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09/08/2024 | FRANCE | N°24/00444

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 12, 09 août 2024, 24/00444


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 1 - Chambre 12





SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT





ORDONNANCE DU 09 AOUT 2024



(n° 444 , 6 pages)







N° du répertoire général : N° RG 24/00444 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ2HP



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 31 Juillet 2024 -Tribunal Judiciaire de CRETEIL (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/03326



L'audi

ence a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 08 Août 2024



COMPOSITION



Nathalie RECOULES, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du premier président de...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 12

SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

ORDONNANCE DU 09 AOUT 2024

(n° 444 , 6 pages)

N° du répertoire général : N° RG 24/00444 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ2HP

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 31 Juillet 2024 -Tribunal Judiciaire de CRETEIL (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/03326

L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 08 Août 2024

COMPOSITION

Nathalie RECOULES, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Paris,

assistée de Damien GOVINDARETTY, greffier lors des débats et de la mise à disposition de la décision

APPELANT

Monsieur [P] [E] (Personne faisant l'objet de soins)

né le 18 Avril 1969 à [Localité 2] (Egypte)

demeurant [Adresse 1]

Actuellement hospitalisé aux Hopitaux de [Localité 4]

comparant, assisté de Me Karim ANWAR, avocat commis d'office choisi au barreau de Paris et de Mme [R], interprète en langue Arabe

INTIMÉ

M. LE PREFET DE POLICE DE [Localité 3]

non comparant, non représenté,

PARTIE INTERVENANTE

M. LE DIRECTEUR DES HOPITAUX DE [Localité 4]

non comparant, non représenté,

MINISTÈRE PUBLIC

Représenté par Mme Perrin, avocate générale,

Comparante,

Faits et procédure

M. [P] [E] est hospitalisé depuis le 21 juillet 2024 sur décision du représentant de l'État en raison de l'incompatibilité de son état clinique avec la garde-à-vue dont il faisait l'objet pour des faits de dégradation volontaire de biens privés, suite à un dépôt de plainte de son voisin.

Cette incompatibilité ressort des conclusions de l'expertise psychiatrique versée au dossier et requise par la procureur de la République qui relève que « En évoquant les faits, M. [E] livre un vécu délirant essentiellement persécutif avec hallucinations, sans syndrome d'influence. [Il] déclare être constamment surveillé par son voisin et les personne qu'il héberge. Il affirme être espionné, suivi et harcelé et de dit injustement accusé d'avoir cassé la serrure de son voisin. Selon lui, il s'agit d'un complot. Il raconte que ses voisins et les jeunes qu'il héberge restent dans l'appartement dans le noir pour que les autres voisins ne se rendent pas compte de leur présence. Dès qu'il arrive chez lui, ils commencent à 'insulter, à parler de lui et à répéter ses conversations qu'il aurait tenues dans la rue. » Le médecin en conclut que « M.[E] présente ce jour un épisode délirant essentiellement persécutif. [..] L'état clinique présenté ce jour par M. [E] peut le rendre dangereux pour autrui et éventuellement pour lui-même en absence de soins [..] » et doit être conduit à l'IPPP.

Le certificat médical dressé à l'IPPP le 21 juillet 2024 constate que M. [E] est «[...]décrit également un vécu d'hostilité même à l'extérieur, observe des personnes qui l'attendraient devant l'immeuble et le suivraient parfois dans la rue. »

Le médecin relève « aucun antécédent notable n'était rapporté par ses proches, ceux-ci confirmaient des conflits de voisinage envahissants et anciens ayant conduit le patient à solliciter la police de manière répétée, voire quotidiennement. »

Il conclut à un« vécu persécutif centré sur le voisinage probablement construit sur des éléments de réalité et sous-tendu d'interprétation de plus en plus étendu sans recul ni critique. Nécessité d'hospitalisation pour mise à distance, poursuite de l'observation et mise en place de soins adaptés. A été informé de l'orientation ce jour. Les constatations médicales ci-dessus font apparaître que cette personne nécessite des soins en raison de troubles mentaux qui compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public et qu'ainsi, elle doit être admise en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'état, en application des articles L. 3213-1 et

suivants du code de la santé publique. » Sa conduite à l'IPPP est préconisée.

Le certificat médical de 24 heures relève que le patient est « âgé de 55 ans, non connu du secteur, hospitalisé pour trouble du comportement, accusé par le voisinage d'insulter, menacer à plusieurs reprises. En entretien ce jour, le patient est bon contact, calme sur le plan comportemental, [avec] discours spontané, cohérent dans sa structure, le patient exprime des idées délirantes de persécution et de complot à mécanisme interprétatif et hallucinatoire. Adhésion passive aux soins. Dans ce contexte, nous maintenons la contrainte de soins »

Le certificat médical de 72 heures constate les mêmes troubles que notés dans le précédent certificat, un déni des troubles, mais une adhésion aux soins et conclut à la nécessité de maintenir les soins.

Par arrêté en date du 25 juillet 2024, le préfet du département a maintenu l'admission en soins psychiatriques de M. [E].

Par requête reçue le 22 juillet 2024, M. [P] [E] a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de voir ordonner la mainlevée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte dont il fait l'objet.

Parallèlement, l'établissement de soins a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Créteil afin que la mesure d'hospitalisation dont fait l'objet M. [P] [E] soit prolongée au-delà de douze jours.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Créteil a, par ordonnance en date du 31 juillet 2024, au vu des certificats médicaux établis et de l'avis motivé rendu par le psychiatre de l'établissement en date 30 juillet 2024 faisant état de la persistance d'idées délirantes de persécution centrée sur ses voisins, de l'absence de conscience du patient du caractère pathologique de ses troubles rendant nécessaire le maintien de la mesure de soins sans consentement, rejeté le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure et ordonné la poursuite de l'hospitalisation complète sans consentement.

M. [P] [E] a contesté la décision prise aux termes d'un courrier reçu le 6 août 2024.

A l'audience de ce jour, M. [P] [E] a été entendu en ses observations.

Le conseil de M. [P] [E] a développé les moyens au soutien de ses prétentions développées dans ses écritures actualisées et déposées le 8 août 2024 soutenues oralement et soulève in limine l'irrégularité de la procédure motifs pris de la notification tardive de la décision d'admission et des voies de recours, du défaut d'assistance d'un interprète, du défaut de recueil des observations préalables de l'appelant à toute mesure prononçant l'admission ou le maintien des soins, de l'impossibilité de contrôler le respect des garanties offertes par l'article L.3213-9 du code de la santé publique, au fond, sur le caractère disproportionné de la mesure de soins psychiatriques à la demande du représentant de l'État et l'absence d'atteinte à la sûreté des personnes ou, de façon grave, à l'ordre public et sollicite en conséquence, à titre principal, l'infirmation de l'ordonnance dont appel en raison des irrégularité de la procédure et de voir ordonner la main-levée de la mesure d'hospitalisation complète et, à titre subsidiaire, ordonner la main-levée de la mesure d'hospitalisation complète et ordonner la mise en place d'un programme de soins ne nécessitant pas une hospitalisation complète sans consentement conformément à l'article L.3211-2-II du code de la santé publique.

Le Ministère publique a demandé le rejet des moyens soulevés au titre de l'irrégularité de la procédure et sollicité la confirmation de l'ordonnance rendue.

SUR CE,

L'office du juge judiciaire implique un contrôle relatif à la fois à la régularité de la décision administrative d'admission en soins psychiatriques sans consentement et au bien-fondé de la mesure, en se fondant sur des certificats médicaux.

Il résulte de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique que l'irrégularité affectant une décision administrative de soins psychiatriques sans consentement n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en fait l'objet. Il appartient donc au juge de recherche, d'abord, si l'irrégularité affectant la procédure est établie, puis, dans un second temps, si de cette irrégularité résulte une atteinte aux droits de l'intéressé.

A titre liminaire, il est relevé que le conseil de l'appelant a décalré ne pas soutenir à l'audience le moyen tirée de l'irrégularité de la procédure en absence de justification de l'examen somatique complet dont M. [E] aurait du bénéficier.

Sur l'irrégularité tirée de la notification tardive de la décision d'admission et des voies de recours

Il ressort des dispositions de l'article L.3211-3 du code de la santé publique que toute personne faisant l'objet de soins sans consentement est informée le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui la motivent.

L'arrêté décidant de de l'admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etet pris par le préfet de police le 21 juillet 2024 porte mention de ce que « M. [E] [P], informé du projet de décision d'admission en soins psychiatriques à la demande du représentant de l'État, a été mis à même de faire valoir ses observations ».

La cour relève que M. [E] a saisi le juge des libertés et de la détention en contestation de la décision dès le 22 juillet 2024 ce dont il peut se déduire qu'il avait parfaitement connaissance de la mesure ordonnée et de ses droits qu'il a exercé de sorte qu'aucun grief n'est caractérisé au cas d'espèce.

Le moyen soulevé de ce chef sera rejeté.

Sur l'irrégularité tirée de l'absence d'interprète :

A l'audience, M. [E] a été en mesure de répondre spontanément et sans interprète aux questions de la présidente d'audience et de Mme l'avocat général. Il ressort en outre de l'expertise menée dans le cadre de la procédure pénale que le long entretien que l'expert psychiatre a eu avec M. [E] s'est déroulé sans interprète en langue arabe et, comme relevé par motifs pertinents par le premier juge auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte, qu'il ressort de l'ensemble des certificats médicaux versés à la procédure que M. [E] a pu s'exprimer librement sans interprète de sorte qu'aucun grief n'est en l'espèce caractérisé.

L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a rejeté l'irrégularité soulevée de ce chef.

Sur l'irrégularité tirée du défaut de recueil des observations préalables de l'appelant à toute mesure prononçant l'admission ou le maintien des soins

L'article L.3211-3 du code de la santé publique dispose que « (') Avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L.3212-7 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état. (')»

Contrairement à ce que soutient l'appelant, il ressort du certificat établi le 21 juillet 2024 par le docteur [L] que M. [E] a été informé de l'orientation de ce jour et que la même mention figure sur les certificats médicaux des 24 heures et 72 heures et est ajouté que la patient a fait valoir ses observations. Au demeurant, en absence de grief caractérisé, le moyen soulevé en cause d'appel sera rejeté.

Sur l'irrégularité tirée de l'impossibilité de contrôler le respect des garanties offertes par l'article L.3213-9 du code de la santé publique

Conformément aux dispositions de l'article L.3213- 9 du code de la santé publique, le représentant de l'Etat dans le département avise dans les vingt-quatre heures de toute admission en soins psychiatriques prise en application du présent chapitre ou du chapitre IV du présent titre, de toute décision de maintien et de toute levée de cette mesure le procureur de la République près le tribunal judiciaire dans le ressort duquel est situé l'établissement d'accueil de la personne malade et le procureur de la République près le tribunal judiciaire dans le ressort duquel celle-ci a sa résidence habituelle ou son lieu de séjour, le maire de la commune où est implanté l'établissement et le maire de la commune où la personne malade a sa résidence habituelle, la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L.3222-5 du même code, la famille de la personne qui fait l'objet de soins.

En absence de sanction prévue par le texte et, comme relevé par l'appelant lui-même, alors que le préfet de police atteste que l'information de ces autorités a été faîte, il ne peut être tiré de l'absence de production des justifications de ces transmissions aucune sanction, ni au demeurant aucun grief pour M. [E].

Le moyen soulevé en cause d'appel sera rejeté.

Sur le fond

Aux termes de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, l'admission en soins psychiatriques sans consentement décidée par le représentant de l'Etat dans le département vise des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Il appartient au préfet de motiver ses décisions au regard de ces dispositions.

Dans l'exercice de son office, le juge ne saurait se substituer au médecin dans l'appréciation de l'état mental du patient et de son consentement aux soins. Pour autant, la motivation sur le trouble à l'ordre public ne relève pas du médecin mais du représentant de l'État dans le département et les articles L.3213-1, L.3213-3 et R. 3213-3 du code de la santé publique n'exigent pas la mention, dans le certificat médical circonstancié qu'ils prévoient, que les troubles nécessitant des soins «compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public », une telle qualification relevant, sous le contrôle du juge, des seuls pouvoirs du préfet, sauf à prévoir, lorsqu'un certificat conclut à la nécessité de lever une mesure, les incidences éventuelles de ces troubles sur la sûreté des personnes.

Il s'en déduit, qu'il appartient au juge d'apprécier si les troubles mentaux qui ont justifié la mesure d'hospitalisation sous contrainte de M. [E] persistent, nécessitent des soins et sont de nature à compromettre la sûreté des personnes ou de porter atteinte de façon grave à l'ordre public.

Au cas d'espèce, il ressort des pièces de la procédure que :

les troubles psychiatriques sont établis l'ensemble des certificats médicaux dont les termes ont été repirs de façon détaillée ci-dessus relèvent le vécu délirant essentiellement persécutif de M. [E] qu'il a évoqué lors de ses déclarations à l'audience de ce jour ;

l'absence de consentement résulte des mêmes certificats qui notent une adhésion passive aux soins ;

le certificat médical de situation du 7 août 2024 reprend que « En entretien, le patient est calme sur le plan comportemental. Bonne présentation. Discours spontané cohérent dans sa structure, exprime un délire de persécution à l'encontre de ses voisins, les personnes de couleur noire, et des arabes. Il se sent surveillé chez lui. Aucune critique de son délire. Déni des troubles . », autant d'éléments qui sont ressortis de ses déclarations ce jour ;

le risque pour la sûreté des personne est manifeste en absence de capacité en l'état de M. [E] a pouvoir élaborer sur ses troubles et sur l'intérêt de soins pour lui au regard de la violence intrinsèque de la situation vécue, restant dans une position de victime de sorte qu'il y a un risque de récidive.

Il se déduit de ces circonstances que les conditions légales du maintien de la mesure sont réunies, et qu'il y a lieu d'adopter pour le surplus les motifs pertinents relevés par le premier juge pour confirmer l'ordonnance critiquée.

PAR CES MOTIFS 

Le délégué du premier président, statuant en dernier ressort, par décision réputée contradictoire mise à disposition au greffe,

Rejette les moyens d'irrégularité de la procédure soulevées en cause d'appel ;

Confirme l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Créteil le 31 juillet 2024 en toutes ses dispositions ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.

Ordonnance rendue le 09 AOUT 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE

Une copie certifiée conforme notifiée le 09 août 2024 par fax / courriel à :

X patient à l'hôpital

ou/et ' par LRAR à son domicile

X avocat du patient

X directeur de l'hôpital

' tiers par LS

X préfet de police

' avocat du préfet

' tuteur / curateur par LRAR

X Parquet près la cour d'appel de Paris


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 24/00444
Date de la décision : 09/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-09;24.00444 ?
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