La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2024 | FRANCE | N°24/03752

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 04 juillet 2024, 24/03752


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 4 JUILLET 2024



(n° / 2024 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/03752 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI7FR



Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 Février 2024 - Tribunal de commerce de Meaux - RG n° 2024001259





APPELANTE



S.A.S. FLEXIFAI, prise en la personne de ses représen

tants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MEAUX sous le numéro 891 675 829,

Dont le siège social est situé...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 4 JUILLET 2024

(n° / 2024 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/03752 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI7FR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 Février 2024 - Tribunal de commerce de Meaux - RG n° 2024001259

APPELANTE

S.A.S. FLEXIFAI, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MEAUX sous le numéro 891 675 829,

Dont le siège social est situé [Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020,

Assistée de Me Sébastien ROUGÉ de la SARL BIZOUARD CONSEIL, avocat au barreau de MEAUX, toque 110,

INTIMÉS

S.E.L.A.R.L. [L]-[S], prise en la personne de Maître [G] [S], en qualité de mandataire liquidateur de la SAS FLEXIFAI, nommée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Meaux en date du 5 février 2024,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MEAUX sous le numéro 478 547 243,

Dont le siège social est situé [Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Carole BOUMAIZA de la SCP GOMME et BOUMAIZA, avocat au barreau de PARIS, toque : J094,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 2]

[Localité 4]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant la cour composée en double-rapporteur de Mme Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et Mme Constance LACHEZE, conseillère.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Mme Constance LACHEZE, conseillère,

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère, conseillère.

Un rapport a été présenté à l'audience par Mme Constance LACHEZE dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Yvonne TRINCA , greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS CONSTANTS, PROCEDURE ET PRETENTIONS

La société Flexifai créée le 4 décembre 2020 est une société par actions simplifiée spécialisée dans la collecte, le stockage et l'analyse de données, le développement d'algorithmes d'optimisation énergétique, le conseil en performances énergétiques et l'édition de logiciels applicatifs. La direction de la société est assurée par M. [C].

Le 12 janvier 2024, M. [C] a effectué une déclaration de cessation des paiements au greffe du tribunal de commerce de Meaux et a sollicité l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Par jugement du 5 février 2024, le tribunal de commerce de Meaux a :

ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Flexifai ;

fixé la date de cessation des paiements au 15 janvier 2023 ;

nommé M. [Z] [E] en qualité de juge-commissaire ;

désigné en qualité de liquidateur la SELARL [L] - [S] prise en la personne de Me [G] [S] ;

commis en qualité de commissaire-priseur Me [D].

Par déclaration du 15 février 2024, la société Flexifai a interjeté appel de ce jugement et a intimé la SELARL [L] - [S] en qualité de liquidateur judiciaire et le ministère public.

Par dernières conclusions (n°2) remises au greffe et notifiées par voie électronique le 11 juin 2024, la société Flexifai demande à la cour de :

constater que le jugement a été rendu en violation des dispositions de l'article L. 631-7 du code de commerce ;

constater que le tribunal de commerce de Meaux n'a pas motivé sa décision ;

constater que la société Flexifai est en état de cessation des paiements ;

constater que la société Flexifai justifie de sa capaciter à se redresser ;

en conséquence, infirmer le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ;

ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Flexifai ;

fixer la date de cessation des paiements au 31 décembre 2023.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 7 mai 2024, la SELARL [L] - [S] ès qualités demande à la cour de :

confirmer la décision du tribunal de commerce de Meaux ;

débouter la société Flexifai de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

subsidiairement, en cas d'infirmation du jugement, ouvrir une procédure de liquidation judiciaire ;

fixer la date de cessation des paiements au 1er janvier 2023 ;

mettre à la charge de la société Flexifai les frais de justice liés à la présente procédure et à la procédure de liquidation judiciaire ;

statuer ce que de droit sur les dépens.

Le ministère public a visé le dossier le 22 mars 2024 sans faire valoir d'observations.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 juin 2024.

SUR CE,

Sur la procédure

Sur la violation des dispositions de l'article L. 631-7 du code de commerce

La société Flexifai affirme qu'elle est en mesure de poursuivre son activité dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire et d'envisager la présentation d'un plan de redressement, que le tribunal n'était pas saisi d'une demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, mais uniquement d'une demande de redressement judiciaire et que s'il considérait que la situation était irrémédiablement compromise il devait l'inviter à présenter ses observations et statuer sur la demande d'ouverture de redressement judiciaire puis, le cas échéant, sur celle de liquidation judiciaire.

La SELARL [L] ' [S] ès qualités indique qu'il était mis en évidence lors de l'audience devant le tribunal l'absence de possibilité de poursuite de l'activité faute de chiffre d'affaires, de trésorerie permettant de payer les salaires et de prévisionnel cohérent.

SUR CE,

L'article L. 631-7, alinéa 3, du code de commerce dispose que « Lorsque la situation du débiteur qui a déclaré être en état de cessation des paiements apparaît manifestement insusceptible de redressement, le tribunal invite celui-ci, en l'absence de demande subsidiaire aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, à présenter ses observations sur l'existence des conditions de l'article L. 640-1. Il statue ensuite, dans la même décision, sur la demande de redressement judiciaire et, le cas échéant, sur l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire. »

En l'espèce, il ressort des termes du jugement critiqué que le représentant légal de la société Flexifai M. [C] s'est présenté à l'audience et « a déclaré que l'entreprise se trouvait en état de cessation des paiements, dans une situation irrémédiablement compromise et a sollicité l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ».

Il s'en déduit que la société débitrice a été amenée à présenter ses observations sur l'existence des conditions de l'article L. 640-1.

Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

Sur l'absence de motivation du jugement

La société Flexifai soutient que le tribunal ne motive pas les raisons pour lesquelles son redressement serait manifestement impossible et demande l'infirmation du jugement.

SUR CE,

Il résulte de l'application combinée des articles 455 et 458 du code de procédure civile que l'obligation de motivation du jugement doit être observée à peine de nullité.

La société Flexifai, qui se borne à demander l'infirmation du jugement mais non son annulation, ne tire donc pas les conséquences du moyen qu'elle soulève.

Ce moyen est donc inopérant.

Sur les perspectives de redressement

La société Flexifai qui ne conteste pas être en état de cessation des paiements expose qu'elle a pour objectif de finaliser le développement de sa solution Youree et de procéder à son lancement commercial au bout d'une période de 6 mois, que la solution a capté l'intérêt d'investisseurs et de partenaires stratégiques, que dans un premier temps, elle prévoit de financer son activité par la réalisation de missions de sous-traitance devant lui rapporter au second semestre 2024 un chiffre d'affaires de 432 000 euros et lui permettant de réaliser un résultat de 166 000 euros sur la période, que dans l'attente des premières factures, le financement des charges échues (environ 5 000 euros) sera assuré par des apports en compte courant de l'associé, qu'elle envisage à la clôture de l'exercice de présenter un solde positif de 120 000 euros de trésorerie, que dans un second temps, la commercialisation de la solution Youree à compter de janvier 2025 lui permettra de réaliser un chiffre d'affaires de 1 584 000 euros pour ses missions de conseils et de 639 000 euros au titre de la solution Youree en 2025 (et respectivement 2 784 000 et 4 282 000 euros en 2026 ainsi que 2 784 000 et 14 078 000 euros en 2027) et que ses prévisions de croissance de son chiffre d'affaires et de ses résultats futurs lui assureront la trésorerie nécessaire au déploiement de son activité et au remboursement du passif dans le cadre d'un plan de redressement, évaluant le solde de trésorerie résiduel de l'ordre de 458 000 euros en 2025, 1 261 000 euros en 2026 et 3 834 000 euros en 2027.

La SELARL [L] ' [S] ès qualités rétorque que la société Flexifai n'a pas, depuis sa création, déposé ses comptes au greffe, qu'elle ne produit pas de prévisionnel de trésorerie ou d'exploitation permettant de confirmer sa capacité à financer son activité durant la procédure de redressement judiciaire qu'elle sollicite, ni sa capacité à présenter un plan de redressement, que lors du dépôt de la demande d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la société Flexifai a produit un plan de trésorerie de janvier à mars 2024 qui prévoyait un chiffre d'affaires de 0 euro, des encaissements totaux sur la période de 300 euros et une impasse de trésorerie dès mars 2024, que de plus son prévisionnel n'intègre pas les salaires, le financement des locaux, ainsi que le financement du matériel, que la société Flexifai n'explique pas comment elle est en mesure de financer son activité ou de présenter un plan de redressement. Elle estime d'ailleurs qu'il ne semble pas vraisemblable que des investisseurs participent à une nouvelle levée de fonds.

SUR CE,

Aux termes de l'article L. 631-1 du code de commerce, il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements ['] et il résulte de l'article L. 640-1 du code de commerce que la procédure de liquidation judiciaire n'est ouverte qu'au débiteur en cessation des paiements dont le redressement est manifestement impossible.

En l'espèce, le passif définitif admis de la société Flexifai s'élève à la somme de 482 472,95 euros, dont plus de 175 000 euros de dettes salariales et de cotisations sociales et 168 306,21 euros au titre d'un prêt consenti par Bpifrance holding. La société employait au jour de l'ouverture de la procédure six salariés en CDI et quatre salariés en contrat d'apprentissage.

Elle prévoit à court terme de financer son activité par la réalisation de missions de sous-traitance et de continuer à développer le projet Youree présentant potentiellement une forte valeur ajoutée. Sur la base de ces objectifs, elle a fait établir un prévisionnel de financement permettant d'escompter des résultats nets de 166 855 euros au second semestre 2024, de 448 101 euros en 2025, de 1 391 405 euros en 2026 et de 3 552 690 euros en 2027.

Au regard de la situation la moins avantageuse, consistant à limiter les sources de revenus de la société à la rémunération de ses missions de sous-traitance, le montant de la trésorerie nette générée est estimé à 119 613 euros, somme qui permet d'envisager le paiement de la dette sur 10 ans dans le cadre d'un plan de redressement.

Dans ces conditions, et en dépit d'un passif non négligeable, le redressement judiciaire n'apparait pas à ce stade manifestement impossible et il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement en ce sens et, statuant à nouveau, d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Flexifai.

Sur la date de cessation des paiements

La société Flexifai ne conteste pas être en état de cessation des paiements, mais uniquement la date de cessation des paiements retenue par le tribunal, estimant être en état de cessation des paiements depuis le 31 décembre 2023, date à laquelle sa direction a acté le fait que ses investisseurs, avec lesquels elle était en pourparlers pour une nouvelle levée de fonds, ne procéderaient pas à de nouveaux apports en trésorerie.

La SELARL [L] ' [S] ès qualités considère que la société Flexifai était en état de cessation des paiements à tout le moins au 1er janvier 2023, qu'à cette date, la société Flexifai disposait d'une trésorerie de 26 193,22 euros alors que son passif exigible s'établissait à 62 019,48 euros, que les créances échues de janvier 2022 à décembre 2023 totalisent la somme de 233 555,47 euros et que le tribunal a été valablement fixer cette date au 15 janvier 2023.

SUR CE,

Aux termes de l'article L. 631-8, alinéa 1er, du code de commerce, le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure.

En l'espèce, les pièces versées aux débats par la SELARL [L] ' [S] ès qualités ne permettent pas d'affirmer que la société Flexifai était en état de cessation des paiements au 1er janvier 2023, le montant de sa trésorerie n'étant pas déterminé avec certitude quelles que soient les dates envisagées.

La société débitrice reconnaissant un état de cessation de paiements au 31 décembre 2023, il y a lieu d'écarter la date prévue par défaut par le texte précité et de fixer l'état de cessation des paiements au 31 décembre 2023.

En conséquence, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.

Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ouvre une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Flexifai, société par actions simplifiée dont le siège social se situe [Adresse 1] à [Localité 6] ;

Fixe la durée de la période d'observation à six mois à compter du présent arrêt ;

Fixe la date de cessation des paiements au 31 décembre 2023 ;

Désigne M. [Z] [E] en qualité de juge-commissaire ;

Désigne la SELARL [L] - [S] prise en la personne de Me [G] [S], en qualité de mandataire judiciaire ;

Désigne Me [D] commis en qualité de commissaire-priseur ;

Fixe à six mois à compter de la publication de l'arrêt au BODACC le délai pour établir la liste des créances ;

Fixe le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée par le tribunal à 2 ans ;

Renvoie l'affaire et les parties devant le tribunal de commerce de Meaux pour la poursuite de la procédure de redressement judiciaire ;

Rappelle que le greffe du tribunal de commerce de Meaux devra procéder aux mentions et publicités prévues par la loi ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

La greffière La présidente,

Yvonne TRINCA Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 24/03752
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;24.03752 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award