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23/07/2024 | FRANCE | N°22/18075

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 23 juillet 2024, 22/18075


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 23 JUILLET 2024



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18075 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGSXZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2022 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2020041970





APPELANTE



S.A.S. ZOL

prise en la personne de s

es représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 4]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 440.772.697,



Assistée de Me Jean-Christophe BONTE CAZALS, av...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 23 JUILLET 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18075 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGSXZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2022 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2020041970

APPELANTE

S.A.S. ZOL

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 4]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 440.772.697,

Assistée de Me Jean-Christophe BONTE CAZALS, avocat au barreau de PARIS, toque: C1241

INTIME

M. [E] [H]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 6] (94),

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Nicolas DUVAL de la SELEURL NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sophie MOLLAT, présidente

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère

Mme Isabelle ROHART, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER : Mme Saoussen HAKIRI lors des débats.

ARRET :

- contradictoire,

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Mme Sophie MOLLAT, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La SAS Zol et M. [E] [H] sont les deux associés de la SAS Angèle Concept dont l'activité est la formation à la sécurité incendie.

La société Zol détient 6 074 titres et M. [E] [H] (qui a été directeur de la société Angèle Concept jusqu'à son licenciement le 27 juin 2019) détenaient 897 titres.

Par acte sous signature privée du 16 novembre 2016, une promesse de cession et d'acquisition de titres a été conclue entre les deux associés aux termes de laquelle M. [H] s'est engagé à céder ses titres à la société Zol.

Le 4 décembre 2019, la société Zol a exercé son option portant sur les 897 actions détenues par M. [H] et a offert de payer un prix de 1 085,37 euros.

Par lettre du 8 janvier 2020, le conseil de M. [H] a contesté le prix proposé par la société Zol au motif que le résultat de l'année 2018 aurait été volontairement minoré.

Les parties ne parvenant pas à trouver un accord, le conseil de la société Zol a mis en demeure M. [H] de signer l'ordre de mouvement de titres.

Par acte d'huissier en date du 23 septembre 2020, cette mise en demeure étant restée sans effet, la société Zol a fait assigner M. [E] [H] devant le tribunal de commerce de Paris pour faire valoir ses droits.

Par jugement du 9 septembre 2022, le tribunal de commerce a :

Condamné la SAS Zol à payer à M. [E] [H] :

La somme de 69 407 euros à titre de dommages et intérêts sur la cession,

La somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné M. [E] [H], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification du jugement et pendant trente jours, durée au terme de laquelle il sera à nouveau fait droit, à communiquer son relevé d'identité bancaire pour que la SAS Zol puisse y verser son paiement de toutes les sommes dues y compris celle de 1 085,37 euros convenue selon constat d'audience ;

Condamné M. [E] [H], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la réception de toutes les sommes dues par la SAS Zol et pendant trente jours, durée au terme de laquelle il sera à nouveau fait droit, à signer et faire parvenir par tout moyen à la SAS Angele Concept ou à la SAS Zol l'ordre de mouvement des 897 titres d'Angèle Concept en sa possession ;

Rejeté toutes les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;

Condamné la SAS Zol aux dépens de l'instance.

Par déclaration au greffe de la cour du 20 octobre 2022, la société Zol a interjeté appel de ce jugement, mais seulement en ce que le tribunal :

- a retenu un préjudice à hauteur de la somme de 37 216,85 euros correspondant à la réintégration des prestations facturées par la société EM&LP Conseils et a condamné la société Zol de ce chef,

- a rejeté la demande de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive,

- a condamné la société Zol aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure.

*****

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 janvier 2023, la société Zol demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1221 du code civil, de l'article 122 du code de procédure civile, de la promesse de cession en date du 16 novembre 2016 et de la levée d'option en date du 4 décembre 2019, de :

Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 9 septembre 2022 en ce qu'il a :

Condamné la SAS Zol à payer à M. [E] [H] la somme de 69 407 euros à titre de dommages et intérêts sur la cession ;

Condamné la SAS Zol à payer à M. [E] [H] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté la SAS Zol de sa demande de voir condamner M. [H] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Débouté la SAS Zol de sa demande de voir condamner M. [H] au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

À titre principal :

Dire irrecevable, pour défaut de qualité, les demandes de M. [H] relatives au paiement de la somme de 37 216,85 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la réintégration des prestations facturées par la société EM&LP Conseils ;

Prendre acte de l'acquiescement de la société Zol au paiement d'une somme de 32 190,15 euros à M. [H] à titre de dommages et intérêts ;

