ARRÊT No
R.G : 05/03224
MJC/VF
SAS MICROCAR
C/
SA HUBAULT
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2007
APPELANTE :
SAS MICROCAR
dont le siège social est Parc d'Activités Vendée Sud Loire
85600 BOUFFERE
agissant poursuites et diligences de ses Président et Directeur Général domiciliés en cette qualité audit siège,
représentée par la SCP MUSEREAU & MAZAUDON, avoués à la Cour,
assistée de Maître Jacques LEFEVRE, substitué par Maître REYNAUD, avocat au barreau de LA ROCHE SUR YON, qui a été entendue en sa plaidoirie ;
Suivant déclaration d'appel du 28 Octobre 2005 d'un jugement du 6 Septembre 2005 rendu par le TRIBUNAL DE COMMERCE de LA ROCHE SUR YON.
INTIMÉE :
SA HUBAULT
dont le siège social est Espace Industriel Nord - BP 018
80081 AMIENS Cedex 2
représentée par la SCP LANDRY & TAPON, avoués à la Cour,
assistée de Maître Katia YVER, avocat au barreau de PARIS, qui a été entendue en sa plaidoirie ;
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président,
Madame Marie-Jeanne CONTAL, Conseiller,
Madame Catherine KAMIANECKI, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Sandra BELLOUET, Greffier, présente uniquement aux débats,
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 Mai 2007,
Le Président a été entendu en son rapport,
Les Conseils des parties ont été entendus en leurs conclusions et plaidoirie,
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 19 Septembre 2007,
Ce jour, a été rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ARRÊT :
LA COUR
Vu le jugement contradictoire en date du 6 septembre 2005 par lequel le Tribunal de Commerce de LA ROCHE SUR YON a :
- dit que la S.A.S.MICROCAR avait résilié le contrat de distribution dont bénéficiait la S.A. HUBAULT de manière abusive et brutale ;
- condamné la S.A.S.MICROCAR à payer à la S.A. HUBAULT la somme de 64.000 € à titre de dommages et intérêts en compensation du préavis de deux ans dont la S.A. HUBAULT aurait pu bénéficier ;
- condamné la S.A.S.MICROCAR à reprendre le stock de pièces détachées MICROCAR détenu par la S.A. HUBAULT et lui payer à ce titre la somme de 5.695 € ;
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;
- condamné la S.A.S.MICROCAR à payer à la S.A. HUBAULT la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de Procédure civile ;
Vu l'appel de ce jugement interjeté par la S.A.S.MICROCAR selon déclaration au greffe de la Cour en date du 28 octobre 2005 ;
Vu les conclusions récapitulatives de la S.A.S.MICROCAR enregistrées au greffe le 13 avril 2007 ;
Vu les conclusions récapitulatives de la S.A. HUBAULT enregistrées au greffe le 15 mai 2007 ;
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure de mise en état intervenue le 22 mai 2007 ;
SUR CE
Le 10 novembre 1999, la Société JEANNEAU NEWCO et la S.A. HUBAULT ont signé un contrat de distribution aux termes duquel la Société JEANNEAU NEWCO confiait à la S.A. HUBAULT la distribution exclusive des véhicules automobiles thermiques qu'elle construisait et ce dans le département de la SOMME. La S.A. HUBAULT s'engageait à promouvoir de la manière la plus efficace la vente des produits sur la zone territoriale. Il était précisé que l'année contractuelle s'entendait d'une période d'un an à compter du 1er septembre de chaque année nonobstant la signature du contrat postérieurement à la date du 1er septembre.
Ce contrat prévoyait dans son ARTICLE V -QUOTAS : que le distributeur s'engageait à réaliser les quotas minima suivants :
1ère année contractuelle : 25 véhicules représentant un prix d'achat total minimum de 1.375.000 FF
2ème année contractuelle : 27 véhicules représentant un prix d'achat total minimum de 1.485.000 FF
3ème année contractuelle : 30 véhicules représentant un prix d'achat total minimum de 1.650.000 FF.
L'article XV - DURÉE DU CONTRAT ET RÉSILIATION ANTICIPÉE- stipulait notamment que :
1/ le contrat était conclu pour une durée indéterminée et que chaque partie pouvait y mettre fin à tout moment par notification avec préavis de deux ans,
3/ JEANNEAU NEWCO pouvait également résilier à tout moment le contrat en cas de non-réalisation des quotas prévus à l'article V ... immédiatement et sans préavis par simple notification.
Enfin l'annexe 4 du contrat prévoyait une FIXATION D'OBJECTIFS à savoir :
l'objectif du premier quadrimestre de la saison 1999/2000 du 1er septembre 1999 au 31 décembre 1999 fixé à 7 véhicules
l'objectif du deuxième quadrimestre de la saison 1999/2000 du 1er janvier 2000 au 30 avril 2000 fixé à 10 véhicules
l'objectif du troisième quadrimestre de la saison 1999/2000 du 1er mai 2000 au 31 août 2000 fixé à 9 véhicules.
