Ordonnance n°
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08 Décembre 2022
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No RG 22/00066 - No Portalis DBV5-V-B7G-GU7M
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Société PHARMACIE DE L'AUNIS
C/
[S] [D] VEUVE [Z]
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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE
RÉFÉRÉ
Rendue publiquement le huit décembre deux mille vingt deux par Mme Estelle LAFOND, conseiller, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Mme Astrid CATRY, greffière placée,
Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le vingt quatre novembre deux mille vingt deux, mise en délibéré au huit décembre deux mille vingt deux.
ENTRE :
PHARMACIE DE L'AUNIS
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Sonia SANZALONE de la SELARL CABINET SANZALONE, avocat au barreau de PARIS
DEMANDEUR en référé ,
D'UNE PART,
ET :
Madame [S] [D] VEUVE [Z]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Amélie GUILLOT substituant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
DEFENDEUR en référé ,
D'AUTRE PART,
Faits et procédure :
Suivant acte sous seing privé en date du 20 mars 1998, Madame [S] [D] et Monsieur [E] [Z] ont donné à bail commercial à Madame [F] [P] un ensemble immobilier situé à [Localité 6].
Madame [F] [P] a cédé le fonds de commerce à la SELARL PHARMACIE NOUVELLE.
Le fonds et le bail commercial ont ensuite été cédés à la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS dont le gérant est Monsieur [K] [W], selon acte sous seing privé en date du 28 février 2008.
La cession du fonds a été signifiée au bailleur par huissier le 14 avril 2008.
Par acte d'huissier en date du 13 juin 2018, Madame [S] [D], veuve [Z], a fait assigner la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS devant la présidente du tribunal judiciaire de La Rochelle, statuant en référé, aux fins notamment de voir constater la résiliation du bail à usage commercial à compter du 21 mai 2018 pour défaut de paiement du loyer et de voir condamner la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS à lui verser la somme de 10 293,24 euros à titre de provision à valoir sur la dette locative.
Selon ordonnance en date du 18 décembre 2018, le juge des référés a donné acte à Madame [S] [D] de ce qu'elle se désistait de ses demandes, les loyers ayant été pris en charge par le créancier inscrit, et a condamné la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS à payer à Madame [S] [D] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par exploit en date du 18 septembre 2018, la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS a fait assigner Madame [S] [D] devant le juge des référés de La Rochelle aux fins notamment de voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire, arguant que les locaux seraient vétustes et qu'ils ne satisferaient aux exigences de conformité imposées par la loi.
Selon ordonnance en date du 18 décembre 2018, le juge des référés a fait droit à la demande d'expertise de la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS.
Par exploit en date du 2 janvier 2020, Madame [S] [D] a fait assigner la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS devant le tribunal judiciaire de La Rochelle aux fins de voir :
- constater la résiliation de plein droit du bail à usage commercial consenti le 20 février 1998 à Madame [F] [P] et repris par la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS lors de l'acquisition du fonds suivant acte du 31 mars 2008, depuis le 19 décembre 2019,
- en conséquence, ordonner son expulsion ainsi que celle de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;
- condamner la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS au paiement, à titre de provision à valoir sur la dette locative de novembre 2018 à décembre 2019, de la somme de 24 017, 56 euros (1 715,54 euros x 14) et au règlement d'une indemnité d'occupation à compter du 22 décembre 2019 d'un montant de 1 715,54 euros par mois jusqu'à parfaite libération des lieux ;
- rappeler que la décision à intervenir bénéficie de l'exécution provisoire ;
- condamner la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS au paiement de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS aux entiers dépens.
Selon ordonnance en date du 4 août 2020, le tribunal a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail commercial à la date du 22 décembre 2019,
- ordonné l'expulsion de la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente ordonnance, avec, au besoin, le concours de la force publique ;
- condamné la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS à payer à Madame [S] [D] la somme provisionnelle de 34 310,80 euros toutes taxes comprises au titre des loyers et indemnités d'occupation de novembre 2018 à juin 2020, outre la somme de 1 715,54 euros par mois à titre d'indemnité d'occupation à compter de juillet 2020 et jusqu'à départ effectif de la pharmacie ;
- débouté ou renvoyé les partie à mieux se pourvoir sur le reste.
