ARRÊT N°256
N° RG 20/01656
N° Portalis DBV5-V-B7E-GBT4
GROUPAMA CENTRE MANCHE
C/
[Y]
S.A.M.C.V. MUTUELLE DE POITIERS ASSURANCES
Caisse CPAM DU MANS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 10 MAI 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 février 2020 rendu par le Tribunal Judiciaire de NIORT
APPELANT :
GROUPAMA CENTRE MANCHE
Parc Tertiaire du Jardin d'entreprises
[Adresse 2]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant Me Paul MAILLARD de la SCP MONTAIGNE AVOCATS, avocat au barreau de DEUX-SEVRES
ayant pour avocat plaidant Me Nicolas FOUASSIER, avocat au barreau de LAVAL
INTIMÉS :
Monsieur [P] [Y]
né le 06 Septembre 1967 à [Localité 10] (14)
[Adresse 6]
[Localité 5]
ayant pour avocat postulant et plaidant Me Caroline MAISSIN de la SCP DICE AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS
MUTUELLE DE POITIERS ASSURANCES
[Adresse 8]
[Localité 7]
ayant pour avocat postulant Me Anne DE CAMBOURG de la SCP DUFLOS-CAMBOURG, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Laura DA ROCHA, avocat au barreau de POITIERS
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE
DE LOIRE ATLANTIQUE
[Adresse 1]
[Localité 4]
ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS - ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 28 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Madame Anne VERRIER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS
[P] [Y] né le 6 septembre 1967 (47 ans) a été victime d'un grave accident le 13 mars 2015 alors qu'il aidait son père, [U] [Y] à élaguer des arbres dans sa résidence secondaire.
Il a reçu une branche d'arbre sur la nuque, branche que son père venait de scier.
Il a subi un traumatisme crânien avec apparition d'une tétraplégie, souffert d'une fracture du processus transverse C3 gauche responsable d'une dissection vertébrale gauche étendue de V 2 jusqu'en V3.
[U] [Y] avait souscrit une assurance responsabilité civile auprès de la société Groupama, une assurance habitation pour sa résidence secondaire auprès de la société Mutuelle de Poitiers.
Par courrier du 8 septembre 2015, la société Mutuelle de Poitiers a dénié sa garantie, fait valoir que la garantie responsabilité du propriétaire d'immeubles ne s'applique qu'en l'absence de garanties ou d'insuffisance de garanties souscrites auprès d'une autre société.
Par courrier du 5 janvier 2016 , elle estimait que la société Groupama devait garantir le sinistre.
M. [Y] a fait l'objet d'un examen médico-légal le 30 novembre 2015, qui a conclu qu'il n'était pas consolidé.
Par actes des 2 et 24 mai 2017, [P] [Y] a assigné les sociétés Groupama, Mutuelle de Poitiers, la CPAM de la Sarthe devant le tribunal judiciaire de Niort aux fins de condamnation solidaire à l'indemniser des préjudices subis, ordonner une expertise et se voir allouer une provision à valoir sur ses préjudices.
Les sociétés Groupama et Mutuelle de Poitiers ont contesté l'une et l'autre devoir garantir le sinistre.
La CPAM du Mans a demandé leur condamnation à lui payer la somme de 281 849,23 euros.
Par jugement du 3 février 2020, le tribunal judiciaire de Niort a statué comme suit :
-dit que GROUPAMA CENTRE MANCHE doit indemniser intégralement le préjudice subi par Monsieur [P] [Y] du fait de l'accident survenu le 13 mars 2015 ;
-condamne GROUPAMA CENTRE MANCHE à payer à Monsieur [P] [Y] la somme de 25 000 € à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice ;
Et avant dire droit ;
-ordonne une mission d'expertise confiée à Monsieur [V] [R] [T], avec mission habituelle ;
-réserve la décision sur la liquidation du préjudice, sur les demandes de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Sarthe, sur les dépens et sur les frais irrépétibles ;
Le premier juge a notamment retenu que :
La convention d'assistance bénévole invoquée par M. [Y] n'est pas contestée par la société Groupama.
Elle comporte l'obligation pour l'assisté de garantir l'assistant de la responsabilité par lui encourue sans faute de sa part à l'égard de la victime d'un accident éventuel.
La société Groupama soutient que la victime a commis une faute d'imprudence en se positionnant sous la branche que son père sciait et qu'elle aurait accepté le risque d'une chute.
Il résulte des attestations produites que le déroulement exact de l'accident est inconnu, que la société Groupama ne démontre pas la faute de la victime.
La victime demande la condamnation solidaire des sociétés Groupama et Mutuelle du Mans. Elle ne peut rechercher cumulativement la responsabilité de M. [Y] sur les fondements contractuel (convention d'assistance bénévole) et délictuel ( garde des choses).
Le créancier d'une obligation contractuelle ne peut se prévaloir contre le débiteur de cette obligation, quand bien même il y aurait intérêt, des règles de la responsabilité délictuelle.
Les demandes doivent être accueillies du chef de la convention d'assistance bénévole.
La société Groupama sera tenue de garantir intégralement le préjudice.
Elle versera à la victime une provision à valoir sur son préjudice de 25 000 euros.
LA COUR
Vu l'appel en date du 12 août 2020 interjeté par la société Groupama
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 5 novembre 2020, la société Groupama a présenté les demandes suivantes:
Par ces motifs,
Et tous autres à déduire ou suppléer, même d'office s'il échet;
Sous réserves de tous autres moyens de fait ou de droit
-Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que GROUPAMA CENTRE MANCHE devait indemniser intégralement le préjudice subi par Monsieur [P] [Y] du fait de l'accident survenu le 13 mars 2015;
Statuant à nouveau du chef du jugement infirmé;
-Décharger partiellement Monsieur [U] [Y] de la responsabilité encourue du chef de l'accident dont a été victime Monsieur [P] [Y] compte tenu de la faute d'imprudence de ce dernier;
-En conséquence, fixer à 2/3 la quote-part de responsabilité de Monsieur [U] [Y] et 1/3 celle de Monsieur [P] [Y] et dire que GROUPAMA CENTRE MANCHE ne devra indemniser Monsieur [P] [Y] qu'à concurrence de la part de responsabilité imputable à Monsieur [U] [Y];
Y ajoutant,
-Condamner la MUTUELLE DE POITIERS à relever et garantir GROUPAMA CENTRE MANCHE à concurrence de 50 % en application des dispositions de l'article L 121-4 du code des assurances, compte tenu de l'existence d'un cumul d'assurance;
En tout état de cause, condamner la MUTUELLE DE POITIERS à payer et porter à GROUPAMA CENTRE MANCHE la somme de 3 000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
-Condamner la MUTUELLE DE POITIERS aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP MONTAIGNE AVOCATS - Maître Paul MAILLARD, Avocat aux offres et affirmations de droit.
A l'appui de ses prétentions, la société Groupama soutient notamment que :
-Elle admet que ses garanties s'appliquent. La police souscrite auprès de Groupama couvre les conséquences financières de la RC de l'assuré lorsqu'il bénéficie d'une aide bénévole occasionnelle. La victime a toutefois commis des imprudences.
-Toute faute de l'assistant, quelle que soit sa gravité, décharge dans la mesure où elle a concouru à la production du dommage, l'assisté de son obligation de réparer les conséquences du dommage. Une simple imprudence suffit.
-La prudence est de ne pas installer l' échelle sous la branche que l'on s'apprête à scier, de ne jamais être deux sur une échelle.
-Le père qui manipulait une tronçonneuse thermique devait reposer sur des appuis stables.
Ses appuis faisaient défaut puisque le fils soutenait son père.
-[U] [Y] avait souscrit un contrat multirisque habitation au titre de sa résidence secondaire auprès de la Mutuelle de Poitiers. L' accident est survenu dans sa résidence secondaire.
-[P] [Y], tiers au contrat, a été victime d'un accident à l'adresse déclarée au contrat du fait de la propriété, la garde, l'usage et l'entretien des arbres ou du matériel et des biens mobiliers affectés au service de l' immeuble.
-La Mutuelle de [Localité 9] a vocation à garantir les arbres et donc leurs branches.
-La situation relève du cumul d'assurances, est régie par l'article L.121-4 du code des assurances. Quand plusieurs assurances sont contractées pour un même risque sans fraude, chacune d'elles produit ses effets dans les limites des garanties du contrat et dans le respect des dispositions de de l'article L.121-1 du code des assurances.
Le bénéficiaire du contrat peut obtenir l'indemnisation de ses dommages en s'adressant à l'assureur de son choix.
Les conditions d'un cumul d'assurance sont réunies.
-La clause de subsidiarité figurant à l'article 36 des conditions générales de la Mutuelle n'a pas vocation à s'appliquer.
-Chaque assureur doit contribuer pour moitié.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 26 avril 2021, la société Mutuelle de Poitiers assurances a présenté les demandes suivantes :
Vu les articles 1135 et 1147 du Code civil (en vigueur au moment des faits) ;
Vu l'article 1384 alinéa 1 er du Code civil (en vigueur au moment des faits);
Vu l'article L. 121-4 du Code des assurances ;
A titre principal,
-CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dire et juger la MUTUELLE DE POITIERS ASSURANCES hors de cause avec toutes conséquences de droit,
-DECLARER irrecevable comme nouvelle la demande de GROUPAMA tendant à :
- « condamner la MUTUELLE DE POITIERS à relever et garantir GROUPAMA CENTRE MANCHE à concurrence de 50 % en application des dispositions de l'article L. 121-4 du code des assurances, compte tenu d'un cumul d'assurance »,
A titre subsidiaire,
-REJETER toutes demandes dirigées contre la MUTUELLE DE POITIERS,
A titre très subsidiaire,
DIRE que Monsieur [P] [Y] a commis une faute ayant contribué à la production du dommage,
-En conséquence, LIMITER à 20 % la part de responsabilité de Monsieur [U] [Y],
DIRE que la MUTUELLE DE POITIERS garantira les conséquences dommageables de l'accident dans la limite de 20 % des sommes allouées à la victime,
-CONDAMNER GROUPAMA à relever et garantir la MUTUELLE DE POITIERS à concurrence de 50% en application des dispositions de l'article L. 121-4 du code des assurances,
En tout état de cause,
-REJETER toutes demandes contraires aux présentes conclusions,
-CONDAMNER GROUPAMA à verser à la MUTUELLE DE POITIERS ASSURANCES la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER GROUPAMA aux entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, la société Mutuelle de Poitiers soutient notamment que :
-Elle demande la confirmation du jugement. La responsabilité de [U] [Y] est engagée au titre de la convention d'assistance bénévole.
-La garantie Mutuelle de [Localité 9] ne vise que la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle de M. [Y] en qualité de propriétaire, pas sa responsabilité contractuelle.
-Le contrat Groupama prévoit expressément qu'il couvre les conséquences financières de la RC de l'assuré lorsqu'il bénéficie d'une aide bénévole occasionnelle.
-Devant la cour, la société Groupama forme une demande de garantie qui est irrecevable car nouvelle.
-Subsidiairement, elle se prévaut de la clause d' exclusion portant sur les dommages bénéficiant de la garantie d'un autre assureur.
-Elle soutient que les risques assurés sont différents.
-Compte tenu de la faute de victime, la part de l'assuré sera limitée à 20 %.
-La société Groupama devra garantir la Mutuelle de Poitiers à hauteur de 50 %.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 4 février 2021, M. [Y] a présenté les demandes suivantes :
A titre principal , vu les articles 1135 et 1147 du Code civil
(en vigueur au moment des faits), Vu l'article L.124-3 alinéa 1 du Code des Assurances, Vu la jurisprudence de la Cour de Cassation visée,
Voir confirmer purement et simplement le jugement entrepris et dire et juger que Monsieur [U] [Y] est responsable de l'accident subi par son fils [P] [Y] le 13 mars 2015 au titre de la convention d'assistance bénévole.
Dire et juger que GROUPAMA CENTRE MANCHE est tenue de garantir l'intégralité des conséquences des dommages corporels, matériels et immatériels subis par Monsieur [P] [Y] dont la responsabilité est imputable à son assuré, Monsieur [U] [Y].
-Voir débouter GROUPAMA CENTRE MANCHE de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
-Voir confirmer le jugement entrepris pour le surplus.
A titre subsidiaire,
Vu les articles 1384 alinéa 1 et 1386 du Code civil, (en vigueur au moment des faits),
Vu l'article L .124-3 alinéa 1 du Code des Assurances, Vu la jurisprudence de la Cour de Cassation visée,
-Voir réformer le jugement entrepris et dire et juger que Monsieur [U] [Y] est responsable de l'accident subi par son fils [P] [Y] le 13 mars 2015 au titre de la responsabilité du fait des choses.
Dire et juger que la Mutuelle de POITIERS Assurances est tenue de garantir l'intégralité des conséquences des dommages corporels, matériels et immatériels subis par Monsieur [P] [Y] dont la responsabilité est imputable à son assuré, Monsieur [U] [Y].
-Voir débouter la Mutuelle de POITIERS ASSURANCES de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions contraires.
-Voir confirmer le jugement entrepris pour le surplus.
Y ajoutant, en tout état de cause,
-Voir condamner la partie succombante à verser à. Monsieur [P] [Y] la somme de 4.000 euros au titre de l' article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
A l'appui de ses prétentions, M. [Y] soutient notamment que :
-Il a souffert d'un traumatisme crânien, qui a entraîné une tétraplégie. Il n'est pas consolidé.
-La convention d'assistance met une obligation de sécurité de résultat à la charge de l'assisté.
L'assisté doit indemniser l' assistant bénévole de son dommage corporel.
-La société Groupama ne caractérise aucune faute.
-Il s'est contenté de soutenir son père qui était grimpé sur l'échelle.
-Il n'est pas établi qu'il était placé sous la branche.
-La branche a été projetée par un effet de ressort, branche de 15 cm de diamètre.
-Il soutenait son père de sa main droite. Son oncle stabilisait l'échelle.
Les lieux avaient été sécurisés.
-Il demande la confirmation du jugement qui a écarté toute faute de la victime.
-Subsidiairement, la responsabilité de [U] [Y] est engagée sur le fondement de l'article 1384-1 du code civil.
-Il est propriétaire de l'arbre gardien. L' arbre, à défaut, la tronçonneuse, est l' instrument du dommage.
-La société Mutuelle de Poitiers couvre la responsabilité extra-contractuelle.
-Les chefs de jugement relatifs à l'expertise et à la provision sont définitifs.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 4 janvier 2021, la CPAM a présenté les demandes suivantes :
-Dire et juger la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOIRE ATLANTIQUE
Venant aux droits de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU MANS bien fondée en ses demandes, l'y recevoir.
En conséquence,
-Condamner in solidum GROUPAMA CENTRE MANCHE et la société d'assurances MUTUELLE DE» POITIERS à payer à la CPAM de LOIRE ATLANTIQUE ia somme de 824 780, 04 € au titre de sa créance définitive.
-Condamner in solidum GROUPAMA CENTRE MANCHE et la société d'assurances MUTUELLE DE POITIERS à payer à la CPAM cie LOIRE ATLANTIQUE l'indemnité forfaitaire de gestion fixée à la somme 1 066 €.
-Condamner in solidum GROUPAMA CENTRE MANCHE et ia société d'assurances MUTUELLE DE POITIERS à payer à la CPAM de LOIRE ATLANTIQUE la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
-Condamner in solidum GROUPAMA CENTRE MANCHE et la société d'assurances MUTUELLE DE POITIERS à payer à la CPAM de LOIRE ATLANTIQUE en TOUS les frais et dépens de l'instance.
A l'appui de ses prétentions, la caisse demande la confirmation du jugement, la faute d'imprudence de la victime n'étant pas démontrée.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 7 février 2022.
SUR CE
-sur l'objet du litige
Il est constant que les demandes de condamnation sont fondées sur l'obligation pour l'assisté de réparer les conséquences des dommages subis par celui auquel il a fait appel.
La société Groupama reconnaît que la responsabilité de son assuré, [U] [Y], est engagée et qu'elle doit sa garantie.
Elle estime que cette garantie doit être limitée aux 2/3 des préjudices compte tenu de la faute d'imprudence commise par [P] [Y].
Elle forme une demande de garantie dirigée contre la société Mutuelle de Poitiers.
La société Mutuelle de Poitiers estime que cette demande de garantie est nouvelle et irrecevable, conclut à titre subsidiaire au débouté.
-sur la faute d'imprudence de l'assistant
La convention d'assistance est une création prétorienne qui pallie la défaillance des fondements ordinaires de la responsabilité tant contractuelle que délictuelle en matière d'actes de dévouement ou de services gratuits.
Une convention d'assistance implique comme une des suites que lui donne l'équité l'obligation pour l'assisté de réparer les conséquences des dommages subis par celui auquel il a fait appel.
Il demeure néanmoins que toute faute de l'assistant peut décharger l'assisté de son obligation dans la mesure où elle a contribué à la réalisation du dommage.
La société Groupama estime qu'il y avait imprudence à installer l'échelle sous la branche que l'on s'apprêtait à scier, à être deux sur l'échelle.
Elle assure que des appuis solides faisaient défaut puisque [P] [Y] soutenait le bras de son père qui tenait la tronçonneuse thermique.
Les circonstances de l'accident résultent des récits établis par [U] et [K] [Y].
M. [Y] père indiquait le 13 mars 2015 que les travaux avaient été convenus à l'avance, qu'il avait d'abord travaillé avec une petite tronçonneuse électrique.
Il avait ensuite appelé son frère pour lui demander de lui prêter sa tronçonneuse thermique. Il restait une branche à élaguer.
'Au sommet d'une excroissance de l'arbre, mais d'un diamètre très important, cette branche nous paraissait accessible de l'échelle que nous avions installée.
J'ai décidé d'utiliser la tronçonneuse thermique.
Je m'installai en haut de l'échelle avec la tronçonneuse thermique, [P] me soutenant avec sa main droite et mon frère [K] les pieds au sol assurant la stabilité de l'échelle.
Ainsi installé, je me suis mis à scier ladite branche. Brusquement, lorsque la coupe eut atteint environ les 3/4 du diamètre, la branche a éclaté et, par effet ressort, la base de la branche a été projetée sur l'échelle, m'évitant de justesse mais atteignait la nuque de [P] qui s'écroulait , gisant, inerte, les pieds encore sur l'échelle et le corps coincé dans une fourche de l'arbre.
La branche a terminé sa course sur l'épaule droite de mon frère.
Dans une attestation rédigée le 4 janvier 2019, il précisait : 'Alors que la branche était sciée aux 3/4 environ, elle a brusquement éclaté restant en un premier temps attachée à l'arbre, ce qui a eu pour effet que la cime a touché le sol. C'et alors et pratiquement simultanément que la languette de bois l'attachant à l'arbre s'est rompue.
La cime étant bloquée au sol, la base de la branche a été projetée sur l'échelle en décrivant une trajectoire courbe, atteignant au passage le cou de [P].
Il indiquait n'avoir pu prévoir cette trajectoire, que le chantier était sécurisé pour un déroulement normal, 'soit une chute verticale de la branche '.
