Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 11
ARRET DU 04 JUILLET 2024
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/13133 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEBLV
Décision déférée à la Cour : jugement du 31 mai 2021 - tribunal judiciaire d'EVRY
RG n° 17/02638
Monsieur [X] [G]
[Adresse 29]
[Localité 34]
Né le [Date naissance 18] 1962 à [Localité 46]
Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant Me Rémi-Pierre DRAI, substitué à l'audience par Me Margaux BILGER, avocats au barreau de PARIS
Monsieur [V] [G]
[Adresse 29]
[Localité 34]
Né le [Date naissance 20] 1994 à [Localité 46]
Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant Me Rémi-Pierre DRAI, substitué à l'audience par Me Margaux BILGER, avocats au barreau de PARIS
Madame [B] [G]
[Adresse 29]
[Localité 34]
Née le [Date naissance 10] 1991 à [Localité 46]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant Me Rémi-Pierre DRAI, substitué à l'audience par Me Margaux BILGER, avocats au barreau de PARIS
Madame [U] [O] épouse [G]
[Adresse 29]
[Localité 34]
Née le [Date naissance 11] 1964 à [Localité 46]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant Me Rémi-Pierre DRAI, substitué à l'audience par Me Margaux BILGER, avocats au barreau de PARIS
Monsieur [R] [O]
[Adresse 29]
[Localité 34]
Né le [Date naissance 14] 1934 à [Localité 51]
Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant Me Rémi-Pierre DRAI, substitué à l'audience par Me Margaux BILGER, avocats au barreau de PARIS
Madame [W] [NE] épouse [O]
[Adresse 29]
[Localité 34]
Née le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 48]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant Me Rémi-Pierre DRAI, substitué à l'audience par Me Margaux BILGER, avocats au barreau de PARIS
Monsieur [C] [S] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de Madame [J] [HU] divorcée [S] décédée le [Date décès 19] 2019
[Adresse 40]
[Localité 34]
Né le [Date naissance 21] 1982 à [Localité 43]
Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant Me Rémi-Pierre DRAI, substitué à l'audience par Me Margaux BILGER, avocats au barreau de PARIS
Monsieur [D] [S] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de Madame [J] [HU] divorcée [S] décédée le [Date décès 19] 2019
[Adresse 38]
[Localité 45]
Né le [Date naissance 24] 1971 à [Localité 31]
Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant Me Rémi-Pierre DRAI, substitué à l'audience par Me Margaux BILGER, avocats au barreau de PARIS
Monsieur [E] ([N]) [S] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de Madame [J] [HU] divorcée [S] décédée le [Date décès 19] 2019
[Adresse 38]
[Localité 45]
Né le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 31]
Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant Me Rémi-Pierre DRAI, substitué à l'audience par Me Margaux BILGER, avocats au barreau de PARIS
Monsieur [Z] ([Y]) [S] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de Madame [J] [HU] divorcée [S] décédée le [Date décès 19] 2019
[Adresse 38]
[Localité 45]
Né le [Date naissance 8] 1964 à [Localité 49] (ITALIE)
Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant Me Rémi-Pierre DRAI, substitué à l'audience par Me Margaux BILGER, avocats au barreau de PARIS
Monsieur [F] [S] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de Madame [J] [HU] divorcée [S] décédée le [Date décès 19] 2019
[Adresse 40]
[Localité 34]
Né le [Date naissance 25] 1989 à [Localité 46]
Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant Me Rémi-Pierre DRAI, substitué à l'audience par Me Margaux BILGER, avocats au barreau de PARIS
Madame [K] [S] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de Madame [J] [HU] divorcée [S] décédée le [Date décès 19] 2019
[Adresse 3]
[Localité 33]
Née le [Date naissance 6] 1974 à [Localité 31]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant Me Rémi-Pierre DRAI, substitué à l'audience par Me Margaux BILGER, avocats au barreau de PARIS
Monsieur [L] [S] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de Madame [J] [HU] divorcée [S] décédée le [Date décès 19] 2019
[Adresse 38]
[Localité 45]
Né le [Date naissance 15] 1978 à [Localité 45]
Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant Me Rémi-Pierre DRAI, substitué à l'audience par Me Margaux BILGER, avocats au barreau de PARIS
Madame [TN] [O] veuve [S]
[Adresse 40]
[Localité 34]
Née le [Date naissance 17] 1962 à [Localité 46]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant Me Rémi-Pierre DRAI, substitué à l'audience par Me Margaux BILGER, avocats au barreau de PARIS
Monsieur [DT] [S] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de Madame [J] [HU] divorcée [S] décédée le [Date décès 19] 2019
[Adresse 9]
[Localité 45]
Né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 49] (ITALIE)
Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant Me Rémi-Pierre DRAI, substitué à l'audience par Me Margaux BILGER, avocats au barreau de PARIS
Madame [DB] [S] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de Madame [J] [HU] divorcée [S] décédée le [Date décès 19] 2019
[Adresse 52]
[Localité 39] (ITALIE)
Née le [Date naissance 23] 1968 à [Localité 31]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Ayant pour avocat plaidant Me Rémi-Pierre DRAI, substitué à l'audience par Me Margaux BILGER, avocats au barreau de PARIS
INTIMEES
AGENCE NATIONALE POUR LA GARANTIE DES DROITS DES MINEURS
[Adresse 4]
[Localité 37]
Représentée par Me Pierre JUNG de l'AARPI NGO JUNG & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque : R013
CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS
[Adresse 30]
[Localité 28]
n'a pas constitué avocat
S.A.R.L. CEVENOLE DE MONTAGE INDUSTRIEL
[Adresse 42]
[Localité 26]
Représentée et assistée par Me Laure ANGRAND de la SARL MANDIN - ANGRAND AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0435
CPAM DE MOSELLE
[Adresse 22]
[Localité 32]
n'a pas constitué avocat
S.A. GENERALI IARD
[Adresse 13]
[Localité 36]
Représentée et assistée par Me Laure ANGRAND de la SARL MANDIN - ANGRAND AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0435
S.A. MMA IARD
[Adresse 7]
[Localité 35]
n'a pas constitué avocat
Société VBG KÖRPERSCHAFT DES OFFENTLICHEN RECHTS
[Adresse 44]
[Localité 16] (ALLEMAGNE)
n'a pas constitué avocat
PARTIE INTERVENANTE
S.A.R.L CILTEC
[Adresse 12]
[Localité 31]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, chargée du rapport, et Mme Dorothée DIBIE, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nina TOUATI, présidente de chambre
Mme Dorothée DIBIE, conseillère
Mme Sylvie LEROY, conseillère
Greffier lors des débats : Mme Emeline DEVIN
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Fulchiron, exploitante de carrières et d'usines pour le traitement du sable, a entrepris, au mois de mai 2009, la construction d'une nouvelle usine de traitement dans la carrière de [Localité 47] (91), comportant quatre modules de traitement du sable, un module d'alimentation et plusieurs silos.
Des infrastructures métalliques composées de passerelles, plates-formes et escaliers en caillebotis devaient enserrer les équipements de lavage et de traitement du sable.
L'édification des infrastructures métalliques a été confiée à la société Sotres, laquelle a sous-traité une partie du marché à la société Cévenole de montage industriel (la société CMI), assurée auprès de la société Generali IARD (la société Generali).
La construction des convoyeurs a été confiée par la société Fulchiron à la société Ficap, laquelle a sous-traité leur montage à la société Ciltec dont le gérant est M. [M] [S].
Le frère de M. [M] [S], [I] dit [T] [S], salarié de la société de travail temporaire de droit allemand SPM est intervenu sur le chantier.
