JYF/CP
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRET DU 27 NOVEMBRE 2007
ARRET N
AFFAIRE N : 05/03780
AFFAIRE : Daniel X... C/ SARL BRICAUD
APPELANT :
Monsieur Daniel X...
...
86600 JAZENEUIL
Représenté par Me François GASTON (avocat au barreau de POITIERS)
Suivant déclaration d'appel du 23 décembre 2005 d'un jugement au fond du 30 novembre 2005 rendu par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE POITIERS.
INTIMÉE :
SARL BRICAUD
Route de Lusignan
86370 VIVONNE
Représenté par M. Jean-Marie BRICAUD
Assisté de Me Pierre Y... (avocat au barreau de POITIERS)
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats,
en application de l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition des avocats des parties ou des parties :
Monsieur Jean-Yves FROUIN, faisant fonction de Conseiller Rapporteur,
après avoir entendu les plaidoiries et explications des parties,
assisté de Annie FOUR, Greffier, uniquement présente aux débats,
en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur Yves DUBOIS Président,
Madame Isabelle GRANDBARBE Conseiller,
Monsieur Jean Yves FROUIN, Conseiller.
DÉBATS :
A l'audience publique du 24 Octobre 2007,
Les conseils des parties ont été entendus en leurs explications, conclusions et plaidoiries,
L'affaire a été mise en délibéré et les parties avisées de la mise à disposition de l'arrêt au Greffe le 27 Novembre 2007.
Ce jour a été rendu contradictoirement et en dernier ressort l'arrêt suivant :
ARRÊT :
EXPOSÉ DU LITIGE
M. X..., engagé à compter du 10 mars 2003 en qualité de chauffeur d'engins par la société Bricaud, a été licencié, le 14 mai 2004 pour absences répétées et nécessité de procéder à son remplacement définitif.
Par jugement en date du 30 novembre 2005, le conseil de prud'hommes de Poitiers a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et a rejeté les demandes du salarié.
M. X... a régulièrement interjeté appel du jugement dont il sollicite l'infirmation. Il soutient, d'une part, que l'employeur a contribué à la dégradation de son état de santé et à ses absences répétées en l'affectant à d'autres tâches que celles pour lesquelles il l'avait embauché, qu'il n'a donc pas exécuté loyalement le contrat de travail, d'autre part, qu'il n'est pas justifié de son remplacement définitif. Il conclut, en conséquence à ce qu'il soit jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et à la condamnation de la société Bricaud à lui payer les sommes de 836, 50 et 86, 65 euros à titre d'indemnité de préavis et congés payés afférents, 20 076 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
La société Bricaud conclut à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de M. X... à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur le licenciement
Aux termes de l'article 6.112 de la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment, "sauf en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, auxquels sont applicables les règles particulières prévues par la section V-1 du chapitre II du titre II du livre 1er du code du travail, le chef d'entreprise peut effectuer le licenciement de l'ouvrier qui se trouve en arrêt de travail pour maladie ou accident lorsqu'il est obligé de procéder à son remplacement avant la date présumée de son retour. Ce licenciement ne peut intervenir que si l'indisponibilité totale de l'ouvrier est supérieure à quatre-vingt-dix jours au cours de la même année civile".
Sous réserve de la garantie d'emploi de 90 jours qu'elle institue, cette règle recouvre la règle légale selon laquelle l'article L. 122-45 du code du travail, qui fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, ne s'oppose pas à son licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé, pour autant toutefois que ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder son remplacement définitif.
Dans une telle hypothèse, le remplacement définitif du salarié absent doit intervenir dans un délai raisonnable après le licenciement, délai que les juges du fond apprécient souverainement en tenant compte des spécificités de l'entreprise et de l'emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l'employeur en vue d'un recrutement.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la société Bricaud a procédé au remplacement de M. X... par voie de contrat à durée déterminée le 1er mai 2004 pour une durée de trois mois, ce dont il résulte qu'il était possible de procéder à un remplacement temporaire du salarié.
Il n'est, en revanche, pas justifié qu'il ait jamais été procédé au remplacement définitif de M. X... puisque les recrutements dont se prévaut à ce titre la société Bricaud, intervenus au demeurant près d'un an après le licenciement (1er avril 2005) et donc dans un délai qui n'était plus raisonnable, ont porté sur des postes d'ouvrier d'exécution alors que M. X... occupait un poste de chauffeur d'engins. Certes, l'un des deux contrats de travail en cause mentionne que le poste occupé par le salarié recruté nécessite la possession du CACES catégorie 1 nécessaire à la fonction de conducteur d'engins mais il précise aussi que les tâches du salarié seront "assainissement, pose de tuyaux, regards, petites maçonneries, réalisation d'accès, empierrement, goudronnage, terrassement manuel et mécanique". Le salarié n'était donc pas recruté comme conducteur d'engins mais pouvait tout au plus d'une manière très ponctuelle être amené à conduire un engin, tandis que l'occupation principale de M. X... telle qu'elle découle de son contrat de travail était celle de chauffeur d'engins.
Il apparaît ainsi que, non seulement, un remplacement provisoire de M. X... pouvait être assuré mais son remplacement définitif en qualité de chauffeur d'engins ne l'a pas été par la société Bricaud.
Il suit de là que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il convient donc d'infirmer le jugement attaqué et, au vu des pièces produites pour justifier du préjudice ayant résulté pour le salarié de la perte de son emploi, de condamner la société Bricaud à lui payer la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, si un salarié ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une maladie prolongée ou d'absences répétées, cette indemnité est due au salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse faute pour l'employeur de justifier de la nécessité de son remplacement définitif.
Il importe, en conséquence, d'infirmer également le jugement en ce qu'il a rejeté la demande à titre d'indemnité de préavis et congés payés afférents et de condamner la société Bricaud à payer à M. X... de ces chefs les sommes de 836, 50 euros et 83, 65 euros.
Sur la demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
En application de ce texte, il convient de condamner la société Bricaud, partie perdante et tenue aux dépens, à payer à M. X..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, tels les honoraires d'avocat, une somme qui sera déterminée dans le dispositif ci-après.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Poitiers en date du 30 novembre 2005 et, statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de M. X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Bricaud à payer à M. X... les sommes de 836, 50 euros et 83, 65 euros et celle de 2 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Bricaud à payer à M. X... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne la société Bricaud aux dépens de première instance et d'appel.
Ainsi prononcé et signé par Monsieur Yves DUBOIS, Président de Chambre, assisté de Annie FOUR, Greffier.
Le Greffier, Le Président.