Ordonnance n° 18
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24 Mars 2022
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No RG 21/03466 -
No Portalis DBV5-V-B7F-GNSE
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[V] [P]
C/
S.E.L.A.R.L. [L] [B], représentée par Maître [W] [B]
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Ordonnance notifiée aux parties le :R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
ORDONNANCE DE LA PREMIÈRE PRÉSIDENTE
Contestation d'honoraires d'avocat
Rendue le vingt quatre mars deux mille vingt deux
Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le vingt quatre février deux mille vingt deux par Madame Gwenola JOLY-COZ, première présidente de la cour d'appel de POITIERS, assistée de Madame Inès BELLIN, greffier, lors des débats.
ENTRE :
Monsieur [V] [P]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparant en personne
DEMANDEUR en contestation d'honoraires,
D'UNE PART,
ET :
La S.E.L.A.R.L. [L] [B], représentée par Maître [W] [B]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Elsa LARRUE, avocat au barreau de SAINTES
DEFENDEUR en contestation d'honoraires,
D'AUTRE PART,
ORDONNANCE :
- Contradictoire
- Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- Signée par Madame Gwenola JOLY-COZ, première présidente et par Madame Inès BELLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Maître [W] [B] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Saintes d'une contestation des honoraires dus par Monsieur [V] [P].
Le bâtonnier a fixé les honoraires dus à Maître [W] [B] à la somme de 4 046,06 € TTC par décision du 2 décembre 2021. Cette décision a été notifiée à Monsieur [V] [P] le 7 décembre 2021 qui a formé un recours entre les mains de la première présidente de la cour d'appel de Poitiers reçu le 13 décembre 2021.
L'affaire a été appelée à l'audience du 24 février 2022 où Monsieur [V] [P] a comparu en personne. Il expose le fond du litige et soutient que Maître [W] [B] retient abusivement ses fonds en CARPA. Il conteste les honoraires qui lui sont facturés relatifs aux frais de déplacement de Maître [W] [B], qui aurait facturé à lui seul un déplacement, alors qu'il représentait en réalité trois personnes à la même audience.
Monsieur [V] [P] conteste par ailleurs la facturation d'un honoraire de résultat, n'ayant signé aucune convention d'honoraires à ce sujet avec son conseil. Il estime que Maître [W] [B] n'a pas rempli son devoir de conseil et ne mérite pas d' honoraire de résultat. Il explique enfin avoir réglé à Maître [W] [B] tous les honoraires fixes pour un montant de 2 200 €uros TTC.
La SELARL [L] [B], représentée par Maître [D] [Y], expose que Maître [W] [B] a défendu les intérêts de Monsieur [V] [P] dans le cadre d'une procédure prud'homale l'opposant à son ancien employeur. Ce litige a conduit à la condamnation de l'ancien employeur à régler la somme de 37 772, 20 €uros en première instance, somme ramenée à 32 572,24 €uros en appel.
A l'issue de la procédure, Maître [W] [B] a sollicité le réglement de la somme de 4 046,06 €uros TTC de Monsieur [V] [P] à titre d'honoraires. Il demande la confirmation de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Saintes ayant taxé ses honoraires dûs à la somme de 4 046,06 € TTC.
MOTIFS
Sur la recevabilité :
Selon l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel qui est saisi par l'avocat ou la partie par lettre recommandée avec accusé de réception. Le délai de recours est d'un mois à compter de la notification de la décision.
En l'espèce, le recours de Monsieur [V] [P] est recevable et régulier en la forme.
Sur le fond :
Les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats sont réglées en recourant à la procédure prévue aux articles 174 et suivants du décret no91-1197 du 27 novembre 1991.
Il résulte de l'article 10 de la loi no71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 10 juillet 1991 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, que sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
A défaut de convention, les honoraires sont fixés au regard de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci, conformément au quatrième alinéa de l'article 10 de la loi no71-1130 du 31 décembre 1971.
En l'espèce, Monsieur [V] [P] a confié la défense de ses intérêts à Maître [W] [B] dans le cadre d'une procédure prud'homale l'opposant à son ancien employeur.
Il ressort de la décision du bâtonnier que Monsieur [V] [P] a d'abord été assisté par Maître [L], associé de la SELARL [L] [B], avant d'être assisté par Maître [W] [B].
Si une convention d'honoraires a bien été régularisée entre les parties, le 4 octobre 2017, au titre de la procédure en première instance, tel n'est pas le cas pour la procédure en appel. La convention d'honoraires régularisée prévoyait la rémunération de Maître [W] [B] selon un honoraire de base forfaitaire d'un montant de 2 500 €uros TTC, outre un honoraire de résultat complémentaire de 15% TTC des sommes allouées et recouvrées, à l'exception des sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'est pas contesté par Maître [W] [B] que Monsieur [V] [P] a réglé, pour les demandes de provisions en date du 19 décembre 2018 d'un montant de 1 500 €uros TTC pour la procédure prud'homale et en date du 26 avril 2021 d'un montant de 1 219,08 €uros TTC pour la procédure en appel.
Il convient de constater que Monsieur [V] [P] s'est acquitté des sommes dues au titre des honoraires forfaitaires fixés par la convention d'honoraires qui lui a été adressée pour la procédure en appel et qu'il n'a pas signée.
Monsieur [V] [P] ne conteste pas le fait qu'à l'origine il n'était pas réticent au versement d'un honoraire de résultat, tel qu'il l'écrit dans un courrier en date du 6 août 2021.
Mais il explique qu'une fois l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers rendu, en date du 1er avril 2021, Maître [W] [B] lui a réclamé 15% du montant des sommes qui lui avaient été allouées, soit 3 900 €uros TTC (outre le montant d'une facture de 400 €uros pour régulariser la procédure en appel en procédant à la mise en cause du mandataire liquidateur de l'ancien employeur de Monsieur [V] [P], dilligence qu'il avait accepté le 11 décembre 2021).
Les sommes allouées à Monsieur [V] [P] ont été directement versées sur le compte CARPA de Maître [W] [B].
Maître [W] [B] a adressé le 21 septembre 2021 un chèque d'un montant de 21 953,94 €uros à Monsieur [V] [P], retenant ainsi les sommes dues par son client sur son compte CARPA.
A l'étude des pièces du dossiers, il convient de constater que dans un courrier en date du 9 août 2021, Maître [W] [B] invitait Monsieur [V] [P] à "revoir votre position et à me renvoyer une autorisation de prélèvement sous quinzaine, sinon, je me verrais contraint de faire taxer les honoraires dues à mon cabinet ce qui engendrera pour vous des frais supplémentaires".
S'il convient de rappeler qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'honoraire de se prononcer sur l'éventuelle responsabilité civile de l'avocat à l'égard de son client liée au manquement déontologique, à son devoir de conseil et d'information, ou à une exécution défectueuse de sa prestation, il n'est pas plus permis à l'avocat de retenir arbitrairement des fonds sous compte CARPA, sans autorisation de prélèvement de son client.
Par conséquent, il convient d'infirmer la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Saintes et de fixer les honoraires dus à Maître [W] [B] à hauteur de 3 500 € TTC
Sur les dépens :
L'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Au regard de la situation, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS :
Nous, Gwenola Joly-Coz, première présidente, statuant publiquement et par décision contradictoire,
Déclarons le recours recevable et régulier en la forme ;
Infirmons l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Saintes en date du 2 décembre 2021 ;
En conséquence,
Fixons à la somme de 3500 € TTC les honoraires dus à Maître [W] [B] par Monsieur [V] [P] ;
Laissons à la charge de chacune des parties ses propres dépens.
La greffière,La première présidente,