Cette annexe précisait que les objectifs pour les quadrimestres suivants seraient proposés au distributeur par JEANNEAU NEWCO par notification en deux exemplaires et celui-ci devrait en retourner un exemplaire par notification sous quinzaine.
La Société JEANNEAU NEWCO a cédé sa branche d'activité de fabrication et vente de véhicules sans permis à la S.A.S.MICROCAR à compter du 30 novembre 1999.
Le 19 mars 2001, la S.A.S.MICROCAR a proposé à la S.A. HUBAULT la signature d'un nouveau contrat de distribution avec notamment une diminution des quotas annuels avec néanmoins une augmentation des objectifs.
Par courrier en date du 1er avril 2001, la S.A. HUBAULT a informé la S.A.S.MICROCAR de son désaccord.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 4 octobre 2001, la S.A.S.MICROCAR a informé la S.A. HUBAULT de la résiliation du contrat conclu le 10 novembre 1999 avec effet immédiat faisant référence à l'existence d'un accord.
Par courrier en date du 30 octobre 2001, la S.A. HUBAULT a formellement contesté l'existence d'un tel accord et a indiqué à la S.A.S.MICROCAR qu'elle considérait que la rupture de son contrat était brutale et abusive et elle a sollicité la réparation de son préjudice.
Par courrier en date du 22 novembre 2001, la S.A.S.MICROCAR a indiqué à la S.A. HUBAULT les motifs de cette rupture lui reprochant de ne pas avoir réalisé les quotas minima prévus contractuellement.
En effet, la S.A.S.MICROCAR soutient que si la rupture n'a pas, dans un premier temps, été motivée, cela n'implique pas qu'elle ait été dépourvue de motif. Elle fait valoir que le contrat prévoyait des quotas annuels, contrepartie de l'exclusivité territoriale qui était concédée à la S.A. HUBAULT, et que le quota déterminé pour l'année 2000/2001 en fonction de la faculté de pénétration de la marque par rapport au nombre d'immatriculations de véhicules équivalents sur le territoire concédé n'a pas été atteint par la S.A. HUBAULT. Elle conclut à la réformation du jugement rappelant en outre que la S.A. HUBAULT qui s'était engagée à promouvoir la marque, n'a jamais exécuté cette obligation contractuelle.
La S.A. HUBAULT relève que la S.A.S.MICROCAR a résilié le contrat de distribution sans préavis en s'abstenant d'exposer les motifs de cette résiliation si ce n'est a posteriori. Elle note qu'aucune mise en demeure ne lui a jamais été adressée par la S.A.S.MICROCAR et qu'au contraire au cours du premier trimestre 2001, elle a bénéficié de points compte tenu des résultats qu'elle avait obtenu.
En outre, elle soutient que l'article V du contrat évoqué par la S.A.S.MICROCAR pour justifier de sa résiliation doit s'analyser comme une obligation d'achat impliquant une appréciation en fonction des prix pratiqués par la S.A.S.MICROCAR et donc un achat auprès de cette société. La S.A. HUBAULT affirme que les obligations de quotas impliquant une telle obligation d'achat sont nulles aux regards des dispositions du règlement d'exemption no1475/95 de la Commission Européenne du 28 juin 1995 application en l'espèce dès lors qu'elles restreignent les livraisons croisées entre les distributeurs du réseau.
Subsidiairement, la S.A. HUBAULT prétend que cette clause doit s'analyser comme une clause d'objectif constituant une simple obligation de moyen. Elle indique que les quotas mentionnés dans le contrat litigieux étaient manifestement disproportionnés et irréalistes. Elle note que la S.A.S.MICROCAR en avait convenu puisqu'elle lui avait proposé de diminuer ces quotas en mars 2001. En outre, elle prétend avoir respecté les quotas minima révisés en 2001.
Elle soutient que les manquements qui lui sont imputés n'étaient pas de nature à justifier la rupture immédiate de son contrat de distribution. Enfin elle indique qu'elle a mis en oeuvre tous les moyens humains possibles pour remplir son obligation de moyen. Elle précise qu'elle a également satisfait à son obligation contractuelle au titre de la publicité.
Il convient de rappeler que par application de l'article 1134 du Code Civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et qu'en l'espèce le contrat est clair et explicite.
En l'espèce, il y a lieu de relever que si la S.A.S.MICROCAR ne rapporte pas la preuve d'un accord avec la S.A. HUBAULT sur la résiliation immédiate du contrat comme elle l'invoque dans son courrier en date du 4 octobre 2001, il n'en demeure pas moins que dans son courrier en date du 22 novembre 2001, la S.A.S.MICROCAR a clairement rappelé qu'aux termes du contrat du 10 novembre 1999, la S.A. HUBAULT était tenue de réaliser des quotas annuels minima lesquels n'avaient pas été tenus pour l'année 2000/2001 et a informé la S.A. HUBAULT qu'elle entendait résilié ce contrat conformément aux dispositions de l'article XV §3 et 5 mentionné ci-dessus.
