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31/10/2006 | FRANCE | N°751

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Ct0173, 31 octobre 2006, 751


IG/SD COUR D'APPEL DE POITIERS Chambre Sociale ARRET DU 31 OCTOBRE 2006 ARRET N AFFAIRE N : 06/00575AFFAIRE : Elise X... C/ SARL AGENCE BLANCHARD BUTTAZZONI APPELANTE :Madame Elise X... ... Représentée par Me François ARTUR (avocat au barreau de POITIERS) Suivant déclaration d'appel du 21 Septembre 2005 d'un jugement AU FOND du 06 SEPTEMBRE 2005 rendu par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE POITIERS. INTIMEE :SARL AGENCE BLANCHARD BUTTAZZONI 20 Rue Edouard Grimaud 86000 POITIERS Représenté par Me Jérôme BIEN (avocat au barreau de NIORT) COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibérÃ

© :Président : Yves DUBOIS, Conseiller : Isabelle GRANDBARB...

IG/SD COUR D'APPEL DE POITIERS Chambre Sociale ARRET DU 31 OCTOBRE 2006 ARRET N AFFAIRE N : 06/00575AFFAIRE : Elise X... C/ SARL AGENCE BLANCHARD BUTTAZZONI APPELANTE :Madame Elise X... ... Représentée par Me François ARTUR (avocat au barreau de POITIERS) Suivant déclaration d'appel du 21 Septembre 2005 d'un jugement AU FOND du 06 SEPTEMBRE 2005 rendu par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE POITIERS. INTIMEE :SARL AGENCE BLANCHARD BUTTAZZONI 20 Rue Edouard Grimaud 86000 POITIERS Représenté par Me Jérôme BIEN (avocat au barreau de NIORT) COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :Président : Yves DUBOIS, Conseiller : Isabelle GRANDBARBE, Conseiller : Jean Yves FROUIN, Greffier : Joùlle BONMARTIN, Greffier uniquement présent(e) aux débats DEBATS :

A l'audience publique du 20 Septembre 2006,

Les conseils des parties ont été entendus en leurs explications, conclusions et plaidoiries.

L'affaire a été mise en délibéré et les parties avisées de la mise à disposition de l'arrêt au greffe le 31 Octobre 2006

Ce jour a été rendu contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt suivant :ARRET :

Mme X... a été engagée le 30 septembre 2000 par la société BLANCHARD BUTTAZZONI SARL, qui exploite une agence immobilière à l'enseigne A2B à Poitiers, en qualité d'assistante commerciale ; elle était employée à temps complet mais elle ne travaillait pas le mercredi après midi; elle a été placée en congé de maternité à compter du mois de janvier 2004 ; elle a sollicité par lettre du 5 juillet 2004 de bénéficier d'une réduction de son temps de travail de 20% à compter de la reprise du travail prévue pour le 30 août suivant ; elle a été convoquée à un entretien préalable le 4 août 2004 pour

le 30 août suivant ; la procédure de licenciement économique envisagée n'a pas été mise en oeuvre ; elle a été dispensée de se présenter sur le lieu du travail jusqu'à nouvel ordre par lettre du 30 août ; par lettre du 5 octobre 2004, l'employeur a proposé un aménagement des horaires de la salariée consistant à travailler tous les jours du lundi au vendredi à partir de 10H30 avec une pause déjeuner entre 12H et 14H, ce que Mme X... a refusé, par lettre du 8 octobre suivant, exposant que ces horaires étaient plus contraignants que les horaire antérieurs et qu'ils étaient incompatibles avec la charge de 3 enfants; l'employeur lui a demandé par écrit de préciser les horaires qu'elle souhaitait avoir ; Mme X... a indiqué, par lettre du 11 octobre, qu'elle ne souhaitait pas travailler le mercredi et a proposé une répartition de ses heures de travail sur 4 jours du lundi au vendredi, ce que l'employeur a refusé, par lettre du 13 octobre, au motif que la nouvelle réorganisation de l'agence nécessitait sa présence quotidienne compte tenu du fait qu'elle ne travaillait plus pour un seul agent commercial mais pour les 3 agents de l'agence ; la salariée a maintenu son refus par lettre du 14 octobre ; par lettre du 15 octobre, l'employeur lui a demandé de reprendre le travail le 18 octobre suivant ; la salariée maintenant son refus des horaires proposés, l'employeur a constaté son absence injustifiée par lettre du 19 octobre ; il l'a convoquée à un entretien préalable de licenciement le 29 octobre ; Mme X... a été placée en arrêt maladie à compter du 2 novembre ; elle a été licenciée avec un préavis de 2 mois pour absence injustifiée et refus de se conformer à ses nouveaux horaires par lettre du 22 novembre 2004 ; elle a contesté la rupture du contrat de travail devant la juridiction prud'homale et demandé diverses sommes.

Par jugement du 6 septembre 2005, le Conseil des Prud'hommes de

Poitiers, considérant que le licenciement était justifié, a débouté la salariée de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Mme X... a régulièrement interjeté appel de cette décision dont elle sollicite l'infirmation ; elle soutient que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; elle prétend en effet que la société BLANCHARD BUTTAZZONI a souhaité la licencier en arguant d'un motif économique puis en lui proposant des horaires qu'elle ne pouvait pas accepter, qu'il a ainsi détourné les règles de l'article L 122-28-1 du Code du travail relatives au congé parental d'éducation et abusé de son pouvoir de direction ; elle sollicite les sommes suivantes:

- dommages et intérêts: 25 270 euros - rappel de complément de salaires à partir d'octobre 2004: 974,91 euros

- congés payés correspondants: 91,49 euros

- frais irrépétibles:1 800 euros.

La société BLANCHARD BUTTAZZONI conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ; elle rétorque qu'elle a fixé les nouveaux horaires de Mme X... en vertu de son pouvoir de direction et en raison des nécessités du service commercial de l'entreprise, que la salariée n'a fait aucune contre proposition ni tenté de reprendre son travail en attendant une solution au litige et qu'elle a été remplie de ses droits.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Vu les conclusions des parties développées oralement à l'audience de plaidoirie et reçues au greffe le 20 février 2006 pour l'appelante et le19 septembre 2006 pour l'intimée ;

Pour dire le licenciement bien fondé, le premier juge a retenu que la fixation des horaires de travail relève du pouvoir de direction de l'employeur, que celui-ci a fait en l'occurrence de multiples tentatives pour trouver un terrain d'entente avec la salariée et que celle-ci invoque un motif fallacieux à son refus de travailler le mercredi, son dernier enfant n'étant pas scolarisé, et qu'elle ne démontre pas que l'emploi du temps proposé était incompatible aves ses obligations familiales.

Toutefois, il y a lieu de constater que la société BLANCHARD BUTTAZZONI n'a pas fait de proposition à Mme X... autre que celle consistant à la faire travailler toute la journée du mercredi, alors qu'elle ne travaillait pas le mercredi après midi avant son congé de maternité, étant précisé qu'en vertu d'un accord d'entreprise, les salariés à plein temps choisissent un après midi de libre dans la semaine. Il est évident, sauf cas particulier, que le fait de commencer ses journées à 10 H du matin et de s'arrêter entre 12 H et 14 H pour reprendre ensuite tous les après midi ne présente aucun intérêt pour une mère de famille de 3 enfants, voire la désorganise complètement pour faire garder ses enfants.

Il y a lieu d'observer que le licenciement s'inscrit dans un contexte où le retour de Mme X..., qui a été remplacée par la fille d'un collaborateur de l'entreprise pendant ses absences et depuis le licenciement, n'était pas souhaité, ainsi qu'il résulte de la tentative de licenciement pour motif économique, sur laquelle l'employeur ne donne aucune explication convaincante, comme d'une attestation commune signée par les salariés faisant état de tensions avec Mme X..., qui avait une relation professionnelle exclusive avec l'agent commerciale qu'elle assistait, Mme Y..., et ne semblait pas accepter, selon eux, d'autres agents. La difficulté invoquée par l'employeur résulte du fait que la salariée travaillait

auparavant uniquement avec cette personne, qui a quitté l'entreprise en mai 2004, et qu'en raison de l'embauche d'un remplaçant et d'un autre agent commercial, elle devrait travailler quotidiennement pour 3 agents simultanément en effectuant principalement des tâches de secrétariat comportant la prise de rendez vous, la rédaction des compromis de vente, la tenue et la mise à jour du site internet ainsi que des tableaux statistiques, la préparation des réunions hebdomadaires, la préparation des publicités, étant précisé que les journaux d'annonces paraissent le samedi et le jeudi. Néanmoins, la société BLANCHARD BUTTAZZONI ne démontre pas en quoi cette organisation nécessitait la présence de Mme X... y compris le mercredi pour les tâches de secrétariat énumérées par l'employeur, qui auraient pu être réparties sur 4 jours ou à tout le moins en excluant le mercredi après midi, ce qui n'a même pas été proposé à la salariée.

Il doit être rappelé qu'en application de l'article L 122-28-1 du Code du travail, la salariée disposait à son retour de congé de maternité d'un droit à la réduction de son temps de travail.

S'il est vrai qu'il appartenait à l'employeur de fixer les horaires de travail réduits, il demeure qu'il ne devait pas abuser de son pouvoir, étant soumis à l'obligation générale d'exécuter de bonne foi les obligations résultant du contrat de travail.

Tel est le cas en l'espèce. En effet, l'employeur, sans pour autant établir que ces horaires étaient nécessaires à l'organisation de son entreprise, a proposé à la salariée, qu'il avait cherché à licencier pour un motif économique inexistant, de surcroît au cours de la période de protection légale, un emploi du temps manifestement incompatible avec ses obligations familiales aggravant même sa situation par rapport à la situation antérieure à son arrêt de maternité, de sorte qu'elle ne pouvait que refuser de s'y soumettre.

Il s'ensuit que le licenciement fondé sur son refus des nouveaux horaires et son absence injustifiée est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de l'ancienneté de Mme X... et des circonstances de la rupture, il y a lieu de lui allouer la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de rappel de complément de salaire, il résulte des bulletins de salaires que des déductions ont été opérées par l'employeur à juste titre pour la période du 18 au 31 octobre 2004, pour laquelle il n'est pas justifié d'un arrêt de travail, puis en novembre et décembre 2004, ce que l'employeur reconnaît en indiquant qu'il y a compensation avec le salaire de janvier 2005. Toutefois, pour le mois de janvier, le salaire était dû pendant le préavis même si la salariée était en arrêt de maladie compte tenu du caractère injustifié du licenciement. Il reste dû en définitive à Mme X... la somme de 749,40 euros.

La partie, qui succombe, supporte les dépens et le paiement à la partie adverse d'une indemnité au titre des frais du procès non compris dans les dépens, tels les frais d'avocat, qui sera déterminée dans le dispositif ci-après.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

- Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau :

- Dit que le licenciement de Mme X... est dépourvue de cause réelle et sérieuse ;

- Condamne la société BLANCHARD BUTTAZZONI à payer à Mme X... la

somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 749,40 euros à titre de rappel de salaires ;

- Condamne la société BLANCHARD BUTTAZZONI aux dépens et au paiement à Mme X... de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Ainsi prononcé et signé par Madame Isabelle GRANDBARBE, Conseiller ayant participé au délibéré en remplacement de Monsieur Yves DUBOIS, Président empêché, assisté de Madame Joùlle BONMARTIN, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Ct0173
Numéro d'arrêt : 751
Date de la décision : 31/10/2006

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Maternité - Congé parental d'éducation - Activité à temps partiel - Bénéfice - Modalités - Accord des parties - Défaut - Portée - /

Aux termes de l'article L. 122-28-1 du code du travail, le salarié dispose d'un droit à la réduction de son temps de travail à son retour de congé maternité. S'il est de principe qu'il appartient à l'employeur de fixer les horaires ainsi réduits en vertu de son pouvoir de direction, il reste néanmoins soumis à l'obligation générale d'exécuter de bonne foi les obligations résultant du contrat de travail, et ne doit pas abuser de ce pouvoir.Caractérise un tel abus le fait pour l'employeur de proposer au salarié un emploi du temps manifestement incompatible avec ses obligations familiales, aggravant même sa situation par rapport à la situation antérieure à l'arrêt maternité, sans établir que ces horaires étaient nécessaires à l'organisation de l'entreprise.Il s'ensuit que le licenciement fondé sur le refus par le salarié des nouveaux horaires est sans cause réelle et sérieuse


Références :

Article L. 122-28-1 du code du travail

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : M. DUBOIS, résident

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.poitiers;arret;2006-10-31;751 ?
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