[K] [Y] a attesté le 29 juillet 2015. Il a indiqué que son neveu était juste au dessous de son frère dans l'échelle, le soutenait de sa main gauche.
Il précisait tenir l' échelle, avoir reçu une branche sur l' épaule droite, avoir vu son neveu couché dans la fourche de l'arbre.
Il ajoutait : Je suppose que l'accident est dû à l'éclatement imprévu de la branche.
Le premier juge a retenu que les circonstances de l'accident n'étaient pas clairement établies.
Il ressort en effet des attestations qu'elles se contredisent notamment sur la manière dont [P] aidait son père ( main droite ou main gauche).
Elles émanent en outre des protagonistes de l'accident et non de témoins en capacité de décrire objectivement les faits.
Si des maladresses au regard des techniques d'élagage pratiquées par des professionnels sont vraisemblables, il appartient néanmoins à la société Groupama d'établir et caractériser des fautes d'imprudence de la victime elle-même, fautes ayant contribué à la réalisation de son dommage.
En l'espèce, il n'est pas démontré que ce soit [P] [Y] qui ait choisi l'emplacement de l'échelle, ait décidé de l'utilisation de la tronçonneuse, ait sécurisé le chantier initiatives qui sont le fait de son père.
Il n'est pas non plus démontré que l'emplacement choisi pour scier soit en relation directe avec l'accident , que les appuis de l'échelle se soient révélés insuffisants, ni qu'ils aient joué un rôle quelconque dans l'accident.
Faute pour la société Groupama d'établir une faute de [P] [Y] en relation certaine avec son dommage, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Groupama à garantir l'intégralité du dommage subi.
-sur la demande de garantie formée par la société Groupama
La société Mutuelle de Poitiers soutient que la demande formée en appel est irrecevable car nouvelle.
L'article 564 du code de procédure civile dispose: à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 du code de procédure civile dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
En première instance, la société Groupama, défenderesse demandait à titre principal sa mise hors de cause, subsidiairement, la limitation de sa garantie à 20 % des conséquences dommageables de l'accident.
Elle se fondait sur la faute de la victime pour refuser sa garantie en tout ou en partie.
Elle ne formait aucune demande dirigées contre la société Mutuelle de Poitiers, ce qu'elle pouvait faire, à titre subsidiaire.
C'est M. [Y] qui , en première instance, formait une demande de condamnation solidaire des deux assureurs.
Il résulte des éléments précités que la demande de recours de la société Groupama contre la société Mutuelle de Poitiers fondée sur le cumul d'assurances est une demande nouvelle irrecevable au sens de l'article 565 du code de procédure civile.
-sur les autres demandes
La CPAM réitère ses demandes de condamnation.
Au vu des justificatifs de débours produits, il lui sera alloué une somme de 824 780 euros à titre de provision.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a sursis à statuer sur les demandes de liquidation du préjudice dans l'attente de l'expertise médicale ordonnée.
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de la société Groupama.
Il est équitable de condamner la compagnie Groupama à payer à M. [Y] et à la CPAM de Loire Atlantique la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge de la société Mutuelle de Poitiers les frais irrépétibles qu'elle a exposés.
PAR CES MOTIFS :
statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
-dit irrecevable la demande de garantie formée par la société Groupama à l'encontre de la société Mutuelle de Poitiers Assurances comme nouvelle au sens de l'article 565 du code de procédure civile
dans les limites de l'appel interjeté
-confirme le jugement entrepris
Y ajoutant :
-condamne la société Groupama à payer à la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de Loire Atlantique la somme de 824 780 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice
-déboute les parties de leurs autres demandes
-condamne la société Groupama aux dépens d'appel
-déboute la société Mutuelle de Poitiers de sa demande d'indemnité de procédure
-condamne la société Groupama à payer à M. [P] [Y] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
-condamne la société Groupama à payer à la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de Loire Atlantique la somme de 1066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion
-condamne la société Groupama à payer à la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de Loire Atlantique la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,