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04/07/2024 | FRANCE | N°22/01095

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 04 juillet 2024, 22/01095


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 4 JUILLET 2024



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01095 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFAK5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Décembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FONTAINEBLEAU - RG n° 21/00117





APPELANTE



Madame [F] [W] épouse [O]

[Ad

resse 2]

[Localité 4]



(bénéficiaire de l'aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004704 du 16/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)



Représentée par Me ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 4 JUILLET 2024

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01095 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFAK5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Décembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FONTAINEBLEAU - RG n° 21/00117

APPELANTE

Madame [F] [W] épouse [O]

[Adresse 2]

[Localité 4]

(bénéficiaire de l'aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004704 du 16/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

Représentée par Me Olivier DELL'ASINO, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

INTIMÉE

S.A.S. ONET SERVICES

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Virginie MONTEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0071

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Isabelle MONTAGNE, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre, rédactrice

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, 1ère présidente de chambre

Madame Sandrine MOISAN, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Isabelle MONTAGNE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

[F] [W] épouse [O] a été engagée par la société Onet Services suivant un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er novembre 2018 en qualité d'agent de service.

Les relations de travail étaient soumises aux dispositions de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés et la salariée était affectée au chantier du CHU de [Localité 5].

Par lettre datée du 16 novembre 2020, l'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Le 7 juillet 2021, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Fontainebleau afin de faire juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de son ancien employeur à lui payer diverses sommes tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail.

Par jugement mis à disposition le 27 décembre 2021, auquel il est renvoyé pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes des parties, les premiers juges ont :

- dit que la société Onet Services ne prouve pas la faute grave et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [W] de ses demandes au titre de l'exécution déloyale de son contrat de travail, de la garantie de ressources et du rappel de salaire,

- condamné la société Onet Services à payer à Mme [W] les sommes suivantes :

* 3 143,08 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

* 314,31 euros de congés payés y afférents,

* 805,41 euros nets d'indemnité légale de licenciement,

* 271,21 euros bruts à titre d'indemnisation de complément de salaire sur l'arrêt de travail lié à l'accident du travail,

- ordonné la capitalisation de l'intérêt légal,

- condamné la société Onet Services à régler à Me Dell'asino la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile et de l'article R. 1454-28 du code du travail,

- ordonné la consignation des sommes auprès de la caisse des dépôts et consignations en cas d'appel,

- condamné la société Onet Services aux entiers dépens.

Le 13 janvier 2022, Mme [W] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 16 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [W] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre de l'indemnité pour licenciement injustifié et sans cause réelle et sérieuse, de la garantie de ressources pendant les arrêts de travail de l'année 2020, du rappel de salaire du 16 au 20 novembre 2020 et du 14 au 31 octobre 2020 et des congés payés afférents et au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, en ce qu'il a fixé à 500 euros le montant de la somme sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a ordonné la consignation des sommes auprès de la caisse des dépôts et consignations en cas d'appel, de juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, de condamner la société Onet Services à lui payer les sommes suivantes :

* 3 270,12 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

* 314,31 euros d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

* 837,97 euros nets d'indemnité légale de licenciement,

* 10 000 euros nets d'indemnité pour licenciement injustifié et sans cause réelle et sérieuse,

* 888,76 euros nets de garantie de ressources pendant les arrêts de travail de l'année 2020,

* 251,55 euros bruts de rappel de salaire du 16 au 20 novembre 2020,

* 25,16 euros bruts d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 73,08 euros bruts de rappel de salaire du 14 au 31 octobre 2020,

* 7,31 euros bruts d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 5 000 euros nets en réparation du préjudice causé par l'exécution déloyale du contrat de travail,

* 1 433 euros en réparation de la déclaration de revenus adressée à l'administration fiscale erronée,

d'ordonner la capitalisation de l'intérêt légal, de condamner la société Onet Services à payer à Me Dell'asino la somme de 6 446,66 euros sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 au titre des frais et honoraires dus pour assurer la défense devant le conseil de prud'hommes et devant la présente cour d'appel.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 19 février 2024 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Onet Services demande à la cour d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté la salariée de ses autres demandes, statuant à nouveau, de juger que le licenciement pour faute grave est fondé ou à titre subsidiaire qu'il est fondé sur une cause réelle et sérieuse, de fixer le montant de la rémunération mensuelle de la salariée à la somme de 1 520,86 euros, de limiter les montants de l'indemnité compensatrice de préavis à 3 041,72 euros et des congés payés y afférents à 304,17 euros et encore plus subsidiairement de limiter le montant de l'indemnisation sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail à trois mois de salaire, soit 4 562,58 euros, en tout état de cause, de rejeter l'ensemble des prétentions de Mme [W] et de la condamner à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 20 février 2024. L'affaire a été examinée à l'audience du 22 avril 2024.

Dans le cours du délibéré, la cour a demandé aux parties si les dispositions de l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 et du décret n° 2020-434 du 16 avril 2020, pris dans le cadre de l'épidémie de Covid 19, peuvent fonder la demande au titre de la garantie de ressources pendant les arrêts de travail de l'année 2020 formée par la salariée.

Des notes en délibéré ont été remises au greffe de la cour par l'appelante le 12 juin 2024 et par l'intimée le 19 juin 2024.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement notifié à la salariée qui circonscrit le litige est ainsi rédigée :

'(...) Tout d'abord, vous refusez souvent de respecter les consignes données par votre responsable. Pour exemple, en date du 24 octobre 2020 votre responsable a constaté que la veille vous n'aviez pas remis les clés au PC sécurité comme cela vous avait été demandé. Vous avez alors indiqué avoir déposé les clés dans un bol et lorsque votre responsable a voulu les récupérer elles avaient disparu.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'en qualité d'agent de service, il vous incombe d'effectuer ces prestations, et que de tels faits sont constitutifs d'un manquement à l'obligation de prestation de travail à laquelle vous êtes astreinte en qualité de salarié de l'entreprise et dénotent une volonté délibérée de ne pas exécuter loyalement votre contrat de travail.

En outre, en n'effectuant pas vos prestations de travail, cela ne nous permet pas de respecter le cahier des charges auquel nous sommes tenus et donc par conséquent de respecter nos obligations envers votre client.

Un tel laxisme dans l'exécution de votre travail n'est pas compatible avec la rigueur que l'on est légitimement en droit d'attendre de votre part. Une telle attitude exprime votre souhait de ne pas vous conformer aux directives fixées par votre hiérarchie.

Votre comportement qui affecte la qualité de nos prestations occasionne un préjudice à l'égard de notre société tant en terme de satisfaction de notre client que d'image.

Plus grave encore, le 19 octobre 2020, alors que les membres de votre équipe avaient une discussion concernant le décès de M. [Z], vous êtes intervenue dans la conversation en déclarant 'c'est bien fait pour lui, il n'a pas à montrer notre dieu', 'd'accord il n'aurait pas dû être décapité, mais on ne peut pas le plaindre, il l'a cherché', 'vos libertés s'arrêtent là où commencent les nôtres'.

De tels propos sont intolérables, incompatibles au cadre professionnel et ont choqué les personnes présentes et nous ne pouvons les accepter au sein de notre structure.

Nous ne pouvons accepter un tel comportement et de tels agissements qui sont contraires à ce que nous attendons de notre personnel. Votre conduite est très préjudiciable à notre entreprise.

Enfin, le 22 octobre 2020, vers 10 heures 30, vous avez proposé à votre responsable d'organiser un mariage blanc, ce qui est totalement illégal. En effet, vous lui avez demandé si elle connaissait quelqu'un pour épouser votre neveu afin que ce dernier obtienne des papiers et qu'il était prêt à donner de l'argent si elle acceptait. Encore une fois, ces propos n'ont pas leur place dans l'enceinte de l'entreprise.

Une telle attitude est là encore inadmissible et ne peut être tolérée au sein de notre entreprise.

Compte-tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible . Cette attitude nous contraint donc à rompre nos relations contractuelles et à vous licencier pour faute grave (...)'.

La salariée conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement en indiquant qu'elle conteste formellement les faits des 19, 22 et 24 octobre 2020, que l'employeur ne prouve pas les faits qu'il lui impute et que le comportement de sa supérieure hiérarchique, Mme [X], à son encontre a été mis en cause par M. [S], élu, le 13 juillet 2020.

La société conclut à la faute grave fondant le licenciement en faisant valoir que la salariée a fait preuve de manière répétée d'insubordination à l'égard de Mme [X], en tenant des propos d'apologie du terrorisme sur le lieu de travail, en demandant sur ce même lieu de travail à une salariée si elle ne connaissait pas quelqu'un pour contracter un mariage blanc avec son neveu et en tenant des propos irrespectueux à ses collègues à plusieurs reprises.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur qui l'invoque.

Au soutien de la faute grave, la société produit six attestations manuscrites de salariées, collègues de Mme [W].

La première attestation a été rédigée par Mme [D] [H] et est datée du 15 juillet 2020 mais n'est pas accompagnée de l'original et de la photocopie d'un document officiel justifiant de l'identité de l'auteur et comportant sa signature, ce qui amoindrit très fortement sa valeur probante, étant de surcroît relevé que celle-ci relate des faits du 12 juillet 2020, non énoncés dans la lettre de licenciement, donc extérieurs au litige.

Les deuxième et troisième attestations, toutes deux datées du 29 octobre 2020 ont été respectivement rédigées par Mme [U] [C] épouse [V] et par Mme [U] [Y], mais ne sont pas accompagnées de l'original ou de la photocopie d'un document officiel justifiant de l'identité de leur auteur et comportant leur signature, ce qui amoindrit là encore très fortement leur valeur probante, étant de surcroît relevé que celles-ci relatent des faits du 28 octobre 2020, non énoncés dans la lettre de licenciement, donc extérieurs au litige.

L'employeur produit enfin trois attestations manuscrites rédigées par Mme [K] [X], respectivement datées des 26 février, 28 février et 17 novembre 2020, répondant aux conditions exigées par l'article 202 du code de procédure civile, aux termes desquelles celle-ci rapporte des faits mettant en cause la salariée survenus les 19, 22, 24 et 28 octobre 2020.

Les faits du 28 octobre 2020 ne sont pas énoncés par la lettre de licenciement et ne peuvent donc être retenus.

Les faits des 19 et 22 octobre 2020 sont rapportés dans des termes insuffisamment précis et non circonstanciés et ne peuvent dans ces conditions être tenus pour établis alors que la salariée les conteste dans leur ensemble.

Enfin, Mme [X] rapporte qu'elle a constaté le 24 octobre 2020 que les clés n° 70 auraient dû être déposées par la salariée au PC sécurité le vendredi 23 octobre 2020 mais que l'agent l'avait prévenue qu'elles n'avaient pas été déposées par la salariée, que la salariée lui avait indiqué le 25 octobre 2020 avoir mis les clés 'dans un bol à l'Algéco' mais qu'elle avait constaté avec celle-ci qu'elles n'y étaient pas.

Alors qu'aucune consigne écrite à la salariée quant au lieu de dépôt des clés n'est produite, il s'ensuit que la société n'est pas fondée à reprocher à celle-ci une absence délibérée de respecter une telle consigne.

En tous les cas, alors que la salariée conteste l'ensemble des griefs, la seule attestation de Mme [X], supérieure hiérarchique de celle-ci, dont elle met en cause le comportement à son égard, n'est pas suffisante à établir l'insubordination reprochée à la salariée, en l'absence de tout autre élément corroborant sa relation des faits.

Il s'ensuit que le licenciement n'est justifié ni par une faute grave, ni par une cause réelle et sérieuse.

La salariée a par conséquent droit à une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité compensatrice de congés payés incidents et à une indemnité légale de licenciement, dont les montants, correspondant aux demandes de la salariée devant les premiers juges sur la base d'un salaire de référence de 1 520,86 euros, ont été exactement fixés et qu'il convient donc de confirmer.

En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, la salariée a par ailleurs droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dont le montant est compris, eu égard à son ancienneté de deux années complètes dans l'entreprise, entre trois mois et trois mois et demi de salaire brut.

Tenant compte de l'âge de la salariée au moment du licenciement (47 ans pour être née le 12 février 1973), de son ancienneté de deux années complètes dans l'entreprise, du salaire de référence sus-mentionné, de sa prise en charge par Pôle emploi après le licenciement et de l'absence d'élément sur sa situation au regard de l'emploi postérieurement à la rupture, il lui sera alloué une indemnité de 5 000 euros bruts à ce titre, que la société sera condamnée à lui payer. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur la garantie de ressources pour incapacité temporaire de travail

La salariée fait valoir qu'elle n'a pas perçu la garantie de ressources à laquelle elle avait droit pendant ses arrêts de travail entre février et novembre 2020, prévue par les dispositions conventionnelles applicables, à savoir l'article 4.9 relatif à l'indemnité complémentaire de 90 % du salaire mensuel brut pendant 30 jours et 2/3 pendant les 30 jours suivants, et l'article 8.1.5 relatif à une garantie incapacité temporaire en relais des obligations d'indemnisation des absences maladie ou accident prévues à l'article 4.9.1. Dans sa note en délibéré, elle fait valoir qu'en application des dispositions légales applicables pendant cette période, le montant de la garantie de ressources à laquelle elle a droit s'élève à 760,97 euros.

La société conclut au débouté de cette demande estimant qu'elle n'est pas fondée et que la salariée a été remplie de ses droits au titre de la garantie de ressources pendant ses arrêts de travail.

Les articles L. 1226-1 et D. 1226-1 et suivants du code du travail prévoient une indemnité complémentaire à l'allocation journalière prévue à l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale pour le salarié en arrêt de travail résultant d'une maladie ou d'un accident sous certaines conditions, d'un montant égal à 90 % de la rémunération mensuelle brute pendant 30 jours et à 2/3 de celle-ci pendant les 30 jours suivants.

Selon l'article L. 16-10-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige issue de l'article 54 de la loi n° 2018-1203 du 18 décembre 2018 :

'Lorsque la protection de la santé publique le justifie en cas de risque sanitaire grave et exceptionnel, notamment d'épidémie nécessitant l'adoption en urgence de règles de prise en charge renforcée des frais de santé ainsi que des conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèce dérogatoires au droit commun, celles-ci peuvent être prise par décret pour une durée qui ne peut excéder une année.

Dans les conditions et limites fixées par ce décret les dérogations mises en 'uvre en application du premier alinéa peuvent porter, en fonction de la nature du risque en cause sur :

1° la participation de l'assuré, la participation forfaitaire et la franchise mentionnées respectivement au 1er alinéa des I, II et III de l'article 160-13 ('),

(...)

6° les conditions mentionnées aux articles L. 313-1 et L. 622-3 en tant qu'elles concernent les indemnités journalières mentionnées aux articles L. 321-1 [déterminant les indemnités journalières versées à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique constatée par le médecin selon les règles définies par l'article L. 162-4-1)], (')'.

Dans le cadre de l'épidémie de Covid 19, l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 a précisé que les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020.

Aux termes de l'article 1 de l'ordonnance n° 2020-322 du 25 mars 2020 adaptant temporairement les conditions et modalités d'attribution de l'indemnité complémentaire prévue à l'article L. 1226-1 du code du travail et modifiant, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l'intéressement et de la participation :

'Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19, l'indemnité complémentaire mentionnée à l'article L. 1226-1 du code du travail est versée :

1° Aux salariés qui bénéficient d'un arrêt de travail en application des dispositions prises pour l'application de l'article L. 16-10-1 du code de la sécurité sociale, sans que la condition d'ancienneté prévue au premier alinéa de l'article L. 1226-1 du code du travail ni les conditions prévues aux 1° et 3° du même article ne soient requises et sans que l'exclusion des catégories de salariés mentionnées au cinquième alinéa du même article ne s'applique ;

2° Aux salariés en situation d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident mentionnés à l'article L. 1226-1 du code du travail, sans que la condition d'ancienneté prévue au premier alinéa de cet article ne soit requise et sans que l'exclusion des catégories de salariés mentionnées au cinquième alinéa du même article ne s'applique.

Un décret peut aménager les modalités de calcul de l'indemnité mentionnée au premier alinéa ainsi que les délais et modalités selon lesquels elle est versée aux salariés mentionnés aux 1° et 2°.

Les dispositions du présent article sont applicables aux arrêts de travail en cours au 12 mars 2020 ainsi qu'à ceux ayant commencé postérieurement à cette date, quelle que soit la date du premier jour de ces arrêts de travail, pour les indemnités complémentaires perçues par les salariés mentionnés aux 1° et 2° à compter de cette date. Elles cessent d'être applicables à une date, fixée par décret, qui ne pourra excéder le 31 décembre 2020".

Le décret n° 2020-434 du 16 avril 2020 a prévu que :

«L'indemnité complémentaire prévue à l'article L. 1226-1 du code du travail est versée aux salariés mentionnés à l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 pour les arrêts mentionnés au même article selon les modalités suivantes :

1° par dérogation aux dispositions du second alinéa de l'article D. 1226-3 du même code, l'indemnité complémentaire est versée dès le premier jour d'absence, à l'exception des indemnités versées au titre des arrêts de travail des salariés mentionnés au 2° de l'article 1er de l'ordonnance susmentionnée ayant commencé entre le 12 et le 23 mars 2020 pour lesquels l'indemnité complémentaire est versée à compter du quatrième jour d'absence.

2° par dérogation aux dispositions de l'article D. 1226-4 du même code, ni les durées des indemnisations effectuées au cours des douze derniers mois antérieurs à la date de début de l'arrêt de travail concerné ni les durées des indemnisations effectuées au cours de cette période ne sont prises en compte pour le calcul de la durée totale d'indemnisation au cours de douze mois'.

Au vu des dispositions légales applicables pour la période considérée, la salariée est fondée en sa demande au titre de la garantie de ressources s'agissant des périodes d'arrêts de travail pour maladie.

Dans sa note en délibéré, elle produit des calculs détaillés et exacts pour chaque période d'arrêt de travail considérée qui ne sont pas critiqués par la société.

Dans ces conditions, il sera fait droit à sa demande au titre de la garantie de ressources à hauteur de la somme de 760,97 euros.

Elle sera déboutée du surplus de la demande dans la mesure où la société justifie avoir demandé à l'organisme de prévoyance le règlement du complément d'indemnité prévu par l'article 8.1.5 de la convention collective applicable pour les périodes d'arrêts et que la demande est en cours de traitement, aucun manquement ne pouvant donc être reproché à la société de ce chef (pièces n° 10 et 11).

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les rappels de salaires

La salariée réclame le paiement de son salaire pour les périodes du 16 au 19 novembre 2020 et un complément de salaire pour octobre 2019 (et non octobre 2020 comme indiqué par erreur dans le disposition des conclusions).

La société conclut au débouté de ces demandes, tous les temps travaillés lui ayant été payés.

Le licenciement pour faute grave ayant été notifié à la salariée par lettre recommandée du 16 novembre 2020, celle-ci n'est pas fondée en sa demande de rappel de salaire pour la période postérieure au licenciement.

Force est de constater que la société justifie du paiement de tous les temps travaillés par la salariée, notamment trente minutes supplémentaires le 14 octobre 2019.

La salariée sera déboutée de sa demande de rappels de salaires. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

La salariée fait valoir qu'en n'intervenant pas auprès de la chef de secteur pour lui assurer une exécution correcte de la relation de travail, malgré les interventions du délégué syndical, en ne payant pas la garantie de ressources pendant l'incapacité temporaire de travail, en déduisant les salaires pendant les arrêts de travail, en ne lui répondant pas ni au délégué du personnel, l'employeur a manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail, ce qui lui a causé un état dépressif.

La société conclut au débouté de cette demande.

En l'absence de production de tout élément justifiant d'un préjudice subi du fait des manquements qu'elle allègue, il convient de débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et de confirmer le jugement sur ce point.

Sur la déclaration fiscale erronée

La salariée fait valoir en cause d'appel que la société a déclaré à l'administration fiscale lui avoir versé une somme de 3 087 euros à titre de revenus mais que cependant, elle n'a jamais perçu cette somme.

La société conclut au débouté de cette demande en relevant et justifiant que cette somme a été versée à la caisse des dépôts et des consignations conformément à l'exécution provisoire du jugement ordonnée.

Force est de constater que la salariée ne démontre par aucun élément le préjudice subi par le manquement qu'elle allègue.

Il convient de la débouter de cette demande.

Sur les intérêts au taux légal et leur capitalisation

Il est rappelé que les créances de nature salariale et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances de nature indemnitaire produisent des intérêts à compter de la décision qui les fixe.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur le remboursement des indemnités de chômage versées à la salariée

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par la société aux organismes sociaux concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées à la salariée du jour de la rupture au jour de l'arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

Eu égard à la solution du litige, la société sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Me Dell'Asino, avocat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement en ce qu'il déboute Mme [F] [W] épouse [O] de sa demande d'indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il condamne la société Onet Services à payer à cette dernière la somme de 271,21 euros bruts à titre d'indemnisation de complément de salaire sur l'arrêt de travail lié à l'accident du travail,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Onet Services à payer à Mme [F] [W] épouse [O] les sommes de :

* 5 000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 760,97 euros nets au titre de la garantie de ressources pour les arrêts de travail de l'année 2020,

DÉBOUTE Mme [F] [W] épouse [O] de sa demande au titre de la déclaration de revenus adressée à l'administration fiscale erronée,

RAPPELLE que les créances de nature salariale et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et que les créances de nature indemnitaire produisent des intérêts à compter de la décision qui les fixe,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

ORDONNE le remboursement par la société Onet Services aux organismes sociaux concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées à Mme [F] [W] épouse [O] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités,

CONDAMNE la société Onet Services aux dépens d'appel,

CONDAMNE la société Onet Services à payer à Me Olivier Dell'asino la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

DÉBOUTE les parties des autres demandes,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 22/01095
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.01095 ?
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