Le règlement no1475/95 de la Commission du 28 juin 1995 concernant l'application de l'article 85 §3 du traité à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles prévoit, contrairement aux dires de la S.A. HUBAULT, que la clause obligeant le distributeur à écouler, pendant une période déterminée un nombre minimal de produits contractuels est licite et que de même une partie au contrat peut exercer la résiliation extraordinaire de l'accord en raison d'un manquement de l'autre partie à une de ses obligations essentielles.
Ainsi le distributeur doit respecter la clause de quota insérée dans le contrat représentant une quantité de produits qu'il s'engage à acheter au fabricant et en conséquence, à vendre à ses clients au cours d'une duré déterminée. Ces quotas s'insèrent dans un état prévisionnel établi par le fabricant pour fixer son niveau de production et ses prix. Ils constituent une des obligations essentielles du distributeur dont la non-exécution entraîne la résiliation du contrat lorsque celle-ci est expressément prévue comme en l'espèce.
Sur le caractère réalisable de ces quotas, il convient de relever, au vu des pièces produites par la S.A.S.MICROCAR et non sérieusement contestées par la S.A. HUBAULT, que la S.A.S.MICROCAR avait un coefficient de pénétration moyen du marché national de l'ordre de 25%, ledit marché étant partagé avec deux autres marques leader. La S.A.S.MICROCAR indique qu'elle souhaitait acquérir 35 % des parts de marché et qu'en fonction de cet objectif, elle avait fixé un nombre de véhicules à acquérir par quadrimestre avec des primes récompensant la réalisation de ces objectifs. Mais dans le même temps, elle fixait des quotas impératifs déterminés en fonction de la faculté de pénétration de la marque par rapport au nombre d'immatriculation de véhicules équivalents sur le territoire concédé.
Il apparaît que le quota de 27 véhicules pour l'année 2000/2001 imposé à la S.A. HUBAULT représentait 75% du taux de pénétration de la marque et que ce quota minimal était ainsi fixé de façon objective excluant toute appréciation subjective de la part de la S.A.S.MICROCAR. D'autre part, l'insuffisance de performance reprochée à la S.A. HUBAULT a été prise en considération à l'issue d'une période globale d'une année entière. Enfin, la S.A. HUBAULT a accepté ces quotas lors de la signature du contrat, étant rappelé que la S.A. HUBAULT avait pu mesurer la portée de son engagement puisqu'elle était distributeur exclusif de la marque MICROCAR sur le département de la SOMME depuis 1988, date de la signature du premier contrat de distribution avec la Société JEANNEAU NEWCO.
Or la S.A. HUBAULT ne conteste nullement ne pas avoir respecté le quota fixé pour la période allant du 1er septembre 2000 au 31 août 2001 dans le seul contrat en cours à savoir le contrat signé le 10 novembre 1999.
Dans ces conditions, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré, de constater que la résiliation immédiate du contrat de distribution du 10 novembre 1999 n'est ni brutale ni abusive aux regards des dispositions contractuelles et de débouter la S.A. HUBAULT de sa demande en dommages et intérêts.
En ce qui concerne la reprise des stocks, il convient de relever que le contrat du 10 novembre 1999 stipule expressément dans son article XVI-OBLIGATIONS DES PARTIES A LA FIN DU CONTRAT - que le distributeur ne pourra prétendre à aucun droit à la reprise des stocks qu'il pourrait détenir à l'expiration ou à la résiliation du contrat quelle qu'en soit la cause. En conséquence, en application des dispositions de l'article 1134 du Code Civil, cette clause doit recevoir applicable. Il convient de débouter la S.A. HUBAULT de sa demande de reprise du stock.
Enfin il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la S.A.S.MICROCAR les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer au cours de la présente procédure. Il échet de condamner la S.A. HUBAULT à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de Procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré.
Statuant à nouveau,
Constate que le contrat de distribution en date du 10 novembre 1999 intervenu entre la S.A.S.MICROCAR et la S.A. HUBAULT a été régulièrement résilié par la S.A.S.MICROCAR.
Déboute la S.A. HUBAULT de l'ensemble de ses demandes.
Condamne la S.A. HUBAULT à verser à la S.A.S.MICROCAR la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de Procédure civile.
Condamne la S.A. HUBAULT aux dépens d'instance et d'appel.
Autorise l'application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 de Nouveau code de procédure civile ;
Signé par Madame Marie-Jeanne CONTAL, Conseiller en remplacement du Président de Chambre légitimement empêché et Madame Sandra BELLOUET, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT