'évaluation
La méthode retenue par le premier juge de fixer l'indemnité d'éviction selon la valeur de l'entier fonds de commerce n'étant pas contestée par les appelants, le jugement sera confirmé sur ce point.
B sur la détermination de l'indemnité principale
Le premier juge a retenu, compte tenu du contexte sanitaire exceptionnel lié à la pandémie de COVID 19, ayant impacté fortement l'activité commerciale des salons de coiffure, en partie obligés de fermer, le chiffre d'affaires moyen des trois meilleurs exercices clos depuis 2018, fournis par le commissaire du gouvernement, l'appelant n'ayant versé aux débats que le bilan de l'exercice 2019, les années 2018, 2019 et 2020 pour une valeur de 88'082 euros correspondant aux indications du commissaire du gouvernement.
Les appelants demandent l'infirmation du jugement en demandant de retenir la moyenne des deux meilleurs chiffres d'affaires à savoir les années 2018 et 2019, au motif que non seulement le chiffre d'affaires a fortement diminué en 2020 du fait du confinement mais que les restrictions d'exploitation ont perdurè en 2021.
Ils retiennent donc : (93'950+ 90'955)/2= 92'452,50 euros.
Le premier juge ayant déjà tenu compte des conséquences de la pandémie du COVID 19 en retenant le chiffre d'affaires moyen des trois derniers meilleurs exercices clos depuis 2018, il n'y a pas lieu en outre de déroger à la méthode traditionnelle en retenant uniquement deux exercices.
Il convient en conséquence de confirmer jugement sur ce point qui a exactement retenu : (93'950+ 90'555+ 79'740)/3= 88'082 euros.
Sur le ratio prix de vente/chiffre d'affaires, le premier juge a retenu six références du commissaire du gouvernement correspondant à une moyenne de 48 %, et a indiqué que quand bien même le chiffre d'affaires de la SARL était en baisse, celle-ci jouissait d'une bonne situation commerciale, ce qui justifiait de retenir un ratio proche de la moyenne, soit 50 %.
Les appelants indiquent que le ratio devrait être de 120 % au, motif que les valeurs de référence fournies concernent des salons de coiffure non situés à Saint-Denis, que le salon était récent et a fait l'objet de travaux en 2019 pour plus 40'000 € était doté de matériel neuf acheté en 2022 (pièce n° 3 : facture des travaux et pièce n° 4 : facture d'achat du matériel) et que les éléments incorporels tels que la clientèle, emplacements notamment sont nettement supérieurs.
Cependant, ils ne proposent, ni termes de référence, ni même de barèmes justifiant de retenir un ratio de 102 %.
Le jugement sera donc confirmé qui a retenu comme indemnité principale pour la valeur de l'entier fonds de commerce :
88'082 euros(moyenne des chiffres d'affaires des années 2018, 2019 et 2020) X 50 % (ratio prix de vente/chiffre d'affaires)= 44 041 euros.
- Sur les indemnités accessoires
1° Sur l'indemnité de remploi
Elle est calculée selon la jurisprudence habituelle comme suit :
5% jusqu'à 23'000 euros : 1 150 euros
10 % sur le surplus : 2 104 euros
soit un total de 3 254 euros.
Les modalités de calcul n'étant pas contestées, le jugement sera confirmé sur ce point.
2° sur les indemnités pour perte éviction et perte d'exploitation
Le rejet par le premier juge n'étant pas contesté par les appelants, le jugement sera confirmé sur ce point.
3° sur l'indemnité pour travaux non amortis
Le rejet n'étant pas contesté par les appelants, le jugement sera confirmé sur ce point
4° sur les frais de licenciement du personnel
Le sursis à statuer par le premier juge n'étant pas contesté, jugement sera confirmé sur ce point.
5° sur indemnité pour trouble commercial
Le premier juge a retenu comme méthode l'équivalent de 15 jours du chiffre d'affaires moyen hors-taxes des années 2018 à 2020 soit la somme de 4 404 euros.
Les appelants demandent de retenir la méthode d'un mois de salaire et charges soit la somme de 9 000 euros.
Comme le dit exactement la SOREQA, ils ne produisent aucune pièce, à savoir salaires et charges à l'appui de cette demande.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
6° sur l'indemnité de déménagement
Les appelants demande la confirmation du jugement pour l'indemnité de déménagement d'un montant de 2 000 euros.
L'indemnité totale d'éviction à verser par la SOREQA à la société SHANA et ELYAH COIFFURE s'élève donc à la somme de :
44'041 euros (indemnité principale)+ 3 254 euros (indemnités de remploi)+ 4 404 euros (indemnité pour trouble commercial)+ 2 000 euros (indemnité de déménagement) = 53'700 euros arrondis.
Le jugement sera confirmé en ce sens.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la SOREQA à payer à la SARL SHANA & ELYAH la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de débouter la SARL SHANA & ELYAH de sa demande et au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et de la condamner sur ce fondement à payer la somme de 2000 euros à la SOREQA.
- Sur les dépens
Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L 312-1 du code de l'expropriation.
Monsieur [E] [I], Madame [S] [W] [I] et la SARLSHANA & ELYAH COIFFURE perdant le procès seront condamnés aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Statuant dans la limite de l'appel ;
Déclare recevables les conclusions des parties ;
Confirme le jugement entrepris ;
Déboute Monsieur [E] [I], Madame [S] [W] [I] et la SARLSHANA & ELYAH COIFFURE de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [E] [I], Madame [S] [W] [I] et la SARLSHANA & ELYAH COIFFURE à payer à la SOREQA la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne Monsieur [E] [I], Madame [S] [W] [I] et la SARLSHANA & ELYAH COIFFURE aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT