Ordonnance n° 71
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08 Décembre 2022
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No RG 22/00063 - No Portalis DBV5-V-B7G-GU2Q
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Société HOIST FINANCE AB (PUBL)
agissant en France par le biais de sa succursale, HOIST FINANCE AB (Publ),
C/
[H] [D]
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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE
RÉFÉRÉ
Rendue publiquement le huit décembre deux mille vingt deux par Mme Estelle LAFOND, conseiller, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Mme Astrid CATRY, greffière placée,
Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le vingt quatre novembre deux mille vingt deux, mise en délibéré au huit décembre deux mille vingt deux.
ENTRE :
Société HOIST FINANCE AB (Publ)
Société Anonyme de droit suédois,
[Adresse 3] - SUEDE
agissant en France par le biais de sa succursale :
HOIST FINANCE AB (Publ),
sise [Adresse 1],
représentée par Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat postulant au barreau de POITIERS -
ayant pour avocat plaidant Me Pierre SIROT de la SELARL RACINE, avocat au barreau de NANTES
DEMANDEUR en référé ,
D'UNE PART,
ET :
Monsieur [H] [D]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Guy DIBANGUE de l'ASSOCIATION RODIER MBDT ASSOCIÉS, avocat au barreau de POITIERS
DEFENDEUR en référé ,
D'AUTRE PART,
Faits et procédure :
Selon acte authentique en date du 30 mars 2007, le CREDIT FONCIER DE FRANCE a consenti à Monsieur [H] [D] et à Madame [N] [Z] épouse [D] un prêt immobilier PRET IMMO PLUS d'un montant de 192 820 euros en vue de financer l'acquisition d'un bien immobilier à usage locatif.
Ledit prêt a été consenti au taux conventionnel de 3,60% l'an et devait faire l'objet d'un remboursement en 300 mensualités de 1 074,80 euros chacune.
En garantie du remboursement, une hypothèque conventionnelle a été inscrite sur ledit bien.
Monsieur et Madame [D] ayant cessé d'honorer le remboursement du prêt à compter de l'échéance du 6 décembre 2014, le CREDIT FONCIER DE FRANCE a diligenté une procédure de saisie immobilière du bien immobilier objet du prêt, lequel a été adjugé par jugement du tribunal de grande instance de Tarascon du 3 avril 2017 pour la somme de 91 000 euros.
Selon ordonnance en date du 12 janvier 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Tarascon a homologué le projet de distribution du prix de vente dudit bien et le CREDIT FONCIER DE FRANCE a obtenu le paiement de la somme de 85 414,96 euros.
Par exploit en date des 19 et 21 avril 2017, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LUSSAC-LES-CHATEAUX, également créancière de Monsieur [H] [D] et Madame [N] [Z] épouse [D], leur a fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière au titre d'un prêt immobilier qu'elle leur avait consenti.
Le commandement a été dénoncé le 9 août 2017 au CREDIT FONCIER DE FRANCE en sa qualité de créancier inscrit sur ledit bien.
Le CREDIT FONCIER DE FRANCE a cédé sa créance à la société HOIST FINANCE selon acte de cession notifié à Monsieur [H] [D] et Madame [N] [Z] épouse [D] les 18 juillet et 20 septembre 2018.
Par jugement en date du 9 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Poitiers a adjugé ledit bien pour la somme de 91 000 euros.
Par ordonnance en date du 2 septembre 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Poitiers a homologué le projet de distribution du prix de vente dudit bien.
La société HOIST FINANCE, créancier hypothécaire de second rang sur le bien litigieux, dont la créance était arrêtée à la somme de 103 977,72 euros, n'a perçu aucune somme dans le cadre de cette répartition.
Le 25 mars 2021, Monsieur [H] [D] a effectué un règlement spontané de 1 140,22 euros entre les mains de la société HOIST FINANCE qui a par la suite confié le recouvrement de sa créance à la société à l'étude CHEZEAUBERNARD, laquelle a consenti à ce que les débiteurs s'acquittent d'un règlement mensuel de l'ordre de 400 euros à compter du 15 mai 2021 et jusqu'au mois de novembre 2021.
L'étude CHAZEAUBERNARD aurait par la suite appris que Monsieur [H] [D] disposait d'un patrimoine important dont il n'aurait pas déclaré l'existence et a, par courrier du 19 août 2021, sollicité qu'il règle la somme de 7 000 euros avant la fin du mois d'août 2021, à défaut de quoi elle engagerait des poursuites sur ses biens immobiliers et les récoltes de son exploitation agricole.
Monsieur [H] [D] a procédé au paiement de ladite somme le 20 septembre 2021.
Par exploit d'huissier en date du 4 février 2022, la société HOIST FINANCE a fait pratiquer une saisie-attribution sur un compte bancaire détenu par Monsieur [H] [D], laquelle lui a été dénoncée selon exploit d'huissier en date du 10 février 2022.
Par exploit en date du 9 mars 2022, Monsieur [H] [D] a fait assigner la société HOIST FINANCE devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Poitiers aux fins de voir notamment et à titre principal :
- le déclarer recevable et bien fondé en sa contestation,
- débouter la société HOIST FINANCE AB de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- déclarer que la mesure d'exécution pratiquée par la société HOIST FINANCE AB venant aux droits de la société CREDIT FONCIER DE FRANCE (SA) à son encontre est abusive et infondée ;
- déclarer que la société HOIST FINANCE AB venant aux droits de la société CREDIT FONCIER DE FRANCE a manqué à son devoir de mise en garde et lui a ainsi causé un préjudice dont il peut se prévaloir ;
- condamner la société HOIST FINANCE AB venant aux droits de la société CREDIT FONCIER DE FRANCE (SA) à lui payer la somme de 146 887,96 euros à titre de dommages et intérêts pour son manquement au devoir de mise en garde ;
- condamner la société HOIST FINANCE AB venant aux droits de la société CREDIT FONCIER DE FRANCE (SA) à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour indisponibilité des fonds pendant la saisie et au titre de son préjudice moral lié à cette indisponibilité et aux tensions en résultant.
Par jugement en date du 27 septembre 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Poitiers a :
- déclaré recevable l'action de Monsieur [H] [D],
- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 4 février 2022 par la société HOIST FINANCE entre les mains du CREDIT AGRICOLE sur les valeurs détenues pour le compte de Monsieur [H] [D] ;
- condamné la société HOIST FINANCE AB à régler à Monsieur [H] [D] 500 euros à titre de dommages et intérêts suite à l'indisponibilité des fonds que cette saisie-attribution a bloqués ;
- déclaré recevable la demande indemnitaire de Monsieur [H] [D] à raison du manquement prétendu de l'auteur de la SA HOIST FINANCE AB à son devoir de mise en garde ;
- condamné la SA HOIST FINANCE AB :
o aux dépens, y inclus ceux inhérents à la saisie-attribution, et en ordonne distraction au profit de Maître [S], avocat à Poitiers, aux conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
o à servir à Monsieur [H] [D] 2 000 euros aux titres combinés des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991, sous la condition que Maître [S] justifie avoir renoncé à percevoir la part contributive de l'Etat.
La société HOIST FINANCE a interjeté appel dudit jugement selon déclaration enregistrée le 7 octobre 2022.
Par exploit en date du 11 octobre 2022, la société HOIST FINANCE a fait assigner Monsieur [H] [D] devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers afin d'obtenir, sur le fondement de l'article R.121-22 du code des procédures civiles d'exécution, le sursis à l'exécution du jugement rendu par juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Poitiers le 27 septembre 2022.
L'affaire, appelée une première fois à l'audience du 10 novembre 2022, a été renvoyée à la demande des parties à l'audience du 24 novembre 2022.
La société HOIST FINANCE fait valoir que le juge de l'exécution aurait commis une violation de l'article 16 du code de procédure civile de nature à entrainer une annulation de son jugement en ce qu'il aurait considéré, sans réouverture des débats sur ce point, que le décompte de créance annexé au procès-verbal de saisie-attribution était contestable et que la créance mise en recouvrement par la société HOIST FINANCE n'était donc pas exigible, alors même que ce moyen n'aurait pas été soulevé par Monsieur [H] [D] et qu'il n'aurait donc pas fait l'objet d'un débat contradictoire et qu'en outre le quantum de la créance avait été fixé définitivement.
La société HOIST FINANCE expose en outre que le juge de l'exécution aurait commis une erreur d'appréciation en considérant que la saisie-attribution pratiquée l'aurait été en violation d'un échéancier qu'elle avait accordé à Monsieur [H] [D], alors même qu'il résulterait des pièces versées aux débats que ledit échéancier aurait été provisoire et que la saisie-attribution aurait été pratiquée après son expiration. La société HOIST FINANCE soutient ainsi que la saisie pratiquée le 4 février 2022 était régulière.
Monsieur [H] [D] s'oppose à la demande de sursis à exécution de la société HOIST FINANCE.
Il expose que la société HOIST FINANCE est mal fondée à solliciter un suris à exécution en ce qu'elle ne justifie d'aucun moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée.
Il fait ainsi valoir que le juge n'est pas tenu d'inviter les parties à présenter leurs observations lorsqu'il vérifie l'absence ou la réunion des conditions d'application de la règle invoquée.
Il soutient en outre que l'échancier accordé ne présentait pas un caractère provisoire et que la société HOIST FINANCE les versements qui ont été opérés en exécution dudit échéancier.
Monsieur [H] [D] sollicite la condamnation de la société HOIST FINANCE à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Motifs :
L'article R.121-22 du code des procédures civiles d'exécution dispose qu'« en cas d'appel, un sursis à l'exécution des décisions prises par le juge de l'exécution peut être demandé au premier président de la cour d'appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s'il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée.
Jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n'a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure.
Le sursis à exécution n'est accordé que s'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour.
L'auteur d'une demande de sursis à exécution manifestement abusive peut être condamné par le premier président à une amende civile d'un montant maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés.
La décision du premier président n'est pas susceptible de pourvoi ».
La société HOIST FINANCE fait valoir que le juge de l'exécution aurait commis une violation de l'article 16 du code de procédure civile de nature à entraîner une annulation de son jugement en considérant, sans réouverture des débats sur ce point, que le décompte de créance annexé au procès-verbal de saisie-attribution était contestable et que la créance mise en recouvrement par la société HOIST FINANCE n'était donc pas exigible, alors même que ce moyen n'aurait pas été soulevé par Monsieur [H] [D] et n'aurait donc fait l'objet d'aucun débat contradictoire.
A la lecture du jugement, il apparaît que le juge de l'exécution s'est contenté de vérifier les conditions d'application de la règle de droit invoquée sur la base des pièces qui lui ont été soumises, sans introduire de nouveaux moyens, de sorte qu'il n'était pas tenu d'inviter les parties à présenter des observations supplémentaires par rapport à celles qu'elles ont présentées à l'audience. Il en résulte que le principe du contradictoire a été respecté.
La société HOIST FINANCE soutient en outre que le juge de l'exécution aurait commis une erreur d'appréciation en considérant que la saisie-attribution pratiquée l'aurait été en violation d'un échéancier qu'elle avait accordé à Monsieur [H] [D], alors même qu'il résulterait des pièces versées aux débats que ledit échéancier aurait été provisoire et que la saisie-attribution aurait été pratiquée après son expiration.
En l'espèce, il y a lieu de constater qu'aucun des éléments versés aux débats ne permet de retenir que l'échéancier accordé n'aurait été que provisoire, dans la mesure où la société HOIST FINANCE a continué à percevoir les sommes en exécution de cet échancier postérieurement au mois de novembre 2021, date à laquelle elle estime que l'échéancier accordé aurait pris fin.
Au regard de ces éléments, il convient de considérer que les moyen soulevés par la société HOIST FINANCE ne parraîssent pas sérieux.
Par conséquent, la société HOIST FINANCE AB sera déboutée de sa demande de sursis à exécution du jugement rendu par juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Poitiers le 27 septembre 2022 .
Succombant à la présente instance, la société HOIST FINANCE AB sera condamnée à payer la somme de 1 000 euros à Monsieur [H] [D] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Décision :
Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire :
Déboutons la société HOIST FINANCE AB de sa demande de sursis à exécution du jugement rendu par juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Poitiers le 27 septembre 2022 ,
Condamnons la société HOIST FINANCE AB à payer la somme de mille euros (1 000 €) à Monsieur [H] [D] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la société HOIST FINANCE AB aux dépens de l'instance.
Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.
La greffière, Le conseiller,
Astrid CATRY Estelle LAFOND