Par arrêt en date du 23 mars 2021, la cour d'appel de Poitiers a infirmé l'ordonnance rendue le 4 août 2020 par le juge des référés du tribunal judiciaire de La Rochelle en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail et ordonné la consignation des loyers sur le compte séquestre du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de la Rochelle.
La SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS indique que malgré l'intervention de l'ARS et de la Mairie, Madame [S] [D] n'a pas fait procéder à l'ensemble des travaux de mise en conformité les locaux.
La SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS indique avoir notifié à Madame [S] [D] selon lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 octobre 2021, qu'elle ne renouvellerait pas le bail commercial mais qu'elle entendait poursuivre l'occupation des lieux via un bail précaire dans l'attente du déménagement de la pharmacie.
Par exploit en date du 25 mai 2022, Madame [S] [D] a fait assigner la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS devant le juge des référés tribunal judiciaire de La Rochelle aux fins de voir :
- constater que la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS a donné congé à Madame [S] [D] pour le 30 avril 2022,
- constater que la bail est arrivé à son terme le 30 avril 2022 ;
- constater que le locataire est occupant sans droit ni titre depuis le 1er mai 2022 ;
En conséquence :
- condamner la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS à payer à Madame [S] [D] une indemnité d'occupation mensuelle depuis le 1er mai 2022 équivalente au montant du dernier loyer soit 1 715,54 euros jusqu'à son départ effectif ;
- ordonner l'expulsion de la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS ainsi que celle de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;
- rappeler que la décision à intervenir bénéficie de l'exécution provisoire de droit ;
- condamner la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS aux entiers dépens.
L'affaire a été appelée à l'audience du 28 juin 2022.
Par courrier reçu au greffe en date du 22 juin 2022, le conseil de la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS a sollicité le renvoi de l'affaire au motif qu'elle était en arrêt de travail.
L'affaire a été retenue et par ordonnance en date du 12 juillet 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de La Rochelle a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 30 août 2022, rappelant à la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS qu'il lui appartenait de désigner un avocat postulant d'un barreau du ressort de la cour d'appel de Poitiers avant cette date.
Par courrier en date du 19 août 2022, le conseil de la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS a réitéré sa demande de renvoi compte-tenu de la prolongation de son arrêt maladie.
Selon ordonnance en date du 27 septembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de La Rochelle a :
- renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles en aviseront,
- constaté que la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS n'est pas représentée dans le cadre de la présente instance par un avocat ayant la capacité de le faire ;
- constaté la résiliation de plein droit du bail commercial liant les parties par l'effet du congé délivré par la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS à effet du 30 avril 2022 ;
- constaté que la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS est occupant sans droit ni titre depuis le 1er mai 2022 ;
- dit que la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS devra libérer l'ensemble immobilier situé à [Adresse 5] à [Localité 6] dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;
Passé ce délai, ordonné son expulsion de celle de tout occupant de son chef avec le concours de la force publique ;
- fixé à titre provisionnel, à la charge de la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS au bénéfice de Madame [S] [D] une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant égal à celui du loyer précédemment dû, soit 1 715,54 euros à compter du 1er mai 2022 et jusqu'à son départ effectif des lieux ;
- ordonné la consignation par la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS de l'indemnité mensuelle provisionnelle d'occupation de 1 715,54 euros due à compter du 1er mai 2022 et jusqu'à son départ effectif des lieux sur un compte CARPA ;
- condamné la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS à payer à Madame [S] [D] une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS aux dépens de l'instance ;
- rappelé que la présente ordonnance est de droit exécutoire à titre provisoire.
La SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS a interjeté appel de ladite ordonnance selon déclaration enregistrée le 14 octobre 2022.
Par exploit en date du 20 octobre 2022, la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS a fait assigner Madame [S] [D] devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers aux fins d'obtenir, sur le fondement de l'article 524 du code de procédure, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2020, l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de La Rochelle le 27 septembre 2022
L'affaire, appelée une première fois à l'audience du 27 octobre 2022, a été renvoyée à l'audience du 24 novembre 2022.
Lors de l'audience, après interrogation de la présidente, les parties ont convenu que la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement dont appel relèvait des dispositions de l'article L.514-3 du code de procédure civile, fondement qui sera donc substitué à celui initialement invoqué par la demanderesse.
La SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS expose qu'elle était non comparante lors de l'audience du 12 juillet 2022 et que les pièces sur lesquelles Madame [S] [D] a fondé ses prétentions ne lui ont pas été communiquées, de sorte que le tribunal aurait violé le principe du contradictoire.
Elle soutient encore que la juridiction aurait reformulé les demandes de la bailleresse afin de justifier de l'absence de constitution d'un avocat postulant et de ne pas tenir compte de la demande de renvoi émanant de son conseil, en violation de l'article 12 du code de procédure civile.
La SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS fait en outre valoir que l'ordonnance de référé encourrait la nullité en ce que l'assignation n'aurait pas été dénoncée aux créanciers inscrits alors que Madame [S] [D] sollicitait l'expulsion de son locataire.
Elle soutient enfin avoir continué à verser sur le compte séquestre du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de La Rochelle, après le 30 avril 2022, la somme demandée en application de l'arrêt du 23 mars 2021, sans opposition de la bailleresse, de sorte qu'un bail précaire lierait les parties depuis le 1er mai 2022.
La SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS soutient que l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé aurait pour elle des conséquences manifestement excessives.
Elle expose ainsi qu'en cas d'expulsion, elle perdrait la valeur de son fonds de commerce et se retrouverait dans l'obligation de rembourser ses créanciers sans toutefois pouvoir céder son fonds de commerce.
Elle sollicite la condamnation de Madame [S] [D] à lui payer la somme 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [S] [D], veuve [Z], s'oppose à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire assortissant l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de La Rochelle le 27 septembre 2022.
Elle fait valoir que la PHARMACIE DE L'AUNIS ne justifie d'aucun moyens sérieux d'annulation ou de réformation de l'ordonnance dont appel et qu'elle ne démontre pas l'existence de conséquences manifestement excessives qu'auraient pour elle l'exécution provisoire de ladite décision.
Elle sollicite la condamnation de la PHARMACIE DE L'AUNIS à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Motifs :
La PHARMACIE DE L'AUNIS sollicite la suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de La Rochelle le 27 septembre 2022.
L'article 514-3 du code de procédure civile prévoit qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Il en découle que l'arrêt de l'exécution provisoire est subordonné à la réalisation des deux conditions, cumulatives, suivantes : la démonstration de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision qui en est assortie, et la justification de ce que l'exécution de cette décision risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Par ordonnance en date du 21 septembre 2022, le tribunal judiciaire de La Rochelle a notamment constaté la résiliation de plein droit du bail commercial liant les parties par l'effet du congé délivré par la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS à l'effet du 30 avril 2022, dit que cette dernière était occupante sans droit ni titre depuis le 1er mai 2022 et fixé, à titre provisionnel, l'indemnité d'occupation mensuelle au montant du loyer précédemment dû, soit à la somme de 1 715,54 euros.
Il appartient à la partie en demande d'établir que l'exécution du jugement en cause aurait pour elle des conséquences manifestement excessives.
En l'espèce, il convient de constater que la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS a donné son congé à l'effet du 30 avril 2022 en sorte que l'exécution de l'ordonnance, en ce qu'elle a prononcé la résiliation du bail et dit que la SELARL PARMACIE DE L'AUNIS devra libérer les lieux dans un délai d'un mois à compter de sa signification, ne risque pas d'entraîner des conséquences manifestement excessives, l'expulsion prononcée étant attachée au constat de l'absence de droit et de titre à occuper ledit bien.
Les conditions d'application de l'article 514-3 du code de procédure civile étant cumulatives, faute pour la PHARMACIE DE L'AUNIS de rapporter la preuve de l'existence de conséquences manifestement excessives à l'exécution provisoire de la décision litigieuse, il n'y a pas lieu d'examiner l'autre condition liée aux moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision litigieuse, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire sera rejetée.
Partie succombante à la présente instance de référé, la PHARMACIE DE L'AUNIS en supportera les dépens et sera condamnée à payer la somme de 1 500 euros à Madame [S] [D], veuve [Z].
Décision
Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence, statuant en matière de référé par délégation de la première présidente, par mise à disposition au greffe et par ordonnance contradictoire,
Déboutons la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de La Rochelle ;
Condamnons la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS à verser à Madame [S] [D], veuve [Z], une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la SELARL PHARMACIE DE L'AUNIS aux dépens de l'instance.
Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.
La greffière, La conseillère,
Astrid CATRY Estelle LAFOND