SD et KB
Numéro 22/
COUR D'APPEL DE PAU
3ème CH Spéciale
Surendettement
ARRÊT DU 17/01/2023
Dossier : N° RG 22/00328 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IDOM
Nature affaire :
Contestation de la décision de la commission imposant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire
Affaire :
Organisme [23]
C/
[D] [F], [L] [T], Société [25], Société [26], Société [25], Etablissement Public POLE EMPLOI OCCITANIE, Caisse CAF DES HAUTES PYRENEES, Société [24], Société [19], Société [17], Société [17]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Janvier 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 13 Décembre 2022, devant :
Mme de FRAMOND, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame BOURG, greffier présente à l'audience et au délibéré
Mme [M], en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame DE FRAMOND, Conseillère faisant fonction de Présidente
mme ROSA-SCHALL, Conseillère
Mme CARIOU, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Organisme [23]
[Adresse 16]
[Adresse 16]
[Localité 10]
NON COMPARANTE
Représentée par Me Sabine LEMUET de la SELARL BALESPOUEY LEMUET TOUJAS-LEBOURGEOIS - BLTL, avocat au barreau de TARBES
INTIMES :
Madame [D] [F]
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 11] NON COMPARANTE
Monsieur [L] [T]
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 11] NON COMPARANT
Société [25]
[Adresse 15]
[Adresse 15]
[Localité 12] NON COMPARANTE
Société [26]
[Adresse 18]
[Adresse 18]
[Localité 13] NON COMPARANTE
Société [25]
[Adresse 15]
[Localité 12] NON COMPARANTE
Etablissement Public POLE EMPLOI OCCITANIE
Service recouvrement
[Adresse 4]
[Localité 3] NON COMPARANT
Représentée par Me Françoise DUVERNEUIL de l'ASSOCIATION VACARIE - DUVERNEUIL, avocat au barreau de TOULOUSE, substituée par Me PLECK
Caisse CAF DES HAUTES PYRENEES
[Adresse 8]
[Localité 10] 9 NON COMPARANTE
Société [24]
Chez [20]
[Adresse 2]
[Localité 5] NON COMPARANTE
Société [19]
Chez [21]
[Adresse 1]
[Localité 7] NON COMPARANTE
Société [17]
[Adresse 22]
[Adresse 22]
[Localité 6] NON COMPARANTE
Société [17]
Service surendettement
[Localité 9] 9 NON COMPARANTE
sur appel de la décision
en date du 18 JANVIER 2022
rendue par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE TARBES
FAITS ET PROCÉDURE
Le 13 août 2020, M. [L] [T] et Mme [D] [F] ont saisi la commission de surendettement des particuliers des Hautes Pyrénées d'une demande tendant au traitement de leur situation de surendettement.
La commission a déclaré leur demande recevable le 23 septembre 2020.
Le 22 décembre 2020, la commission estimant la situation de M. [T] et de Mme [F] irrémédiablement compromise a décidé d'orienter cette procédure vers un rétablissement personnel, au vu de leurs revenus mensuels de 2659 € et leurs charges de 2492 € avec 3 enfants , et au regard des dettes hors procédures qu'ils doivent assumer (dettes frauduleuses envers la CAF et Pôle emploi ) d'un montant de 51.549,76 € .
L'OPH 65, créancière au titre de loyers impayés pour le logement actuellement occupé par les débiteurs, a contesté cette mesure devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Tarbes.
Par jugement réputé contradictoire du 18 janvier 2022 notifiée le 21 janvier 2022 à l'OPH 65, le juge des contentieux de la protection a adopté la même mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraînant l'effacement des dettes, y compris celle de l'OPH 65, les dettes frauduleuses étant hors procédure.
Par déclaration adressée au Greffe de la Cour d'Appel de Pau en date du 2 février 2022, l'OPH 65 a contesté le rétablissement personnel entraînant l'effacement de sa créance.
Le débiteur et ses créanciers ont été convoqués à l'audience par les soins du greffe par lettres recommandées.
A l'audience,
M. [T] et Mme [F] n'ont pas comparu ni fait parvenir d'observations sur leur situation, bien qu'ayant signé les accusés réception de leur convocation.
L'OPH 65 estime que la situation des débiteurs n'est pas clairement exposée par la Commission qui parle d'évolution dans leur capacité mais retient celle-ci à 167 € par mois, note des erreurs dans leurs charges de loyer figurant dans la fiche descriptive, et que la mauvaise foi des débiteurs est caractérisée par les dettes frauduleuses très importantes faites auprès de la CAF et de pôle Emploi, sommes avec lesquelles ils n'ont pas réglé leurs loyers courants pour autant. L'OPH 65 demande que les débiteurs, qui ne justifient pas de leur situation à ce jour, soient déclarés irrecevables au surendettement, bien que dans ses écritures auxquelles il s'est reporté il demande simplement le renvoi du dossier à la Commission. Il expose qu'au 15 novembre 2022 la dette de loyer a encore augmenté, s'élevant à la somme de 4540,75 €.
Pôle Emploi Occitanie a demandé la confirmation du jugement selon ses écritures, par le constat que sa créance, d'origine frauduleuse, s'élevant à la somme de 44.458,99 €, elle devait être exclue des mesures de surendettement, et a demandé que M. [T] et Mme [F] soient condamnés à lui payer la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pôle Emploi fait valoir que les deux débiteurs n'ont pas déclaré la totalité de leurs activités alors qu'ils percevaient des allocations chômage, qu'ils font des fausses déclarations récurrentes ayant donné lieu à un avertissement puis à des sanctions.
