Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 4 JUILLET 2024
(n° / 2024, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/03011 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI5ER
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 janvier 2024 -Tribunal de commerce de MEAUX - RG n° 2023000257
APPELANTES
Madame [P] [T]
Née le [Date naissance 4] 1991 à [Localité 12]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 7]
S.A.S.U. SACHA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MEAUX sous le numéro 823 107 511,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Adresse 11],
[Adresse 11]
[Localité 10]
Représentées par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241,
INTIMÉS
SCP ANGEL [C] DUVAL, représentée par Maître [X] [C], désignée à cette fonction par jugement du Tribunal Judiciaire de MEAUX du 22 janvier 2024,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MEAUX sous le numéro 500 966 999,
Dont le siège social est situé [Adresse 6]
[Localité 9]
SELARL AJILINK LABIS [I] DE CHANAUD, représentée par Me [B] [I], en qualité d'administrateur judiciaire, désigné par jugement du tribunal de judiciaire de MEAUX du 22 janvier 2024,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MEAUX sous le numéro 508 490 000,
Dont le siège social est situé [Adresse 2]
[Localité 9]
Représentées par Me Jean-Charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE-FONTAINE-DESENLIS, avocat au barreau de MEAUX, toque 10,
Assistées de Me Anissa ROBIN EL KHADRAOUI, avocate au barreau de MEAUX, toque 10,
LE PROCUREUR GÉNÉRAL
SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL
[Adresse 5]
[Localité 8]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et Mme Constance LACHEZE, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre
Mme Sophie MOLLAT, présidente de chambre,
Mme Constance LACHEZE, conseillère.
Un rapport a été présenté à l'audience par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Liselotte FENOUIL
MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur François VAISSETTE, avocat général, qui a fait connaître ses observations orales confirmant son avis écrit du 4 avril 2024.
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Yvone TRINCA, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
FAITS ET PROCÉDURE:
La SAS Sacha exerce une activité dans le domaine des énergies renouvelables et des travaux d'économies d'énergie.
Sur requête du ministère public, le tribunal de commerce de Meaux, après enquête et par jugement du 22 janvier 2024, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Sacha, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au
15 février 2023, ouvert une période d'observation s'achevant le 22 juillet 2024 et désigné en qualité de mandataire judiciaire la SCP Philippe Angel - [X] [C] - Sylvie Duval, mission conduite par Me [C] et en qualité d'administrateur judiciaire la Selarl Ajlink Labis-[I]-de Chanaud, mission conduite par Me [I].
Par deux déclarations des 2 et 5 février 2024, la société Sacha et Mme [T] ont relevé appel de ce jugement. Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 5 mars 2024.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 6 mars 2024, la société Sacha demande à la cour de :
- in limine litis, déclarer irrcevable la procédure ayant conduit à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son encontre en raison de l'auto-saisine du tribunal,
- à titre principal, déclarer qu'elle n'était pas en cessation des paiements au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire,
- à titre subsidiaire, déclarer qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements,
- en conséquence, in limine litis, annuler le jugement, à titre principal, infirmer le jugement en toutes ses dispositions, à titre subsidiaire, l'infirmer en toutes ses dispositions.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 5 avril 2024, la SCP Angel-[C]- Duval, en la personne de Me [C] ès qualités de mandataire judiciaire et la SELARL Ajilink Labis [I]-de Chanaud, en la personne de Me [I], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Sacha, demandent à la cour de débouter la société Sacha de sa demande de nullité du jugement, de sa demande d'infirmation, confirmer en toutes ses dispositions le jugement et subsidiairement, si la cour entendait infirmer le jugement, condamner la société Sacha à payer la somme de 2.821,50 euros au titre du droit fixe, une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 4 avril 2024, le ministère public conclut que, sous réserve de pièces complémentaires qui pourraient être produites par l'appelante notamment sur son actif disponible, la cour devra rejeter la demande d'annulation du jugement et, sur le fond, confirmer la décision qui a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Sacha.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 14 mai 2024.
SUR CE
- Sur la demande d'annulation du jugement
Au soutien de sa demande d'annulation du jugement, la société Sacha fait valoir que contrairement à la règle prescrite par le texte modifié de l'article L. 631-5 du code de commerce, le tribunal s'est saisi d'office, le président du tribunal ayant ordonné sa convocation le 12 janvier 2023.
Toutefois, ainsi que l'indiquent le ministère public et les organes de la procédure, le tribunal a été saisi par requête du procureur de la République du 12 janvier 2023 ainsi que le permet l'article L631-5 du code de commerce. L'ordonnance de convocation du même jour émise par le président du tribunal de commerce ne fait que prescrire la convocation de la société ensuite de la saisine du tribunal par le ministère public et ne saurait donc être interprétée comme un acte d'auto-saisine.
La demande d'annulation du jugement sera en conséquence rejetée.
- Sur la cessation des paiements
Aux termes de l'article L.631-1 du code de commerce, il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou
L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.
En cas d'appel, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.
La société Sacha considère que son état de cessation des paiements n'est pas caractérisé dans le jugement d'ouverture, que son passif exigible s'élève à la somme de
139 175,76 euros, et que sa trésorerie couvrirait largement cette somme.
Selon les organes de la procédure, le passif au 13 mars 2024 s'élève à 250.987,67 euros et l'actif disponible à 1.000 euros sur le compte 52605966 et à 230.439,16 euros sur le compte 852414017. Ils en déduisent que la société Sacha se trouve bien en cessation des paiements.
Il convient de déterminer si les créances déclarées constituent ou non du passif exigible au sens de l'article L. 631-1 du code de commerce, étant observé que toutes les créances ont été déclarées à titre définitif :
- S'agissant de la créance de la CIBTP déclarée pour un montant de 92.779,86 euros, la société Sacha expose qu'à la suite de l'assignation délivrée par la CIBTP en novembre 2022 pour obtenir paiement de la somme de 160.930,29 euros, elle a été condamnée par jugement du 19 septembre 2023 au paiement de cette somme mais qu'elle s'est intégralement acquittée de sa dette. Toutefois, il ne ressort d'aucun élément versé aux débats que cette créance a été acquittée, le rapport d'enquête du 10 janvier 2024 précisant qu'il était dû à cette date un montant de 92.779,86 euros au titre des cotisations de janvier à novembre 2023 au vu d'un courriel de la CIBTP du 22 décembre 2023. Ces cotisations sont manifestement postérieures à l'assignation délivrée selon l'appelante en novembre 2022 et constituent donc un passif différent. Cette créance sera en conséquence prise en compte au titre du passif exigible,
- PRO.BTP Ile de France Centre a déclaré une créance de 8.000 euros. La société Sacha reconnaît dans ses écritures devoir à cet organisme 7.797,59 euros;
- STFE France a déclaré une créance de 3.989,41 euros qui n'apparaît pas contestée;
- Le SIE de [Localité 9] a déclaré une créance de 10.082 euros.
La société Sacha fait valoir que le Trésor Public avait indiqué une créance de 17.572 euros qui a été intégralement payée les 16 et 18 janvier 2024. Elle produit des certificats des Finances Publiques attestant du paiement de diverses sommes pour un total de 2.546 euros au titre de cinq avis de mise en recouvrement différents tous émis en 2023, ainsi qu'une capture d'écran faisant état au 18 décembre 2023 de '-1.663,00€ /charges de personnel', cette mention étant susceptible d'être comprise soit comme une somme à régler, soit comme une somme à déduire. Même en intégrant dans les règlements la somme de 1.663 euros, et en retenant que les paiements invoqués concernent la même créance que celle déclarée ce qui n'est pas certain, il ne ressort pas des pièces produites que la créance a été soldée. Par précaution, la cour retiendra la somme de 5.873 euros au titre du passif exigible de ce chef de créance (10.082 - 2.546 - 1.663 euros);
- L'Urssaf d'Ile de France a déclaré une créance de 111.809,50 euros, comprenant les cotisations de janvier 2024 pour un montant de 19.277,50 euros et une régularisation d'un montant de 92.532 euros au titre des 'délais-congés, AGS, TR et régularisations diverses'. La société Sacha fait quant à elle état d'une créance de 18.164,02 euros au 23 janvier 2023 qu'elle allègue avoir soldé en intégralité en se référant au rapport de l'enquêteur. Il sera toutefois relevé que si dans le rapport de l'enquêteur du 10 janvier 2024, la créance de l'Urssaf est mentionnée comme étant soldée, cette créance portait sur des cotisations ou pénalités correspondant à des périodes de cotisations différentes de celle visée dans la déclaration de créance. Aucun paiement n'est établi s'agissant des cotisations visées dans la déclaration de créance. Dès lors, la créance de 111.809,50 euros déclarée par l'Urssaf constitue du passif exigible;
- La créance déclarée par Yesss Electrique pour un montant de 24.326,90 euros n'apparaît pas contestée.
La cour retiendra en conséquence un passif exigible de 246.576,26 euros au sens de l'article L. 631-1 du code de commerce
Pour faire face à ce passif exigible, la société Sacha communique une capture d'écran de ses trois comptes ouverts dans les livres de la BRED dont il ressort des soldes créditeurs de 1.000 euros, 67,05 euros et 230.439 euros soit un total de 231.506,05 euros. Le liquidateur admet un actif disponible d'un montant très proche, soit 231.439 euros.
Le passif exigible excédant l'actif disponible, l'état de cessation des paiements est caractérisé. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ouvert une procédure de redressement judiciaire.
- Sur la date de cessation des paiements
Le tribunal a fixé la date de cessation des paiements au 15 février 2023 'au regard des pièces produites '. Dans son rapport du 10 janvier 2024, l'enquêteur suggérait de reporter la date de cessation des paiements au maximum eu égard aux cotisations PRO. BTP dues depuis janvier 2022.
Toutefois, le défaut de paiement des cotisations ne suffit pas à caractériser un état de cessation des paiements.
A défaut en l'état d'élément suffisant pour reporter la date de cessation des paiements, la cour fixera provisoirement la date de cessation des paiements à celle du jugement d'ouverture, le 22 janvier 2024, le jugement étant infirmé en ce sens.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de redressement judiciaire. L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Déboute la société Sacha de sa demande d'annulation du jugement,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a fixé la date de cessation des paiements au 15 février 2023,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 22 janvier 2024,
Renvoie l'affaire et les parties devant le tribunal judiciaire de Meaux pour la poursuite de la procédure de redressement judiciaire,
Déboute la SCP Angel - [C] - Duval, ès qualités, de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
La greffière,
Yvonne TRINCA
La présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT