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22/08/2024 | FRANCE | N°21/11138

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 22 août 2024, 21/11138


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 22 AOÛT 2024



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11138 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3VC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2021 -Tribunal de Commerce de MELUN RG N° 2019F00402





APPELANTS



Monsieur [N] [H]

[Adresse 2]

[Localité 6]



ET



S.A. HEL

VETIA ASSURANCES , agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentés par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRÊT DU 22 AOÛT 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11138 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3VC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2021 -Tribunal de Commerce de MELUN RG N° 2019F00402

APPELANTS

Monsieur [N] [H]

[Adresse 2]

[Localité 6]

ET

S.A. HELVETIA ASSURANCES , agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentés par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistés par Me Sébastien LOOTGIETER de la SCP VILLENEAU ROHART SIMON ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0160, substitué à l'audience par Me Henri JEANNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0160

INTIMÉE

EPA VOIES NAVIGABLES DE FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148

Assisté par Me Hervé CASSEL de la SELAFA CABINET CASSEL, avocat au barreau de PARIS, toque : K0049, substitué à l'audience par Me Vincent DUBOIS , avocat au barreau de PARIS, toque : K0049

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été plaidée le 20 Juin 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Florence PAPIN, Présidente

Mme Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence PAPIN dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Catherine SILVAN, greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 21 octobre 2011, vers 8h50, Monsieur [N] [H], artisan-batelier exploitant une péniche automotrice dénommée « CALIMERO » destinée au transport de marchandises, naviguant sur la Seine en direction de [Localité 7], au radar, la visibilité étant réduite en raison de nappes de brouillard, a heurté un haut-fond, près du sas de l'écluse de [Localité 10].

Il a déclaré le sinistre le jour même à son assureur, la société Helvetia assurances, laquelle a mandaté un expert.

Monsieur [X], du cabinet Asagao, s'est rendu le 22 octobre 2011 à [Localité 10] pour établir un constat d'accident du bateau et la société Carlier est intervenue sur place pour effectuer la réparation du gouvernail.

Le 13 décembre 2011, une expertise amiable et contradictoire a eu lieu en présence d'un représentant de l'établissement public Voies navigables de France et de son expert Monsieur [E].

La demande indemnitaire préalable présentée par l'assureur de Monsieur [H] a été rejetée par l'établissement public Voies navigables de France.

Saisi par la société Helvetia assurances et Monsieur [H], par requête le 28 octobre 2014, aux fins de déclaration de responsabilité de l'établissement public Voies navigables de France et d'indemnisation, le tribunal administratif de Lille s'est déclaré incompétent, renvoyant les requérants à mieux se pourvoir, décision confirmée par la cour administrative d'appel de Douai par arrêt en date du 8 juillet 2019, au motif que l'établissement public Voies navigables de France était un établissement public à caractère industriel et commercial lors de l'accident.

Par acte d'huissier en date du 24 octobre 2019, la société Helvetia assurances et Monsieur [H] ont assigné l'établissement public Voies navigables de France, devenu entre-temps un établissement public à caractère administratif suite à la loi du 24 janvier 2012 (l'EPA VNF), devant le tribunal de commerce de Melun aux fins de reconnaissance de responsabilité et d'indemnisation du préjudice de Monsieur [H].

Par jugement du 21 avril 2021, le tribunal a :

- Débouté la société Helvetia assurances S.A. et Monsieur [N] [H] de l'ensemble de leurs prétentions,

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- Condamné solidairement la société Helvetia assurances S.A. et Monsieur [N] [H] à payer à l'établissement public Voies navigables de France la somme de mille euros T.T.C. (1.000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné solidairement la société Helvetia assurances S.A. et Monsieur [N] [H] en tous les dépens de greffe liquidés à la somme de 102,16 euros T.T.C.,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Les premiers juges, pour débouter le batelier et son assureur de leurs demandes, ont retenu que l'état du panneau n'avait pu avoir aucune influence sur la survenue de l'accident et que l'erreur d'appréciation de Monsieur [H], naviguant de nuit et au radar, qui connaissait les lieux et a confondu un bateau venant dans l'autre sens et un panneau d'eau situé sur la berge opposée, était seule à l'origine de l'accident et non un défaut de signalisation.

La société Helvetia assurances et Monsieur [H] ont interjeté appel de ce jugement le 15 juin 2021.

Par leurs dernières conclusions (n°2), notifiées par voie électronique le 24 mai 2024, la société Helvetia assurances et Monsieur [H] demandent à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions :

Vu les articles 1240 et 1242 du code civil,

Vu l'ordonnance de la cour d'appel de Douai du 9 juillet 2019,

- Dire et déclarer la société Helvetia assurances S.A. et Monsieur [N] [H] recevables et bien fondés en leurs demandes dirigées contre l'établissement public Voies navigables de France,

- Débouter l'établissement public Voies navigables de France de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner l'établissement public Voies navigables de France à payer à la société Helvetia assurances S.A. :

la somme de 23.650 euros, outre intérêts légaux à compter de la date de la requête initiale du 28 octobre 2014, qui devront être capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil,

la somme de la somme de 5.000 euros en application des dispositions de

l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner l'établissement public Voies navigables de France à payer à Monsieur [N] [H] :

la somme de 5.650 euros, outre intérêts légaux à compter du date de la requête initiale du 28 octobre 2014, qui devront être capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner l'intimé aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Helvetia et Monsieur [H] font valoir que les circonstances de l'accident sont établies, l'éclusier ayant contresigné un constat d'accident.

Ils reprochent à l'EPA VNF une signalisation insuffisante de la restriction brutale du chenal, qui perd 15 mètres de large, le panneau indiquant une distance minimale à respecter du quai étant situé 15 mètres en arrière du danger, caché par la végétation, mal orienté et mal entretenu.

Ils ajoutent que ce danger d'un haut-fond aurait dû également être signalé par des panneaux lumineux ou clignotants ou par des ducs d'Albe surmontés de catadioptres et mentionné dans les avis à la batellerie [Localité 9] annuels que l'EPA VNF publie et dont les bateliers doivent disposer à bord.

Ils précisent que le batelier a serré sur tribord ayant reçu un écho sur l'avant bâbord laissant supposer la présence d'un bateau (l'expert a établi depuis qu'il s'agissait d'un panneau métallique sur la berge indiquant une prise d'eau), l'approche s'étant faite avec du brouillard dans des conditions difficiles.

Ils soutiennent également qu'aucune faute ne peut être reprochée à Monsieur [H] en se rabattant sur tribord, rien ne lui permettant de deviner qu'il allait heurter un ancien rideau de palplanches et endommager sa propulsion.

Par ses dernières conclusions (n°3), notifiées par voie électronique le 27 mai 2024, l'établissement public Voies navigables de France demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Melun du 12 avril 2021 (RG n° 19F/00402) dans toutes ses dispositions ;

A titre principal,

- Rejeter l'ensemble des demandes de la société Helvetia assurances S.A. et Monsieur [N] [H] à l'encontre de l'établissement public Voies navigables de France comme étant mal fondées en l'absence de preuve du lien de causalité entre l'accident du 21 octobre 2011 et ceux des dommages qui ont été contradictoirement constatés le 13 décembre 2011 ;

A titre subsidiaire,

- Rejeter l'ensemble des demandes de la société Helvetia assurances S.A. et Monsieur [N] [H] à l'encontre de l'établissement public Voies navigables de France comme étant mal fondées dès lors qu'aucun défaut d'entretien normal de l'ouvrage n'est imputable à l'établissement public Voies navigables de France ;

A titre plus subsidiaire,

- Rejeter l'ensemble des demandes de la société Helvetia assurances S.A. et Monsieur [N] [H] à l'encontre de l'établissement public Voies navigables de France comme étant mal fondées dès lors que l'accident du 21 octobre 2011 trouve sa cause dans une faute de navigation imputable à Monsieur [N] [H] ;

A titre très subsidiaire,

et dans l'hypothèse où la responsabilité de l'établissement public de l'Etat à caractère administratif Voies navigables de France serait retenue :

- Ramener les demandes indemnitaires de la société Helvetia assurances S.A. et Monsieur [N] [H] à l'encontre de l'établissement public Voies navigables de France à de plus justes proportions, lesquelles ne pourront pas excéder au titre des préjudices matériels la somme de 13.110 euros se ventilant comme suit : 12.360 euros au bénéfice de la société Helvetia assurances S.A. et 750 euros à celui de Monsieur [N] [H] ;

- Rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires de la société Helvetia assurances S.A. et Monsieur [N] [H] à l'encontre de l'établissement public Voies navigables de France au titre des pertes d'exploitation en ce qu'elles ne sont pas fondées ;

A titre infiniment subsidiaire,

et toujours dans l'hypothèse où la responsabilité de l'établissement public Voies navigables de France serait retenue :

- Rejeter les demandes de la société Helvetia assurances S.A. et Monsieur [N] [H] à l'encontre de l'établissement public Voies navigables de France au titre de l'indemnisation de ses prétendues pertes d'exploitation comme étant mal fondées en l'absence de preuve des éléments permettant d'arrêter le quantum des dites pertes d'exploitation ; ou, à tout le moins, de ramener ces demandes à de plus justes proportions, lesquelles ne pourront pas excéder 5.000 euros au titre des pertes d'exploitation se ventilant comme suit : 1.500 euros au bénéfice de la société Helvetia assurances S.A. ; et 3.500 euros à celui de Monsieur [N] [H] ;

En tout état de cause,

- Rejeter toutes autres demandes, fins, et prétentions plus amples ou contraires ;

Et, y ajoutant :

- Condamner in solidum la société Helvetia assurances S.A. et Monsieur [N] [H] à payer à l'établissement public Voies navigables de France la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner in solidum la société Helvetia assurances S.A. et Monsieur [N] [H] aux entiers dépens de l'instance d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

L'EPA VNF soutient qu'aucun élément probant ne permet d'établir un lien de causalité entre les dommages et la présence d'un haut-fond et que les premiers constats effectués par Monsieur [X], le 22 octobre 2011, ont été effectués hors sa présence.

Il précise que convoqué à de nouvelles opérations, le 13 décembre 2011, les réparations avaient déjà été effectuées et que l'ancienne hélice, remplacée, n'a pu être examinée par Monsieur [E] (son expert appartenant au CESAM).

Il observe que Monsieur [X] ne s'est pas prononcé clairement sur le lien de causalité entre le haut-fond et l'accident et que dès lors que le batelier naviguait au radar, le positionnement ou l'état du panneau de restriction est sans emport.

Il indique que le haut-fond se trouve hors du chenal de navigation à un endroit où les bateaux ne sont pas censés aller, n'avait dès lors pas à être spécialement signalé et que si la péniche avait poursuivi sa voie, elle aurait heurté la berge qui forme un coude à cet endroit d'où la restriction de navigation demandant aux bateaux de s'éloigner de la rive de 15 mètres pour leur permettre de s'engager en direction du sas de l'écluse d'une largeur de 16 mètres.

Il observe également que le bateau, automoteur de 1957, vétuste, était déjà fragilisé avant l'accident.

Il fait valoir que son obligation d'entretien, de moyens, ne concerne que le chenal de navigation et ne s'étend pas à tout le lit du fleuve et qu'il n'a pas l'obligation de baliser les obstacles situés hors du chenal.

Il soutient que le passage de l'écluse de [Localité 10] ne présente aucune difficulté pour qui est correctement engagé dans le chenal de navigation et que l'avis à la Batellerie n° 1 n'a pas pour objet de lister de façon exhaustive l'ensemble des restrictions à la navigation faisant déjà l'objet de signalisations idoines.

Il allègue que l'accident trouve sa cause dans une faute de navigation de Monsieur [H], exonératoire de sa responsabilité, celui-ci connaissant, pour l'emprunter régulièrement, la voie d'eau et l'interdiction de se rapprocher à moins de 15 mètres de la berge du fait d'un haut-fond, devant être vigilant et ayant mal interprété un écho de son radar.

Ensuite, il conteste l'évaluation faite du préjudice subi par le batelier et son assureur.

La clôture a été prononcée le 29 mai 2024.

MOTIFS

* Sur la responsabilité de l'EPA VNF :

Les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait ou de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion (article 954 du code de procédure civile).

Les appelants visent au dispositif de leurs conclusions les articles 1382 et 1384 ancien du code civil (en vigueur à la date du sinistre) devenus les articles 1240 et 1242 du code civil.

Ils ne développent cependant, dans le corps de leurs conclusions, leur argumentation que sur le fondement de la faute donc de l'article 1382 ancien du code civil.

La cour n'examinera par conséquent la responsabilité de l'EPA VNF que sur ce fondement en application de l'article 954 du code de procédure civile sus-visé.

L'EPA VNF a la charge de l'entretien du domaine public fluvial de l'Etat (articles L.2111-10 du code général de la propriété des personnes publiques et L.4311-1 du code des transports).

Il est tenu d'une obligation de moyens.

La jurisprudence écarte la responsabilité de l'EPA VNF lorsque l'obstacle était situé en dehors du chenal navigable (CE, 19 mars 1932, Caisse industrielle assurance maritime et transport : Lebon, p. 378 ; DP 1932, 3, p. 33, note Appleton. - CE, 5 janv. 1945, Sté Union Normande : Lebon, p. 9.Conseil d'Etat, 10/ 1 SSR, du 11 février 1981, 13024, - CAA Lyon, 19 mars 1990, n° 89LY01465, Cie Sanara-Rhodiana " Le Rhône " : JurisData n° 1990-041808).

Il est en effet habituellement considéré que l'obligation de l'EPA VNF à l'égard des voies navigables ne concerne que le chenal aménagé pour les besoins de la navigation et ne s'étend pas à tout le lit du fleuve et qu'il n'existe aucune obligation de baliser les obstacles situés hors du chenal.

L'EPA VNF conteste le lien de causalité entre les dommages et la présence d'un haut-fond.

Le batelier a renseigné un constat d'accident contresigné par l'éclusier le 22 octobre 2011, qui décrit les circonstances de l'accident à l'aide d'un croquis dont il résulte que le bateau a heurté un haut-fond constitué d'un ancien rideau de palplanches alors que la visibilité était 'nulle' en raison du brouillard.

Ce document, contresigné par l'éclusier, établit suffisamment les circonstances de l'accident et notamment le fait que le bateau a heurté un haut-fond, collision à l'origine des dégâts subis.

Dans le cadre de son obligation d'entretien normal et lorsque la configuration des lieux le

commande, l'EPA VNF procède régulièrement à des levés bathymétriques en vue de détecter d'éventuels besoins de dragages pour maintenir le mouillage garanti dans le chenal de navigation.

En l'espèce, les derniers levés bathymétriques avaient été effectués le 28 septembre 2011, soit 23 jours avant l'accident survenu le 21 octobre 2011, et n'avaient relevé la présence d'aucun obstacle à la navigation nécessitant l'organisation d'une campagne de dragage.

L'existence d'un panneau de signalisation, destiné à ce que les bateaux s'éloignent de 15 mètres de la rive, n'est pas contesté, son état ou son implantation n'étant pas en lien de causalité avec l'accident en l'absence de visibilité ce jour-là, en raison d'un épais brouillard ayant conduit le batelier à naviguer au radar.

En effet, il est précisé, page 7 de leurs conclusions par les appelants que 'l'approche de l'écluse s'est faite de nuit avec du brouillard au radar dans des conditions difficiles' comme cela résulte également du constat d'accident établi par le batelier qui décrit une visibilité 'nulle'.

De plus, si Monsieur [X] (expertise amiable de la SARL Asagao saisie par la société Helvetia Assurances) mentionne un panneau d'indication caché par la végétation, Monsieur [E] du CESAM (commissariat des avaries de [Localité 8] assistant l'EPA VNF) indique pour sa part que cette berge est régulièrement entretenue et que la végétation n'empêchait en aucune façon les usagers de la voie d'eau de le voir.

L'absence de panneaux lumineux ou clignotants ou de ducs d'Albe surmontés de catadioptres ou de mention dans les avis à la batellerie [Localité 9] annuels que l'EPA VNF publie concernant le haut-fond ne peut être reprochée à ce dernier alors que son obligation d'entretien ne porte que sur le chenal de navigation et que le haut-fond, qui a été heurté par le batelier et est à l'origine des dégâts subis par son bateau, était en dehors de celui-ci à un mètre de la rive tandis que le chenal se situait à 15 mètres de celle-ci.

Dès lors, l'EPA VNF rapporte la preuve d'un entretien normal du chenal de navigation et aucune faute ne peut lui être reprochée.

Il n'est pas contesté que la navigation de nuit et/ou par temps de brouillard n'est pas interdite.

Elle exige cependant une prudence accrue de la part du batelier.

Il résulte en effet de l'article 1.04 du règlement général de police de la navigation intérieure dans sa version applicable en la cause (édition 2003) que :

« Même en l'absence de prescriptions réglementaires spéciales, les conducteurs doivent prendre toutes les mesures de précaution que commandent le devoir général de vigilance et les règles de la pratique professionnelle courante en vue d'éviter :

' de causer des dommages aux autres bâtiments et autres matériels flottants, aux rives ou aux ouvrages et installations de toute nature se trouvant dans la voie navigable ou à ses abords ;

' de créer des entraves à la navigation ;

' de mettre en danger la vie des personnes ».

Il résulte des écritures des appelants et de l'expertise amiable effectuée par Monsieur [X] que Monsieur [H], qui connaissait bien la voie d'eau et donc le resserrement du chenal de navigation en vue de franchir l'écluse, comme il le mentionne dans le constat d'accident et comme cela figure dans les cahiers de l'éclusier (en raison de plusieurs passages par semaine), et qui naviguait au radar, a serré sur tribord en pensant qu'il y avait un autre bateau alors que l'écho correspondait à la présence d'un panneau métallique sur la berge indiquant une prise d'eau. Il a donc commis une erreur d'appréciation directement à l'origine de l'accident.

La décision déférée, qui a écarté la responsabilité pour faute de l'EPA VNF et débouté la société anonyme Helvetia assurances et Monsieur [H] de leurs demandes, est dès lors confirmée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

La société anonyme Helvetia assurances et Monsieur [H] sont condamnés in solidum aux dépens et à payer à l'EPA VNF la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise,

Y ajoutant,

Condamne la société anonyme Helvetia assurances et Monsieur [H] in solidum à verser à l'établissement public administratif Voies navigables de France une indemnité de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société anonyme Helvetia assurances et Monsieur [H] in solidum aux dépens de l'appel,

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/11138
Date de la décision : 22/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-22;21.11138 ?
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