JYF/CP
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRET DU 02 AVRIL 2008
ARRET N 213
AFFAIRE N : 06/00900
AFFAIRE : Michel X... C/ S.A. BOUTEILLER
APPELANT :
Monsieur Michel X...
...
79230 BRULAIN
Représenté par Me François GASTON (avocat au barreau de POITIERS)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 08/540 du 07/03/2008 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de POITIERS)
Suivant déclaration d'appel du 03 avril 2006 d'un jugement au fond du 07 mars 2006 rendu par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NIORT.
INTIMÉE :
S.A. BOUTEILLER
...
79012 NIORT
Représenté par Me Jean Jacques PAGOT (avocat au barreau de POITIERS)
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Président : Yves DUBOIS, Président
Conseiller : Isabelle GRANDBARBE, Conseiller
Conseiller : Jean Yves FROUIN, Conseiller
Greffier : Annie FOUR, Greffier, uniquement présent aux débats,
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 février 2008,
Les conseils des parties ont été entendus en leurs explications, conclusions et plaidoiries.
L'affaire a été mise en délibéré et les parties avisées de la mise à disposition de l'arrêt au Greffe le 02 avril 2008.
Ce jour a été rendu contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt suivant :
ARRÊT :
EXPOSÉ DU LITIGE
M. X..., engagé à compter du 1er octobre 2002 avec reprise d'ancienneté depuis le 1er octobre 1994 par la société Bouteiller en qualité de Directeur commercial et coordinateur administratif de chantier, a été licencié pour faute grave, le 2 février 2004.
Par jugement en date du 7 mars 2006, le conseil de prud'hommes de Niort a dit que le licenciement reposait sur une faute grave du salarié et a rejeté l'ensemble de ses demandes.
M. X... a régulièrement interjeté appel du jugement dont il sollicite l'infirmation. Il soutient que la société reste lui devoir diverses sommes, que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et conclut à la condamnation de la société à lui payer les sommes de :
- 9 493 euros et 16 553 euros à titre de primes d'intéressement,
- 2 122, 46 euros et 212, 24 euros à titre de rappel de salaire et congés payés afférents,
- 18 300 euros et 1 830 euros à titre d'indemnité de préavis et congés payés afférents,
- 23 637 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 146 400 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société Bouteiller conclut à la confirmation du jugement attaqué sur le licenciement et les demandes de M. X... mais demande reconventionnellement la condamnation du salarié à lui payer la somme de 14 186, 31 euros à titre de remboursement de travaux non payés ou au besoin de complément de dommages et intérêts et celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la demande de M. X... en rappel de sommes
- En ce qui concerne le rappel de primes d'intéressement
Aux termes de l'article 7-2 du contrat de travail de M. X... intitulé "Primes d'intéressement", il est prévu qu'au-delà de 686 000 euros de chiffre d'affaires annuel hors taxes encaissé, M. X... percevra une prime annuelle de 6% sur la différence entre le chiffre d'affaires réalisé et 686 000 euros, sous réserve que le coefficient de la marge brute moyenne soit au moins égal à 1.50". Et le même article poursuit : "toujours à l'issue du 3ème mois suivant la clôture de l'exercice, M. Michel X... percevra éventuellement une prime correspondant à 25% de l'excédent de marge brute moyenne au-delà de 1.50. Ce calcul sera effectué après l'établissement du bilan de la société".
Il est constant que M. X... n'a perçu aucune prime d'intéressement ni sur le chiffre d'affaires annuel ni sur la marge brute d'autofinancement.
La société soutient que le coefficient de marge brute n'a jamais été au moins égal à 1.50 en sorte que les conditions contractuelles n'étaient pas remplies.
Il lui appartient cependant d'en justifier par la production de ses documents comptables, ou à tout le moins d'un document explicite certifié, puisqu'aussi bien c'est elle seule qui dispose des éléments objectifs permettant de calculer le coefficient de marge brute et qu'elle ne peut s'abstenir de les produire pour se soustraire à ses obligations contractuelles.
Or, la société se borne à produire un document sommaire, unilatéralement établi par ses soins qui, en tant que tel, ne permet pas de déterminer de manière précise et certaine le coefficient de marge brute lequel s'établit à partir de la différence entre le montant des ventes de marchandises, services, et leur coût.
Il suit de là qu'à défaut pour la société de produire les éléments objectifs et fiables permettant de déterminer le coefficient de marge brute, il y a lieu de considérer que M. X..., qui justifie par ailleurs des autres conditions prévues par l'article 7-2 du contrat, est fondé à prétendre aux primes d'intéressement résultant de cet article.
Il convient donc d'infirmer le jugement de ce chef et, au vu des pièces produites au dossier, de condamner la société Bouteiller à lui payer les sommes de 9 493 euros au titre de l'intéressement sur le chiffre d'affaires annuel et 16 553 euros au titre de l'intéressement sur la marge brute d'autofinancement.
- En ce qui concerne le rappel de salaire
En vertu de l'article 6 du contrat de travail, M. X... percevra une rémunération brute mensuelle s'élevant à 6 100 euros sur 13 mois.
Il suit de ces dispositions que M. X... ne percevait pas un 13ème mois en plus de sa rémunération de base mais qu'il percevait une rémunération mensuelle ainsi calculée : 6 100 x13:12, ce dont il se déduit qu'il avait droit mois par mois à l'équivalent de cette rémunération, peu important que la société ait cru bon de lui payer une partie de cette rémunération (6 100 euros) à certains moments de l'année.
Par voie de conséquence, la société ne peut retenir une part de salaire pour l'année 2003-2004 au motif qu'il s'agissait d'une part de treizième mois à laquelle il ne pouvait prétendre faute d'avoir été présent dans l'entreprise au moment de son paiement.
Il importe dès lors d'infirmer le jugement également de ce chef et de condamner la société à payer à M. X... la somme de 2 122, 46 euros et celle de 212, 24 euros au titre des congés payés afférents.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe les termes et les limites du litige, énonce que le licenciement de M. X... a été prononcé en raison de rapports d'activité mal renseignés et frais de déplacement et de représentation trop importants et insuffisamment renseignés.
Il ressort des termes du contrat de travail de M. X... (article 3 bis) rappelés dans une lettre que lui a adressée la société le 17 avril 2003, et une nouvelle fois rappelés dans la convocation à l'entretien préalable au licenciement, celle-ci mentionnant qu'elle n'en avait plus reçu depuis le 1er octobre 2003, que M. X... devait établir un rapport détaillé sur son activité à réaliser et la confirmer le lundi de la semaine précédente.
Or, il résulte des pièces produites aux débats, d'une part, que M. X... n'a plus communiqué de rapports d'activité à la société après le 1er octobre 2002 si ce n'est après l'engagement de la procédure de licenciement (21 janvier 2004) sans justifier d'un motif légitime puisqu'il n'a pas été en arrêt de travail pendant toute la période correspondante, d'autre part, que les rapports d'activité communiqués auparavant et après l'engagement de la procédure de licenciement n'étaient que très sommairement renseignés se bornant à mentionner le plus souvent le nom du client ou le chantier visité sans autre indication, ce qui n'était guère de nature à permettre à la société d'exercer le moindre contrôle ou le moindre suivi.
Il résulte également des pièces versées au dossier qu'invité par la société à plusieurs reprises, notamment le 18 décembre 2003, à s'expliquer ou à fournir des explications et justifications - non sur la réalité - mais sur le bien-fondé des frais de voyages, réceptions, ou de déplacements engagés pour le compte de la société, compte tenu de leur montant élevé, M. X... s'est obstinément refusé jusqu'au licenciement à donner ces explications au motif qu'on ne lui avait jamais demandé et qu'il n'avait pas à les donner, alors qu'il est légitime pour la direction d'une entreprise d'être en mesure d'apprécier l'opportunité de dépenses qui ne sont pas directement liées à son activité même si elles peuvent lui être utiles au regard de l'intérêt de l'entreprise.
Il suit de là que M. X... a commis des manquements à ses obligations contractuelles qui avaient un caractère assez sérieux pour justifier son licenciement pour une cause réelle et sérieuse.
Cela étant, ces manquements ne rendaient pas nécessaire son éviction immédiate de l'entreprise et ne constituaient pas une faute grave.
Il convient donc d'infirmer le jugement attaqué, de dire que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave du salarié mais sur une cause réelle et sérieuse, de condamner la société à payer à M. X..., au vu des pièces du dossier, les sommes de 18 300 euros et 1 830 euros à titre d'indemnité de préavis et congés payés afférents, et 23 637 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, et de rejeter la demande de M. X... à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande reconventionnelle de la société Bouteiller
La société Bouteiller demande la condamnation de M. X... à lui payer une somme au titre d'une facture de travaux non payés et au besoin à titre de dommages et intérêts.
Cependant, la juridiction prud'homale n'est pas compétente pour connaître d'une demande en paiement de somme au titre de travaux personnellement commandés par M. X..., et il n'est par ailleurs pas justifié d'une faute lourde qui aurait été commise par M. X... dans l'exécution de la prestation de travail et qui serait seule susceptible d'engager sa responsabilité envers la société Bouteiller.
Il importe en conséquence de rejeter la demande.
Sur la demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
En application de ce texte, il convient de condamner la société Bouteiller, partie perdante et tenue aux dépens, à payer à M. X..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, tels les honoraires d'avocat, une somme qui sera déterminée dans le dispositif ci-après.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Niort en date du 7 mars 2006 en ce qu'il a rejeté la demande de M. X... à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Le réforme pour le surplus et, statuant à nouveau,
Condamne la société Bouteiller à payer à M. X... les sommes de :
- 9 493 euros et 16 553 euros à titre de primes d'intéressement,
- 2 122, 46 euros et 212, 24 euros à titre de rappel de salaire et congés payés afférents,
Dit que le licenciement de M. X... ne repose pas sur une faute grave mais qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Bouteiller à payer à M. X... les sommes de :
- 18 300 euros et 1 830 euros à titre d'indemnité de préavis et congés payés afférents,
- 23 637 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
Rejette la demande reconventionnelle de la société Bouteiller,
Condamne la société Bouteiller à payer à M. X... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne la société Bouteiller aux dépens de première instance et d'appel.
Ainsi prononcé et signé par Monsieur Yves DUBOIS, Président de Chambre, assisté de Annie FOUR, Greffier.
Le Greffier, Le Président.