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17/05/2022 | FRANCE | N°20/01737

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 17 mai 2022, 20/01737


ARRET N°291



N° RG 20/01737 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GBY5













S.A. MAAF ASSURANCES



C/



[O]

Organisme CPAM DU VAL DE MARNE















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 17 MAI 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01737 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GBY5



Décisi

on déférée à la Cour : jugement du 13 juillet 2020 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIORT.







APPELANTE :



S.A. MAAF ASSURANCES

Chaban

79180 CHAURAY



ayant pour avocat Me Marie-Odile FAUCONNEAU de la SCP EQUITALIA, avocat au barreau de...

ARRET N°291

N° RG 20/01737 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GBY5

S.A. MAAF ASSURANCES

C/

[O]

Organisme CPAM DU VAL DE MARNE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 17 MAI 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01737 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GBY5

Décision déférée à la Cour : jugement du 13 juillet 2020 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIORT.

APPELANTE :

S.A. MAAF ASSURANCES

Chaban

79180 CHAURAY

ayant pour avocat Me Marie-Odile FAUCONNEAU de la SCP EQUITALIA, avocat au barreau de POITIERS substituée par Me PHERIVONG, avocat au barreau de POITIERS

INTIMES :

Monsieur [A] [O]

né le 24 Décembre 1996 à MONTEUIL SOUS BOIS

8, boulevard Raymond Poincaré

94170 LE PERREUX SUR MARNE

ayant pour avocat postulant Me Gabriel WAGNER de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Matthieu BENAYOUN, avocat au barreau de PARIS

CPAM DU VAL DE MARNE

9, avenue du Général de Gaulle

94031 CRETEIL

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ :

[A] [O], alors âgé de 16 ans comme étant né le 24 décembre 1996, a été gravement blessé dans un accident de la circulation survenu le 17 août 2013, lorsqu'un véhicule automobile conduit par [I] [D] et assuré à la MAAF a percuté la moto sur laquelle il était transporté comme passager, par un conducteur qui a perdu la vie dans la collision.

Souffrant, notamment, d'un traumatisme crânien, d'un délabrement du membre inférieur gauche, d'une fracture en D1, il subira du fait de ses blessures une amputation trans-fémorale gauche et son état sera déclaré consolidé au 25 septembre 2016.

[I] [D] a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel de Brest sous les préventions d'homicide et de blessure involontaires.

Se sont constitués parties civiles d'une part, les consorts [F], d'autre part les consorts [O], soit [A] [O], son père [S] [O], sa mère [J] [G] et sa grand-mère maternelle [Y] [X].

Par jugement du 22 mars 2018, le tribunal correctionnel a déclaré [I] [D] coupable des délits qui lui étaient reprochés.

S'agissant des consorts [O], il les a reçus en leur constitution de partie civile, il a ordonné une expertise médicale de [A] [O]; il a alloué à celui-ci 30.000 euros à titre de provision à valoir sur l'évaluation de son préjudice corporel, ainsi que 1.500 euros d'indemnité en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; et il a renvoyé l'affaire à une audience ultérieure sur intérêts civils.

[A] [O], son père [S] [O], sa mère [J] [G] et son frère mineur [M] [O] représenté par ses père et mère, ont saisi par acte du 9 avril 2018 le tribunal de grande instance de Niort pour voir liquider en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la CPAM 94) leur préjudice respectif consécutif à l'accident du 17 août 2013 au vu des conclusions du rapport d'expertise amiable qui avait été établi en date du 16 novembre 2016 par les docteurs [C] et [V], respectivement médecins conseil de la MAAF et du blessé, ainsi que de M. [N], ingénieur orthopédiste.

La mutuelle MAAF Assurances a saisi le juge de la mise en état au vu de l'expertise médicale ordonnée par le tribunal correctionnel, d'une exception de litispendance et subsidiairement de connexité qui a été rejetée par ordonnance du 8 novembre 2018.

[Y] [X] est volontairement intervenue à l'instance.

La MAAF Assurances a formulé une offre d'indemnisation hors frais d'adaptation du logement et de véhicule.

La CPAM 94 n'a pas comparu.

Par jugement du 13 juillet 2020, le tribunal -entre-temps devenu tribunal judiciaire- de Niort a :

* déclaré recevable l'intervention volontaire de Mme [X]

* dit le jugement commun à la CPAM 94

* fixé la créance de la CPAM 94 à la somme de 206.813 euros selon décompte arrêté au 21 juin 2017 dont

-132.003,65 euros imputables sur le poste des dépenses de santé actuelles

-74.809,35 euros imputables sur le poste des dépenses de santé futures

* condamné la MAAF Assurances à payer à [A] [O] la somme totale de 2.482.554,87 euros en réparation de son préjudice, déduction faite de la créance de la CPAM 94, en dressant le tableau ventilé des postes de préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux ainsi indemnisés

* réservé les postes relatifs aux frais de logement adapté et aux frais de véhicule adapté

* dit que les provisions de 30.000 euros versées en exécution du jugement du tribunal correctionnel de Brest du 22 mars 2018 viendraient le cas échéant en déduction des sommes ainsi allouées

* condamné la MAAF Assurances à verser au titre de leur préjudice d'affection

.15.000 euros à [S] [O]

.15.000 euros à [J] [G]

.12.000 euros à [S] [O] et [J] [G] en qualité de représentants légaux de leur enfant mineur [M] [O]

.1.500 euros à [Y] [X]

* condamné la MAAF Assurances à verser 1.016,50 euros à [J] [G] au titre de ses frais de déplacement

* débouté [J] [G] de sa demande d'indemnisation au titre d'un préjudice de gêne professionnelle

* condamné la MAAF Assurances aux dépens

* condamné la MAAF Assurances à payer à [A] [O] 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

* ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par deux déclarations des 20 et 26 août 2020, la MAAF Assurances a relevé un appel limité au poste des pertes de gains professionnels futurs et au rejet de l'incidence professionnelle ainsi conséquemment qu'au montant total de la condamnation, en intimant [A] [O] et la CPAM du Val-de-Marne.

Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 8 septembre 2020.

Saisi par la MAAF d'un incident tendant à voir déclarer irrecevable l'appel incident de [A] [O], le conseiller de la mise en état a rejeté cette demande par ordonnance du 10 février 2022.

Cette ordonnance rend sans objet les développements maintenus à ce titre par les parties dans leurs conclusions au fond.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique

* le 17 janvier 2022 pour la MAAF

* le 14 février 2022 pour [A] [O].

La MAAF demande à la cour de réformer le jugement et

-de dire qu'il y a lieu d'indemniser [A] [O]

.à hauteur de 304.932 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs (PGPF)

.à hauteur de 20.000 euros au titre de l'incidence professionnelle

-de constater que les provisions versées pour un total de 179.500 euros viendront en déduction

-en conséquence, de dire que l'indemnité à recevoir par M. [O] ne saurait excéder ( 2.482.554,80 - 737.123,11) = 1.745.431,70 euros + 304.932 + 20.000 = 2.070.363,70 euros - 179.500 = 1.890.863,70 euros.

Subsidiairement, elle propose de chiffrer les PGPF à 375.371,29 euros, ce qui détermine une somme à revenir à la victime, déduction faite des provisions, versées, de 1.961.303 euros.

Elle indique admettre en cause d'appel l'application du barème publié en 2018 par la Gazette du Palais.

Elle raisonne sur une perte de gains professionnels de 500 euros par mois, en faisant valoir qu'avant son accident, [A] [O] s'orientait vers une seconde 'gestion administrative' puis une filière Métiers des relations à la clientèle et aux usagers (MRCU), ne sollicitant donc pas de grandes capacités physiques et, soutenant qu'il n'est nullement inapte à tout travail, elle indique que grâce à la prothèse qui lui a été livrée en juillet 2016, bon nombre de professions non physiques lui sont désormais accessibles.

S'agissant de l'incidence professionnelle, elle l'estime valablement indemnisée par l'allocation d'une somme de 20.000 euros.

Elle détaille les provisions qu'elle a versées, pour 179.500 euros au total.

Elle s'oppose à l'appel incident tendant à voir appliquer le barème publié par la Gazette du Palais en 2020.

[A] [O] forme appel incident et demande à la cour de réformer le jugement, de faire application aux mêmes chiffrages de base du barème publié par la Gazette du Palais en 2020, et ainsi de chiffrer

* les dépenses de santé futures à 920.765,94 euros

* les pertes de gains professionnels futurs à 868.226,10 euros en capital

* au titre de l'assistance permanente par tierce personne : à 517.143 euros en capital.

À titre subsidiaire, il sollicite la confirmation pure et simple du jugement déféré.

En toute hypothèse, il réclame 5.000 euros d'indemnité de procédure.

Les moyens des parties développés dans leurs conclusions seront exposés lors de l'examen de leurs chefs de prétentions.

La CPAM 94 ne comparaît pas. Elle a été assignée par acte du 5 octobre 2020 délivré à personne habilitée.

L'ordonnance de clôture est en date du 17 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

[A] [O], qui est né le 24 décembre 1996, était âgé de 16 ans à l'époque de l'accident, où il était lycéen.

La MAAF a d'emblée, et constamment, admis son obligation de réparer intégralement les conséquences dommageables de l'accident.

Les parties formulent l'une et l'autre leurs prétentions sur les conclusions du rapport d'expertise amiable des docteurs [C] et [V] qui, avec leurs explications et leurs pièces, fonderont donc, dans la limite des appels respectifs, la liquidation du préjudice de [A] [O], âgé de 19 ans lors de la consolidation, célibataire, sans profession.

1. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

1.1. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX TEMPORAIRES (avant consolidation)

1.1.1. : dépenses de santé actuelles

Il n'existe pas de discussion sur ce poste, constitué à hauteur totale de 233.461,25 euros

* des débours de la CPAM 94, chiffrés à 132.003,65 euros

* des frais médicaux restés à charge de la victime, pour 101.457,60 euros.

1.1.2. : frais divers

Le tribunal a alloué à ce titre à M. [O] du chef des honoraires versés au médecin qui l'a assisté et conseillé une somme de 1.750 euros qui n'est pas discutée.

1.1.3. : frais d'assistance temporaire par tierce personne

Il n'existe pas de discussion devant la cour sur l'évaluation de ce poste, sur la base de 16 euros de l'heure, à 23.904 euros par le tribunal, dont ce chef de décision n'est pas frappé d'appel.

1.1.4. : préjudice scolaire et de formation

Il n'existe pas de discussion devant la cour sur l'évaluation de ce poste à 10.000 euros par le tribunal, dont ce chef de décision n'est pas frappé d'appel.

1.2. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX PERMANENTS

1.2.1. dépenses de santé futures

Le tribunal a en premier lieu retenu la somme de 74.809,35 euros correspondant à la créance de la CPAM 94 selon l'état de débours transmis par celle-ci. Il n'existe aucune contestation à ce titre.

Il a, en second lieu, retenu le coût capitalisé de la prothèse principale, qui, contrairement à la prothèse du genou, n'est pas prise en charge par la sécurité sociale, et dont les experts indiquent sans contestation qu'elle est également nécessaire à la victime et qu'elle doit être remplacée tous les six ans.

Sur la base de la facture d'achat d'un montant de 101.547,60 euros produite par [A] [O], et d'un premier renouvellement en 2022, où la victime sera âgée de 25 ans, il a chiffré ce poste par voie de capitalisation à la somme de (101.547,60/6 x 46,503) = 787.04467 euros en appliquant le barème publié par la Gazette du Palais en 2017.

M. [O] forme appel incident sur ce point, que la MAAF ne contestait pas, en demandant à la cour de lui allouer sur la même base la somme de 920.765,94 euros en faisant application du barème publié par la Gazette du Palais en 2020.

Il est fondé en cela, ce barème, pertinent, étant plus adapté en sa dernière version, fondée sur les estimations les plus récentes en matière d'espérance de vie.

Ce poste s'établit ainsi à (101.547,60/6 x 54,04) = 920.765,94 euros, le jugement étant réformé de ce chef.

1.2.2. : frais d'assistance permanente par tierce personne

Le tribunal a alloué à ce titre sur la base d'un taux horaire de 18 euros et d'une base de 59 semaines par an -pour tenir compte des congés payés et jours fériés- une somme totale de 424.825,49 euros décomposée en

.arrérages de la consolidation au jugement (3ans1/2) : (18x8x59x3,5) = 29.376 euros

.à compter du jugement (capitalisation) : 18 x 8x 5 9x 46,503 = 395.089,49 euros.

L'appel de la MAAF ne porte pas sur ce chef de décision, qu'elle accepte.

M. [O] l'accepte aussi mais demande à la cour par voie d'appel incident de calculer les arrérages échus sur une période de cinq ans et demi pour tenir compte du délai de l'instance d'appel, et la capitalisation sur la base actualisée du barème de la Gazette du Palais publié en 2020 pour un homme âgé de 24 ans à la date de la demande, pour 517.143 euros au total.

Cette prétention est fondée, et il ne peut qu'y être fait droit.

Sur cette base, et par réformation du jugement, ce poste sera fixé, comme demandé, à :

.arrérages échus sur 5 ans 1/2 : (18 x 8 x 59 x 5,5) = 46.728 euros

.par capitalisation ensuite : (18 x 8 x 59 x 55,369) = 470.415 euros

soit au total 517.143 euros.

1.2.3. : frais de logement adapté et frais de véhicule adapté

Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a réservé ces deux postes.

1.2.4. : perte de gains professionnels futurs (PGPF)

Ce poste a pour objet d'indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus professionnels consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage.

[A] [O] sollicitait en première instance une somme d'1.095.925,60 euros correspondant à la capitalisation viagère d'une perte chiffrée à un salaire médian de 1.797 euros, en soutenant que ses séquelles ne lui permettraient pas de retrouver un travail dans la mesure où son handicap lui fermait l'accès à tous les emplois physiques, que son faible niveau scolaire lui interdisait d'occuper un emploi administratif ou de bureau, et que ses séquelles psychologiques l'empêchaient de reprendre des études.

La MAAF offrait 224.760 euros sur la base d'une perte viagère mensuelle de 500 euros, en faisant valoir qu'il restait apte à trouver un emploi.

Le tribunal a chiffré cette somme à 737.123,11 euros en retenant qu'au vu du parcours scolaire qui avait été le sien jusqu'à l'accident, et de l'orientation dans laquelle il s'engageait en redoublant sa seconde, [A] [O] pouvait prétendre que l'accident l'avait empêché de percevoir, sa vie durant, un salaire égal au SMIC, allouant sur cette base

-de la consolidation au jugement :

.pendant 3 mois en 2017, sur la base d'un SMIC à 1.153 euros : 3.459 euros

.en 2018 sur la base d'un SMIC à 1.174 euros : 14.088 euros

.en 2019 sur la base d'un SMIC à 1.204 euros : 14.448 euros

.pendant 3 mois en 2020 sur la base d'un SMIC à 1.219 euros : 3.657 euros

-à compter du jugement :

sur la base d'un SMIC à 1.219 euros : (1.219 x 12 x 47,954) = 701.471,11 euros.

La MAAF reprend en cause d'appel sa position de première instance.

Elle fait valoir que [A] [O] n'est pas inapte à tout travail; que depuis qu'il est doté d'une prothèse Genium X3 à micro-processeur, il bénéficie d'une nette amélioration dans ses conditions d'existence et que bon nombre de professions non physiques lui sont ouvertes grâce à cet équipement; qu'au vu de son cursus scolaire, il ne s'orientait pas vers un métier physique ; et que son faible niveau avant l'accident implique de considérer qu'il n'aurait pas pu prétendre à un poste ouvrant des revenus équivalents au SMIC même à défaut d'accident. Elle demande à la cour de chiffrer la perte de gains professionnels futurs à 50% d'un SMIC horaire de 1.231 euros, capitalisé selon le barème de la Gazette du Palais de 2018 pour un homme âgé de 19 ans à la date de la consolidation, soit (615,50 x 12 x 50,822) = 375.371,29 euros.

Devant la cour, [A] [O] déclare accepter le raisonnement du tribunal et demande simplement, par voie d'appel incident, que la somme fixée par celui-ci soit actualisée avec calcul des arrérages jusqu'à avril 2021 sur la base des SMIC successivement de 1.153 euros en 2017, 1.174 euros en 2018, 1.204 euros en 2019 et 1.219 euros en 2020, et pour la capitalisation calculée à compter de cette date avec application du barème publié par la Gazette en 2020, soit (3.459 + 14.088 + 14.448 + 14.628 + 3.693) = 50.316 euros + (1.231 x 12 x 55.369) = 817.910,10 euros soit 868.226,10 euros au total.

Au moment de l'accident, survenu pendant les vacances d'été, [A] [O], qui était titulaire du brevet des collèges et avait précédemment suivi une seconde Gestion administrative qui ne lui convenait pas, devait débuter à la rentrée de septembre une seconde 'MRCU' Métiers Relations Clients Usagers.

Les experts indiquent sans contestation au titre du préjudice professionnel (cf rapport p.17) que [A] [O] a un niveau socio-culturel qui n'est pas élevé ; qu'il ne pourra pas faire un travail avec déplacements itératifs, port de charges lourdes, ou manutentions ; et que les séquelles vont réduire les possibilités d'insertion professionnelle puisque beaucoup de filières lui sont interdites.

Ces conclusions ont été prises en novembre 2016 alors que le jeune homme était déjà doté de la prothèse à micro-processeur Genium X3, dont les docteurs [C] et [V] décrivent les propriétés et intègrent la présence dans leur rapport (cf p.16 et 17) de sorte qu'il est vain, pour la MAAF, de tirer argument de l'apport de cette prothèse pour conclure à une meilleure aptitude physique à l'emploi alors que cette aptitude est celle décrite par les deux experts.

Il est insolite, de la part de l'appelante, de soutenir au vu du cursus scolaire du jeune homme que sans l'accident, il n'aurait même pas pu escompter occuper au sortir de l'école un emploi rémunéré au SMIC, alors que l'aptitude à trouver et garder un emploi sur le marché du travail ne s'apprécie évidemment pas au seul vu du parcours scolaire, a fortiori encore inachevé, d'un élève de seconde ; que ce parcours n'avait rien de péjoratif, pour un adolescent entrant en seconde à 16 ans après un changement d'orientation ; et que le SMIC étant, comme son nom l'indique, le niveau minimum de rémunération d'un salarié employé à plein temps , il n'existe rigoureusement aucun motif de considérer que [A] [O] n'aurait, sans l'accident, pas été en capacité de trouver et d'exercer un emploi lui procurant à tout le moins ce minimum.

En cause d'appel, M. [O] chiffre désormais sa demande au titre des pertes de gains professionnels futurs sur la base de la perte de chance d'exercer sa vie durant un emploi rémunéré au SMIC, comme le tribunal l'a retenu.

Un tel préjudice est établi, au vu de la nature des séquelles qu'il conserve de l'accident telles qu'analysées par les co-experts, lesquelles l'empêchent manifestement d'exercer, même avec sa prothèse à micro-processeur, la totalité des emplois nécessitant un minimum d'aptitude physique puisque les déplacements itératifs lui sont proscrits, qu'un poste administratif ou de bureau ne paraît pas à sa portée compte-tenu de son niveau socio-culturel tel que rapporté par les experts à ses aptitudes professionnelles, et que ses lourdes séquelles psychologiques rendent en effet irréaliste, comme il le fait valoir, une reprise de ses études.

Le jugement sera donc confirmé en son principe d'évaluation de ce poste de préjudice.

[A] [O] est fondé à demander à la cour d'actualiser le calcul des premiers juges d'une part, en repoussant les arrérages échus jusqu'au printemps 2021 -qui ne correspond certes pas à la date à laquelle la cour statue, mais à laquelle la cour ne peut substituer d'office cette date, ce qui modifierait le quantum de sa réclamation ; et d'autre part en calculant pour la période postérieure la capitalisation au vu du barème publié en 2020 par la Gazette du Palais.

Sur ces bases, les pertes de gains professionnels futurs de [A] [O] s'établissent, comme il le demande, à 868.226,10 euros, soit :

-de la consolidation au 31 mars 2021 :

.pendant 3 mois en 2017, sur la base d'un SMIC à 1.153 euros : 3.459 euros

.en 2018 sur la base d'un SMIC à 1.174 euros : 14.088 euros

.en 2019 sur la base d'un SMIC à 1.204 euros : 14.448 euros

.en 2020 sur la base d'un SMIC à 1.219 euros : 14.628 euros

.pendant 3 mois en 2021 sur la base d'un SMIC à 1.231 euros : 3.693 euros

-à compter du 1er avril 2021 :

sur la base d'un SMIC à 1.231 euros : (1.231 x 12 x 55.369) = 817.910,10 euros.

1.2.5. incidence professionnelle

L'incidence professionnelle correspond au préjudice que subit la victime en raison de la plus grande pénibilité de l'exercice d'une activité professionnelle du fait des séquelles de l'accident, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de la nécessité de subir un reclassement; il peut recouvrir aussi la perte de chance d'obtenir un emploi ou une promotion ou de réaliser un projet professionnel.

En première instance, la victime réclamait 100.000 euros à ce titre.

La MAAF considère que [A] [O] subit un préjudice d'incidence professionnelle, qu'elle propose d'évaluer à 20.000 euros, mais parce qu'elle estime qu'il est concrètement en situation d'exercer un emploi -ce dont elle infère ainsi qu'il a été dit un chiffrage limité des pertes de gains professionnels futurs- et qu'il convient donc d'indemniser sa dévalorisation sur le marché du travail et l'augmentation de la pénibilité de l'emploi.

Les premiers juges ont débouté M. [O] de sa demande, en indiquant qu'ayant chiffré les pertes de gains professionnels futurs de façon viagère, en postulant qu'il ne pourrait jamais occuper d'emploi, ils avaient, ce faisant, indemnisé toutes les incidences du préjudice professionnel, qui le serait une deuxième fois si une somme quelconque était allouée au titre de l'incidence professionnelle.

Cette motivation est pertinente, et acceptée en cause d'appel par la victime, qui ne formule ni contestation de ce rejet, ni demande à ce titre.

Le jugement sera donc confirmé.

2. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

2.1. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX TEMPORAIRES

2.1.1. déficit fonctionnel temporaire (DFT)

Il n'existe pas de discussion devant la cour sur l'évaluation de ce poste à 18.550 euros par le tribunal, dont ce chef de décision n'est pas frappé d'appel.

2.1.2. souffrances endurées

Il n'existe pas de discussion devant la cour sur l'évaluation de ce poste à 35.000 euros par le tribunal, dont ce chef de décision n'est pas frappé d'appel.

2.1.3. préjudice esthétique temporaire

Il n'existe pas de discussion devant la cour sur l'évaluation de ce poste à 5.000 euros par le tribunal, dont ce chef de décision n'est pas frappé d'appel.

2.2. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX PERMANENTS

2.2.1. déficit fonctionnel permanent (DFP)

Il n'existe pas de discussion devant la cour sur l'évaluation de ce poste à 292.900 euros par le tribunal, dont ce chef de décision n'est pas frappé d'appel.

2.2.2 préjudice esthétique permanent

Il n'existe pas de discussion devant la cour sur l'évaluation de ce poste à 20.000 euros par le tribunal, dont ce chef de décision n'est pas frappé d'appel.

2.2.3 préjudice sexuel

Il n'existe pas de discussion devant la cour sur l'évaluation de ce poste à 10.000 euros par le tribunal, dont ce chef de décision n'est pas frappé d'appel.

2.2.3 préjudice d'agrément

Il n'existe pas de discussion devant la cour sur l'évaluation de ce poste à 15.000 euros par le tribunal, dont ce chef de décision n'est pas frappé d'appel.

Le préjudice de [A] [O] consécutif à l'accident du 17 août 2013 s'établit ainsi à (132.003,65 + 101.457,60 + 1.750 + 23.904 + 10.000 + 74.809,15 + 920.765,94 + 517.143 + 868.226,10 + 18.550 + 35.000 + 5.000 + 292.900 + 20.000 + 10.000 + 15.000) = 3.046.509,44 euros.

La créance de la CPAM du Val de Marne, s'établit selon son état de débours, communiqué et non discuté, à 206.813 euros, et c'est à raison que le tribunal a dit que cette somme s'imputerait

.à hauteur de 132.003,65 euros sur le poste des dépenses de santé actuelles

.et pour le solde, de 74.809,35 euros, sur celui des dépenses de santé futures.

En définitive, la MAAF sera donc condamnée, par infirmation, à verser à M. [O] une somme de (3.046.509,44 - 206.813) = 2.839.696,44 euros, dont à déduire les provisions de (30.000 + 149.500) = 179.500 euros sur le montant desquelles il n'existe plus de discussion en cause d'appel, soit 2.660.196,44 euros.

Le jugement déféré a pertinemment condamné la MAAF aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure dont le montant est adapté.

Au vu du sens du présent arrêt, qui ne fait pas droit aux contestations de la MAAF et alloue à la victime une somme supérieure à celle fixée en première instance, la MAAF est la partie qui succombe devant la cour.

Elle supportera donc les dépens d'appel et versera une indemnité de procédure à M. [O].

Le présent arrêt est commun à la CPAM 94.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, dans la limite des appels :

CONFIRME le jugement déféré sauf en son évaluation à 2.689.457,87euros du préjudice de [A] [O] consécutif à l'accident du 17 août 2013, et conséquemment en ce qu'il condamne la MAAF à lui payer 2.482.554,87 euros en réparation de son préjudice déduction faite de la créance de la CPAM 94, et sauf en ce qu'il a dit que les provisions de 30.000 euros versées en exécution du jugement du tribunal correctionnel de Brest du 22 mars 2018 viendraient le cas échéant en déduction des sommes ainsi allouées

statuant à nouveau de ces chefs :

FIXE ainsi le préjudice subi par [A] [O] consécutivement à l'accident du 17 août 2013 :

1 : PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

PRÉJUDICES PATRIMONIAUX TEMPORAIRES

*dépenses de santé actuelles :

-débours CPAM 94 : 132.003,65 euros

-restés à charge : 101.457,60 euros

*frais divers restés à charge : 1.750 euros

*assistance temporaire tierce personne : 23.904 euros

*préjudice scolaire et de formation : 10.000 euros

PRÉJUDICES PATRIMONIAUX PERMANENTS

*dépenses de santé futures :

-débours CPAM 94 : 74.809,35 euros

-à charge (capitalisés) : 920.765,94

* frais de logement adapté : RÉSERVÉS

*frais de véhicule adapté : RÉSERVÉS

*frais d'assistance permanente tierce personne : 517.143 euros

*perte de gains professionnels futurs : 868.226,10 euros

* incidence professionnelle : NON

2. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX TEMPORAIRES

*déficit fonctionnel temporaire (DFT ) : 18.550 euros

*souffrances endurées : 35.000 euros

*préjudice esthétique temporaire : 5.000 euros

PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX PERMANENTS

* déficit fonctionnel permanent : (DFP) : 292.900 euros

*préjudice esthétique permanent : 20.000 euros

*préjudice sexuel : 10.000 euros

*préjudice d'agrément : 15.000 euros

CONDAMNE la MAAF à payer en deniers ou quittances à [A] [O] la somme de 2.660.196,44 euros déduction faite des provisions de 179.500 euros versées

DIT que les sommes dues à M. [O] produiront intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes qu'il alloue et qui sont confirmées, et de l'arrêt pour le surplus

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou contraires

DÉCLARE le présent arrêt commun à la CPAM du Val de Marne

CONDAMNE la MAAF aux dépens d'appel

LA CONDAMNE à payer une indemnité de 3.500 euros à [A] [O] en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01737
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;20.01737 ?
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