Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 28 JUIN 2024
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11689 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAH2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mai 2022 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2021042937
APPELANTE
S.A.S. LEASECOM
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 2]
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 331 554 071
Représentée par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
INTIMEE
S.A.R.L. LA FREGATE
prise en la personne de ses représenants légaux
[Adresse 1]
[Localité 4]
immatriculée au RCS de TOULON sous le numéro 709 500 052
Représentée par Me Ludovic BINELLO, avocat au barreau de PARIS
Assistée de Me Philippe CAMPS, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Denis ARDISSON, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Denis ARDISSON, Président de chambre
Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, conseillère,
Madame CAROLINE GUILLEMAIN, conseillère,
Qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 11 mai 2022 par lequel il a débouté la société Leasecom de sa demande en condamnation de la société La Frégate à payer la somme de 11.000 euros majorée de 10% avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, 40 euros d'indemnité forfaitaire, et condamné la société Leasecom aux dépens ainsi qu'à verser la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'appel du jugement interjeté le 21 juin 2022 par la société Leasecom ;
* *
Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 12 septembre 2022 pour la société Leasecom afin d'entendre en application des articles 31 et 48 du code de procédure civile, L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution,1103 et 1104 et 1216 du code civil :
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté la société Leasecom de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,
- recevoir la société Leasecom en son appel et le déclarer bien fondé,
- juger acquise la résiliation du contrat de location à la date du 22 juin 2021,
- condamner la société La Frégate à verser la somme de 1.200 euros TTC, montant des loyers impayés, à compter de la mise en demeure, augmentée du taux d'intérêt légal,
- condamner la société La Frégate à verser la somme de 11.000 euros, correspondant à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat, outre une majoration contractuellement prévue de 10% soit 12.100 euros, augmentée du taux d'intérêt légal,
- condamner la société La Frégate à verser la somme de 40 eurosHT au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,
- ordonner à la société La Frégate , sous astreinte, de 100euros par jour à compter de la signification de l'arrêt de procéder à la restitution du matériel, et ce, en application de la loi du 9 juillet 1991, à l'adresse suivante : Leasecom' [Adresse 5],
- ordonner l'anatocisme,
- condamner la société La Frégate à verser la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société La Frégate aux dépens ;
* *
Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 6 décembre 2022 pour la société Frégate afin d'entendre, en application des articles 11134, 1186 et 1324 du code civil :
- confirmer le jugement,
- condamner la société Leasecom à verser la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-statuer sur les dépens ;
* *
Par messages du 3 juin 2024, la cour a mis d'office dans les débats :
- la question de l'appréciation de la clause de résiliation du contrat de location financière et son éventuelle requalification sur le fondement de l'article 1231-5 du code civil,
- la question sur l'absence de mise en cause du fournisseur du matériel ou son représentant, ainsi que sur les conséquences susceptibles d'être tirées sur la rupture du contrat de location à la suite de l'arrêt de la cour de cassation qui a retenu pour la première fois dans son arrêt du 4 novembre 2014 n°13-24.270 que 'lorsque des contrats incluant une location financière sont interdépendants, l'anéantissement du contrat principal est un préalable nécessaire à la caducité'.
Vu les observations remises par le réseau privé virtuel des avocats le 5 juin 2024 pour la société La Frégate ;
Vu les observations remises par le réseau privé virtuel des avocats le 14 juin 2024 pour la société Leasecom.
SUR CE, LA COUR,
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties.
Il sera succinctement rapporté que selon un contrat du 22 février 2019, et un procès-verbal de livraison du même jour, la société La Frégate, qui exerce une activité de restauration et d'hôtellerie à [Localité 4], a conclu avec la société Atlance la location d'une borne bluetooth moyennant le versement d'un loyer de 200 euros HT pour une durée de 60 mois, le contrat de location financière ayant été cédé à la société Leasecom au prix de 12.665,53 euros TTC.
Tandis que la société La Frégate n'a acquitté aucune mensualités, la société Leasecom l'a vainement mise en demeure le 14 juin 2021 de régler l'arriéré des loyers échus et impayés avant de l'assigner le 10 septembre 2021 devant la juridiction commerciale en résiliation du contrat ainsi qu'en paiement de l'indemnité de résiliation, de la clause pénale, des frais de recouvrement et enfin, en restitution du matériel.
1. Sur la recevabilité de la demande de caducité du contrat de location financière
Pour voir confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Leasecom de sa demande en paiement de l'indemnité de résiliation et justifier ne pas devoir les mensualités, la société La Frégate conteste avoir reçu le matériel, prétend qu'il n'était pas en bon état de fonctionnement soutenant par ailleurs avoir été démarchée par le représentant d'une société Heart Biz tandis que le matériel a été conçu par la société MK Invest, mise en liquidation judiciaire.
