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03/09/2024 | FRANCE | N°21/09572

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 03 septembre 2024, 21/09572


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 3 SEPTEMBRE 2024



(n° / 2024, 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09572 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDWS5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 mai 2021 -Tribunal de commerce de MELUN - RG n° 2019L01077



APPELANTS



Monsieur [G] [V]

Né le [Date naissance 5] 1957 à [Local

ité 13]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 4]

[Localité 6]



Représenté et assisté de Me Sébastien MENDES GIL de la SELARL CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de P...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 3 SEPTEMBRE 2024

(n° / 2024, 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09572 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDWS5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 mai 2021 -Tribunal de commerce de MELUN - RG n° 2019L01077

APPELANTS

Monsieur [G] [V]

Né le [Date naissance 5] 1957 à [Localité 13]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté et assisté de Me Sébastien MENDES GIL de la SELARL CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173,

INTIMÉS

Monsieur [I] [V]

Né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 10]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me Jean-Jacques BEN-ATTAR de l'AARPI PERSPECTIVES, avocat au barreau de PARIS, toque : J029,

Assisté de Me Sylvain ALET de la SELARL SYLVAIN ALET AVOCAT, avocat au barreau de MONTPELLIER,

S.C.P. [L] [Z] & DENIS HAZANE, prise en la personne de Maître [Z], en qualité de liquidatrice judiciaire de la société ETABLISSEMENTS L. [V],

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MELUN sous le numéro 500 966 999,

Dont le siège social est situé [Adresse 9],

[Adresse 9]

[Localité 7]

Représentée par Me Maria-Christina GOURDAIN de la SCP Société Civile Professionnelle d'Avocats GOURDAIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205,

Assistée de Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2023, en audience publique, devant la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur François VAISSETTE , avocat général, qui a fait connaître son avis écrit le 19 novembre 2021 et ses observations orales lors de l'audience.

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

La SA Etablissements L. [V], immatriculée en 1974, exerçait une activité industrielle spécialisée dans la récupération et le recyclage des déchets de fer et métaux. Elle disposait de plusieurs sites d'exploitation en Seine et Marne à [Localité 12],[Localité 15], [Localité 11] et [Localité 14].

M. [I] [V] était président du directoire et son frère, M. [G] [V], membre du directoire.

Le 25 mars 2013, le tribunal de commerce de Melun a, sur déclaration de cessation des paiements de M. [I] [V], ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Etablissements L. [V].

Le 19 novembre 2014, le tribunal a arrêté un plan de redressement, lequel était assorti de la vente du site de Trilport au profit de la société Valométal dirigée par le fils de M. [I] [V], le passif du plan était de l'ordre de 15.540.000 euros.

Par jugement du 5 décembre 2016, rectifié le 18 janvier 2017, le tribunal a prononcé la résolution du plan et ouvert la liquidation judiciaire de la société, fixé la date de cessation des paiements au 19 novembre 2015 et désigné la SCP [Z]-Hazane, en la personne de Maître [Z], en qualité de liquidateur judiciaire.

Suivant jugement du 2 février 2017, confirmé par arrêt du 18 mai 2017, le tribunal a autorisé la cession totale de la société Établissements L. [V] au profit de la société STLG.

Le 20 février 2017, le juge-commissaire a autorisé le liquidateur judiciaire à se faire assister du cabinet Cogeed, qui a déposé son rapport le 25 septembre 2017.

Par jugement du 12 septembre 2018, le tribunal a reporté la date de cessation des paiements au 30 septembre 2015, soit environ 14 mois avant le jugement d'ouverture.

Par acte du 16 septembre 2019, la SCP [Z] Hazane, en la personne de Maître [Z], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Établissements L. [V], a fait assigner MM. [I] et [G] [V] devant le tribunal de commerce de Melun, d'une part, en responsabilité pour insuffisance d'actif en invoquant comme fautes de gestion la tenue d'une comptabilité irrégulière ou incomplète, le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours et la poursuite d'une activité déficitaire dans l'intérêt personnel des dirigeants et,d'autre part, aux fins de sanctions personnelles en visant la tenue d'une comptabilité fictive, ou manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables, l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours et la poursuite abusive, dans un intérêt personnel, d'une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.

Par jugement du 5 mai 2021, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Melun a:

- prononcé une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale à l'encontre de M. [I] [V] pour une durée de cinq ans, et à l'encontre de M. [G] [V] pour une durée de deux ans,

- condamné M. [I] [V] à payer au liquidateur, ès qualités, la somme de 700.000 euros au titre de l'insuffisance d'actif, et M. [G] [V] à payer sur ce même fondement la somme de 100.000 euros,

- mis les dépens à la charge de M. [I] [V] et M. [G] [V] pour moitié chacun, et si les fonds du débiteur n'y peuvent suffire à la charge du Trésor public.

M. [G] [V] a relevé appel de cette décision le 20 mai 2021 et M. [I] [V] le 26 mai 2021. Les deux appels ont été joints le 29 mars 2022.

Dans ses dernières conclusions (n°3) déposées et notifiées au greffe le 6 janvier 2023, M. [G] [V] demande à la cour de le recevoir en ses demandes, les dire bien fondées, en conséquence, infirmer le jugement en toutes ses dispositions le concernant, statuant à nouveau,

- à titre principal, débouter la SCP [Z] Hazane, ès-qualités, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son encontre,

- à titre subsidiaire, ordonner la compensation, à due concurrence, de cette somme avec les sommes lui revenant et fixées au passif de la liquidation judiciaire par arrêt du 6 septembre 2022 qui demeurent impayées à ce jour,

- condamner M.[I] [V] à le garantir et le relever indemne de toute éventuelle condamnation qui serait prononcée à son encontre ou à leur encontre solidairement,

- en tout état de cause, débouter la SCP [Z]-Hazane, ès-qualités, de son appel incident et de l'ensemble de ses prétentions à son encontre, débouter M. [I] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son encontre et condamner la SCP [Z] Hazane, ès-qualités, ou tout succombant, à lui payer une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées au greffe le 9 novembre 2021, M. [I] [V] demande à la cour de juger son appel recevable et régulier, réformer le jugement en son intégralité, statuant à nouveau, juger qu'il ne saurait avoir sciemment omis de demander l'ouverture d'une procédure collective dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements, qu'il n'a pas poursuivi abusivement dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements, qu'il ne saurait être condamné au paiement d'une quelconque somme en comblement du passif, juger qu'une faillite personnelle ne saurait être prononcée à son encontre en ce qu'elle apparaît disproportionnée mais surtout non fondée, qu'une interdiction de gérer ne peut être prononcée à son encontre en l'absence de caractérisation de faute de gestion suffisamment grave, juger que M. [G] [V] n'est pas fondé à se prévaloir de l'attestation attribuée à M. [I] [V] et qu'il ne peut être tenu à une quelconque garantie à l'égard de [G] [V] et condamner tout succombant au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2 septembre 2021, la SCP [Z]-Hazane en la personne de Maître [Z], ès qualités, demande à la cour de débouter M. [I] [V] de sa demande de nullité du jugement, subsidiairement, évoquer, la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident et statuant à nouveau, condamner M. [I] [V] à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 800.000 euros, confirmer le jugement pour le surplus et condamner M. [I] [V] aux entiers dépens.

Dans son avis notifié par RPVA le 19 novembre 2021, le ministère public invite la cour à confirmer le jugement en prononçant des mesures d'interdiction de gérer à l'encontre de M. [I] [V] et de M. [G] [V] pour une durée respectivement de 5 ans et de 2 ans et en fixant leur contribution au comblement de l'insuffisance d'actif aux sommes respectives de 700.000 euros et 100.000 euros.

SUR CE,

Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Si M. [I] [V] évoque l'annulation du jugement dans le corps de ses conclusions, il ne forme dans leur dispositif aucune demande d'annulation du jugement. Il s'ensuit que la cour n'est pas saisie d'une telle demande.

- Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif

L'article L.651-2 du code de commerce dispose que "Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée (') "

Le liquidateur recherche la responsabilité pour insuffisance d'actif de M.[I] [V] en sa qualité de président du directoire de la société Etablissements L.[V] et de M.[G] [V] en tant que membre du directoire depuis le 19 novembre 2014.

- Sur la qualité de dirigeant de M.[G] [V]

M.[G] [V] fait valoir que les conditions d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif à son encontre ne sont pas réunies, que sa qualité de membre du directoire ne suffit pas à démontrer une quelconque faute de gestion, qu'aucun grief précis et sérieux n'est articulé à son encontre et qu'en pratique il n'exerçait aucun pouvoir de direction ou de gestion de l'entreprise, laquelle était exclusivement dirigée par son frère [I] [V].

Il expose avoir gravi au fil des ans les échelons au sein de la société familiale, dont il est devenu directeur technique à compter d'avril 1982, parallèlement à son mandat de membre du directoire à compter du 21 décembre 1998, mandat dont il précise avoir démissionné le 2 juin 2016 avant la résolution du plan. Il argue n'avoir jamais exercé un pouvoir de direction ou de gestion sur la société débitrice, ne bénéficiant pas d'une quelconque délégation de pouvoir, ne percevant pas de rémunération en tant que membre du directoire ce qui démontre la fictivité de son mandat, ne participant pas aux réunions, et n'ayant accès ni aux informations relatives aux stocks, ni aux comptes.

Il ajoute avoir été en arrêt maladie du 16 février 2016 au 16 février 2019, ce qui l'a placé à l'écart de l'entreprise, avoir dans le cadre d'une procédure liée au décès accidentel d'un salarié de l'entreprise été relaxé par le tribunal correctionnel de Fontainebleau le 17 mai 2010, lequel a considéré qu'il n'avait aucun pouvoir de décision ou de direction, et que dans une procédure l'opposant au liquidateur sa qualité de salarié au moment de l'ouverture de la liquidation judiciaire été reconnue par arrêt du 6 septembre 2022 de la cour d'appel de Paris.

Il insiste sur le fait que le liquidateur ne l'a jamais convoqué et que le juge-commissaire n'avait pas estimé nécessaire qu'il soit assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif.

Le liquidateur judiciaire réplique que l'absence d'avis favorable du juge-commissaire ne l'empêche pas de poursuivre M. [G] [V], qu'à la date de sa démission le 2 juin 2016 la société se trouvait déjà en cessation des paiements, que sa relaxe par le tribunal correctionnel dans une affaire de droit du travail n'exclut pas qu'il puisse être considéré comme l'un des dirigeants de droit, que son arrêt maladie à compter du 16 février 2016 est postérieur de plus de trois mois à la date de cessation des paiements et ne peut effacer le mandat social et la responsabilité qui en découle, qu'il résulte des articles

L 225-58, L 225-64 et L 232-1,I du code de commerce, que le membre du directoire a un mandat peu ou prou similaire à celui d'un administrateur, or l'administrateur est tenu à une surveillance et à un contrôle sérieux de l'administration de la société, que l'absence de rémunération du mandat n'exclut pas la responsabilité, et que le mandat social n'exclut pas l'existence d'un contrat de travail s'il est justifié de fonctions techniques distinctes de celles découlant du mandat.

Il n'est pas contesté que M.[G] [V] était membre du directoire de la société Établissements L. [V]. En démissionnant de ses fonctions de 'directeur général' le 2 juin 2016 pour se consacrer à temps plein à son poste de directeur technique, M.[G] [V] a manifestement entendu démissionner de son mandat de membre du directoire, puisque son emploi au sein de l'entreprise correspondait à un poste de directeur technique et non de directeur général .

En sa qualité de membre du directoire, à tout le moins jusqu'en juin 2016 sa responsabilité est susceptible d'être engagée sur le fondement du texte sus visé, la circonstance qu'il n'ait pas été rémunéré à ce titre, qu'il était par ailleurs salarié de l'entreprise et qu'en pratique il n'a pas exercé les prérogatives afférentes à son mandat social étant à cet égard inopérante.

Si M.[G] [V] soutient à juste titre que cette qualité ne suffit pas à engager sa responsabilité et qu'il incombe au liquidateur d'établir qu'il a commis personnellement une faute de gestion, excédant la simple négligence, qui a contribué à l'insuffisance d'actif, ces points doivent être traités dans le cadre de l'examen des fautes de gestion invoquées par le liquidateur.

- Sur l'insuffisance d'actif

Le liquidateur fait état d'un passif définitivement admis de 13.524.658, 15 euros et d'un actif réalisé de 1.206.766 ,20 euros, hors stocks, auquel la somme maximale susceptible d'être obtenue pour les stocks aurait été de 437.349, 40 euros. Il s'en déduit qu'il se prévaut d'une insuffisance d'actif a minima de 11.880.542,55 euros.

M.[I] [V] soutient que l'insuffisance d'actif n'est pas établie, dès lors que l'actif devant être comparé au passif ne se résume pas aux seuls stocks, que l'actif brut de 1.206.766,20 euros invoqué par le liquidateur ne correspond à rien, dès lors que la valorisation des stocks qui composent cet actif doit être recherchée au regard des cours des métaux en vigueur aux dates retenues, cette valorisation des stocks étant en outre partielle puisque le commissaire-priseur n'a pas évalué les stocks se trouvant sur le site de [Localité 15], et qu'au surplus le liquidateur a transigé avec la société STLG pour une valeur de rachat des stocks bien inférieure à leur valeur.

M.[G] [V] prétend également que le liquidateur n'établit pas avec certitude l'insuffisance d'actif, ses calculs tenant compte d'un passif non encore vérifié (notamment la créance alléguée par la société Imetal de 7.200 000 euros qui fait l'objet d'une procédure en cours) et rien ne permettant d'affirmer que l'actif réalisé s'élèverait à la somme de 1.206.766,20 euros.

Le liquidateur limitant sa demande de condamnation à 800.000 euros pour M.[I] [V] et à 100.000 euros pour M. [G] [V], sans solidarité, il suffit que l'insuffisance d'actif soit certaine à hauteur de 900.000 euros, ce qui implique que la contestation de l'insuffisance d'actif n'excède pas utilement un montant de 10.980.542,55 euros (11.880.542,55.- 900.000).

A ce stade du raisonnement, la question n'est pas de savoir si la valorisation des stocks figurant dans les comptes de la société était ou non fictive, ce point devant être traité lors de l'examen de la faute de gestion prise de la tenue du comptabilité irrégulière, mais de déterminer le montant de l'actif recouvré ou restant à recouvrer venant en déduction d'un passif d'ores et déjà admis de 13.524.658, 15 euros (sur un passif déclaré de plus de 28 millions d'euros, toutes les contestations n'ayant pas encore été tranchées).

S'agissant de l'allégation selon laquelle le liquidateur aurait 'bradé' les stocks, il sera rappelé que par jugement du 2 février 2017, le tribunal de commerce a autorisé la cession totale de la société Établissements L.[V] au profit de la société STLG, les baux des trois sites étant exclus du périmètre de la reprise. Si les stocks ne faisaient pas directement partie de la reprise, le tribunal a toutefois donné acte à la société STLG de son engagement de racheter le stock non gagé à la valeur de réalisation+10% soit pour 189.314,40 euros, ou en tout cas pour une somme évaluée par le commissaire priseur en valeur de réalisation +10%. Un litige est survenu sur le prix de rachat du stock dans la mesure où une partie du stock avait été revendiquée par une société Imetal. Après qu'a été purgé cette revendication, le liquidateur a demandé paiement à la société STLG du stock au sujet duquel la revendication avait échoué.

Après avoir assigné la société STLG en paiement du stock pour un montant de 248.035 euros, le liquidateur a établi avec la société STLG un projet de protocole d'accord prévoyant un rachat à hauteur de 30.000 euros portant sur les seules marchandises actuellement en dépôt dans les locaux de STLG précédemment exploités par la société Etablissements L.[V], hors marchandises gagées au profit de tiers ou faisant l'objet de revendication de propriété, STLG renonçant à toute revendication contre la liquidation au titre des frais résultant du dépôt depuis la prise de possession le 19 janvier 2017. Le juge-commissaire a autorisé le liquidateur à transiger sur ces bases le 16 septembre 2020, et cet accord devait à la date des débats devant la cour faire l'objet d'une homologation par le tribunal de commerce.

La valeur qui avait été actée dans le jugement arrêtant le plan de cession prenait en compte un inventaire fait par le commissaire-priseur en décembre 2016, or la société Etablissements L.[V] avait poursuivi son activité en attendant la cession et des stocks avaient entreposés ou utilisés de sorte qu'il n'existait plus au moment du rachat devant intervenir par STLG de certitude sur la consistance du stock à céder à STLG. C'est dans ce contexte que le liquidateur a convenu d'une transaction sur un prix d'achat inférieur à ce qui avait été évoqué. En tout état de cause, à supposer même que le stock racheté par le cessionnaire aurait eu une valeur de 248.035 euros ou même de 437.349, 40 euros, le liquidateur soutient à juste titre que cela n'est pas susceptible de remettre en cause l'existence d'une insuffisance d'actif à hauteur du montant de 900.000 euros qu'il réclame.

MM.[V] ne démontrent pas qu'il existerait d'autres actifs à recouvrer.

La cour retiendra en conséquence que l'insuffisance d'actif s'élève à 11.880.542 euros, et qu'elle est en tout état de cause très supérieure au montant de 900.000 euros réclamé par le liquidateur.

- sur les fautes de gestion

Le liquidateur reproche à MM.[I] et [G] [V] l'absence de tenue d'une comptabilité régulière et la poursuite d'une exploitation déficitaire alors que la société était en cessation des paiements, dans un intérêt personnel.

Conformément à l'article L 651-2 du code de commerce, seule une faute de gestion, ne constituant pas une simple négligence, ayant contribué à l'insuffisance d'actif, est susceptible de permettre la condamnation du dirigeant .

- Sur le défaut de tenue d'une comptabilité reflétant la situation réelle de l'entreprise

Le liquidateur expose qu'il n'a pas été tenu une comptabilité reflétant la situation réelle de l'entreprise en ce que les stocks ont été comptabilisés dans les comptes antérieurs au jugement d'ouverture à hauteur de montants ne correspondant pas à la réalité constatée lors de l'ouverture de la procédure collective, qu'aucun inventaire n'ayant été établi et que le commissaire aux comptes n'a accepté d'approuver les comptes qu'avec des réserves concernant les stocks. Il soutient que cette faute a trompé les tiers en ne leur permettant pas de prendre connaissance de la situation réelle de l'entreprise et a occasionné aux créanciers un préjudice de 12.505. 571 euros correspondant à la différence entre le passif actuel et celui qui existait au jour de l'adoption du plan de continuation.

M.[I] [V] conteste toute fictivité du bilan fondée sur une valorisation erronée des stocks, arguant que l'inventaire établi par le commissaire-priseur au lendemain de la liquidation judiciaire n'a aucune valeur, qu'il n'est pas signé, qu'il ne comporte aucune indication de pesée des matériaux, qu'il manque deux sites de stockage ,[Localité 15] et [Localité 14] alors que ce dernier lors de sa vente comportait du stockage, que le cours des métaux est soumis à d'importantes variations sur le marché de sorte qu'il n'est pas possible de procéder à une comparaison purement arithmétique de la valeur du stock.

Selon l'article L123-14 du code de commerce, 'Les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise [....].

En l'espèce, les stocks de la société Établissements L.[V] ont été comptabilisés:

- à hauteur de 13. 023. 020 euros au 30 septembre 2012

- à hauteur de11.932. 249 euros au 30 septembre 2013

- à hauteur de 11.749. 040 euros au 30 septembre 2014

- à hauteur de 10.953.160 euros au 30 septembre 2015.

Lors de l'ouverture du redressement judiciaire en mars 2013, le commissaire priseur avait évalué les stocks à 8.800.000 euros, valeur plus faible que celle portée dans les comptes sociaux.

Surtout, l'inventaire établi par le commissaire-priseur le 8 décembre 2016 à l'ouverture de la liquidation judiciaire, fait état d'un stock d'une valeur de 1.447.670 euros constitué de la valeur du stock de métaux et produits à [Localité 12] pour 1.316.230,40 euros et pour le site de [Localité 11] de 131.440 euros.