Le 8 septembre 2009, [I] [S], qui empruntait une passerelle de la structure métallique, a été victime d'une chute d'une hauteur de 4,50 mètres environ ; il est décédé le [Date décès 41] 2009 des suites de ses blessures.
La société CMI a été poursuivie du chef d'homicide involontaire pour avoir involontairement causé la mort de [I] [S], par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce :
- en n'ayant pas clôturé les planchers de la construction dont les caillebotis étaient manquants, soit par un garde-corps, soit par un plancher provisoire, soit par tout autre dispositif équivalent, et ce en violation de l'article R. 4534-6 du code du travail,
- en n'ayant pas entravé l'accès à l'escalier par des dispositifs matériels, alors que cet accès présentait des dangers en ce que les caillebotis constituant le plancher des deux paliers de l'escalier de construction étaient manquants et qu'ils n'ont pas été clôturés, et ce en violation des articles R. 4534-3 et R. 4534-6 du code de travail.
La société Ciltec a été poursuivie du chef d'homicide involontaire pour avoir, dans le cadre d'une relation de travail, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce, en ne procédant pas à une inspection commune du chantier avec le coordonnateur sécurité en violation de l'article R. 4532-13 du code de travail, involontairement causé la mort de [T] [S].
Par jugement en date du 11 février 2014, le tribunal correctionnel d'Évry a déclaré les sociétés CMI et Ciltec coupables des faits d'homicide involontaire qui leur étaient reprochés.
S'agissant des intérêts civils, le tribunal correctionnel d'Évry a reçu M. [M] [S] en sa constitution de partie civile et constaté qu'il ne formulait pas de demande en paiement de dommages-intérêts.
Ce tribunal a, par ailleurs, déclaré irrecevables les constitutions de partie civile de la société Ciltec et des « consorts [S] », à savoir Mme [TN] [O] veuve [S], M. [C] et M. [F] [S], [J] [HU] divorcée [S], M. [N] [S], M. [Y] [S], M. [DT] [S], Mme [DB] [S], M. [D] [S], Mme [K] [S] et M. [L] [S].
La société Ciltec a interjeté appel de cette décision.
Par un arrêt en date du 14 avril 2015, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement entrepris sur la culpabilité de la société Ciltec et sur l'action civile de M. [M] [S].
C'est dans ces conditions que, par actes d'huissier en date des 4 et 6 avril 2017, l'épouse de [I] [S], Mme [TN] [O] veuve [S], leurs deux fils, MM. [C] et [F] [S], sa mère, [J] [HU] divorcée [S], ses frères et soeurs, M.[N] [S], M. [Y] [S], M. [DT] [S], Mme [DB] [S], M. [D] [S], Mme [K] [S] et M. [L] [S], ses beau-frère et belle-soeur, M. [X] [G] et Mme [U] [O] épouse [G], ses beaux-parents, M. [R] [O] et Mme [W] [NE] épouse [O], ses neveu et nièce, Mme [B] [G] et M. [V] [G] ont fait assigner la société CMI, la société Generali, la société MMA, la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle (la CPAM), l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (l'ANGDM), la Caisse des dépôts et consignations, gérant pour le compte de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (la CANSSM) le régime de retraite minier, et l'organisme social allemand Verwaltungs-Berufsgenossenschaft Kdör (le VBG) aux fins de voir juger que la société CMI est responsable du décès de [I] [S] et d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.
Par acte d'huissier du 26 octobre 2017, la société CMI et la société Generali ont assigné en garantie la société Ciltec.
Les deux instances ont été jointes.
A la suite du décès de [J] [HU] divorcée [S], survenu le [Date décès 19] 2019, ses ayants droit, MM. [C] [S], [D] [S], [N] [S], [Y] [S], [F] [S], [L] [S], [DT] [S], et Mmes [K] et [DB] [S], ont repris l'instance.
Par jugement du 31 mai 2021, le tribunal judiciaire d'Évry a :
- déclaré irrecevable l'action de Mme [TN] [S] née [O], M. [C] [S], M. [F] [S], M. [E] [[N]] [S], M. [Z] [[Y]] [S], M. [DT] [S] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de sa mère, [J] [S], Mme [DB] [S], M. [D] [S], Mme [K] [S] et M. [L] [S], comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée,
- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de M. [M] [S] comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée,
- débouté Mme [W] [O], M. [R] [O], Mme [U] [O] épouse [G], Mme [B] [G], M. [V] [G] de toutes leurs demandes,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [TN] [S] née [O], M. [C] [S], M. [F] [S], M. [E] [[N]] [S], M. [Z] [[Y]] [S], M. [DT] [S], Mme [DB] [S], M. [D] [S], Mme [K] [S] et M. [L] [S], M. [R] [O] et Mme [W] [O], M. [X] [G], Mme [U] [O] épouse [G], Mme [B] [G], M. [V] [G] aux dépens,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présence décision.
Par déclaration du 2 juillet 2021, les consorts [S]-[O] ont interjeté appel de ce jugement en critiquant chacune de ses dispositions.
Par acte d'huissier en date du 9 novembre 2021, les sociétés CMI et Generali ont assigné à fin d'appel provoqué la société Ciltec qui n'avait pas été intimée par les consorts [S]-[O].
Par arrêt du 7 septembre 2023, la cour d'appel de Paris a :
- infirmé le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
- déclaré recevables les demandes d'indemnisation formées à l'encontre de la société CMI et de la société Generali par Mme [TN] [O] veuve [S], M. [C] [S], M. [F] [S], M. [N] [S], M. [Y] [S], M. [DT] [S], Mme [DB] [S], M. [D] [S], Mme [K] [S], M. [L] [S] et les ayants droit de [J] [HU] divorcée [S],
- dit que les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux subis par Mme [TN] [O] veuve [S], M. [C] [S], M. [F] [S], M. [N] [S], M. [Y] [S], M. [DT] [S], Mme [DB] [S], M. [D] [S], Mme [K] [S], M. [L] [S] et les ayants droit de [J] [S], M. [X] [G], Mme [U] [O] épouse [G], de M. [R] [O], (les consorts-[S]-[O]) consécutivement à l'accident mortel du travail dont a été victime [I] [S] le 8 septembre 2009 ne constituent pas des préjudices illicites,
- condamné in solidum la société CMI et la société Generali à verser à Mme [TN] [O] veuve [S] une indemnité de 12 930,87 euros au titre des frais d'obsèques,
- condamné in solidum la société CMI et la société Generali à verser les sommes suivantes aux proches de [I] [S] en réparation de leur préjudice d'affection :
- Mme [TN] [O] veuve [S] : 30 000 euros
- MM. [C] et [F] [S] : 20 000 euros chacun
- MM. [C] [S], [D] [S], [N] [S] , [Y] [S], [F] [S], [L] [S], [DT] [S], et Mmes [K] et [DB] [S], en leur qualité d'ayants droit de [J] [HU] divorcée [S] : 20 000 euros
- MM. [N], [DT], [L], [D] et [Y] [S] et Mmes [K] et [DB] [S] : 8 000 euros chacun
- Mme [U] [O] épouse [G], M. [X] [G], Mme [B] [G], M. [V] [G], Mme [W] [NE] épouse [O] et M. [R] [O] : 5 000 euros chacun,
- débouté la société CMI et la société Generali de leur action en garantie à l'encontre de la société Ciltec,
- constaté qu'en l'absence de recours subrogatoire exercé par une caisse de sécurité sociale, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 454-1, alinéa 6, du code de la sécurité sociale,
- dit que M. [F] [S], étudiant, était à la charge de ses parents au moment de l'accident mortel dont son père a été victime, de sorte qu'il est fondé à obtenir réparation de son préjudice économique consécutif à ce décès,
- avant dire droit sur la liquidation du préjudice économique de Mme [TN] [O] veuve [S] et de M. [F] [S], ordonne la réouverture des débats, afin :