À titre subsidiaire :

Débouter M. [H] de ses demandes en paiement de la somme de 37 216,85 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la réintégration des prestations facturées par la société EM&LP Conseils ;

En tout état de cause :

Condamner M. [H] à payer à la société Zol la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Condamner M. [H] à payer à la société Zol la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [H] au paiement des entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 19 avril 2023, M. [E] [H] demande à la cour, au visa des articles 122 du code de procédure civile, L. 227-10 du code de commerce, et des articles 1128, 1163 et 1592 du code civil, de :

À titre principal :

Confirmer le jugement dans son intégralité ;

Rejeter l'intégralité des demandes de la société Zol, à l'exception de sa demande d'acquiescement au paiement à M. [E] [H] d'une somme de 32 190,15 euros à titre de dommages et intérêts ;

À titre subsidiaire :

Nommer tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de donner son avis sur la valeur des titres de M. [E] [H] au 4 décembre 2019 (date de la levée de l'option d'achat par la société Zol) afin que puisse être fixé le montant du préjudice de M. [E] [H] ;

Dire que l'expert désigné pourra se faire assister de toutes personnes de son choix et solliciter la production de tous documents qu'il jugera nécessaires à sa mission ;

Dire que l'expert désigné devra remettre son rapport dans un délai maximal de trois mois à compter de sa désignation ;

Dire que l'expert désigné devra en référer à la juridiction en cas de difficultés ;

Dire que les frais et honoraires d'expertise feront partie des dépens d'instance ;

En toute hypothèse :

Prendre acte de l'acquiescement de la société Zol au paiement à M. [E] [H] d'une somme de 32 190,15 euros à titre de dommages et intérêts ;

Débouter la société Zol de ses autres demandes ;

Condamner la société Zol à payer à M. [E] [H] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société Zol aux entiers dépens.

*****

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir

La société Zol indique qu'elle est simple actionnaire de la société Angèle Concept et qu'au cours de l'exercice 2018, elle n'a été bénéficiaire d'aucune rémunération à quelque titre que ce soit ; que n'étant ni associée ni dirigeante de la société EM&LP Conseils, elle n'a aucun intérêt dans cette société ; qu'elle ne saurait en conséquence être tenue responsable de l'établissement des comptes de la société Angèle Concept, ni des conventions passées entre celle-ci et une société tierce. Elle conclut à l'infirmation du jugement et à l'irrecevabilité des demandes de M. [H] pour défaut de qualité à agir sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile.

M. [E] [H] indique que les conclusions de la société Zol ne permettent pas de comprendre précisément si elle évoque un défaut de qualité à agir pour elle ou pour l'intimé. Rappelant qu'il a été assigné par la société Zol et qu'ayant donc la qualité d'intimé, la question de sa qualité à agir n'est pas à trancher, et le point soulevé par l'appelante relève davantage du bien-fondé de la décision que de sa qualité à agir. Il ajoute que la société Zol ne peut d'une part acquiescer à la réintégration des loyers surfacturés et refuser la réintégration des honoraires versés à la société EM&LP Conseils au seul motif qu'elle n'en serait pas associée. Il rappelle en outre que M. [F] [D], actionnaire unique de la société Zol, est aussi associé de la société EM&LP Conseils. Il énonce enfin que la société Zol fait état pour la première fois en appel de cette prétendue absence de qualité à agir pour rejeter la demande de dommages et intérêts.

Sur ce,

Le versement de dommages-intérêts au titre de la réintégration des prestations facturées par la société EM&LP Conseils ne concerne pas la recevabilité de la demande de M. [H], mais son bien-fondé.

En outre, M. [H] était défendeur en première instance et est intimé en cause d'appel, de sorte qu'il ne saurait lui être opposé un défaut de qualité à agir.

Il convient par conséquent de rejeter la fin de non-recevoir tiré du défaut de qualité à agir.

Sur la demande de dommages et intérêts relative à la prétendue minoration du résultat de l'exercice 2018

La société Zol expose que, concernant la justification des prestations facturées par EM&LP Conseils au cours de l'exercice 2018, les montants facturés par ce prestataire ont fait l'objet chaque année d'une mention expresse et d'une résolution lors des assemblées générales annuelles d'approbation des comptes, que les montants facturés n'ont jamais été contestés par M. [H] qui a voté favorablement lors des assemblées générales d'approbation des comptes 2015, 2016, 2017 et que ce n'est que lors de l'assemblée générale d'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2018 qu'il a voté contre la résolution visant cette facturation, alors qu'une procédure de licenciement à son encontre était en cours. Elle ajoute que, dans son rapport général, le commissaire aux comptes n'a jamais remis en cause ni le montant ni la réalité des prestations litigieuses et que les honoraires ont été facturés conformément à la convention liant la société EM&LP Conseils aux sociétés du groupe Zol, dont la société Angèle Concept.

Elle précise que le montant de 55 100 euros facturé à la société Angèle Concept en 2018 correspond à 145 heures pour l'année, soit 12 heures par mois, soit environ 3h par semaine et que M. [D] passait plus d'une demi-journée par semaine pour le suivi de la société Angèle Concept.

Elle conclut que M. [H] ne peut en conséquence demander que soient réintégrés dans le résultat d'exploitation les honoraires facturés par la société EM&LP Conseils, d'autant plus qu'en 2018 une attention particulière a été portée à la société Angèle Concept du fait de la baisse inhabituelle du chiffre d'affaires due aux agisssements de l'intimé.

M. [E] [H] réplique que, concernant la réintégration des honoraires versés à la société EM&LP Conseils, la convention conclue entre cette dernière et la société Angèle Concept relève des dispositions de l'article L. 227-10 du code de commerce, M. [F] [D] étant à la fois président de la société Angèle Concept et gérant de la société EM&LP Conseils ; que s'agissant d'une convention réglementée, elle devait être approuvée dans les conditions prévues par cette disposition, ce qui n'a pas été respecté en l'espèce, puisqu'aucun rapport spécial n'a été présenté aux associés lors de l'assemblée.

Il ajoute qu'au-delà de la violation de la procédure prévue par l'article L. 227-10 précité, les honoraires versés par la société Angèle Concept à la société EM&LP Conseils doivent être réintégrés au motif que la convention porte sur des missions de direction relevant de la mission du mandataire social de la société. Il fait en outre état de la fictivité des prestations prétendument réalisées par la société EM&LP Conseils, la réalité des prestations ayant donné lieu au paiement d'honoraires de 55 100 euros au titre de l'exercice 2018 n'étant pas rapportée par la société Zol ce qui justifie la réintégration de ces honoraires au résultat d'exploitation 2018. Il conclut que son préjudice subi, s'agissant du prix de cession des actions objets de la promesse, est égal à la différence entre d'une part, le prix de cession des actions sur la base d'un résultat retraité des loyers supérieurs à la valeur du marché versés à la SCI Zol et des honoraires versés à la société EM&LP Conseils et, d'autre part, le prix proposé par l'appelante. Il établit ainsi son préjudice à la somme de 69 407 euros.

Sur ce,

Les conventions de management consistent, pour une société, à conclure avec une autre une convention de prestation de services portant de manière plus ou moins directe sur l'exercice de sa direction générale.

Si, dans les sociétés anonymes, ces conventions sont nulles pour absence de cause dès lors que les prestations se confondent avec les fonctions du dirigeant (Cass. com., 14 sept. 2010, n° 09-16.084, F-D ' Cass. com., 23 oct. 2012, n° 11-23.376, P+B), elles peuvent toutefois être valables dans les SAS (Cass. com., 24 nov. 2015, n° 14-19.685, F-D), sous réserve de remplir les conditions suivantes.

Tout d'abord, le prestataire qui se voit confier tout ou partie de la direction générale d'une SAS par la voie d'une convention de prestation de services doit avoir la qualité d'organe social, prévu par les statuts. Ensuite, sa désignation conventionnelle doit être conforme aux dispositions statutaires, les prestations convenues doivent être compatibles avec les fonctions que cet organe est légalement ou statutairement autorisé à exercer et les dispositions statutaires relatives au statut de l'organe ne doivent pas faire obstacle à l'organisation conventionnelle des prestations de direction.

Enfin, la convention de prestation de services est soumise à la procédure des conventions réglementées prévue à l'article L. 227-10 du code de commerce qui dispose que Le commissaire aux comptes ou, s'il n'en a pas été désigné, le président de la société présente aux associés un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et son président, l'un de ses dirigeants, l'un de ses actionnaires disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % ou, s'il s'agit d'une société actionnaire, la société la contrôlant au sens de l'article L. 233-3. Les associés statuent sur ce rapport. Les conventions non approuvées, produisent néanmoins leurs effets, à charge pour la personne intéressée et éventuellement pour le président et les autres dirigeants d'en supporter les conséquences dommageables pour la société.

Les conventions dites réglementées conclues sans autorisation préalable peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société, la nullité encourue étant facultative. Lorsque la nullité est prononcée, elle produit les mêmes effets que toute nullité, soit l'anéantissement rétroactif du contrat, engendrant des restitutions le cas échéant.

En l'espèce, le contrat de prestation de services conclu le 12 décembre 2017 entre la société EM&LP CONSEILS et la société Angèle Concept est une convention relevant des dispositions de l'article L. 227-10 du code de commerce, M. [F] [D] étant à la fois président de ladite société et gérant de la société EM&LP Conseils dont il détient 70% du capital social, ce dont il se déduit que le contrat devait être approuvé dans les conditions prévues par cette disposition.

Or, ainsi que l'a constaté le tribunal, la procédure prévue par l'article L. 227-10 n'a pas été respectée par le président de la société Angèle Concept.

Ainsi, aucun rapport spécial n'a été présenté aux associés lors de l'assemblée et, contrairement à ce qu'affirme la société Zol, le rapport général - qui ne peut pallier l'absence de rapport spécial - ne porte pas sur les conventions réglementées mais uniquement sur l'activité de la société au cours de l'exercice dont les comptes sont approuvés.

En outre, les rapports spéciaux relatifs aux exercices 2019 et 2020 ne font état d'aucune des deux conventions visées dans la présente procédure (contrat de bail entre la société Angèle Concept et la SCI Zol et convention d'assistance de la société EM&LP Conseils au profit de la société Angèle Concept).

Il est observé que la seule information communiquée par le président au commissaire aux comptes en 2019 porte sur une convention de prestations de services entre la société Zol et la société Angèle Concept et en 2020 sur la facturation de services facturées par la société Angèle Concept à la société EM&LP Conseils.

La société Zol ne justifie donc pas d'une information communiquée par le président de la société Angèle Concept au commissaire aux comptes sur la convention conclue entre la société Angèle Concept et la société EM&LP Conseils ou de la remise aux associés du rapport spécial du commissaire aux comptes au titre des conventions conclues ou renouvelées en 2018.

L'article L. 227-10 précité prévoit toutefois que les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets à charge pour les personnes intéressées d'en supporter les conséquences dommageables.

La société Zol doit dès lors supporter les conséquences dommageables de cette convention non approuvée pour M. [E] [H] au motif qu'elle a entraîné pour lui un préjudice lié à une minoration du résultat et, partant, une minoration du prix des actions objets de la promesse.

Dès lors que la nullité du contrat n'est pas sollicitée par M. [H], son préjudice doit être réparé par l'octroi de dommages et intérêts correspondant à la minoration alléguée du prix de cession en raison du paiement par la société d'honoraires liés à ladite convention.

En outre, s'agissant de la validité de ce contrat conclu avec la société et EM&LP Conseils au regard des conditions ci-dessus exposées, il y a lieu de considérer qu'il recouvre des fonctions de direction et fait donc double emploi avec les fonctions du mandataire social de la société, dès lors qu'il prévoit la réalisation par la société Zol des prestations de services suivantes :

- Coordination financière du groupe et de ses filiales :

- Mise en place des ressources humaines et mutualisation des équipes du groupe,

- Mission d'encadrement humain et autres opérations d'intermédiation et management des entreprises,

- Mission d'assistance et de conseils juridique pour les dossiers en droit du travail,

- Développement commercial,

- Mission de mutualisation des achats,

- Encadrement des risques socio-professionnels,

- Transfert de savoirs faire et de compétences métiers,

- Mutualisation des moyens logistiques,

- Cohésion marketing,

- Toute activité d'animation,

- Veille technologique.

Dans ses premières conclusions devant le tribunal, la société Zol faisait par ailleurs état de la réalisation des prestations suivantes dans le cadre de la convention et ce, de façon hebdomadaire :

- Suivi des tableaux d'exploitation,

- Suivi de la politique commerciale,

- Suivi de l'administration des ventes,

- Négociations des contrats (bus-crédit-bail').

Or, les prestations réalisées ayant donné lieu au paiement d'honoraires par la société Angèle Concept à la société EM&LP Conseils recouvrent des fonctions qui relèvent des pouvoirs du président et ce d'autant plus que la société Angèle Concept est une petite société.

Ainsi, la mise en place des ressources humaines, le développement commercial et le suivi de la politique commerciale, l'activité d'animation, la négociation des contrats sont des prestations relevant du mandat social du président.

Si la société Zol soutient que les prestations confiées ne se confondent pas avec des missions de direction, ne relèvent pas stricto sensu des conventions de direction ou revêtaient une technicité particulière, elle ne précise pas pour autant de quelle technicité il s'agit. Il n'est donc pas établi que ce contrat prévoyait des prestations de services distinctes du mandat de président dévolu à M. [D].

Enfin, force est de constater que la société prestataire EM&LP Conseils qui s'est vu confier tout ou partie de la direction générale de la société Angèle Concept par la voie d'une convention de prestation de services n'a pas la qualité d'organe social au sens des statuts. En effet, les statuts de la SAS Angèle Concept ne prévoyaient pas la possibilité que le président soit assisté d'un vice-président (ce qu'autorise l'article L. 227-5 du code de commerce) ou d'un directeur général (ce qu'autorise l'article L. 227-6 al. 3 du même code), de sorte que seul le président était statutairement habilité à exercer les pouvoirs de direction, sans possibilité de les partager ou de les déléguer à un tiers.

Par conséquent, ce cumul de fonctions de direction non autorisé doit être considéré comme nul, faute de dispositions statutaires en ce sens.

Au regard de ce qui précède, il n'y a pas lieu de statuer sur le caractère fictif des prestations réalisées par la société EM&LP Conseils.

Il s'ensuit que les honoraires indûment versés par la société Angèle Concept doivent être réintégrés dans le résultat d'exploitation.

Sur le préjudice subi par M. [E] [H]

Le préjudice subi par M. [E] [H] s'agissant du prix de cession des actions objets de la promesse est égal à la différence entre d'une part le prix de cession des actions sur la base d'un résultat retraité des loyers supérieurs à la valeur du marché versés à la SCI Zol et des honoraires versés à la société EM&LP Conseils et d'autre part le prix proposé par l'appelante soit 1 085,37 euros.

Le résultat d'exploitation 2018 retraité s'établit ainsi qu'il suit :

REX 2018 : 1 679 euros,

Loyer déduit : + 141 600 euros,

Loyer de marché : - 90 500 euros,

Honoraires EM&LP Conseils : + 55 100 euros,

REX 2018 corrigé : 107 879 euros,

5*REX : 539 395 euros,

Valeur des actions objets de la promesse 69 407 euros.

Le préjudice subi par M. [E] [H] à la suite de la minoration volontaire du prix de cession des 897 actions qu'il détenait et qui ont été objets de la promesse de cession consentie à la société Zol, s'établit par conséquent à la somme de 69 407 euros (de laquelle les parties déduiront la somme de 1 085,37 euros si elle a déjà été payée).

Aussi, convient-il de confirmer le jugement, par ces seuls motifs substitués à ceux des premiers juges, en ce qu'il a condamné la société Zol à verser à M. [E] [H] la somme de 69 407 euros correspondant au prix de cession des titres et au montant des dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi.

La cour prend acte de l'acquiescement de la société Zol au paiement d'une somme de 32 190,15 euros à M. [H] à titre de dommages et intérêts. 

Sur la désignation d'un expert

Le sens de la présente décision rend inutile la désignation d'un expert sollicitée à titre subsidiaire par M. [H] pour déterminer la valeur de ses actions.

Sur la résistance abusive de M. [H] à exécuter son obligation

La société Zol soutient que, au lieu d'engager une procédure dédiée distincte, M. [H] - qui n'a jamais contesté la validité de la levée de l'option - a préféré la voie reconventionnelle afin de faire durer la procédure et de retarder au maximum la livraison des titres en liant les deux opérations (transfert des titres et indemnisation). Elle sollicite à ce titre la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive.

M. [H] ne réplique pas sur ce point.

Sur ce,

L'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol, l'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'étant pas constitutive en soi d'une faute.

En l'espèce, la société Zol ne rapporte pas la preuve de ce que l'action de M. [H] aurait dégénéré en abus dans le seul but de retarder la livraison des titres. Elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts formée à ce titre, sur confirmation du jugement de ce chef.

Sur les frais et dépens

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ajoutant au jugement, il conviendra de condamner la société Zol à payer à M. [H] la somme supplémentaire de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code précité.

Enfin, la société Zol, partie succombante, sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir ;

Confirme le jugement en ses dispositions frappées d'appel ;

Y ajoutant,

Condamne la société Zol à payer à M. [E] [H] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Zol aux dépens d'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 22/18075
Date de la décision : 23/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-23;22.18075 ?
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