Ordonnance n° 56
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21 Octobre 2021
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RG no 20/03101 -
No Portalis DBV5-V-B7E-GE4W
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[J] [U], [R] [U]-
[W]
C/
[B] [E]
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Ordonnance notifiée aux parties le :R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
ORDONNANCE DU PREMIER PRESIDENT
Contestation d'honoraires d'avocat
Rendue le vingt et un octobre deux mille vingt et un
Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le vingt trois septembre deux mille vingt et un par Madame Gwenola JOLY-COZ, première présidente de la cour d'appel de POITIERS, assistée de Madame Inès BELLIN, greffier, lors des débats.
ENTRE :
Monsieur [J] [U]
[Adresse 2]
[Localité 2]
comparant en personne
Madame [R] [U]-[W]
[Adresse 2]
[Localité 2]
comparante en personne
DEMANDEUR en contestation d'honoraires,
D'UNE PART,
ET :
Maître [B] [E]
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparant en personne
DEFENDEUR en contestation d'honoraires,
D'AUTRE PART,
ORDONNANCE :
- Contradictoire
- Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- Signée par Madame Gwenola JOLY-COZ, première présidente et par Madame Inès BELLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Par ordonnance prononcée le 27 octobre 2020, la présidente du tribunal judiciaire de La Rochelle, compétente en matière de contestation relative aux honoraires du bâtonnier exerçant dans son ressort conformément aux dispositions de l'article 179 du décret no91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, a, sur la requête de Maître [B] [E], bâtonnier du barreau de La Rochelle-Rochefort,
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par Monsieur [J] [U] et Madame [R] [U]-[W],
- taxé les honoraires dus à Monsieur le bâtonnier [B] [E] à la somme de 3 577,20 € TTC après déduction d'une provision de 1800 € déjà versée.
Cette décision a été notifiée aux consorts [U]-[W] le 18 novembre 2020.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 décembre 2020, les consorts [U]-[W] ont formé un recours contre cette décision entre les mains de la première présidente de la cour d'appel de Poitiers.
L'affaire a été appelée à l'audience du 27 mai 2021 et contradictoirement renvoyée à l'audience du 23 septembre 2021.
À l'audience, les consorts [U]-[W] ont comparu devant la première présidente.
A titre liminaire, ils soutiennent que l'action en taxation de Maître [B] [E] est prescrite au regard des dispositions de l'article L218-2 du code de la consommation (ancien article L137-2 du code de la consommation) en ce qu'ils revêtiraient la qualité de consommateurs.
Les consorts [U]-[W] soutiennent par ailleurs qu'aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties et que Maître [B] [E] ne les a jamais informés du montant de ses honoraires.
Enfin, les consorts [U]-[W] contestent la réalité des diligences facturées qu'ils résument à trois consultations pour une durée totale de 6 heures pendant lesquelles la rédaction d'actes s'est effectuée en leur présence et sur leur dictée, de sorte qu'elle ne peut donner lieu à une double facturation. Par conséquent, ils considèrent les honoraires facturés comme anormalement excessifs au regard des diligences réellement accomplies et des critères définis par l'article 10 de la loi 71-1130 du 31décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
Les consorts [U]-[W] sollicitent par conséquent la réformation de l'ordonnance de taxe du 27 octobre 2020.
Maître [B] [E] soutient quant à lui avoir accompli les diligences suivantes :
- rendez-vous avec les clients
- rédaction des mémoires
- préparation de l'audience
- audience de plaidoirie
- tri des pièces nombreuses
- communication des pièces.
Il rappelle avoir facturé ses honoraires en appliquant une remise confraternelle de 20%, soit une somme de 960 € HT. Il ne remet pas en cause cette remise confraternelle qu'il entend maintenir.
MOTIFS :
Sur la récevabilité du recours :
Selon l'article 176 du décret no91-1197 du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel qui est saisi par l'avocat ou la partie par lettre recommandée avec accusé de réception. Le délai de recours est d'un mois à compter de la notification de la décision.
En l'espèce, le recours de Monsieur [J] [U] et Madame [R] [U]-[W] est recevable et régulier en la forme.
Sur la fin de non recevoir présentée par les consorts [U]-[W] :
L'article L218-2 du code de la consommation (ancien article L137-2 du code de la consommation) dispose que " l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans".
Il est de jurisprudence constante de la cour de cassation que cette prescription biennale n'est applicable à la demande d'un avocat en fixation de ses honoraires dirigée contre une personne physique que si cette dernière a eu recours à ses services à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole (cour de cassation, deuxième chambre civile, 26 mars 2015, no14-11.599 ; cour de cassation, première chambre civile, 21 octobre 2020, no19-16.300).
En l'espèce, il convient de constater que les consorts [U]-[W] ont confié la défense de leurs intérêts à Monsieur le bâtonnier [B] [E] dans le cadre d'un litige les opposant à des confrères à la suite de la cession de la clientèle et des parts sociales de leur SCP [U]-[W] alors qu'ils exerçaient la profession d'avocat, ce qu'ils ne contestent pas puisqu'ils exposent dans leurs conclusions qu'ils ont fait valoir leur droit à la retraite en 2016 alors que la cession est intervenue antérieurement le 21 mai 2015.
Ainsi, les consorts [U]-[W] ayant sollicité le concours de Monsieur le bâtonnier [B] [E] à des fins entrant dans le cadre de leur activité libérale d'avocats, la qualité de consommateurs ne peut leur être reconnue.
Par conséquent, la demande de taxation de Monsieur le bâtonnier [B] [E] n'encourt pas la prescription biennale prévue à l'article L218-2 du code de la consommation mais reste soumise à la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil.
Monsieur le bâtonnier [B] [E] ayant saisi la présidente du tribunal judiciaire de La Rochelle par requête adressée le 6 mai 2020, il convient de considérer sa demande de taxation recevable et de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les consorts [U]-[W].
Sur le fond :
Les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats sont réglées en recourant à la procédure prévue aux articles 174 et suivants du décret no91-1197 du 27 novembre 1991.
Il résulte de l'article 10 de la loi no71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 10 juillet 1991 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, que sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
Cependant, l'absence de convention d'honoraires n'emporte pas absence de rémunération du travail effectué. Les honoraires sont alors fixés selon les usages, en tenant compte de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
En l'espèce, il est constant qu'aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les consorts [U]-[W] et Monsieur le bâtonnier [B] [E].
Il convient cependant de rappeler qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'honoraire de se prononcer sur l'éventuelle responsabilité civile de l'avocat à l'égard de son client liée au manquement à son devoir de conseil et d'information. De tels griefs relèvent de la responsabilité professionnelle de l'avocat et non de l'évaluation des honoraires.
Aussi, quand bien même Monsieur le bâtonnier [B] [E] n'aurait pas informé ses clients du montant de ses honoraires, la première présidente n'est pas compétente pour connaître du manquement de ce dernier à son devoir d'information.
S'agissant de la réalité des diligences accomplies par Monsieur le bâtonnier [B] [E], la tenue de rendez-vous entre les parties n'est pas contestée. Monsieur le bâtonnier [B] [E] produit au débat les deux jeux de mémoires qu'il a rédigés, ainsi que la décision ayant clôturé la procédure pour laquelle son assistance était sollicitée. Il en ressort qu'il était présent à l'audience qui s'est tenue devant le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Toulouse. Il convient donc de constater qu'il justifie de l'ensemble des diligences facturées dont le montant paraît justifié au regard des critères définis par l'article 10 de la loi 71-1130 du 31décembre 1971.
Par conséquent, il y a lieu de taxer les honoraires dus par les consorts [U]-[W] à Monsieur le bâtonnier [B] [E] à la somme de 3 577,20 € TTC après déduction d'une provision de 1 800 € déjà versée et de confirmer l'ordonnance de taxation rendue par la présidente du tribunal judiciaire de La Rochelle le 27 octobre 2020.
Succombant à la présente instance de référé, Monsieur [J] [U] et Madame [R] [U]-[W] en supporteront les dépens.
PAR CES MOTIFS :
Nous, Gwenola Joly-Coz, première présidente, statuant publiquement et par décision contradictoire,
Déclarons le recours recevable ;
Rejetons la fin de non recevoir présentée par Monsieur [J] [U] et Madame [R] [U]-[W] tenant à la prescription de l'action en taxation de ses honoraires par Monsieur le bâtonnier [B] [E] ;
Confirmons l'ordonnance de taxation rendue par la présidente du tribunal judiciaire de La Rochelle le 27 octobre 2020 ;
Condamnons Monsieur [J] [U] et Madame [R] [U]-[W] aux entiers dépens de l'instance.
La greffière,La première présidente,