- d'inviter les parties à conclure sur les moyens relevés d'office tirés de ce que :
* les prestations de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, la pension complémentaire de conjoint survivant versée par la société CNP assurances, la pension de réversion complémentaire servie par Humanis ARRCO, même si elles n'ouvrent pas droit à un recours subrogatoire, constituent un revenu de remplacement devant être pris en compte dans l'évaluation du préjudice économique des proches dès lors qu'il est la conséquence directe et nécessaire du décès de [I] [S],
* la pension de réversion attribuée au conjoint survivant par la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines, organisme gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, n'a pas à être prise en considération dans le calcul du préjudice économique des proches, lequel doit être évalué sans tenir compte des prestations ayant vocation à le réparer, mais doit s'imputer, après évaluation, sur le montant du préjudice économique subi par le conjoint survivant,
- d'inviter Mme [TN] [O] veuve [S] à :
* justifier de la cause de la diminution puis de la suppression de ses revenus salariaux après le décès de [I] [S],
* produire un décompte de créance établi par la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines ou par la Caisse des dépôts et consignations, gérante du régime de retraite minier pour le compte de cette caisse, afin de déterminer le montant des arrérages échus et du capital représentatif des arrérages à échoir de cette pension de réversion de base,
* justifier du montant prévisible de sa pension de retraite personnelle et de son incidence sur le montant de la pension de conjoint survivant versée par l'organisme social allemand Verwaltungs-Berufsgenossenschaft Kdör (VBG),
- renvoyé l'affaire à l'audience du jeudi 07 décembre 2023 à 14h,
- réservé les dépens de première instance et l'appel et l'article 700 du code de procédure civile.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions après réouverture des débats des consorts [S]-[O], notifiées le 4 mars 2024, aux termes desquelles ils demandent à la cour, au visa des articles 122 et 480 du code de procédure civile et des articles 1382 et 1383 du code civil, de :
- débouter la société CMI et la société Generali de toutes leurs demandes, fins, prétentions,
- condamner in solidum la société CMI et la société Generali à payer, au titre du préjudice économique et de la perte de revenus :
- à M. [F] [S] la somme de 10 290,37 euros,
- à Mme [TN] [O] veuve [S] la somme de 764 279,9 euros, somme à parfaire,
- condamner in solidum la société CMI et la société Generali à payer la somme de 30 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile à Mme [TN] [O] veuve [S], M. [C] [S], M. [F] [S], M. [N] [S], M. [Y] [S], M. [DT] [S], Mme [DB] [S], M. [D] [S], Mme [K] [S], M. [L] [S], Mme [W] [NE] épouse [O], M. [R] [O], Mme [U] [O] épouse [G], M. [X] [G], Mme [B] [G] et M. [V] [G],
- condamner in solidum la société CMI et la société Generali à payer la somme de 33 840 euros TTC, au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel à Mme [TN] [O] veuve [S], M. [C] [S], M. [F] [S], M. [N] [S], M. [Y] [S], M. [DT] [S], Mme [DB] [S], M. [D] [S], Mme [K] [S], M. [L] [S], Mme [W] [NE] épouse [O], M. [R] [O], Mme [U] [O] épouse [G], M. [X] [G], Mme [B] [G] et M. [V] [G],
- condamner in solidum la société CMI et la société Generali aux entiers dépens, en ce compris les frais de traduction d'un montant de 5 848, 16 euros,
- juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation de première instance des 4 et 6 avril 2017,
- juger que les intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.
Vu les conclusions après réouverture des débats des sociétés CMI et Generali, notifiées le 13 février 2024, aux termes desquelles elles demandent à la cour, au visa de l'article 9 du code de procédure civile et de l'article 1353 du code civil, de :
- fixer le préjudice économique de Mme [TN] [S] et M. [F] [S] dans les termes suivants :
- M. [F] [S] : 8 932,79 euros intégralement absorbés par la créance du VBG,
- Mme [TN] [S] : 155 230,64 euros intégralement absorbés par les créances de la CANSSM et du VBG,
- débouter en conséquence Mme [TN] [S] et M. [F] [S] de l'intégralité de leurs demandes formulées à l'encontre de la société CMI et de la société Generali au titre de leur préjudice économique,
- débouter les consorts [S]-[O] de toutes demandes plus amples ou contraires,
- dire et juger que chacune des parties conservera à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer dans le cadre de la présente instance,
- condamner les consorts [S]-[O] aux entiers dépens.
Vu les conclusions de l'ANGDM, notifiées le 27 novembre 2023, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :
- prendre acte de ce que l'ANGDM n'a, au jour de la signification des présentes conclusions aucune créance à faire valoir,
- rejeter toutes les demandes qui pourraient être formulées à l'égard de l'ANGDM.
La Caisse des dépôts et consignations, la CPAM et la société MMA, auxquelles la déclaration d'appel a été signifiée par actes séparés des 22, 27 et 28 septembre 2021 remis à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat.
L'organisme social de droit allemand VBG, auquel la déclaration d'appel a été signifiée suivant les formalités prévues par le règlement européen n°1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007, n'a pas constitué avocat, bien que l'Etat membre requis ait attesté le 7 février 2022 de l'accomplissement de la signification de l'acte, conformément à sa législation, par remise le 28 janvier 2022 à un employé du VBG.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la perte de revenus des proches
Les consorts [S]-[O] rappellent qu'il a été définitivement jugé que M. [F] [S], étudiant, était encore à la charge de ses parents à la date du décès de [I] [S].
Ils soutiennent qu'à la suite du décès de son époux, Mme [TN] [O] veuve [S] n'était plus en mesure d'occuper un emploi et que ses proches témoignent du choc subi par cette dernière (dépression, absence d'énergie, arrêt de toutes ses activités, difficultés à s'alimenter, prise d'anxiolytiques) rendant impossible la reprise d'une activité professionnelle.
Ils ajoutent que Mme [TN] [O] veuve [S] a dû subir en janvier 2016 une cholécystectomie (ablation de la vésicule biliaire) car elle souffrait de lithiase vésiculaire, maladie pouvant être provoquée par une mauvaise alimentation ou une perte de poids importante.
Ils affirment qu'à la suite du décès de [I] [S], Mme [TN] [O] veuve [S] a été contrainte de céder à son fils, M. [C] [S], la propriété de l'immeuble dont le couple était propriétaire à [Localité 45] (Moselle) et dont [I] [S] assurait la gestion locative.
Ils concluent que l'impossibilité pour Mme [TN] [O] veuve [S] de reprendre une activité professionnelle est la conséquence directe du décès de [I] [S].
Ils exposent que les revenus annuels du foyer en 2008, dernière année entière précédant le décès de [I] [S], s'établissent à la somme de 39 764,44 euros, se décomposant comme suit (non compris les dividendes et revenus fonciers) :
- 21 082 euros au titre des revenus déclarés à l'administration fiscale française par [I] [S],
- 6 241,44 euros au titre des salaires perçus par celui-ci en Allemagne,
- 12 441 euros au titre des revenus de l'épouse.
Ils font observer, s'agissant des revenus perçus en Allemagne, que [I] [S] n'avait pas le statut de travailleur frontalier, qu'en pareil cas, il résulte de la convention fiscale entre la France et l'Allemagne que l'imposition des traitements et salaires se fait à la source au sein de l'Etat d'exercice de l'activité et ajoutent que si, sur les fiches de paie allemandes, il n'est pas fait mention de retenues à la source, c'est en raison du faible montant des revenus du défunt.
Ils avancent que contrairement à ce que soutiennent les sociétés CMI et Generali, il n'y a pas lieu de distinguer le revenu de référence perçu par la victime directe avant la date prévisible de son départ à la retraite et le revenu de référence postérieur à cette date.
Ils considèrent, en effet, qu'une telle distinction n'est possible que lorsque la victime a acquis l'essentiel de ses droits à la retraite, qu'en l'espèce [I] [S] est décédé à l'âge de 47 ans et qu'il est impossible de déterminer à quel âge il aurait fait valoir ses droits à la retraite sans la survenance du fait dommageable ni quels revenus de source française ou allemande il aurait perçus jusqu'à cette date.
S'agissant de la pension de conjoint survivant versée par le VBG, les consorts [S]-[O] font valoir que son versement cessera lorsque Mme [TN] [O] veuve [S] fera valoir ses droits à la retraite, ce qu'elle a prévu de faire à l'âge de 62 ans et 6 mois, soit à compter de septembre 2024.
Ils exposent qu'il ressort de l'estimation de sa future pension de retraite que celle-ci s'élèvera à la somme de 648,83 euros et que selon les informations communiquées par le VBG, le seuil au-delà duquel la pension de veuvage n'est plus versée est de 992,64 euros par mois, soit environ 12 000 euros par an.
Ils estiment que ce seuil qui prend en compte tous les revenus de l'intéressée, y compris ses pensions de réversion, sera largement dépassé lorsque Mme [TN] [O] veuve [S] percevra sa pension de retraite personnelle, ses revenus annuels étant actuellement généralement compris entre 10 000 et 12 000 euros.
Ils considèrent ainsi que la pension de conjoint survivant du VBG ne doit être prise en compte que jusqu'au 31 août 2024.
Ils exposent qu'il convient de tenir compte pour déterminer la part de consommation personnelle de [I] [S] de l'importance des charges fixes du ménage qui représentaient 59,27 % des revenus.
En retenant une part de consommation personnelle du défunt de 13,58 %, soit 5 400 euros par an, ils chiffrent la perte de revenus annuelle du foyer à la somme de 29 379,52 euros, après déduction des revenus de substitution versés par l'ANGDM, la société CNP prévoyance et Humanis ARRCO [39 764,44 - (5 400 euros + 4 984,92 euros)], et le préjudice viager du foyer à la somme de 1 221 482,90 euros, obtenue par capitalisation de la perte annuelle selon l'euro de rente viagère prévu par le barème de capitalisation de la Gazette du palais 2022 (taux d'actualisation de -1 %) pour un homme âgé de 47 ans à la date du décès.
En fixant la part des revenus annuels du foyer consacrée à l'entretien de M. [F] [S] à 13,58 %, ils évaluent le préjudice économique de ce dernier jusqu'à l'âge de 25 ans à la somme de 20 527,21, obtenue en capitalisant 13,58 % de la perte de revenus annelle du foyer par l'euro de rente temporaire jusqu'à l'âge de 25 ans prévu par le barème de capitalisation de la Gazette du palais 2022 (taux d'actualisation de -1 %) pour un jeune homme âgé de 20 ans à la date du décès 29 379,52 euros x 13,58 % x 5,145), soit une somme de 410 290,37 euros revenant à M. [F] [S] après déduction de la pension d'orphelin qui lui a été versée par le VBG entre le [Date décès 41] 2009 et le 30 juin 2012.
Ils chiffrent le préjudice économique de Mme [TN] [O] veuve [S] à la somme de 1 200 955,70 euros correspondant à la différence entre le préjudice viager du foyer et le préjudice économique de M. [F] [S] avant imputation de la pension d'orphelin (1 221 482,90 euros - 20 527,21 euros).
Ils déduisent de ce montant les sommes suivantes :
- l'allocation décès versée par la CARMI de l'Est, soit 2 637,83 euros, tout en indiquant dans leurs écritures que cette somme forfaitaire n'aurait pas à être imputée,
- la somme de 40 634 versée par l'ANGDM à Mme [TN] [O] veuve [S] en règlement du solde de l'indemnité spécifique restant due et visant à garantir 80 % du dernier salaire d'activité durant la période de retraite anticipée,
- les arrérages échus et à échoir jusqu'au 31 août 2024 de la pension de conjoint survivant servie par le VBG, soit une somme de 125 727,33 euros,
- la pension de réversion minière versée à Mme [TN] [O] veuve [S] par la CANSSM, soit 267 676,65 euros (88 442,25 euros au titre des arrérages échus en 2023 inclus + 179 234,40 euros au titre des arrérages à échoir à échoir en tenant compte d'une espérance de vie de l'intéressée de 26,2 ans),
Soit une somme totale déduite de 436 675,81 euros.
Ils évaluent ainsi l'indemnité revenant à Mme [TN] [O] veuve [S] au titre de son préjudice économique à la somme de 764 279,90 euros [1 200 955,70 euros - 436 675,81 euros).
Les sociétés CMI et Generali soutiennent que les salaires perçus par [I] [S] en Allemagne étaient imposables en France, conformément à la législation européenne qui prévoit que les travailleurs frontaliers sont imposables dans leur pays de résidence.
Elles soutiennent que quel que soit le statut dont relevait [I] [S], il devait déclarer ces revenus à l'administration fiscale française, que les consorts [S]-[O] n'expliquent pas la raison pour laquelle [I] [S] se serait soustrait à cette obligation déclarative et font observer que les bulletins de salaire allemands de l'intéressé versés aux débats ne font état d'aucun prélèvement d'un impôt sur les revenus.
Elles en déduisent que les consorts [S]-[O] revendiquent l'indemnisation d'un préjudice illicite et qu'en tout état cause, seul le revenu imposable déclaré à l'administration fiscale doit être pris en considération.
Elles estiment que le revenu annuel global de référence du ménage s'établit à la somme de 33 523 euros se décomposant comme suit :
- 2 326 euros au titre des salaires perçus par [I] [S] en 2008
- 18 756 euros au titre des pensions, retraites et rentes perçus par [I] [S] en 2008
- 12 441 euros au titre des salaires perçus par Mme [TN] [O] veuve [S] en 2008.
Elles font valoir que pour évaluer le préjudice économique subi par les proches de la victime directe, il convient de tenir compte des revenus que cette dernière auraient dû percevoir à compter de la date de son départ à le retraite.
Elles avancent qu'en l'espèce, [I] [S] aurait pu liquider ses droits à la retraite à compter du 1er août 2017 à l'âge de 55 ans, correspondant à l'âge légal de départ à la retraite des salariés relevant du régime des mines et qu'il aurait continué de percevoir à compter de cette date une pension de retraite d'un montant de 18 756 euros.
Elles contestent que Mme [TN] [O] veuve [S] ait été contrainte de cesser de travailler à la suite du décès de son époux et soulignent que les attestations versées aux débats ne sont corroborées par aucun document médical.
Elles considèrent qu'il n'est pas justifié d'un lien de causalité entre la cessation de ses activités professionnelles par Mme [TN] [O] veuve [S] et le décès de son époux, de sorte qu'il convient de tenir compte pour évaluer son préjudice économique de son revenu annuel antérieur à l'accident d'un montant de 12 441 euros.
Elles relèvent que les pièces communiquées permettent d'établir que Mme [TN] [O] veuve [S] perçoit à la suite du décès de son époux :
- 2 073,36 euros au titre de le réversion des prestations de chauffage et de logement par l'ANGDM,
- 2 876,71 euros au titre de la pension complémentaire de conjoint survivant payée par la société CNP assurances.
Elles soutiennent, par ailleurs, qu'il n'est nullement établi que l'organisme social allemand VBG cessera de verser à Mme [TN] [O] veuve [S] une pension de conjoint survivant à compter du jour où elle percevra une retraite personnelle, ce qui ne résulte d'aucune des pièces versées aux débats et en déduisent qu'il convient de tenir compte de ces prestations à compter du 1er septembre 2024.
Elles font valoir que Mme [TN] [O] veuve [S] ne communique aucun justificatif permettant d'établir le montant de sa pension de réversion complémentaire attribuée par Humanis ARRCO, ce dont elles déduisent que la cour ne pourra fixer le montant de sa perte de revenus avant que ce justificatif ne soit produit.
Sous cette réserve et en retenant une part d'auto-consommation du défunt de 30 %, elles évaluent la perte de revenus annuelle du foyer de la manière suivante :
- 6 075,03 euros pour la période du [Date décès 41] 2009 au 31 juillet 2017
- 4 446,83 euros à compter du 1er août 2017.
Les sociétés CMI et Generali chiffrent le préjudice viager du foyer à la somme de 47 967,77 euros pour la période précédant le 1er août 2017 et à compter de cette date, à la somme de 116 195,66 euros, obtenue par capitalisation de la perte annuelle de 4 446,83 euros selon l'euro de rente viagère prévu par le barème de capitalisation BCRIV 2021 pour un homme qui aurait été âgé de 56 ans en 2018.
En fixant la part des revenus annuels du foyer consacrée à l'entretien de M. [F] [S] à 30 %, elles évaluent le préjudice économique de ce dernier jusqu'à l'âge de 25 ans qu'il a atteint le [Date naissance 25] 2014 à la somme de 8 932,79 euros (6 075,03 euros x 30 % / 365 jours x 1 789 jours.
Après imputation de la pension d'orphelin versée par le VBG, soit la somme globale de 10 236,84 euros, elles concluent qu'aucun solde ne revient à M. [F] [S].
Elles chiffrent le préjudice économique de Mme [TN] [O] veuve [S] à la somme de 155 230,64 euros (47 967,77 euros + 116 195,66 euros - 8 932,79 euros) et font valoir qu'aucune somme ne revient à cette dernière après imputation de la créance de la CANSSM au titre de la pension de réversion du régime minier dont Mme [S] admet elle-même qu'elle s'élève à la somme de 267 676 euros, de l'allocation décès versée par la CANSSM et de la pension de conjoint survivant servie par le VBG, soit 125 727, 33 euros au 31 août 2024.
******
Sur ce, il convient de rappeler qu'en cas de décès de la victime directe, le préjudice patrimonial subi par l'ensemble de la famille proche du défunt doit être évalué en prenant en compte comme élément de référence le revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné le décès de la victime directe en tenant compte de la part de consommation personnelle de celle-ci, et des revenus que continue à percevoir le conjoint survivant ; pour déterminer le montant de ces derniers, seuls doivent être pris en considération les revenus perçus par le conjoint survivant antérieurement au décès et maintenus après celui-ci, ainsi que tout nouveau revenu qui est la conséquence directe et nécessaire du décès.
S'agissant des prestations des tiers payeurs ouvrant droit à un recours subrogatoire, celles-ci ne peuvent être prises en compte dans le calcul du préjudice économique des proches, lequel doit être évalué sans tenir compte des prestations servies pour l'indemniser ; il en résulte que ces prestations doivent seulement être imputées sur le montant du préjudice économique subi.
Par ailleurs, la diminution des revenus du conjoint survivant après le décès de la victime directe ne peut être prise en compte dans le calcul du préjudice économique que si elle est la conséquence directe et nécessaire de ce décès.
* Sur les revenus du foyer avant le décès de [I] [S]
Il ressort de l'avis d'imposition des époux [S] au titre des revenus de l'année 2008, dernière année entière précédant l'accident ayant entraîné le décès de [I] [S], que ce dernier a déclaré la somme de 2 326 euros au titre des salaires perçus au cours de cette période, et celle de 18 756 euros au titre des pensions, retraites et rentes, étant observé qu'au vu des pièces versées aux débats, il bénéficiait d'une pension de retraite anticipée en tant qu'ancien mineur affilié à la CANSSM, ce que confirme l'ANGDM dans ses conclusions d'appel.
Il convient également de tenir compte des salaires que [I] [S] a perçu en 2008 de la société de droit allemand Phenix GmbH, soit au vu des bulletins de paie produits, la somme de 6 241,44 euros, laquelle n'a donné lieu à aucune déclaration de revenus en France.
On relèvera à ce titre que, même en retenant que [I] [S], employé par une entreprise d'intérim de droit allemand, aurait dû déclarer ces revenus à l'administration fiscale française en application de l'article 13 paragraphe 6 de la convention fiscale entre la France et l'Allemagne en date du 21 juillet 1959, ces revenus qui selon les fiches de paie produites ont donné lieu au paiement de cotisations sociales en Allemagne ne constituent pas les revenus illicites d'un travail dissimulé et doivent être pris en compte pour le calcul du préjudice économique des proches.
Au vu de l'avis d'imposition au titre des revenus de l'année 2008, il apparaît que Mme [TN] [O] veuve [S] a perçu, au cours de cette période, des salaires et autres revenus salariaux d'un montant total de 12 441 euros.
Il résulte des pièces versées aux débats (avis d'imposition sur les revenus de l'année 2008 et quittances de loyers) que le couple [S] a perçu en 2008, dernière année complète avant le décès de [I] [S], des dividendes d'un montant de 25 155 euros versés par la société Ciltec ainsi que des revenus fonciers d'un montant 13 980 euros générés par la location d'un bien immobilier dont le couple était propriétaire à [Localité 45] (Moselle).
Il convient d'observer que la distribution de dividendes par la société Ciltec à ses deux associés, [I] [S] et M. [M] [S], était irrégulière, puisqu'il résulte des procès-verbaux d'assemblées générales des 28 décembre 2008 et 30 septembre 2010 que :
- aucun dividende n'a été distribué au titre de l'exercice 2004-2005,
- 5 000 euros de dividendes ont été distribués au titre de l'exercice du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2006,
- 39 600 euros de dividendes ont été distribués au titre de l'exercice du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007,
- 100 000 euros de dividendes ont été distribués au titre de l'exercice du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2008,
- aucun dividende n'a été distribué au titre de l'exercice du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2009, étant observé que ce dernier exercice a été clos moins d'un mois après le décès de [I] [S].
La moyenne des dividendes distribués aux associés s'élève à la somme de 28 920 euros sur 5 ans, dont 7 230 euros revenant à [I] [S] qui détenait 225 parts sociales sur les 900 parts constituant le capital social de la société Ciltec (28 920 euros / 900 parts x 225 parts).
Aux termes d'un acte notarié de donation-partage en date du 3 juillet 2010, Mme [TN] [O] veuve [S], mariée sous le régime de la communauté universelle, a fait donation à ses fils des 225 parts sociales de la société Ciltec dont son époux était titulaire ainsi que du bien immobilier dont le couple était propriétaire à [Localité 45] (Moselle), ces biens étant attribués à M. [C] [S] en contrepartie du versement par ce dernier à son frère, M. [F] [S], d'une soulte d'un montant de 100 000 euros.
La diminution de revenus consécutive à cette donation-partage réalisée plus de 9 mois après le fait dommageable procède du choix personnel de Mme [TN] [O] veuve [S] de transmettre de son vivant une partie de son patrimoine à ses fils et est ainsi sans lien avec le décès de [I] [S].
Il n'est nullement établi que Mme [TN] [O] veuve [S] était dans l'incapacité d'assurer la gestion locative du bien immobilier dont le couple [S] était propriétaire alors que les quittances de loyers produites ont été établies et signées par celle-ci.
De même, il n'est pas démontré que Mme [TN] [O] veuve [S] ait subi à la suite du décès de son conjoint un traumatisme psychologique l'ayant placée dans l'impossibilité de poursuivre son activité professionnelle antérieure à l'accident.
Les trois attestations établies respectivement le 4 janvier 2024 par Mme [H] [A], le 29 décembre 2023 par Mme [P] [GK] et le 2 janvier 2024 par Mme [U] [G], outre qu'elles ont été rédigées plus de dix ans après les faits, ne suffisent pas à démontrer que Mme [TN] [O] veuve [S] a été contrainte de réduire ou de cesser son activité professionnelle en raison du traumatisme subi à la suite du décès de son mari, en l'absence de production de tout document médical relatif à l'incidence de ce décès sur le plan psychologique et de tout justificatif d'un arrêt de travail.
On relèvera qu'aucun élément médical ne permet de rattacher au décès de son époux l'intervention chirurgicale dont Mme [TN] [O] veuve [S] a fait l'objet en janvier 2016 pour ablation de la vésicule biliaire.
S'il ressort des avis d'imposition postérieurs au décès que Mme [TN] [O] veuve [S] a déclaré au titre de l'année 2010 des salaires d'un montant de 1 784 euros seulement et qu'elle n'a pas plus déclaré de revenus salariaux à compter de l'année 2011, il n'est pas démontré que cette diminution de revenus soit en lien de causalité avec le décès de son époux.
Quant à la perte de dividendes, elle est la conséquence, non d'une baisse du chiffre d'affaires de la société ou d'une perte de valeur des parts sociales du défunt, estimées à la somme de 30 000 euros dans l'acte de donation-partage, mais du choix personnel de Mme [TN] [O] veuve [S] de faire donation à ses fils en vue de leur partage des 225 parts sociales de la société Ciltec dont son époux était porteur.
Il en résulte que la perte des dividendes et revenus fonciers ne peut être prise en compte dans le calcul de leur préjudice économique de Mme [TN] [O] veuve [S] et de M. [F] [S] faute de lien de causalité entre cette diminution de revenus et le décès de [I] [S].
Les revenus annuels du foyer en 2008, hors dividendes et revenus fonciers dont la baisse n'est pas imputable au décès de [I] [S], s'élèvent ainsi à la somme de 39 764,44 euros (2 326 euros + 18 756 euros + 6 241,44 euros + 12 441 euros).
* Sur le revenu disponible du foyer
Pour des motifs auxquels il conviendra de se reporter, la cour a jugé dans le dispositif de son précédent arrêt du 7 septembre 2023 que M. [F] [S], étudiant, était à la charge de ses parents au moment de l'accident mortel dont son père a été victime, de sorte qu'il est fondé à obtenir réparation de son préjudice économique consécutif à ce décès.
Compte tenu de la structure du foyer constitué avant le décès de deux adultes et d'un étudiant à charge et du niveau des charges fixes, il convient de fixer la part de consommation personnelle de [I] [S] à 20 %.
Après déduction de la part de consommation personnelle du défunt, le revenu disponible , hors dividendes et revenus fonciers dont la baisse n'est pas imputable au décès de [I] [S], représente une somme de 31 811,55 euros [ 39 764,44 euros - ( 39 764,44 euros x 20 %)].
* Sur les revenus postérieurs au décès
La diminution des revenus du conjoint survivant après le décès de la victime directe ne peut être prise en compte dans le calcul du préjudice économique que si elle est la conséquence directe et nécessaire de ce décès.
Or, pour les mêmes motifs que ceux énoncés plus haut, il n'est pas établi que Mme [TN] [O] veuve [S] ait été contrainte de réduire ou de cesser son activité professionnelle en raison du traumatisme subi à la suite du décès de son mari.
Il n'y a pas lieu dans ces conditions de tenir compte de la perte des revenus d'activité de Mme [TN] [O] veuve [S] dont il n'est pas démontré qu'elle soit la conséquence directe et nécessaire du décès de son conjoint.
Il résulte des pièces versées aux débats (notifications d'attribution, certificats de paiement, attestations fiscales, déclarations de revenus) que les pensions et rentes perçues par Mme [TN] [O] veuve [S] après le décès de son époux et déclarées à l'administration fiscale française correspondent à :
- la pension de réversion de base attribuée à compter du 1er octobre 2009 à l'épouse survivante par la CANSSM au titre du régime de retraite minier auquel était affilié [I] [S],
- les prestations périodiques versées par l'ANGDM au conjoint survivant après le décès de [I] [S] (prestations de logement et de chauffage, bourse des mines),
- la pension complémentaire de conjoint survivant payée par la société CNP assurances à Mme [TN] [O] veuve [S] jusqu'à l'âge de 55 ans, soit jusqu'en février 2017, au titre des prestations de prévoyance souscrites par les Charbonnages de France,
- la pension de réversion complémentaire attribuée par Humanis ARRCO à Mme [TN] [O] veuve [S] à compter du 1er mars 2017.
Mme [TN] [O] a également perçu de l'ANGDM la somme de 40 634 euros en règlement du solde de « l'indemnité spécifique » restant due au décès de [I] [S], cette prestation visant à garantir 80 % du dernier salaire d'activité durant la période de retraite anticipée (pièce n° 1 de l' ANGDM).
Les prestations de l'ANGDM, la pension complémentaire de conjoint survivant versée par la société CNP assurances, la pension de réversion complémentaire servie par Humanis ARRCO, lesquelles n'étant pas visées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, n'ouvrent pas droit à un recours subrogatoire, constituent toutefois des revenus de remplacement devant être pris en compte dans l'évaluation du préjudice économique des proches dès lors qu'ils sont la conséquence directe et nécessaire du décès de [I] [S].
Contrairement à ce que soutiennent les société CMI et Generali, Mme [TN] [O] veuve [S] justifie du montant de la pension de réversion complémentaire qui lui est servie par Humanis ARRCO depuis le 1er mars 2017 par la production de ses déclarations de revenus au titre des années 2017 à 2023 détaillant la nature et le montant de chacune des pensions de réversion perçues, y compris la pension de réversion complémentaire versée par Humanis ARRCO.
Par ailleurs, si [I] [S], né le [Date naissance 27] 1962 et décédé le [Date décès 41] 2009 à l'âge de 47 ans, bénéficiait avant son décès d'une pension de retraite anticipée de 18 756 euros par an en tant qu'ancien mineur affilié à la CANSSM, aucun élément ne permet de déterminer la date à laquelle il aurait fait valoir ses droits à la retraite au titre des activités salariées poursuivies en France et en Allemagne après cette retraite anticipée, activités qui ne relevant pas du régime de retraite des mines ne lui permettaient pas de partir à la retraite à l'âge de 55 ans.
