R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
MINUTE No5
COUR D'APPEL DE POITIERS
RG 15/ 07
08 Novembre 2016REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION
Philippe X...
Décision en premier ressort rendue publiquement le huit novembre deux mille seize, par Madame Michèle MARTINEZ, présidente de chambre, agissant sur délégation de Monsieur le premier président de la cour d'appel de Poitiers, assistée lors des débats et du prononcé de la présente décision de Inès BELLIN, greffier,
Après débats en audience publique le 27 septembre 2016 ;
Sur la requête en réparation de la détention fondée sur les articles 149 et suivants et R26 et suivants du Code de procédure pénale présentée par
REQUERANT :
Monsieur Philippe X...
né le 03 Octobre 1976 à TOURNAN EN BRIE (77220)
Chez Mme Y...
...
...
représenté par Me Christian TRAINEAU, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
EN PRESENCE DE :
Monsieur l'agent judiciaire de l'Etat
Sous-direction du droit privé
6, rue Louis WEISS
75073 PARIS CEDEX 13
représenté par Me Patrick ARZEL substitué par Me Renaud BOUYSSI, avocat au barreau de Poitiers
ET :
Madame le procureur général près la cour d'appel de Poitiers
Place Alphonse LePetit
86000 POITIERS
représentée par Monsieur Jean-Paul GARRAUD, avocat général
Après débats en audience publique le 27 septembre 2016 au cours de laquelle ont été entendus :
- la présidente en son rapport,
- Maître TRAINEAU, conseil de Monsieur Philippe X..., en sa plaidoirie,
- Maître BOUYSSI, substituant Maître ARZEL, conseil de l'agent judiciaire de l'Etat, en sa plaidoirie,
- Monsieur l'avocat général en ses conclusions,
- Maître TRAINEAU, qui a eu la parole en dernier.
L'affaire a été mise en délibéré au mardi 8 novembre 2016, prorogée au, puis prorogée au pour la décision suivante être rendue :
Philippe X..., né le 3 octobre 1976 à Tournan-en-Brie (77), a été placé en détention provisoire le 14 février 2012 par le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Poitiers dans le cadre d'une information pour des faits de violence avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
Il a été remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire par arrêt de la chambre de l'instruction du 23 octobre 2012.
Par arrêt de la cour d'assises de la Vendée du 23 juin 2015, désormais définitif, il a été acquitté.
Le 18 décembre 2015, Philippe X...a déposé une requête sur le fondement des articles 149 et suivants du code de procédure pénale afin d'être indemnisé des 252 jours de détention dont il a fait l'objet entre le 14 février et le 22 octobre 2012.
Il sollicite :
-75 600 euros au titre de son préjudice moral,
-25 000 euros au titre de son préjudice matériel caractérisé par la perte de son logement, la perte de revenus et les frais exposés pour assurer sa défense pendant l'instruction et devant la cour d'assises,
-1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'Agent judiciaire de l'État propose des indemnités de 13 000 euros au titre du préjudice moral et conclut au rejet de la demande relative au préjudice matériel, celui-ci n'étant pas établi.
Le procureur général requiert dans le même sens.
Motifs de la décision
L'article 149 du code de procédure pénale dispose que la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.
En l'espèce, Philippe X..., placé en détention provisoire entre le 14 février et le 22 octobre 2012, a été acquitté par arrêt du 23 juin 2015 désormais définitif à défaut d'appel. Il a déposé sa requête en indemnisation le 18 décembre 2015.
Il a donc droit à la réparation prévue par l'article 149 du code de procédure pénale précité et sa requête est recevable en la forme au regard des dispositions de l'article 149-2 du code de procédure pénale.
Il a effectué 252 jours de détention.
Philippe X...avait 35 ans au moment de cette détention. Il était célibataire, sans enfant.
Quatre condamnations figuraient à son casier judiciaire mais il n'avait jamais été incarcéré auparavant.
Il ne produit aucune pièce à l'appui de sa demande en dehors d'un bulletin d'hospitalisation en psychiatrie pour la période du 11 au 17 septembre 2016, ne faisant pas état du motif de l'hospitalisation.
L'allocation d'une somme de 15 000 euros indemnisera intégralement le préjudice moral qu'il a subi du fait de sa détention, consistant essentiellement dans le choc brutal de la mise en détention alors qu'il n'y était pas préparé et la dureté de la vie carcérale sur une personnalité qui apparaît comme fragile.
Lorsqu'il a été incarcéré Philippe X...ne travaillait pas depuis plusieurs années. En l'absence de tout justificatif il ne démontre ni la perte de son logement qu'il allègue, ni la perte d'une chance sérieuse de trouver du travail en lien avec la détention. Sa demande relative au préjudice matériel sera rejetée.
Seuls les frais de justice et d'avocat rémunérant des prestations strictement et directement liées à la détention peuvent être pris en compte dans la présente procédure. En l'absence de toute pièce, il n'est pas démontré que de tels frais ont été exposés en l'espèce. La demande à ce titre sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Vu l'article R. 38 du Code de procédure pénale ;
Statuant publiquement, sur requête en matière de réparation de la détention et en premier ressort, le conseil de Monsieur Philippe X...ayant eu la parole en dernier ;
Déclarons la requête de Philippe X...recevable ;
Allouons à Philippe X...la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Rejetons le surplus des demandes ;
Laissons les dépens à la charge de l'État.
Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.
Le greffier, La présidente,
I. BELLIN M. MARTINEZ