VC/LD
ARRET N° 690
N° RG 19/03582
N° Portalis DBV5-V-B7D-F4FN
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CHARENTE-MARITIME
C/
SASU [3] VENANT AUX DROITS DE LA CLINIQUE [4]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er octobre 2019 rendu par le pôle social du tribunal de grande instance de LA ROCHELLE
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE
DE LA CHARENTE-MARITIME
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Mme [E] [H], munie d'un pouvoir
INTIMÉE :
SASU [3]
venant aux droits de la CLINIQUE [4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Yannick FRANCIA, substitué par Me Clément PONS, tous deux de la SELAS AKILYS, avocats au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 13 Septembre 2022, en audience publique, devant :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER, lors des débats : Madame Astrid CATRY
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, que l'arrêt serait rendu le 10 novembre 2022. A cette date, le délibéré a été prorogé au 24 novembre 2022.
- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 18 octobre 2012, la CPAM de la Charente-Maritime a adressé à la Clinique [4], une notification d'indu d'un montant de 28.366,20 euros correspondant aux honoraires des consultations dispensées par les sages-femmes salariées de l'établissement facturés pour la période comprise entre le 16 février 2010 et le 30 septembre 2012.
Par courrier du 14 novembre 2012, la Clinique [4] a contesté cette notification auprès du directeur de la CPAM de la Charente-Maritime.
Par lettre recommandée datée du 25 juillet 2013, la CPAM de la Charente-Maritime a mis en demeure la Clinique [4] d'avoir à lui payer la somme de 28.366,20 euros dans le délai d'un mois, l'avisant qu'à l'issue de ce délai une majoration de 10 % des sommes dues seraient appliquées et qu'elle pouvait contester la mise en demeure dans un délai de 2 mois en saisissant la commission de recours amiable.
Dans sa séance du 29 avril 2014, la commission de recours amiable a rejeté le recours de la Clinique [4].
Par requête du 4 juin 2014, la Clinique [4] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une contestation de la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable qui lui avait été notifiée le 19 mai 2014.
Par jugement du 1er octobre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de La Rochelle a :
- déclaré irrégulière la procédure en recouvrement d'indus engagée par la CPAM de la Charente-Maritime à l'encontre de la Clinique [4],
- annulé la procédure en recouvrement d'indus engagée par la CPAM de la Charente-Maritime à l'encontre de la Clinique [4],
- débouté la CPAM de la Charente-Maritime de sa demande en remboursement de la somme de 28.366,20 euros,
- rejeté les demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 25 octobre 2019, la CPAM de la Charente-Maritime a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.
A l'audience du 13 septembre 2022, la CPAM de la Charente-Maritime, reprenant oralement ses écritures déposées le 15 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :
- dire que la notification d'indu et la mise en demeure sont régulières,
- condamner [3] à lui payer la somme de 28.366,20 euros,
- débouter [3] de l'ensemble de ses demandes.
Se fondant sur les dispositions des articles L.133-4, R.133-9-1 dans sa rédaction issue du décret n°2009-988, R.133-9-1 dans sa rédaction issue du décret n°2012-1032, du code de la sécurité sociale et de l'article 8 du décret n°2012-1032, elle affirme que le défaut de mention des dates de mandatement dans le tableau récapitulatif n'a pas fait grief à la [3] puisque le tableau fait référence à une période de facturation ne pouvant être prescrite. Elle ajoute que l'ensemble des échanges qu'elle a eu avec la [3] a permis à cette dernière de connaître les griefs, d'identifier les facturations litigieuses et donc de connaître la cause, la nature et le montant des sommes réclamées. Elle insiste sur le fait que la mise en demeure adressée à la [3] comportait bien les pièces en annexe et qu'en tout état de cause, aucun grief n'en est résulté dans la mesure où le conseil de la [3] a pu faire des commentaires. Elle reconnaît que la mise en demeure fait référence à l'ancienne procédure qui n'était pas applicable aux indus entre le 10 et le 30 septembre 2012 mais soutient que cette erreur n'est pas de nature à entraîner la nullité de la mise en demeure et de la notification de l'indu puisque la [3] a pu exercer ses droits à l'encontre de l'indu notifié.
Elle explique que le contrôle de la facturation, la notification de payer et la mise en demeure ne concernent que la CPAM de la Charente-Maritime de sorte que l'action en recouvrement est tout à fait légale.
Sur le fond, elle considère qu'en application des articles L.162-1-7, L.162-9 du code de la sécurité sociale, de l'article 5 de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) et du titre 3 de la convention nationale destinée à organiser les rapports entre les sages-femmes et l'assurance maladie du 11 octobre 2007, les séances de préparation psychoprophylactique à l'accouchement dispensées par une sage-femme ne peuvent être prises en charge par l'Assurance maladie que si ces actes sont effectués par une sage-femme exerçant à titre libéral. Elle fait observer qu'en l'espèce, les séances litigieuses ont été dispensées par des sages-femmes salariées de la [3] et en conclut que l'Assurance maladie ne pouvait les prendre en charge. Elle conteste l'existence de toute prise en charge ancienne des actes par la caisse. Elle soutient que le mode de facturation de la clinique, utilisant le bordereau S3404, manque de transparence concernant l'identité des sages-femmes.
La SASU [3], venant aux droits de la Clinique [4], reprenant oralement ses conclusions du 6 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, de débouter la CPAM de la Charente-Maritime de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que la procédure de recouvrement mise en oeuvre par la CPAM est irrégulière en l'absence de mention des dates des versements prétendument indus dans les tableaux annexés à la notification de payer. Elle ajoute qu'aucune pièce n'a été jointe à la mise en demeure. Evoquant les mêmes moyens de droit que la CPAM, elle affirme que l'article R.133-9-1 du code de la sécurité sociale impose que la notification et la mise en demeure comportent les dates des versements indus donnant lieu au recouvrement. Elle estime qu'elle n'avait aucun moyen de vérifier pour les différents actes contrôlés si ceux-ci ont été effectivement facturés durant la période comprise entre le 16 février 2010 et le 30 septembre 2012. Elle prétend qu'elle a ainsi été privée de la possibilité de soulever utilement la prescription du recouvrement. Elle souligne par ailleurs que la procédure de recouvrement a été considérablement modifiée par le décret n°2012-1032, que pour déterminer la procédure à mettre en oeuvre, les caisses doivent retenir le jour de la facturation erronée et que la CPAM aurait donc dû mettre en oeuvre la nouvelle procédure pour les indus facturés à compter du 9 septembre 2012. Elle fait observer que la caisse a mis en oeuvre l'ancienne procédure pour l'ensemble des actes y compris ceux
postérieurs au 9 septembre 2012. Elle en conclut qu'elle a été privée de la possibilité de présenter ses observations sur ce point et notamment de déterminer avec précision les indus qui auraient dû faire l'objet de la nouvelle procédure. Elle indique que la nouvelle procédure est plus favorable que l'ancienne puisqu'elle permet notamment un report de la majoration de 10 % et a rallongé les délais de paiement. Elle estime que la CPAM aurait dû mettre en oeuvre deux procédures distinctes.
Elle fait valoir que la CPAM de la Charente-Maritime ne précise pas pour chaque patiente, la caisse d'assurance maladie concernée et qu'elle a manifestement agi au nom et pour le compte de diverses CPAM. Elle ajoute qu'il n'est justifié d'aucune délégation consentie par les directeurs des autres caisses concernées et considère que l'action menée pour le compte des autres caisses est illégale.
Sur le fond, elle met en avant le principe de la sécurité juridique pour soutenir que la CPAM ne peut pas réclamer aujourd'hui un indu alors que pendant de nombreuses années, elle a procédé à des prises en charges sans contester. Elle rappelle que l'utilisation des bordereaux S3404 résultait d'un accord avec la caisse et que sur la base de cet accord, les bordereaux portaient la mention de la clinique la signature du représentant légal. Elle se fonde sur les articles L.4151-1 du code de la santé publique et L.162-1-7 du code de la sécurité sociale pour exposer que les sages-femmes sont autorisées à pratiquer les actes litigieux sans distinction selon un exercice libéral ou salarié, précisant que ces actes figurent bien à la NGAP de sorte qu'elles doivent être prises en charge par l'Assurance maladie.
A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 10 novembre 2022 prorogée au 24 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la régularité de la procédure de recouvrement
En application de L.133-4 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation, l'action en recouvrement s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations ; qu'en cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie lui adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure de payer dans le délai d'un mois ; que lorsque la mise en demeure reste sans effet, le directeur de l'organisme peut délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, comporte tous les effets d'un jugement ; qu'il se déduit de ces dispositions, seules applicables, que si le professionnel de santé peut saisir la commission de recours amiable d'une contestation contre la notification de payer qui lui est adressée, il lui est également possible d'attendre la notification de la mise en demeure pour contester, devant cette même commission, le bien-fondé de l'indu (2e Civ., 24 janvier 2019, pourvoi n°17-28.849).
Selon l'article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2012-1032 du 7 septembre 2012, la notification de payer prévue à l'article L. 133-4 est envoyée par le directeur de l'organisme d'assurance maladie au professionnel ou à l'établissement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. Elle mentionne l'existence d'un délai d'un mois à partir de sa réception, imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées. Elle informe ce dernier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il sera mis en demeure de payer l'indu avec une majoration de 10 %. Dans le même
délai, l'intéressé peut présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie. En cas de désaccord avec les observations de l'intéressé et en l'absence de paiement dans le délai imparti, le directeur de l'organisme lui adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception la mise en demeure prévue à l'article L. 133-4. Cette mise en demeure comporte la cause, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées, le montant de la majoration de 10 % afférente aux sommes encore dues ainsi que le délai de saisine de la commission de recours amiable prévue à l'article R.142-1.
Le même texte, dans sa rédaction modifiée par le décret n°2012-1032 du 7 septembre 2012, dispose que la notification de payer prévue à l'article L.133-4 est envoyée par le directeur de l'organisme d'assurance maladie au professionnel ou à l'établissement par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette lettre précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées ainsi que les voies et délais de recours. Dans le même délai, l'intéressé peut présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie. A défaut de paiement à l'expiration du délai de forclusion prévu à l'article R. 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l'organisme de sécurité sociale compétent lui adresse la mise en demeure prévue à l'article L. 133-4 par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette mise en demeure comporte la cause, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées ainsi que l'existence du nouveau délai d'un mois imparti, à compter de sa réception, pour s'acquitter des sommes réclamées. Elle mentionne, en outre, l'existence et le montant de la majoration de 10 % appliquée en l'absence de paiement dans ce délai, ainsi que les voies et délais de recours.
Il ressort de la comparaison des deux versions successives du texte que le décret de 2012, d'une part, a porté à deux mois le délai ouvert au professionnel de santé ou à l'établissement concerné pour s'acquitter de l'indu ou présenter des observations, à compter de la réception de la notification de payer, d'autre part, a renforcé le formalisme de celle-ci, la lettre de notification devant préciser les voies et délais de recours, offrant la possibilité au destinataire de saisir la commission de recours amiable d'une contestation contre cette notification.
En revanche, l'article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction avant et après le décret de 2012, apporte des précisions sur les modalités de délivrance et notification de l'indu et de la mise en demeure. Il dispose notamment que tant la notification de payer que la mise en demeure, précisent la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. La régularité de la lettre de notification et de la mise en demeure sont subordonnées à l'indication, suffisamment précise, tant par les mentions qu'elles comportent que par les documents qui y sont joints, des éléments de nature à permettre au destinataire de l'acte de connaître la cause, la nature et l'étendue de son obligation. A cet effet, la nature et le montant de l'indu peuvent être établis par la production d'un tableau récapitulatif (2e Civ., 18 novembre 2010, pourvoi n° 09-16.806). La seule absence de mention relative à la date du ou des versements indus dans la mise en demeure ne suffit pas à entacher celle-ci d'irrégularité, dès lors que le professionnel ou l'établissement de santé a été mis en mesure, par ailleurs, de présenter utilement ses observations (2e Civ., 10 octobre 2019, pourvoi n°18-21.285).
Il est également rappelé que les dispositions du décret n° 2012-1032 du 7 septembre 2012, publié au Journal officiel le 9 septembre 2012, s'appliquent aux indus correspondant à des périodes postérieures à sa date de publication et aux pénalités prononcées à raison de faits commis postérieurement à cette date.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la date des versements indus donnant lieu à recouvrement ne figurait ni dans la notification, ni dans la mise en demeure, ni dans les documents annexes. Cependant, ainsi que le fait justement observer la CPAM de la Charente-Maritime, la Clinique [4] n'a pas été privée de la possibilité de vérifier la prescription puisque :
- la période d'activité contrôlée courait du 16 février 2010 au 30 septembre 2012,
- la notification de l'indu a eu lieu le 18 octobre 2012,
- aux termes de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale, l'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations,
- la date de paiement des sommes indues est nécessairement postérieure à la date de facturation des actes,
- le tableau joint en annexe à la notification de l'indu mentionne la date des soins de chaque acte litigieux,
- en ne réclamant le paiement de l'indu qu'à compter du 16 février 2010, la Clinique [4] était en mesure de vérifier que la prescription triennale de l'action en recouvrement n'était pas acquise au jour de la notification de l'indu.
Par conséquent, l'absence de mention de la date des versements n'a pas privé la Clinique [4] de la possibilité de vérifier la prescription.
Par ailleurs, c'est à tort que la CPAM a appliqué les anciennes dispositions de l'article R. 133-9-1 alors que la période d'activité contrôlée courait du 16 février 2010 au 30 septembre 2012 ((2e Civ., 14 février 2019, pourvoi n°17-31.039). Elle aurait ainsi dû appliquer la nouvelle procédure pour les actes facturés à compter du 10 septembre 2012.
Toutefois, lorsqu'il est saisi d'un recours contre la décision de la commission de recours amiable formé à la suite de la notification de payer un indu en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, il appartient au juge du contentieux de la sécurité sociale de statuer sur le bien-fondé de l'indu. Il est ainsi constant que l'application erronée dans le temps, par l'organisme social, de l'article R.133-9-1 n'entache pas d'irrégularité la notification d'indu fondée sur l'article L.133-4, dès lors que l'intéressé a eu la possibilité de contester l'indu devant une juridiction (2e Civ., 13 octobre 2022, pourvoi n°21-13.202).
En l'espèce, la cour observe que la Clinique [4] aux droits de laquelle vient la [3] a eu la possibilité de saisir la commission de recours amiable puis le tribunal pour contester l'indu réclamé par la CPAM de la Charente-Maritime. L'application erronée dans le temps et reconnue par la CPAM de la Charente-Maritime de l'article R.133-9-1 précité n'a occasionné aucun grief à l'appelante qui a pu faire valoir ses observations auprès du directeur de la CPAM de la Charente-Maritime, auprès de la Commission de recours amiable, qui a eu accès au juge et qui a pu présenter ses observations dans le respect du contradictoire. Il n'y a donc pas lieu d'annuler la procédure de recouvrement de chef.
En outre, aucun élément du dossier ne permet de retenir que la CPAM de la Charente-Maritime agirait pour le compte d'autres CPAM sans aucune délégation de sorte que ce moyen est totalement inopérant.
Enfin, il s'avère que la lettre de notification de l'indu du 18 octobre 2012 précise la période de contrôle (16 février 2010 au 30 septembre 2012), la cause de l'indu (l'impossibilité de facturer des actes réalisés (séances de préparation à l'accouchement) par les sages femmes salariés d'un établissement de santé), le fondement juridique (article 5 de la NGAP, article L.162-9 du code de la sécurité sociale, article L.133-4 du même code), le montant de l'indu (28.366,20 euros) et comporte en annexe un tableau de plusieurs pages mentionnant pour chaque acte incriminé le numéro d'immatriculation, l'identité et la date de naissance du patient, la spécialité, le numéro de l'exécutant, la date des soins, la cotation de l'acte, le coefficient, la base de remboursement et le montant remboursé, autant d'éléments d'information permettant à la Clinique [4] aux droits de laquelle vient la [3] d'identifier et le cas échéant de contester les sommes réclamées et donc de connaître la cause, la nature et le montant des sommes réclamées. La lettre de mise en demeure reprend les mêmes éléments que la lettre de notification en la complétant avec son interprétation de l'article R.162-32-1 du code de la sécurité sociale, étant en outre précisé que la [3] ne démontre pas que le tableau n'aurait pas été joint à la mise en demeure.
Sur le bien fondé de l'indu
Il appartient à l'organisme social qui engage une action en répétition de l'indu fondée, en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, sur la méconnaissance des règles de tarification et de facturation issues de la classification commune des actes médicaux, de rapporter la preuve du caractère indu des sommes versées.
En l'espèce, la [3] se contente d'alléguer que par le passé la CPAM aurait remboursé les actes litigieux sans émettre la moindre protestation, sans produire la moindre pièce en ce sens. Ce moyen est donc inopérant.