La société La Frégate conclut enfin avoir été victime du dol qu'elle impute à ces deux fournisseur et en réponse à la question de la cour sur l'absence de la mise en cause de ceux-ci ou de leur représentant, la société La Frégate affirme 'n'avoir jamais pu avoir connaissance de la procédure collective concernant la société MK INVEST choisie initialement par la société ATLANCE'.
Toutefois, suivant l'arrêt du 4 novembre 2014 n°13-24.270 précité, la société La Frégate supportait la charge de mettre en cause l'une ou l'autre de ces sociétés ou leur représentant pour faire valoir les manquements qu'elle leur reproche, de sorte qu'à défaut de les avoir mises dans la cause, elle est irrecevable de ces chefs devant être préalablement constatés ou prononcés avant de conclure à l'anéantissement du contrat de location financière sur le fondement de son indivisibilité avec le contrat de fourniture du matériel.
2. Sur l'opposabilité de la cession du contrat de location financière
La société La Frégate conclut, en second lieu, à l'inopposabilité de la cession du contrat de location financière par la société Atlance à la société Leasecom en soutenant que les formalités prescrites à l'article 1324 du code civil pour sa notification n'ont pas été respectées, estimant par ailleurs que la substitution profit de la société Leasecom dans les droits de la société Atlance n'est établie, ni par le mandat de prélèvement que la société La Frégate a signé au profit de la société Leasecom, ni par l'échéancier de la location que la société Leasecom a adressé, ni non plus par la 'lettre de mise en demeure du 18 juillet 2019' (en réalité du 14 juin 2021).
Toutefois, ainsi que le conclut la société Leasecom, l'article 16 des conditions générales de location d'équipements professionnels attaché au contrat que la société La Fégrate a signé le 22 février 2019 avec la société Atlance stipule son acceptation de la faculté de cession du contrat, de sorte qu'il est satisfait aux conditions de cession requises par l'article 1216 du code civil selon lequel, en matière de cession de contrat :
Un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l'accord de son cocontractant, le cédé.
Cet accord peut être donné par avance, notamment dans le contrat conclu entre les futurs cédant et cédé, auquel cas la cession produit effet à l'égard du cédé lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu'il en prend acte.
La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité.
En conséquence, le jugement sera infirmé, le contrat de location financière dit opposable la société La Frégate et sa résiliation régulièrement dénoncée le 14 juin 2021.
3. Sur la requalification de la clause de résiliation du contrat de location financière
En suite de la demande d'observations de la cour sur requalification de la clause de résiliation du contrat de location financière, la société leasecom s'y oppose en se prévalant de la perte qui est résultée pour elle et qui correspond au prix qu'elle a acquitté entre les mains de la société Atlance.
Cependant, en revendiquant la totalité du prix dû en cas d'exécution du contrat sans considération de son exécution, l'indemnité de résiliation revêt nécessairement un caractère comminatoire en ayant pour objet de contraindre le locataire d'exécuter le contrat jusqu'à son terme, de sorte que cette indemnité doit être requalifiée en clause pénale susceptible d'être modérée suivant la directive de l'article 1231-5 du code civil.
Sur les bases de la durée de l'exécution du contrat passé le 22 février 2019 et dénoncé le 14 juin 2021, de la durée de l'engagement restant à courir pour le financement, et de la valeur d'une borne bluetooth destinée à un hotel constitué de 18 chambres, et enfin, en considération de la valeur de leur location, la cour fixera le montant de l'indemnité de résiliation à la somme de 5.000 euros.
Enfin, conformément aux stipulations du contrat de location financière, la société La Frégate supporte l'obligation de restituer le matériel de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a implicitement rejeté cette demande à laquelle il sera fait droit suivant les modalités arrêtées au dispositif de l'arrêt.
4. Sur les dépens et les frais irrépétibles
Si la société Leasecom triomphe partiellement dans son recours, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles, statuant à nouveau y compris en cause d'appel et eu égard au motifs retenus par la cour, il convient de condamner la société La Frégate aux dépens mais il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions déférées,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT irrecevables les demandes de caducité du contrat de la location financière ;
CONSTATE la résiliation du contrat de location financièree aux torts de la société La Frégate ;
REQUALIFIE la clause de résiliation du contrat de location financière en clause pénale ;
CONDAMNE la société La Frégate à payer à la société Leasecom la somme de 5.000 euros au titre de la résiliation du contrat de location financière ;
ORDONNE à la société La Frégate la restitution du matériel dans le délai de deux mois suivant la signification de l'arrêt à l'adresse de livraison Leasecom' [Adresse 5] à l'initiative de la société Leasecom, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai ;
CONDAMNE la société La Frégate aux dépens de première instance et d'appel ;
LAISSE à chacune des parties, la charge de ses propres frais exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT