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04/07/2024 | FRANCE | N°22/08183

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 04 juillet 2024, 22/08183


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 04 JUILLET 2024



(n° / 2024, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08183 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFWSK



Décision déférée à la cour : Jugement du 15 février 2022 - Tribunal de commerce de BOBIGNY - RG n° 2020F01262





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[Localité 5]



Représentée par Me Montasser CHARNI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB69,





INTIMÉS



Monsieur [D] [V] [O]

De nationalité...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 04 JUILLET 2024

(n° / 2024, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08183 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFWSK

Décision déférée à la cour : Jugement du 15 février 2022 - Tribunal de commerce de BOBIGNY - RG n° 2020F01262

APPELANTE

Madame [K] [R]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Montasser CHARNI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB69,

INTIMÉS

Monsieur [D] [V] [O]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 6]

S.A.S. DOUANE LOGISTIQUE ET SERVICES (DLS), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Dont le siège social est situé [Adresse 2]

[Localité 7]

Représentés par Me Diane LEVIN, avocate au barreau de PARIS, toque : D1438,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant la cour composée en double rapporteur de Mme Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et de Madame Constance LACHEZE, conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Yvonne TRINCA, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS CONSTANTS, PROCEDURE ET PRETENTIONS

La société par actions simplifiée Douane Logistique Services (« la société DLS ») au capital de 7 500 euros a été créée le 12 février 2014 par M. [D] [V] [O], Mme [K] [R] et M. [Y] [E] pour exercer l'activité de transitaire et de commissionnaire en douane. M. [V] [O] qui en est le président depuis lors, détient 50% du capital social et Mme [R] détient 40%.

Prétendant n'avoir jamais été convoquée aux assemblées générales d'associés et avoir été tenue à l'écart du suivi de la gestion de la société, Mme [R] a saisi le tribunal de commerce de Bobigny par actes des 2 et 10 septembre 2020 pour obtenir notamment le remboursement à la société DLS des rémunérations perçues par son dirigeant et la désignation d'un mandataire ad hoc afin de convoquer l'assemblée des actionnaires au titre des exercices 2014, 2015, 2016 et 2017.

Par jugement du 7 mars 2022, le tribunal de commerce de Bobigny a dit que la demande de Mme [R] est recevable et non prescrite, débouté Mme [R] de sa demande de condamnation de M. [V] [O] à rembourser la somme de 189 071 euros à la société DLS, de sa demande de nomination d'un administrateur ad hoc et de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de M. [V] [O], dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [R] aux dépens.

Le tribunal a notamment jugé que la rémunération que s'est octroyée le dirigeant de la société DLS n'était pas excessive étant rapportée à un salaire mensuel brut de l'ordre de 3 205 euros, et considéré qu'elle n'avait eu aucune conséquence dommageable pour la société.

Par déclaration du 22 avril 2022, Mme [R] a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions (n°1) remises au greffe et notifiées par RPVA le 7 juillet 2022, Mme [R] demande à la cour :

d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau, de condamner M. [V] [O] à rembourser à la société DLS la somme de 189 071 euros à compter de la date de l'assignation, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à titre de dommages et intérêts ;

d'ordonner la désignation d'un mandataire ad hoc avec pour mission :

de communiquer à Mme [R] en sa qualité d'actionnaire les comptes détaillés, les livres et les documents concernant les exercices 2014, 2015, 2016 et 2017,

de convoquer les assemblées générales d'actionnaires avec l'ordre du jour habituel en la matière pour chacun des exercices 2014 à 2020 ' rapport de gestion du président, rapport spécial du président sur les conventions réglementées, approbation des comptes annuels de l'exercice clos et quitus au président, affectation du résultat qui devra être retraité en y intégrant le montant des rémunérations et charges sociales indûment perçues par ou pour le compte du président, questions diverses, pouvoir en vue des formalités,

de recouvrer les sommes dues par M. [V] [O] à la société et engager toute procédure utile à cet effet ;

de condamner M. [V] [O] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

de condamner M. [V] [O] à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Charni, avocat au Barreau de Bobigny en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions (n°1) remises au greffe et notifiées par RPVA le 28 juillet 2022, la société DLS et M. [D] [V] [O] demandent à la cour :

de constater l'irrecevabilité de la demande de Mme [R] en ce qu'elle est mal fondée ;

de dire prescrite l'action de Mme [R] ;

de débouter cette dernière de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

de condamner Mme [R] au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 septembre 2023.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'action

Sur les fins de non-recevoir tirées du défaut d'intérêt et du défaut de qualité à agir sur le fondement de l'article L. 227-10 du code de commerce

Le tribunal a dit recevable la demande de Mme [R], sans plus de précision, après avoir examiné l'assignation délivrée par cette dernière.

La société DLS et M. [V] [O] soutiennent tout d'abord que Mme [R] est irrecevable en sa demande fondée sur l'article L. 227-10 du code de commerce et formée au nom et pour le compte de la société, d'une part, pour défaut de qualité à agir en ce qu'un actionnaire ne peut agir en responsabilité contre un dirigeant en réparation du préjudice subi par la société qu'au moyen de l'action sociale ut singuli prévue à l'article 1843-5 du code civil, et d'autre part, pour défaut d'intérêt à agir en ce que la demande de Mme [R] consiste en une demande de remboursement et non de dommages et intérêts alors que seule une demande indemnitaire serait recevable et en ce que Mme [R] ne justifie pas d'un préjudice qui lui soit propre ou qui soit subi par la société DLS.

En réponse, Mme [R] expose qu'elle forme une demande indemnitaire dans le cadre de l'action sociale ut singuli, que sa demande de remboursement s'analyse comme une demande indemnitaire et que la rémunération de M. [V] [O] a été fixée en violation de l'article L. 227-10 du code de commerce.

SUR CE,

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 31 du même code dispose : « L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».

L'article 1843-4 du code civil dispose : « Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société ».

En l'espèce, il ressort de l'assignation délivrée à M. [V] [O] et des écritures de Mme [R] que l'action initiée par cette dernière l'a été en sa qualité d'actionnaire et au profit de la société DLS, réclamant au profit de cette dernière le remboursement des rémunérations versées à son dirigeant et la désignation d'un mandataire ad hoc. Il apparaît clairement que le moyen tiré de l'application de l'article L. 227-10 du code de commerce est invoqué à l'appui de la demande au fond formée par Mme [R] et ne saurait, au seul motif qu'il a été soulevé, priver Mme [R] de son droit d'agir en sa qualité d'actionnaire. L'action initiée par Mme [R] revêt donc la qualification d'action ut singuli.

Dans ces conditions, Mme [R] en sa qualité d'actionnaire a qualité pour agir à l'encontre de M. [V] [O] en sa qualité de dirigeant de la société DLS et pour le compte de la société DLS bénéficiaire des condamnations éventuellement prononcées.

Par ailleurs, l'intérêt à agir n'étant pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, de première part, et l'existence du préjudice invoqué par le demandeur dans le cadre d'une action en responsabilité n'étant pas une condition de recevabilité de son action mais du succès de celle-ci, de seconde part, Mme [R] a également intérêt à agir au profit de la société DLS dans le cadre de cet action ut singuli.

En outre, Mme [R] forme des demandes de dommages et intérêts en son nom personnel et pour son propre compte, soutenant à ce titre avoir été personnellement lésée en tant qu'actionnaire en raison du défaut de distribution de dividendes. L'existence du droit invoqué par le demandeur n'étant pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès, Mme [R] fait ainsi valoir un intérêt légitime au succès d'une prétention.

Les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité et du défaut d'intérêt à agir seront donc rejetées.

Sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription de l'action en responsabilité

Pour rejeter cette fin de non-recevoir, le tribunal a considéré que la prescription a commencé à courir à compter de la révélation du fait dommageable dissimulé, à savoir le 3 novembre 2017 à la suite de l'envoi d'un courrier de réclamation par le conseil de Mme [R].

La société DLS et M. [V] [O] opposent à Mme [R] la prescription triennale de toutes ses demandes antérieures au 13 mai 2016 sur le fondement de l'article L. 225-254 du code de commerce, l'assignation ayant été délivrée le 13 mai 2019 (sic), et soutiennent que seule la dissimulation des faits de surcroît intentionnelle permet un report de la prescription, qu'à l'époque Mme [R] était la compagne du dirigeant de la société, qu'elle n'a jamais demandé à faire usage de son droit à l'information en tant qu'actionnaire, que M. [V] [O] n'a eu aucune intention frauduleuse de lui dissimuler quoique ce soit, qu'elle n'a subi aucun préjudice, qu'elle ne justifie pas avoir demandé la tenue d'une assemblée au titre des exercices 2014 à 2016 et qu'elle ne s'est pas présentée à l'assemblée de décembre 2020 à laquelle elle avait pourtant été convoquée.

Mme [R] prétend que son action n'est pas prescrite, n'ayant jamais été invitée à participer aux assemblées générales, ni eu accès aux rémunérations versées au président de la société DLS, ni aucune information sur les exercices 2017 et 2018, que pour la première fois elle a été convoquée par lettre reçue le 25 novembre 2020 à l'assemblée se déroulant le lendemain sans qu'au préalable aient été portés à sa connaissance les documents légaux et le montant des rémunérations versées au président.

SUR CE,

Aux termes de l'article L. 225-254 du code de commerce, applicable sur renvoi de l'article L. 227-8 du même code, l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié de crime, l'action se prescrit par dix ans.

Le point de départ du délai de prescription diffère donc selon que le fait dommageable a été ou non dissimulé à celui qui s'en prévaut. En cas de dissimulation, qui suppose une volonté de dissimuler, le point de départ de la prescription triennale de l'action en responsabilité contre le dirigeant est fixé à la date de la révélation du fait dommageable, alors qu'en dehors des hypothèses de dissimulation, la prescription triennale court à compter du fait dommageable que constitue pour la société la privation des sommes litigieuses à l'époque où elles avaient été décidées et perçues.

En l'espèce, l'instance a été initiée par actes des 2 et 10 septembre 2020 tandis que le litige a pour objet principal les assemblées d'actionnaires depuis l'exercice 2014, année de création de la société DLS, et les rémunérations perçues par son dirigeant M. [V] [O] au titre des exercices 2014, 2015 et 2016.

Alors que les statuts de la société mentionnent que la périodicité de convocation de l'assemblée générale ordinaire ou de consultation des associés est annuelle (article 16) et que l'approbation des comptes sociaux doit intervenir dans les six mois de la clôture de l'exercice (article 18), Mme [R], en sa qualité d'associée signataire des dits statuts, ne peut prétendre avoir ignoré que l'assemblée générale n'avait pas été valablement tenue puisqu'elle indique ne jamais avoir été convoquée ou consultée. Mme [R] manque ainsi à établir une quelconque dissimulation de la part de M. [V] [O], nommé aux fonctions de président le 12 février 2014 et en tant que tel, seule autorité habilitée à convoquer et à arrêter l'ordre du jour (article 16).

Son action se prescrivant par trois ans à compter du fait dommageable et l'acte introductif d'instance ayant été délivré à M. [V] [O] par acte d'huissier le 10 septembre 2020 (selon le jugement déféré), les faits antérieurs au 10 septembre 2017 sont prescrits.

S'agissant de la demande de restitution des rémunérations perçues par M. [V] [O], laquelle porte exclusivement sur les exercices 2014, 2015 et 2016, il ressort des pièces du dossier que Mme [R] s'est enquis du défaut de convocation aux assemblées générales par courrier de son conseil du 3 novembre 2017, par lequel elle a également mis en demeure M. [V] [O] de lui communiquer les comptes sociaux et le rapport de gestion, comptes sociaux qu'elle a finalement réussi à se procurer pour les exercices 2014, 2015 et 2016, à une date qui n'est pas précisée, mais que l'on peut supposer ultérieure.

Toutefois, Mme [R] ne justifie pas avoir fait une telle demande avant celle adressée par son conseil le 3 novembre 2017, ni avoir fait usage de son droit d'information, ni que ses demandes seraient restées lettre morte. Il n'est pas non plus démontré que M. [V] [O] se serait volontairement abstenu de toute communication, alors qu'au vu des liasses fiscales produites au titre des exercices 2014, 2015 et 2016 (cerfa DGFIP N° 2033 - bilan simplifié), la comptabilité a manifestement été tenue par M. [V] [O] qui était en mesure de répondre favorablement à de telles sollicitations, étant observé qu'il n'est pas allégué un défaut de publication des comptes sociaux.

Mme [R] manque donc à établir que les rémunérations perçues par M. [V] [O] lui ont été intentionnellement dissimulées, condition du report du point de départ du délai de prescription à la date de révélation du fait dommageable.

En dehors de toute dissimulation, le point de départ du délai de prescription étant la perception des rémunérations jugées excessives par Mme [R] dont la demande de remboursement vise les exercices 2014, 2015 et 2016, c'est à bon droit qu'en présence d'une assignation du 10 septembre 2020, M. [V] [O] soulève la prescription triennale de la demande de remboursement des rémunérations perçues en 2014, 2015 et 2016.

La demande en paiement de la somme de 189 071 euros est donc prescrite et le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré l'action à ce titre non prescrite mais a débouté Mme [R] de ce chef.

Il reste donc à statuer sur la demande de désignation d'un mandataire ad hoc aux fins de convocation des assemblées d'actionnaires pour les exercices 2014 à 2020 ainsi que sur la demande de dommages et intérêts.

Sur la demande de désignation d'un mandataire ad hoc

Le tribunal, constatant que les rapports de gestion, approbation des comptes annuels et affectation des résultats n'avaient pas été fournis, a considéré que la nomination d'un mandataire ad hoc serait inopérante pour compenser les insuffisances du président de la société DLS et que la nomination d'un mandataire ad hoc n'aurait aucun effet à l'égard des conventions réglementées non approuvées et des affectations des résultats quelle que soit la teneur des votes, relevant que la majorité des voix est acquise à M. [V] [O].

Mme [R] soutient que la seule mésentente entre associés permet de faire droit à une demande de désignation d'un mandataire ad hoc, sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'absence de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menace d'un péril imminent, que M. [V] [O] a perçu des rémunérations sans autorisation en violation de la législation relative aux conventions réglementées, qu'il a affecté les bénéfices en report à nouveau, qu'il se conduit comme le seul associé ce qui pourrait relever de l'infraction d'abus de biens sociaux, qu'elle a été dépossédée de ses actions par le vote de la 6ème résolution de l'assemblée générale du 14 décembre 2020, qu'elle conteste le défaut de libération du capital qui lui est reproché ayant versé un chèque de 10 000 euros. Elle demande en outre que le mandataire ad hoc soit habilité à recouvrer les sommes dues par M. [V] [O] à la société DLS et à engager toutes procédures utiles à cet effet.

M. [V] [O] conteste la légitimité de la désignation d'un mandataire ad hoc et prétend que la nomination d'un mandataire ad hoc n'aurait aucun effet à l'égard des conventions réglementées non approuvées et ne permettrait pas de compenser les insuffisances reprochées au président de la société.

SUR CE,

L'article L. 227-9, alinéa 1, du code de commerce dispose : « Les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient. [']».

Selon l'article 16-1 des statuts relatif à l'assemblée générale ordinaire des actionnaires, il appartient au président d'adresser les convocations et de mettre à disposition les documents requis par la loi qui sont consultables au siège social, ladite assemblée se déroulant en présentiel ou par consultation par correspondance.

L'article 18 des statuts relatif au contrôle des comptes précise que dans les six mois de la clôture de l'exercice social, le président est tenu de consulter les actionnaires sur les comptes et l'affectation du résultat de l'exercice social écoulé, ce délai pouvant être prorogé par décision de justice.

Il n'est pas discuté que les assemblées des années 2017 au titre de l'exercice 2016, 2018 au titre de l'exercice 2017 et 2019 au titre de l'exercice 2018 n'ont pas été convoquées. En revanche, il s'est tenue une assemblée le 14 décembre 2020 dont l'ordre du jour comportait notamment l'approbation des comptes de l'exercice 2019 à laquelle Mme [R] a été régulièrement convoquée par suite d'un report de l'assemblée initialement fixée le 26 novembre 2020.

La réunion d'une assemblée pour se prononcer sur les comptes de l'exercice 2019 n'est pas pertinente, puisque cette assemblée a déjà eu lieu et il n'en est pas demandé la nullité.

S'agissant en revanche des autres exercices, les exercices 2014 à 2018 et l'exercice 2020, il appartient aux associés de se réunir à tout le moins pour approuver les comptes de l'exercice visé, ce qui n'a pas été fait en violation des obligations légales et statutaires. La tenue des assemblées des exercices 2014 à 2016 demeure pertinente indépendamment de la prescription de l'action ut singuli sur ces périodes en ce qu'il n'est plus question ici de demandes indemnitaires.

Le président de la société DLS étant la seule autorité en mesure de convoquer l'assemblée générale en vertu des statuts, il y a lieu de constater la carence de ce dernier et, afin de respecter les obligations légales et statutaires en termes de tenue des comptes sociaux, d'y pallier en faisant droit à la demande de désignation d'un mandataire ad hoc avec la mission figurant dans le dispositif du présent arrêt pour la période couvrant les exercices 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2020.

Le jugement sera infirmé au titre de ces exercices.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [R] en son nom personnel

Le tribunal a jugé que l'associée minoritaire ne justifie pas d'un préjudice qui lui serait propre du seul fait qu'elle n'a pas touché de dividendes, alors qu'en sa qualité de minoritaire elle ne pouvait imposer la distribution de ceux-ci.

Mme [R] soutient qu'elle a subi un préjudice du fait de ne pas avoir pu voter sur la distribution de bénéfices, du fait des prélèvements illicites opérés par M. [V] [O] ayant considérablement réduit le bénéfice distribuable.

M. [V] [O] réplique que Mme [R] ne modifie ni n'explique sa demande en cause d'appel, qu'elle a attendu 2017 pour se prévaloir de la distribution de dividendes, qu'elle ne détenait que 40% du capital social et ne pouvait de ce fait voter en ce sens et qu'elle ne justifie donc d'aucun préjudice à ce titre.

SUR CE,

Mme [R] se borne à faire état de l'article L. 227-10 du code de commerce et ne soulève pas d'autre moyen au soutien de sa demande.

Elle ne rapporte pas non plus la preuve du caractère fautif des défauts de distribution de dividendes qu'elle allègue, ni d'un lien de causalité entre ces prétendues fautes et le défaut de participation aux bénéfices de l'associé, le vote de Mme [R] ne pouvant prévaloir sur celui de l'associé majoritaire M. [V] [O], étant rappelé que les demandes au titre des exercices 2014, 2015 et 2016 sont prescrites et qu'il a été jugé qu'un mandataire sera nommé aux fins de convocation des assemblées des exercices 2014 à 2020, hors exercice 2019 et que l'assemblée des associés s'est prononcée au titre de l'exercice 2019.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

M. [V] [O], partie perdante, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, le jugement étant infirmé de ce chef.

En revanche, l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant confirmé de ce chef et les parties déboutées à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Rejette les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité et du défaut d'intérêt à agir ;

Fait droit à la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes indemnitaires relatives aux exercices comptables des années 2014, 2015 et 2016 ;

La rejette pour le surplus ;

Infirme le jugement en ce qu'il a dit que la demande de Mme [R] est recevable et non prescrite, débouté Mme [R] de sa demande de condamnation de M. [V] [O] à rembourser la somme de 189 071 euros à la société DLS, de sa demande de nomination d'un administrateur ad hoc et condamné Mme [R] aux dépens ;

Le confirme pour le surplus, c'est-à-dire en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts formée à titre personnel à l'encontre de M. [V] [O] et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déclare irrecevable comme prescrite la demande de remboursement de la somme de 189 071 euros à la société DLS au titre des exercices 2014, 2015 et 2016 ;

Désigne la SELARL AJRS, prise en la personne de Me [Z] [C], [Adresse 3], en qualité de mandataire ad hoc avec pour mission de convoquer les assemblées générales d'actionnaires avec pour ordre du jour l'examen des comptes annuels des exercices clos le 31 décembre 2014, le 31 décembre 2015, le 31 décembre 2016, le 31 décembre 2017, le 31 décembre 2018 et le 31 décembre 2020, l'approbation des comptes et du bilan de ces mêmes exercices, le quitus de la présidence et l'affectation des résultats et, le cas échéant, de recouvrer les sommes dues par M. [V] [O] à la société et engager toute procédure utile à cet effet ;

Fixe à 2.000 euros la provision à valoir sur les honoraires du mandataire ad hoc que la société DLS devra verser entre les mains de Maître [C] dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt, ou à défaut que Mme [R] devra verser dans le mois suivant, à titre d'avance pour le compte de la société DLS ;

Condamne M. [V] [O] aux dépens de première instance et d'appel ;

Déboute M. [V] [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [R] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,

Yvonne TRINCA Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 22/08183
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.08183 ?
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