La Direction Générale des Finances Publiques de [Localité 10] a rappelé le montant de sa créance, pour 477 €.
Les autres créanciers n'ont pas comparu et n'ont pas adressé leurs observations dans les conditions prévues par l'article R. 713-4 du code de la consommation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité à la procédure de surendettement et la bonne foi :
En application des articles L713-12 et L733-13 du code de la consommation la Cour d'Appel, saisie d'un recours contre un jugement statuant sur les mesures imposées par la Commission de surendettement, doit réexaminer l'ensemble de la situation du débiteur. Avant de statuer, le juge doit s'assurer que le débiteur se trouve bien dans l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes professionnelles et non professionnelles exigibles et à échoir, et qu'il est de bonne foi.
La bonne foi se présume, et celui qui invoque la mauvaise foi du débiteur doit la prouver.
Selon l'article L711-4 du code de la consommation, sauf accord du créancier, sont exclues de toute remise, de tout rééchelonnement ou effacement notamment :
3° Les dettes ayant pour origine des man'uvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale énumérés à l'article L. 114-12 du code de la sécurité sociale (parmi lesquels figure expressément POLE EMPLOI);
Il en résulte que, en soi, l'existence de dettes frauduleuses du débiteur n'est pas incompatible avec la recevabilité de son dossier de surendettement.
L'appréciation de la bonne foi se fait le jour de l'examen de la situation des débiteurs et prend en compte l'ensemble des éléments de leur situation.
En l'espèce, il ressort de la situation des débiteurs décrite par la Commission en janvier 2021 que M. [T] et Mme [F] avaient un endettement de 62.087,16 € constitué pour une grande part de dettes envers Pole Emploi et la CAF (44.458,99€ + 7559,95€ =) soit 52.018,94 €, le reste concernant des dettes de la vie courante ( essentiellement [19], et dans une moindre mesure [24],[26] et leur banque la [17]).
Il ressort des pièces versées par POLE EMPLOI OCCITANIE que M. [T] a été avisé le 6 novembre 2019 qu'une procédure pour fausses déclarations sur sa situation était engagée sous réserve d'observations adressées à son agence de POLE EMPLOI dans les 10 jours. La même procédure a été engagée à l'égard de Mme [F], notifiée le 23 décembre 2019, pour des allocations reçues alors qu'ils avaient retrouvé une activité saisonnière, non déclarée à POLE EMPLOI OCCITANIE . En l'absence d'observation de leur part, POLE EMPLOI OCCITANIE leur a signifié, respectivement le 27 novembre 2019 et le 13 janvier 2020, la décision de sanction appliquée (retrait de la liste des demandeurs d'emploi pour 6 mois et suppression définitive de leurs allocations chômage). Le délai de recours de 2 mois auprès de leur agence de pôle Emploi leur était expressément indiqué dans le courrier de notification.
Aucun recours n'a été effectué contre cette décision par les débiteurs, ni contestation du caractère frauduleux de ces créances qui constituent l'essentiel de leur endettement.
De même, les débiteurs ont bénéficié d'aide au logement ou d'autres prestations liées à leurs fausses déclarations de revenus, entraînant une procédure de sanction auprès de la CAF.
Ces créances sont, en vertu des textes précités, exclues de tout aménagement ou effacement même partiel et doivent donc être remboursées par les débiteurs en dehors de la procédure de surendettement. L'importance de ces dettes frauduleuses envers plusieurs organismes sociaux traduit un abus de la solidarité sociale et caractérise la mauvaise foi des débiteurs dans la constitution de leur endettement.
Par ailleurs, Mme [F] a indiqué dans sa lettre accompagnant le dépôt de leur dossier de surendettement en juillet 2020, qu'elle avait envoyé de l'argent à sa mère malade au Portugal pendant la période de confinement au printemps 2020, ce qui ressort effectivement de ses relevés bancaires figurant dans son dossier de surendettement, quelques centaines d'euros notamment en avril 2020 générant parallèlement leur dette de loyer envers l'OPH 65. Ces envois ont été faits alors que les débiteurs connaissaient déjà les sanctions pour leurs dettes envers Pôle Emploi et la CAF.
Enfin, l'absence des débiteurs à l'audience pour justifier de leur situation actualisée traduit un désintérêt pour la procédure qu'ils avaient engagée, et ne permet pas à la Cour de constater leurs efforts pour rétablir leur situation alors que la dette de loyer courant a encore augmenté depuis la décision de 1ère instance.
Il est ainsi suffisamment établi que M. [T] et Mme [F] sont de mauvaise foi dans la constitution de leur endettement ce qui les rend irrecevables à la procédure de surendettement.
Il y a donc lieu de réformer la décision déferrée.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de POLE EMPLOI OCCITANIE le montant de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort ;
Réforme le jugement rendu le 18 janvier 2022 en ce qu'il prononce le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de M. [T] et Mme [F] ;
Statuant à nouveau ;
Déclare M. [T] et Mme [F] irrecevables à la procédure de surendettement des particuliers ;
Rejette la demande de POLE EMPLOI OCCITANIE fondée sur les dispositions de de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que la présente décision sera notifiée à chacune des parties par le Greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie étant adressée par lettre simple à la Commission ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
Le présent arrêt a été signé par Madame DE FRAMOND, Présidente, et par Madame BOURG, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
Le Greffier Le Président