Ce document a été complété par un nouvel inventaire du commissaire-priseur judiciaire le 3 janvier 2017, le stock étant évalué à 745.490 euros en valeur d'exploitation soit 614.066,40 euros sur le site d'[Localité 12] et 143.490 euros sur le site de [Localité 11].

L'écart de valorisation comptable entre le 20 septembre 2015 et 15 mois plus tard, en décembre 2016 est extrêmement important. Si le coût de la ferraille, correspondant pour l'essentiel aux stocks, a subi une baisse récurrente à la tonne entre janvier 2012, et septembre 2015, cette variabilité ne suffit pas à expliquer un tel écart de valorisation entre 2015 et 2016.

Il ressort du rapport Cogeed, technicien désigné par le juge-commissaire, que les comptes clos au 30 septembre 2012, 2013 et 2015 n'ont pas été certifiés par le commissaire aux comptes et que les comptes 2014 ont été certifiés mais avec réserve, le commissaire aux comptes ayant indiqué que l'exploitation par sondages des éléments achats/vente/stocks inscrits dans la base Ecorec relatifs aux tonnages ou prix unitaires ne permettait pas de valider la valorisation des stocks retenue par la société.

Toujours selon le rapport Cogeed, si l'analyse des actifs de la société a mis en évidence un stock important, la société n'a pu communiquer des inventaires détaillés des stocks figurant dans ses comptes.Le technicien en conclut que le stock comptabilisé à la clôture des exercices parait très largement surévalué, ce qui a eu pour conséquence d'améliorer sensiblement les résultats de la société et de dissimuler les pertes réelles sur plusieurs exercices, étant relevé que la société avait obtenu un plan de continuation en novembre 2014 et que son passif s'est aggravé entre l'adoption du plan et l'ouverture de la liquidation judiciaire deux ans plus tard.Le cabinet Cogeed relève également que le niveau du stock moyen est très différent de celui d'entreprises du même secteur d'activité, le stock représentant en moyenne 13% du chiffre d'affaires dans la profession, alors qu'il représente entre 40 et 56% du chiffre d'affaires de la société Établissements L.[V].

Le site de [Localité 14] ayant été cédé à Valometal dans le cadre du plan de redressement adopté en novembre 2014, la différence de valorisation des stocks entre 2015 et 2016 ne saurait davantage s'expliquer par l'absence de comptabilisation du stock sur ce site. En l'absence d'inventaire, M.[I] [V] n'établit pas qu'il dépendait du site de [Localité 15] un stock de matériaux qui n'aurait pas été comptabilisé.

Il ressort de ces éléments que si la comptabilité a été tenue, elle ne reflétait pas fidèlement l'activité de la société, le montant de la valorisation des stocks ayant été surévalué.

Il s'agit là d'une faute grave, excédant manifestement la simple négligence, en ce qu'elle a induit en erreur les tiers sur la réalité de la situation de la société et ce d'autant que le plan de redressement qui avait été adopté a permis à la société de poursuivre son activité, étant rappelé que le commissaire aux comptes avait refusé d'approuver les comptes de plusieurs exercices.

Cette faute incombe incontestablement à M.[I] [V], qui en sa qualité de président devait veiller à la présentation de comptes reflétant la situation réelle de l'entreprise qu'il dirigeait activement.Cette faute a contribué à l'insuffisance d'actif, dès lors qu'en dissimulant la réalité de sa situation, elle a favorisé la poursuite de l'exploitation et a généré un important passif post plan.

S'agissant de M.[G] [V], ce dernier soutient qu'il n'intervenait aucunement dans les comptes et les stocks, que tout était géré par son frère qui le tenait éloigné des affaires de la société, et que ses fonctions au sein de l'entreprise étaient purement techniques. Il produit en ce sens l'attestation de Mme [U] [T], secrétaire de la société Établissements L.[V] de 1967 à 2010 indiquant qu'à sa connaissance [G] [V] n'avait qu'une fonction de directeur technique sur les chantiers sans aucun pouvoir de gestion financière de l'entreprise, ainsi que l'attestation de Mme [S] [O], qui a été employée de 2002 à 2017 au secrétariat commercial, à la facturation et à la logistique de la société [V], dont il ressort qu'elle a constaté la mise à l'écart progessive de [G] [V] par son frère [I] jusqu'à l'écarter de ses fonctions et lui interdire tout accès aux informations, situation qu'elle décrit comme flagrante au regard de tout le personnel surtout dans les années 2015 et 2016. La cour n'examinera pas l'attestation attribuée à M.[I] [V], que ce dernier conteste formellement avoir écrite et qui a donné lieu à un dépôt de plainte.

Il sera par ailleurs relevé que l'intéressé, indépendamment de sa mise à l'écart progressive des affaires de la société et de sa démission en juin 2016 de ses fonctions de 'directeur général', s'est en tout état de cause trouvé éloigné de la conduite de l'entreprise du fait de son arrêt en longue maladie à compter de la mi- février 2016.

Dans ce contexte, le liquidateur n'établit pas que M.[G] [V], en dépit de sa qualité de membre du directoire, ait été personnellement impliqué dans la gestion des comptes et la survalorisation des stocks. Cette faute ne sera en conséquence pas retenue à l'encontre de M.[G] [V].

- Sur la poursuite d'une exploitation déficitaire alors que la société était en cessation des paiements, dans un intérêt personnel

Le liquidateur reproche à MM.[V] la poursuite d'une exploitation déficitaire alors que la société se trouvait en cessation des paiements, considérant que cette faute est à l'origine d'un passif de 3.603.673 euros. Il soutient que les dirigeants ne pouvaient ignorer la situation réelle de l'entreprise dès lors que celle-ci accumulait des pertes depuis l'exercice clos au 30 septembre 2012 et singulièrement depuis l'arrêté de son plan de continuation le 19 novembre 2014 et qu'ils ont en conséquence poursuivi une activité déficitaire du 19 novembre 2014, date de l'arrêté du plan, au 5 décembre 2016 date d'ouverture de la liquidation judiciaire, M.[I] Marchettos'étant abstenu de déclarer la cessation des paiements et M.[G] [V] de l'inciter à le faire.

M.[I] [V] répond, qu'à supposer le maintien d'une activité déficitaire, rien ne permet d'en établir le caractère abusif, qu'en effet depuis 2013 il était sous le contrôle du tribunal de commerce et de la SCP [Z]-Hazane en qualité de mandataire judiciaire et qu'il a personnellement contribué non seulement à l'apurement du passif mais aussi au maintien de l'activité nonobstant sa baisse de rémunération.

La période de poursuite d'activité déficitaire visée par le liquidateur ne se situe pas durant la procédure de redressement judiciaire, mais depuis l'adoption du plan de continuation, lequel avait rétabli la société in bonis, dès lors le moyen pris de ce que la gestion était sous le contrôle de la SCP [Z]-Hazane est inopérant.

Il ressort du rapport du cabinet Cogeed que les résultats d'exploitation des exercices 2012 à 2016 ont tous été déficitaires. Au 30 septembre 2014 le résultat d'exploitation était de (1.174.881 euros) et le résultat net de (2.444.348 euros). Si au 30 septembre 2015, le résultat net était de 2.877.000 euros en dépit d'un résultat d'exploitation négatif de (3.836.318 euros) cela ne tient qu'à un résultat exceptionnel, la cession du site de [Localité 14] ayant généré une plus-value comptable de 2.960.000 euros.Au 30 septembre 2016 le résultat d'exploitation était de (2.848.613 euros) et le résultat net de (2.583.402 euros).

Ces résultats traduisent selon le technicien une activité structurellement déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, étant relevé que le passif à court terme avait progressé de plus de 1,5 million d'euros entre le 30 septembre 2015 et le 30 septembre 2016, et que la société ne disposait plus de la trésorerie nécessaire pour faire face à ses dettes exigibles dès la clôture de l'exercice clos au 30 septembre 2015. Il a été définitivement jugé que la société était en cessation des paiements depuis le 30 septembre 2015.La société n'a pas été en capacité de régler à bonne date la première annuité du plan, M.[V] indiquant dans ses écritures qu'elle a été payée avec retard.

Il ressort du jugement ayant résolu le plan et ouvert la liquidation judiciaire, que M. [I] [V] avait admis que depuis janvier 2015, la société ne réglait pas les sommes dues à l'Urssaf et aux différentes caisses de retraite, ce qui était confirmé par 22 inscriptions de privilèges.

M.[I] [V] se devait de mettre un terme à cette exploitation déficitaire pour faire cesser l'aggravation du passif, ce qu'il n'a pas fait, la liquidation judiciaire ayant été ouverte sur la requête du commissaire à l'exécution du plan. Il a ainsi commis une faute d'une gravité certaine, excédant manifestement la simple négligence.

Le liquidateur fait également valoir que MM. [V] ont poursuivi cette activité déficitaire dans un intérêt personnel, en ce que d'une part, [I] [V] a continué à percevoir ses salaires en dépit d'une activité lourdement déficitaire et alors qu'il avait pris l'engagement dans le cadre du plan de redressement de limiter sa rémunération annuelle à 84.000 euros, en ce que d'autre part, le fils de M.[G] [V] occupait une maison à [Localité 11] que la société Établissements L.[V] louait moyennant un loyer principal de 14.000 euros à compter du 14 juin 2007, sans que l'intéressé ne règle de sous-loyer.

M.[I] [V] réplique qu'il a demandé en 2015 sa mise en retraite, laquelle a été effective au 1er janvier 2016, qu'il a procédé à un abandon de son compte courant d'environ 140.000 euros et début 2016 a cédé 10% de ses actions en faveur de la société Metco, sommes qui ont été injectées dans la trésorerie de la société Établissements L.[V].

M.[G] [V] conteste quant à lui toute faute de ce chef, expliquant que la maison n'était pas dans l'assiette du bail consenti à la société [V], que cette occupation qui concerne son fils et non lui-même n'était pas gratuite, mais permettait d'assurer le gardiennage d'un site laissé vacant et qu'il n'a donc à titre personnel bénéficié d'aucun avantage de ce chef.

Le bail commercial qui a été conclu en novembre 1999 par la SCI Le Dauphin (société détenue par la famille [V]) et la société Établissements L.[V], moyennant un loyer annuel principal de 31.140 euros HT, porte sur un ensemble immobilier situé [Adresse 2] à Dammarie-les-Lys, qui se compose d'un terrain, d'une halle, d'un garage à vélo, un local de stockage de produits, d'un chenil et d'un poste de garde attenant à une maison d'habitation. Il n'inclut donc pas la maison d'habitation située sur le même site. Le 1er octobre 2014, la SCI Le Dauphin, représentée par M.[I] [V], a délivré une attestation locative à M.[R] [V] précisant que ce dernier réside gracieusement dans la maison et le poste de garde, et, qu'en contrepartie il assure la surveillance de la totalité du site industriel situé à cette adresse.

Au vu de ces éléments, le liquidateur manque à établir que cette situation a contribué à l'insuffisance d'actif, la jouissance de la maison n'étant pas comprise dans le bail commercial et étant attestée comme étant gratuite par la société bailleresse, les liens existant entre cette dernière et la société Établissements L.[V] expliquant manifestement cette gratuité.

Plus généralement, il n'est pas démontré que M.[G] [V] a joué un quelconque rôle dans la poursuite de cette exploitation et aucune faute de ce chef ne sera retenue à son encontre.

S'agissant des faits reprochés à M.[I] [V], l'examen des DADS 2013 à 2016 par le cabinet Cogeed, a permis de constater que l'intéressé avait perçu une rémunération de 119.895 euros par an de 2013 à 2015 inclus, puis de 39.965 euros en 2016, année de son départ en retraite, alors qu'en garantie du plan de redressement adopté le 19 novembre 2014, M.[I] [V] s'était engagé à limiter sa rémunération 'au montant annuel de 84.000 euros par ordonnance du juge-commissaire du 22 juillet 2013". M.[V] n'a donc pas respecté cet engagement, qui aurait pourtant selon le rapport du technicien une baisse des charges de 52.000 euros en 2014 et 2015 compte tenu des charges sociales.

La poursuite de l'activité déficitaire a donc également permis à M.[I] [V] de maintenir sa remunération jusqu'à l'année de son départ en retraite, ce qui représente un intérêt personnel, quand bien même l'incidence financière qui en est résultée est relative rapportée à l'importance du passif qui s'est constitué du fait de la poursuite de l'activité alors que la société était en cessation des paiements.

Le passif s'étant aggravé entre l'arrêté du plan et l'ouverture de la liquidation judiciaire, il est établi que cette poursuite d'activité a contribué à l'insuffisance d'actif.

- Sur la condamnation

Il vient d'être jugé que les fautes de gestion invoquées par le liquidateur ne sont imputables qu'à M.[I] [V], le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné M.[G] [V] à payer au liquidateur une somme de 100.000 euros, et statuant à nouveau, déboutera la SCP [Z]-Hazane, ès qualités, de sa demande en paiement dirigée contre M.[G] [V].

M.[I] [V] fait valoir que loin de s'être enrichi personnellement, il se trouve aujourd'hui poursuivi en sa qualité de caution par plusieurs créanciers de la société Établissements L. [V].

Ainsi que la cour l'y avait autorisé, il a communiqué en cours de délibéré des pièces relatives aux poursuites alléguées.Il ressort de ces pièces, que M.[I] [V] s'est porté caution solidaire de la société Établissements L.[V]:

- en 2011, au titre d'un prêt de 120.000 euros consenti par le Crédit Coopératif. Par jugement du 20 septembre 2016, le tribunal de commerce de Meaux condamné

M. [V] à payer à la banque la somme de 149.320 euros TTC en principal,

- en 2011, au titre d'un prêt de 600.000 euros consenti par la Banque Palatine. Par jugement du 17 septembre 2019, le tribunal de commerce de Meaux a condamné M.[I] [V] à payer à la banque une somme de 142.418,35 euros en principal. Il est produit un certificat de non appel de cette décision,

- au titre d'un prêt consenti par le CIC Est qui a donné lieu à la condamnation de M. [V] au paiement de 361.583,27 euros par arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 mai 2017, le pourvoi ayant été radié le 24 mai 2018,

- le 18 janvier 2022, la BRED Banque Populaire a fait délivrer à M.[I] [V] un commandement valant saisie immobilière pour un montant en principal de 391.086,25 euros fondé sur un arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 mars 2021.

Ces condamnations donnent lieu à des tentatives d'exécution forcée sur les biens et revenus de M. [V].

M.[I] [V] produit également son avis d'imposition au titre des revenus 2021, dont il ressort qu'il a perçu une retraite de 47.742 euros.

Sans contester la réalité de ces poursuites, le liquidateur souligne dans sa note en délibéré, que M. [V] n'a toutefois procédé à aucun paiement et ajoute qu'il détient des parts dans des sociétés civiles immobilières et dispose de droits importants dans la succession de son père.

En se portant caution solidaire, M. [I] [V] a accepté le risque de pallier personnellement la défaillance de la société qu'il dirigeait. Ainsi quand bien même, il n'aurait pas encore payé les banques qui le poursuivent en sa qualité de caution de la société défaillante, il doit être tenu compte des titres émis à son encontre pour des sommes importantes qui exposent selon toute vraisemblance l'intéressé à des mesures d'exécution forcée sur ses biens et revenus, de sorte qu'il sera déjà amené par ce biais à réduire le passif de la liquidation, mêmes si les banques ne sont pas les seules créancières de la société Établissements L.[V].

Au regard de ces éléments, mais aussi de la gravité des fautes commises, la cour condamnera M.[I] [V] à payer au liquidateur, ès qualités, la somme de 250.000 euros à titre de contribution à l'insuffisance d'actif, le jugement étant infirmé en ce sens et le liquidateur débouté de son appel incident.

- Sur les sanctions personnelles

Le tribunal a retenu à l'égard de MM.[I] et [G] [V] les griefs pris de l'absence de tenue régulière d'une comptabilité, le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, la poursuite abusive dans un intérêt personnel d'une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements.

Le liquidateur judiciaire reprend ces trois griefs, laissant la cour apprécier s'il y a lieu de prononcer une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer.

- Sur le grief relatif à la comptabilité

Aux termes de l'article L 653-6,6° du code de commerce, est passible d'une mesure de faillite personnelle ou d' interdiction de gérer le dirigeant d'une personne morale qui a tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

Il a été précédemment exposé que la comptabilité qu'il incombait à M.[I] [V] de faire tenir n'était pas sincère en ce qu'elle ne reflétait pas la situation réelle de l'entreprise, du fait de la survalorisant des stocks.

Ce grief ne sera retenu qu'à l'encontre de M.[I] [V], aux mêmes motifs que ceux exposés à propos de la faute de gestion ayant trait à la comptabilité.

- Sur le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal

Aux termes de l'article L 653-8,3° du code de commerce, est passible d'une interdiction de gérer, le dirigeant d'une personne morale qui a sciemment omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

La date de cessation des paiements a été fixée 14 mois avant le jugement d'ouverture et la procédure a été ouverte sur requête du commissaire à l'exécution du plan. M.[I] [V] ne pouvait ignorer les résultats structurellement déficitaires de la société et l'apparition d'un nouveau passif en cours de plan, de sorte que c'est sciemment qu'il n'a pas déclaré la cessation des paiements dans le délai de 45 jours.

Ce grief n'est en revanche pas caractérisé à l'égard de M.[G] [V], qui avait été éloigné progressivement des affaires à partir de 2015 dans le cadre de la direction assurée par son frère, puis à compter de février 2016 du fait d'un arrêt pour longue maladie.

- Sur la poursuite d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel

Selon l'article L653-4, 4° du code de commerce est passible de faillite personnelle le dirigeant d'une personne morale qui a poursuivi abusivement dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.

Il vient d'être jugé au titre des fautes de gestion, que M.[I] [V] que avait poursuivi une activité déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements de la société, dans un intérêt personnel.C'est vainement, s'agissant des griefs, que M.[V] soutient qu'il n'est pas établi que cette poursuite est abusive, alors qu'il avait connaissance de l'impasse financière dans laquelle se trouvait l'entreprise en dépit du plan de redressement dont elle bénéficiait depuis le mois de novembre 2014.

Ce grief est donc caractérisé à l'égard de M.[I] [V].

Pour les motifs précédemment exposés, la cour ne retiendra pas ce grief à l'encontre de M.[G] [V].

- Sur la sanction

Aucun grief n'ayant été retenu à l'encontre de M.[G] [V], le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé une interdiction de gérer à son encontre.

S'agissant de M.[I] [V], les trois griefs retenus à son encontre justifient le prononcé d'une interdiction de gérer, dont la durée a été justement fixée à 5 ans par les premiers juges, le jugement étant confirmé de ce chef.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M.[I] [V], qui reste sanctionné en appel, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel. Il ne peut en conséquence prétendre au paiement d'une indemnité procédurale.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profitde M.[G] [V] ou du liquidateur judiciaire ès qualités.

PAR CES MOTIFS,

- Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné M.[G] [V] et, concernant M.[I] [V], l'infirme sur le montant de la condamnation prononcée à son encontre,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute la SCP [Z]-Hazane, ès qualités, de sa demande en paiement dirigée contre M.[G] [V], et constate que les demandes de garantie et de compensation présentées par M.[G] [V] sont devenues sans objet,

Condamne M.[I] [V] à payer à la SCP [Z]-Hazane, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Établissements L.[V], la somme de 250.000 euros,

- Sur les sanctions personnelles

Confirme le jugement en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M.[I] [V] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute personne morale d'une durée de 5 ans, mais l'infirme en ce qu'il a prononcé une interdiction de gérer à l'encontre de M.[G] [V],

Statuant à nouveau du chef infirmé, déboute la SCP [Z]-Hazane, ès qualités, de sa demande de sanction personnelle dirigée contre M.[G] [V],

- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Infirme le jugement en ce qu'il a partagé par moitié les dépens entre M.[G] [V] et M.[I] [V],

Statuant à nouveau de ce chef, et y ajoutant condamne M.[I] [V] aux dépens de première instance et d'appel,

Rejette toutes les demandes en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 21/09572
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;21.09572 ?
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