Selon l'article L.162-1-7 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige : 'La prise en charge ou le remboursement par l'assurance maladie de tout acte ou prestation réalisé par un professionnel de santé, dans le cadre d'un exercice libéral ou d'un exercice salarié auprès d'un autre professionnel de santé libéral, ou en centre de santé ou dans un établissement ou un service médico-social, ainsi que, à compter du 1er janvier 2005, d'un exercice salarié dans un établissement de santé, à l'exception des prestations mentionnées à l'article L. 165-1, est subordonné à leur inscription sur une liste établie dans les conditions fixées au présent article. L'inscription sur la liste peut elle-même être subordonnée au respect d'indications thérapeutiques ou diagnostiques, à l'état du patient ainsi qu'à des conditions particulières de prescription, d'utilisation ou de réalisation de l'acte ou de la prestation. Lorsqu'il s'agit d'actes réalisés en série, ces conditions de prescription peuvent préciser le nombre d'actes au-delà duquel un accord préalable du service du contrôle médical est nécessaire en application de l'article L. 315-2 pour poursuivre à titre exceptionnel la prise en charge, sur le fondement d'un référentiel élaboré par la Haute Autorité de santé ou validé par celle-ci sur proposition de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie.'
Il n'est pas contesté que les actes litigieux sont inscrits dans la NGAP et qu'en application de l'article L.4151-1 du code de la santé publique, les sages-femmes sont autorisées à pratiquer des séances de préparation à la naissance et à l'accouchement. Le point de désaccord persistant entre les parties est de savoir si un établissement de santé tel que la Clinique [4] pouvait facturer à l'Assurance Maladie des prestations accomplies par les sages-femmes salariées.
Si la convention nationale destinée à organiser les rapports entre les sages-femmes et l'assurance maladie du 11 octobre 2007 ne concerne effectivement que les sages-femmes exerçant à titre libéral, l'article L.162-26 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige prévoyait que 'Les consultations et actes externes, ainsi que ceux réalisés dans un service chargé des urgences d'un établissement de santé mentionné aux a, b et c de l'article L.162-22-6, sont pris en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie dans les conditions prévues aux articles L. 162-1-7 et L. 162-14-1 et dans la limite des tarifs fixés en application de ces articles. Les tarifs des consultations et des actes ainsi fixés servent de base au calcul de la participation de l'assuré, à la facturation de ces prestations aux patients non couverts par un régime de l'assurance maladie et à l'exercice des recours contre tiers.' La cour rappelle que ce texte est inséré dans la sous-section VI 'dispositions diverses' de la section V 'Etablissements de santé' du chapitre II relatif aux 'dispositions générales relatives aux soins et à la prévention' du titre IV du code de la sécurité sociale relatif aux 'dispositions relatives prestations et aux soins-contrôle médical- tutelle aux prestations sociales'. Or, comme le fait justement remarquer la CPAM de la Charente Maritime, la Clinique [4] ne relevait d'aucune des trois catégories visées aux a, b, c de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale.
C'est donc à juste titre que la CPAM de la Charente-Maritime fait valoir qu'il n'existe aucun texte permettant la prise en charge par l'assurance maladie des actes litigieux accomplis par les sages-femmes salariées par la Clinique [4]. Le jugement entrepris doit donc être infirmé en toutes ses dispositions, la cour condamnant en conséquence la [3] à payer à la CPAM de la Charente-Maritime la somme de 28.366,20 euros, montant dont le calcul n'est pas contesté, au titre de l'indu.
La [3] qui succombe doit supporter les dépens d'appel outre les dépens de première instance nés postérieurement au 1er janvier 2019. Enfin, compte tenu de la solution du litige, la [3] ne peut qu'être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement rendu le 1er octobre 2019 par le Pôle social du tribunal de grande instance de La Rochelle en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Condamne la SASU [3] venant aux droits de la Clinique [4] à payer à la CPAM de la Charente-Maritime la somme de 28.366,20 euros correspondant aux honoraires des sages-femmes salariées de l'établissement indûment facturés pour la période du 16 février 2010 au 30 septembre 2012,
Y ajoutant,
Condamne la SASU [3] venant aux droits de la Clinique [4] aux dépens d'appel et aux dépens de première instance nés postérieurement au 1er janvier 2019,
Déboute la SASU [3] venant aux droits de la Clinique [4] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,