Si le juge doit tenir compte de tous les éléments connus à la date à laquelle il statue, aucun élément ne permet de déterminer le montant de la retraite à laquelle [I] [S], âgé de 47 ans à la date de son décès, aurait pu prétendre en France ou en Allemagne au titre des activités exercées par l'intéressé dans le domaine du bâtiment comme salarié intérimaire, étant observé que la règle selon laquelle l'assuré qui cumule une activité professionnelle avec le bénéfice d'une pension de retraite ne peut plus se constituer de nouveaux droits à la retraite a été aménagée pour les anciens agents, relevant du régime de retraite des mines, qui travaillaient dans l'une des entreprises minières ou ardoisières couverte par l'ANGDM qui a définitivement cessé son activité avant le 31 décembre 2015, telle que les Charbonnages de France.
Il n'y a pas lieu dans ces conditions de distinguer deux revenus de référence de [I] [S], l'un antérieur à l'âge de 55 ans, et l'autre postérieur à cet âge constitué de sa seule retraite anticipée du régime minier.
Au vu des avis d'imposition, des attestations fiscales et des déclarations de revenus détaillées versées aux débats, la réversion des prestations de logement, de chauffage et de bourse des mines, la pension complémentaire de conjoint survivant versée par la société CNP assurances jusqu'à l'âge de 55 ans puis la pension de réversion complémentaire servie par Humanis ARRCO s'élèvent en moyenne à la somme globale de 4 984,92 euros.
Au vu des données qui précèdent, il convient d'évaluer le préjudice économique annuel du foyer à la somme de 14 385,63 euros (31 811,55 euros -12 441 euros - 4 984,92 euros).
Le solde de l'indemnité spécifique d'un montant de 40 635 euros qui ne constitue pas un revenu régulier mais un versement unique sera déduit par commodité du préjudice viager du foyer.
* Sur le préjudice viager du foyer
Pour la détermination des préjudices économiques respectifs de Mme [TN] [O] veuve [S] et de son fils, M. [F] [S], il convient de faire application de la méthode, admise par les parties, consistant à déduire du préjudice viager du foyer le préjudice temporaire de l'enfant, ce qui permet de réintégrer dans la part du conjoint survivant la fraction des revenus du foyer devenue disponible à la date d'accession à l'autonomie financière de l'enfant.
Le préjudice viager du foyer s'établit de la manière suivante :
- arrérages échus entre le [Date décès 41] 2009, date du décès, et la date du présent arrêt
* 14 385,63 euros x 14,82 ans = 213 195,03 euros
* dont à déduire le solde de la prestation spécifique de 40 365 euros versée par l'ANGDM
Soit un total de 172 830,03 euros.
- arrérages à échoir :
Il convient de faire application pour l'évaluation des arrérages à échoir du préjudice viager du foyer du barème publié par la Gazette du palais en 2022 avec un taux d'intérêt de 0 % qui est le plus approprié en l'espèce pour assurer la réparation intégrale du préjudice économique des proches, comme s'appuyant sur les données démographiques et financières les plus pertinentes.
[I] [S] et son épouse, Mme [TN] [O] épouse [S] étant nés respectivement les [Date naissance 27] 1962 et [Date naissance 17] 1962, de sorte que l'espérance de vie de l'époux était inférieure à celle de l'épouse, il convient de faire application de l'euro de rente prévu par le barème retenu par la cour pour un homme qui aurait été âgé de 61 ans à la date de la liquidation.
Les arrérages à échoir représentent ainsi une somme de 316 268,07 euros (14 385,63 euros x 21,985).
Soit une somme totale de 489 098,10 euros (172 830,03 euros + 316 268,07 euros).
* Sur le préjudice de M. [F] [S]
Il convient de retenir une part de consommation personnelle de M. [F] [S], né le [Date naissance 25] 1989 et qui, avant le décès de son père le [Date décès 41] 2009, poursuivait des études dans une école d'ingénieur en génie des systèmes industriels située à [Localité 50] où il résidait à 20 % ; il sera retenu, conformément à l'accord des parties sur ce point, une date d'entrée dans la vie active à l'âge de 25 ans, soit le [Date naissance 25] 2014.
L'intéressé ayant atteint l'âge de son autonomie financière à la date à laquelle la cour statue, il n'y a pas lieu de faire application d'un barème de capitalisation.
Le préjudice économique de M. [F] [S] entre la date du décès de [I] [S], le [Date décès 41] 2009, et la date à laquelle il a atteint l'âge de 25 ans, le [Date naissance 25] 2014, s'établit ainsi de la manière suivante :
*14 385,63 euros x 20 % / 365 jours x 1790 jours = 14 109,74 euros.
En ce qui concerne les prestations versées par le VBG, il est admis par les appelants que la pension d'orphelin servie par cet organisme à M. [F] [S] entre le [Date décès 41] 2009 et le 30 juin 2012 (date de cessation du versement de cette prestation), pour un montant total de 10 236,84 euros, doit s'imputer sur le préjudice économique de ce dernier.
Il n'est pas contesté, en effet, que le VBG, organisme social de droit allemand, dispose d'un recours subrogatoire pour le recouvrement de cette prestation indemnitaire calculée en fonction des revenus du défunt (Cf pièce n° 54).
Après déduction de la créance du VBG, il revient à M. [F] [S] la somme de 3 872,90 euros (14 109,74 euros - 10 236,84 euros).
* Sur le préjudice économique de Mme [TN] [O] veuve [S]
Le préjudice économique de Mme [TN] [O] veuve [S] correspond à la différence entre le préjudice viager du foyer et le préjudice économique temporaire de son fils avant déduction des prestations imputables sur celui-ci, soit la somme de 474 988,36 euros (489 098,10 euros - 14 109,74 euros).
Mme [TN] [O] a perçu un capital décès d'un montant de 2 637,83 euros versé par la Caisse régionale de sécurité sociale dans les mines (CARMI de l'Est), organisme gérant un régime obligatoire de sécurité sociale.
Elle bénéficie également d'une pension de réversion de base attribuée à compter du 1er octobre 2009 par la CANSSM au titre du régime de retraite minier auquel était affilié [I] [S] dont les parties admettent que le montant incluant les arrérages échus et le capital représentatif des arrérages à échoir s'élève à la somme de 267 676,65 euros.
Il convient de relever qu'en application de l'article 15 du décret n° 46-2769 du 27 novembre 1946 portant organisation de la sécurité sociale dans les mines, dans sa rédaction applicable au litige, cette caisse gère un régime obligatoire de sécurité sociale.
Or, il résulte de l'article 29,1°de la loi du 5 juillet 1985 que toutes les prestations, sans distinction, versées en conséquence de faits dommageables par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale ouvrent droit à un recours subrogatoire et dès lors doivent être imputées sur l'indemnité mise à la charge du tiers responsable.
Le capital-décès versé par la CARMI de l'Est et la pension de réversion attribuée à Mme [TN] [O] veuve [S] par la CANSSM doivent ainsi s'imputer sur son préjudice économique qu'ils ont vocation à indemniser.
En ce qui concerne les prestations versées par le VBG, il est admis par les appelants que la pension de conjoint survivant attribuée à Mme [TN] [O] veuve [S] doit être déduite de sa perte de revenus, ces derniers procédant eux-mêmes à l'imputation des arrérages échus et à échoir entre le 1er octobre 2009 et le 31 août 2024.
Il n'est pas contesté, en effet, que le VBG, organisme social de droit allemand, dispose d'un recours subrogatoire pour le recouvrement de cette prestation (Cf pièce n° 54), ce que cet organisme rappelle dans une lettre du 14 septembre 2011.
En revanche, les parties s'opposent sur la durée de versement de cette pension de conjoint survivant, les consorts [S]-[O] soutenant qu'elle cessera d'être versée à la date à laquelle Mme [TN] [O] épouse [S] pourra faire valoir ses droits à la retraite à l'âge de 62 ans et six mois , soit à compter du 1er septembre 2024, alors que les sociétés CMI et Generali avancent que cette suppression n'est pas établie.
Selon la notification d'attribution de pension en date du 15 mars 2010 et les lettres d'information adressées par le VBG à Mme [TN] [O] veuve [S] les 27 mai 2011 et 10 juin 2014, la pension de conjoint survivant est versée à ce dernier « jusqu'à nouvel ordre », tant qu'il ne s'est pas remarié et n'a pas constitué une nouvelle union civile.
Le montant de cette pension est évalué en tenant compte des revenus personnels du conjoint survivant dépassant un certain seuil, qualifié de « franchise ».
Il est précisé dans une lettre de cet organisme en date du 10 juin 2014, adressée à Mme [TN] [O] veuve [S] que « en principe nous sommes légalement tenus de prendre en compte les revenus qui coïncident avec les pensions de réversion de l'assurance-accidents légale. Jusqu'à présent vous n'avez pas fait l'objet de cette mesure, car vous n'avez aucun revenu ou vos revenus sont inférieurs à la franchise. Comme cette mesure ne se mettra pas en place, tant que vous ne dépasserez pas la franchise, vous ne ferez l'objet d'aucune enquête de notre part. Nous vous informons toutefois expressément que vous devez nous informer immédiatement de toute modification de votre situation en matière de revenus (article 60 ff du livre 1 du code social allemand [SGB I]). Nous vérifierons alors à nouveau, si une prise en compte de vos revenus doit avoir lieu ».
Dans une lettre du 6 novembre 2013, traduite en français par un expert auprès de la cour d'appel de Paris, le VBG a précisé en réponse à la demande de Mme [TN] [O] veuve [S] concernant le montant du seuil au-delà duquel ses revenus devaient être pris en compte dans le calcul de sa pension de conjoint survivant, que ce seuil était actuellement de 992,64 euros ; Mme [TN] [O] veuve [S] a, en outre, été invitée en cas de changement dans ses revenus ou de dépassement du seuil à le faire savoir au VBG au plus vite.
Selon le paragraphe 65 du livre VII du code social allemand, relatif aux pensions de veufs et de veuves « Les revenus (§§ 18a à 18e du livre IV) des veuves ou des veufs, qui coïncident avec une rente de veuve ou une rente de veuf conformément au paragraphe 2 numéros 2 et 3, seront pris en compte ici. Les revenus mensuels supérieurs à 26,4 fois le montant actuel de la rente de l'assurance pension légale peuvent être pris en compte. Le revenu non admissible augmente de 5,6 fois le montant actuel de la rente pour chaque enfant de veuve ou de veuf ayant droit à une rente d'orphelin. Sur les revenus admissibles restants, 40 pour cent seront pris en compte ».
Il résulte de ce texte que seuls 40 % des revenus personnels du veuf ou de la veuve excédant le montant du seuil prévu sont pris en compte dans le calcul de la rente de conjoint survivant.
Mme [TN] [O] veuve [S] verse aux débats une estimation de ses droits à la retraite, selon laquelle en partant à la retraite à l'âge de 62 ans et six mois elle percevra des pensions de retraite de base et complémentaire d'un montant total de 648,83 euros bruts.
Il n'est toutefois nullement démontré que la pension de conjoint survivant servie par le VBG sera supprimée à la date à laquelle Mme [TN] [O] bénéficiera de ces pensions, ce que ne dit pas le VBG dans sa lettre du 6 novembre 2023.
Il est seulement établi que si les revenus cumulés de Mme [TN] [O] veuve [S], incluant cette pension de retraite, dépassent le seuil susvisé, il sera tenu compte de 40 % des revenus dépassant ce seuil dans le calcul de sa pension de veuve.
Au vu de ces éléments, s'il est justifié que la perception d'une pension de retraite personnelle donnera lieu à une vérification du VBG afin de déterminer si une prise en compte de ce nouveau revenu doit avoir lieu, la cour n'est pas en mesure de déterminer quelle sera l'incidence exacte de la perception de cette pension de retraite sur le montant de la pension de conjoint survivant servie par le VBG.
Il convient ainsi de fixer le préjudice économique de Mme [TN] [O] veuve [S] à la somme de 474 988,36 euros et avant dire droit sur le montant de l'indemnité lui revenant après imputation de la créance des tiers payeurs d'ordonner la réouverture des débats, la révocation de l'ordonnance de clôture et le renvoi à la mise en état afin de permettre aux parties de faire valoir leurs observations sur les dispositions du paragraphe 65 du livre VII du code social allemand, relatif aux pensions de veufs et de veuves, et afin d'inviter Mme [TN] [O] veuve [S] a fournir les justificatifs nécessaires permettant de déterminer quelle sera l'incidence de la perception d'une retraite personnelle d'un montant estimé à 648,83 euros bruts par mois sur le montant de la pension de conjoint survivant versée par le VBG, étant relevé que Mme [TN] [O] veuve [S] indique dans ses dernières conclusions qu'elle fera valoir ses droits à la retraite à compter du 1er septembre 2024.
Les société CMI et Generali seront, en revanche, condamnées dès à présent in solidum à payer à M. [F] [S] la somme de 3 872,90 euros au titre de son préjudice économique.
Sur les intérêts moratoires et la capitalisation des intérêts
Les consorts [S]-[O] demandent à la cour de juger que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation de première instance en date des 4 et 6 avril 2017.
Sur ce, compte tenu de la réouverture des débats ordonnée avant dire droit sur le montant de la somme revenant à Mme [TN] [O] veuve [S] au titre de son préjudice économique, après imputation de la créance des tiers payeurs, il ne peut être statué sur la demande formée au titre des intérêts moratoires.
S'agissant de la condamnation prononcée au titre du préjudice économique de M. [F] [S], il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 1153-1, devenu 1231-7 du code civil, « en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé de la décision à moins que le juge n'en décide autrement ».
En l'espèce, aucune circonstance ne justifie de fixer le point de départ des intérêts moratoires à la date de l'assignation devant le tribunal judiciaire d'Evry de sorte qu'il convient de prévoir que les intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité allouée à M. [F] [S] en réparation de son préjudice économique courra à compter du présent arrêt.
Il y a également lieu de dire que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil à compter de la décision.
Sur les demandes annexes
Compte tenu du sursis à statuer ordonné, les dépens de première instance et d'appel et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront réservés.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, et par mise à disposition au greffe,
Vu l'arrêt du 7 septembre 2023,
- Condamne in solidum la société Cévenole de montage industriel et la société Generali IARD à payer à M. [F] [S] la somme de 3 872,90 euros au titre de son préjudice économique, outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
- Dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil;
- Fixe le préjudice économique de Mme [TN] [O] veuve [S] avant imputation de la créance des tiers payeurs à la somme de 474 988,36 euros
- Avant dire droit sur le montant de l'indemnité revenant à Mme [TN] [O] veuve [S] après imputation de la créance des tiers payeurs et sur les intérêts moratoires, ordonne la réouverture des débats, la révocation de l'ordonnance de clôture et le renvoi à la mise en état,
- Invite les parties à conclure sur l'application des dispositions du paragraphe 65 du livre VII du code social allemand, relatif aux pensions de veufs et de veuves,
- Invite Mme [TN] [O] veuve [S] a fournir les justificatifs nécessaires permettant de déterminer quelle sera l'incidence de la perception d'une retraite personnelle d'un montant estimé à 648,83 euros bruts par mois sur le montant de la pension de conjoint survivant versée par l'organisme social allemand Verwaltungs-Berufsgenossenschaft Kdör,
- Réserve les dépens de première instance et d'appel et l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE