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02/09/2024 | FRANCE | N°23/09618

France | France, Cour d'appel de Paris, Chambre 1-5dp, 02 septembre 2024, 23/09618


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Chambre 1-5DP



RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES



DÉCISION DU 02 Septembre 2024



(n° , 5 pages)



N°de répertoire général : N° RG 23/09618 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHWQL



Décision contradictoire en premier ressort ;



Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Florence GREGORI, Greffière, lo

rs des débats et de Victoria RENARD, Greffière, lors de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :



Statuant sur la requête déposée le 07 Juin 2023 par M. [I] ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Chambre 1-5DP

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 02 Septembre 2024

(n° , 5 pages)

N°de répertoire général : N° RG 23/09618 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHWQL

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Florence GREGORI, Greffière, lors des débats et de Victoria RENARD, Greffière, lors de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 07 Juin 2023 par M. [I] [D]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 6] (PAKISTAN), élisant domicile au cabinet de Me Olivier ARNOD - [Adresse 2] -[Localité 3]É ;

Non comparant et représenté par Me Olivier ARNOD, avocat au barreau du Val de Marne;

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 13 Mai 2024 ;

Entendu Me Olivier ARNOD, substitué par Me Cora DE LEUGLAY, représentant M. [I] [D],

Entendu Me Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX-GUBLIN, substitué par Me Célia DUGUES, avocat représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat,

Entendue Mme Martine TRAPERO, Substitute Générale,

Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * *

M. [I] [D], né le [Date naissance 1] 1974, de nationalité pakistanaise, a été mis en examen du chef de tentative d'assassiat en bande organisée par un juge d'insruction du tribunal judiciaire de Bobigny le 28 septembre 2019, puis placé en détention provisoire le même jour à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis par un juge des libertés et de la détention de cette même juridiction.

Par ordonnance du 15 octobre 2020, le magistrat instructeur a requalifié les faits reprochés en complicité de violences volontaires aggravées et a ordonné le renvoi du requérant devant le tribunal correctionnel de Bobigny.

Par ordonnace du 15 décembre 2020, il était ordonné la remise en liberté du requérant qui a été placé sous contrôle judiciaire à compter du 23 décembre 2020.

Par décision du 04 mai 2021, la 13e chambre du tribunal correctionnel de Bobigny a renvoyé M.[D] des fins de la poursuite.

Sur appel du Ministère Public, par arrêt du 05 janvier 2023, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris a confirmé la décision de relaxe.

Le requérant a produit un certificat de non pourvoi en date du 05 juin 2023 de la décision de la cour d'appel de Paris qui a un caractère définitif à son égard et la décision elle-même a été versée aux débats le 10 avril 2024.

Le 07 juin 2023, M. [D] a adressé une requête au premier président de la cour d'appel de Paris en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire, en application de l'article 149 du code de procédure pénale.

Il sollicite dans celle-ci, soutenue oralement,

- que sa requête soit déclarée recevable,

- le paiement des sommes suivantes :

* 94 000 euros au titre de son préjudice moral,

* 5 000 euros au titre de son préjudice matériel,

* 2 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses écritures, déposées le 16 avril 2024 et développées oralement, l'agent judiciaire de l'Etat demande au premier président de :

- Juger recevable la requête de M. [D],

- Allouer à M. [D] la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral en lien avec son placement en détention,

- Débouter M. [D] de sa demande relative au préjudice matériel,

- Ramener à de plus justes proportions la demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le procureur général, reprenant oralement à l'audience les termes de ses conclusions déposées le 26 mars 2024, conclut à :

A tite principal,

- L'irrecevabilité de la requête faute de l'accompagner de la décision de relaxe rendue par la cour d'appel de Paris en date du 5 janvier 2023,

A titre subsidiaire,

- La recevabilité de la requête pour une durée de 444 jours,

- La réparation du préjudice moral dans les conditions indiquées,

- Au rejet de la demande de réparation du préjudice matériel.

Le requérant a eu la parole en dernier.

SUR CE,

Sur la recevabilité

Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel.

Cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes

indications utiles prévues à l'article R.26 du même code.

Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1,149-2 et 149-3 du code précité.

M. [D] a présenté sa requête aux fins d'indemnisation le 07 juin 2023, qui est dans le délai de six mois suivant le jour où la décision de non-lieu est devenue définitive comme en atteste le certificat de non pourvoi du 18 avril 2023. De plus, l'arrêt de la chmbre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris a bien été produite aux débats le 10 avril 2024. Dans ces conditions, la requête présentée par M. [D] est recevable.

Sa requête est donc recevable pour une durée de détention indemnisable de 444 jours.

Sur l'indemnisation

- Sur le préjudice moral

M. [D] considère qu'il a subi un choc carcéral important car il vivait en France depuis 2003, était marié depuis 2002 et père de trois enfants mineurs et n'avait jamais été incarcéré auparavant. Ses conditions de détention ont été particulièrement difficiles car il ne maîtrisait pas la langue française, ce qui a été source d'isolement ligusitique et la gestion du foyer familail a été rendue difficile en raison de son absence et du fait que son épouse souffre de problèmes psychologiques. La durée importante de sa détention, soit un an, deux mois et 25 jours, a été un facteur d'aggravation de son choc carcéral, de même que la surpopulation de la maison d'arrêt de [Localité 5] qui était de plus de 122% en octobre 2019 et janvier 2020 selon les statistiques fourrnis par l'administration pénitentiaire. C'est pourquoi, M. [D] sollicite une somme de 94 000 euros en réparation de son préjudice moral.

L'agent judiciaire de l'Etat estime que la demande d'indemnisation du préjudice moral est fondée en son principe mais ne saurait être accueillie à hauteur de la somme sollicitée. L'absence de passé carcéral du requérant, ainsi que le fait qu'il était marié et père de trois enfants sont des éléments d'appréciation dont il doit être tenu compte. La gestion complexe du foyer du fait des problèmes psychologiques de son épouse est attestée mais ne peut donner lieu à une indemnisation de M. alors que c'est madame qui en a pâti. Par ailleurs, le requérant se contente de viser le taux d'occupation de la maison d'arrêt de [Localité 5] entre octobre 2019 et novembre 2020, mais n'établit aucunement en quoi il aurait personnellement souffert des conditions particulières de détention, ce qui ne constitue donc pas un facteur d'aggravation. C'est ainsi qu'il convient de retenir l'isolement de son épouse et d' ses enfants et la durée de détention, 444 jours, pour apprécier le préjudice moral de M. [D]. L'AJE propose donc une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral de M. [D].

Le procureur général considère qu'il y a lieu de prendre en compte le fait que le requérant n'avait jamais été incarcéré, était âgé de 46 ans, vivait avec son épouse et ses trois enfants et qu'il a donc subi un choc carcéral important. S'agissant de ses conditions de détention, il démontre la surpopulation de la maison d'arrêt de [Localité 5] au début de sa détention provisoire qui avoisinait les 122% en octobre 2019 et et janvier 2020 selon les éléments chiffrés communiqués par le ministère de la jusitce et cet élément doit être pris en compte au titre de l'aggravation du préjudice moral. L'isolement linguistique doit également être pris en compte au titre de l'aggravation, mais doit être atténué par le fait que le requérant se trouvait en France depuis 2003.

Il ressort des pièces produites aux débats que M. [D] était âgé de 46 ans au moment de son incarcération, était marié religieusement depuis 2002 mais pas civilement, était père de trois enfants mineurs et vivait à [Localité 4] avec sa famille. Le bulletin numéro 1 de son casier judiciaire porte trace de deux condamnations en octobre 2009 et septembre 2016, mais aucune à une peine d'emprisonnement ferme. C'est ainsi qu'au jour de son placement en détention provisoire M. [D] n'avait jamais été incarcéré et son choc carcéral initial a été important.

S'agissant de ses conditions de détention, il n'est pas démontré que M. [D] ne maîtrisait pas parfaitement la langue française, alors que, bien qu'étant de nationalité pakistanaise, il n'a jamais été assisté par un interprète au cours de la procédure pénale, aussi bien lors de l'enquête de police que devant le magistrat instructeur. En outre, M. [D] se trouve en France depuis 2003 et a été peintre en bâtiment dans plusieurs entreprises, sans que cela ne pose de difficultés. C'est ainsi que l'isolement liguistique évoqué ne sera pas retenu comme étant un facteur d'aggravation du choc carcéral.

La surpopulation de la maison d'arrêt de [Localité 5] au moment où M. [D] s'y trouvait est attestée par les chiffres mensuels officiels publiés par le service de l'administration pénitentiaire du ministère de la justice qui font notamment état d'une surpopulation carcérale de 122,5% en octobre 2019 et de 121,6% en janvier 2020. Cet élément constitue également un facteur d'aggravation du choc carcéral du requérant.

Par contre, la durée particulièrement longue du placement en détention provisoire de M. [D] pendant 444 jours, ne constitue pas un facteur d'aggravation du choc carcéral, mais un élément d'appréciation de celui-ci.

C'est ainsi qu'au vu de ces différents éléments, il sera alloué à M. [D] une somme de 35 650 euros en réparation de son préjudice moral.

- Sur le préjudice matériel

Sur les frais de défense :

M. [D] estime que ses frais d'avocat doivent lui être remboursés à hauteur des diligences effectuées en lien avec le contentieux de la détention provisoire, soit les demandes de mise en liberté et la visite à la maison d'arrêt de [Localité 5]. C'est ainsi qu'il sollicite la somme de 5 000 euros à ce titre.

L'agent judiciaire de l'Etat estime que la communication d'un simple permis de communiquer de son avocat n'est pas en lien avec le contentieux de la détention. Le requérant ne produit par ailleurs aucune facture détaillée. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande.

Le Ministère Public considère que, faute de communiquer une note d'honoraires en lien avec le contentieux de la détention à l'appui de sa requête, il convient de rejeter la demande de réparation du préjudice matériel subi par M. [D].

En l'espèce, M. [D] produit aux débats un avis de libre de communication à avocat du 07 octobre 2020, mais aucune facture acquittée faisant état des diligences accomplies et des sommes payées par le requérant en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention provisoire.

Dans ces conditions, faute de justificatifs de la réalité de son préjudice matériel, il y a lieu de rejeter la demande de M. [D] de réparation de son préjudice matériel. Aucune somme ne sera donc allouée à ce titre.

Il est inéquitable de laisser à la charge de M. [D] ses frais irrépétibles et une somme de 1 500 euros lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons la requête de M. [I] [D] est recevable,

Lui allouons les sommes suivantes :

- 35 650 euros en réparation de son préjudice moral,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboutons M. [I] [D] du surplus de ses demandes.

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

Décision rendue le 02 Septembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFI'RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Chambre 1-5dp
Numéro d'arrêt : 23/09618
Date de la décision : 02/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-02;23.09618 ?
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