ARRET N°600
N° RG 21/00363 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GF3K
commune de [Localité 12]
C/
[J]
[U] ÉPOUSE [W]
[F]
[R]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00363 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GF3K
Décision déférée à la Cour : jugement du 15 décembre 2020 rendu par le Tribunal de Grande Instance de POITIERS.
APPELANT :
commune de [Localité 12]
[Adresse 4]
[Localité 12]
ayant pour avocat Me Hervé PIELBERG de la SCP KPL AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS
INTIMES :
Monsieur [A] [W]
né le 24 Mai 1942 à [Localité 13]
[Adresse 1]
[Localité 12]
Madame [D] [U] épouse [W]
née le 14 Octobre 1947 à [Localité 14]
[Adresse 1]
[Localité 12]
ayant tous les deux pour avocat Me Carl GENDREAU, avocat au barreau de POITIERS
Monsieur [V] [F]
né le 16 Janvier 1952 à
[Adresse 7]
[Localité 11]
Madame [Z] [R] épouse [F]
[Adresse 6]
[Localité 11]
ayant tous les deux pour avocat Me Marion LE LAIN de la SCP DROUINEAU-LE LAIN-VERGER-BERNARDEAU, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 17 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
- Contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [A] [W] et Mme [D] [U] épouse [W] sont propriétaires d'un immeuble d'habitation situé commune de [Localité 12], la parcelle sur laquelle il est édifié étant surplombée par la propriété de M. [V] [F] et Mme [Z] [R] épouse [F].
En septembre 2014, un talus s'est effondré sur le terrain appartenant à M. et Mme [W], ce qui les a amenés à solliciter une expertise judiciaire aux fins de déterminer les causes de l'effondrement ainsi que la nature et le coût des travaux nécessaires à la remise en état de leur propriété, expertise ordonnée par le juge des référés le 27 mai 2015, étendue à la commune de [Localité 12] par ordonnance du 20 avril 2016 et confiée à M. [B] qui a déposé son rapport le 5 septembre 2016.
Parallèlement, par exploit du 15 février 2016, M. et Mme [W] ont sollicité l'organisation d'une expertise aux fins de bornage des propriétés respectives des parties, le tribunal d'instance ayant renvoyé par décision du 18 décembre 2016, l'affaire devant le tribunal de grande instance de POITIERS aux fins qu'il soit statué sur la question de la propriété d'un chemin.
M. et Mme [W] sollicitaient en l'état de leurs dernières écritures, de voir dire et juger que la commune de [Localité 12] est propriétaire du chemin, de débouter cette dernière de ses demandes, de débouter M. et Mme [F] de leurs prétentions tendant à voir dire et juger qu'ils ne sont pas propriétaires du talus litigieux contigu à leur propriété, de condamner la commune de [Localité 12] à payer la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de leur conseil.
Par décision avant-dire droit du 6 novembre 2018, le tribunal, considérant que les trois parties en cause étaient opposées relativement à la propriété d'un chemin et du talus qui s'était effondré sur la propriété des demandeurs, a ordonné une expertise finalement confiée à Mme [T].
Suite au dépôt du rapport d'expertise judiciaire, M. et Mme [W] concluaient à voir juger que le chemin et le talus sont la propriété de la commune de [Localité 12], à condamner cette dernière à leur payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens comprenant les frais d'expertise dont distraction au profit de leur conseil.
M. et Mme [F] concluaient à voir constater qu'ils sont propriétaires de la parcelle cadastrée AT numéros [Cadastre 2] et [Cadastre 3] sur la commune de [Localité 12], qu'ils ne sont pas propriétaires du talus litigieux contigü à leur propriété, à voir constater que le dernier propriétaire connu est la commune de [Localité 12], à voir dire et juger que la propriété des époux [W] s'arrête au pied du talus aujourd'hui indéfinissable puisqu'une partie du talus s'est effondrée, que leur propriété s'arrête à leur borne, que entre les deux limites l'ensemble de la zone est communale, au débouté des demandes formulées par la commune de [Localité 12], à la condamner ou toute partie succombante à leur payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La commune de [Localité 12], aux termes de ses dernières écritures, concluait à voir constater qu'il n'existe aucun chemin séparant les propriétés des consorts [F] et [W], subsidiairement à le voir qualifier de chemin d'exploitation, plus subsidiairement à voir dire que les consorts [F] et [W] ont acquis la propriété du chemin par prescription, en toute hypothèse à les débouter de leurs demandes, à les condamner solidairement à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens comprenant les frais de référé et de l'incident.
Par jugement contradictoire en date du 15/12/2020, le tribunal judiciaire de POITIERS a statué comme suit :
'Dit que le talus et l'ancien chemin, contigus aux parcelles situées communes de [Localité 12] cadastrées d'une part section AT [Cadastre 2] et [Cadastre 3] appartenant à M. [V] [F] et Mme [Z] [R] son épouse et d'autre part section AT numéro [Cadastre 5] appartenant à M. [A] [W] et Mme [D] [U], tels que délimités, appartiennent à la commune de [Localité 12].
Rejette les autres demandes.
Condamne la commune de [Localité 12] aux dépens et dit que Me Gendreau pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile'.
Le premier juge a notamment retenu que :
- sur la propriété de la parcelle litigieuse, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que lors de l'établissement des limites de la propriété appartenant aujourd'hui à M. et Mme [F], en 1984, le géomètre n'avait pas considéré cette propriété comme riveraine de celle de M. et Mme [W].
- l'espace situé entre les propriétés de M. et Mme [W] et de M. Mme [F] n'est ni aménagé ni utilisé par les parties, constitué d'une zone visiblement abandonnée et non occupée.
- M. et Mme [W] entretiennent leur terrain jusqu'au pied du talus et M. Mme [F] entretiennent le leur jusqu'en haut du talus, ayant construit un mur à l'intérieur de leur propriété.
- entre les deux propriétés, il existe une zone où sont encore visibles les traces d'un ancien chemin, qui avec le temps et le non usage est de moins en moins visible sur le terrain.
- l'expert est d'avis que cet ancien chemin ne peut être considéré comme un chemin d'exploitation au vu de la configuration du terrain dans la mesure où il ne dessert pas les parcelles attenantes pour leur utilisation.
Elle estime qu'il ne peut être davantage considéré comme un chemin rural faute de titre ou de registre l'établissant.
- ce chemin peut être considéré comme une voie communale dès lors que l'espace est clairement identifié comme une voie sur le plan napoléonien, la liaison étant visible comme une voie de circulation ce qui lui donne un caractère public.
Elle en conclut que le caractère juridique du chemin, soit comme domaine privé de la commune, soit comme voie publique, reste à déterminer.
- les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre différents fonds ou à leur exploitation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce du fait de l'existence du talus.
- la prescription acquisitive ne peut être invoquée que par celui qui se prétend propriétaire comme le dispensant de justifier d'un titre.
- ce chemin n'est pas la propriété des consorts [W], ni celle des consorts [F] mais celle de la commune de [Localité 12], et il n'appartient pas à la présente juridiction d'en déterminer la nature précise, domaine public ou domaine privé.
LA COUR
Vu l'appel en date du 02/02/2021 interjeté par la commune de [Localité 12]
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 06/09/2022, la commune de [Localité 12] a présenté les demandes suivantes :
'Vu les articles L 161-2 et suivants, L 162 et suivants, D 162-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime,
Réformer la décision entreprise en ses chefs de jugement critiqués,
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
Constater, dire et juger qu'il n'existe aucun chemin séparant les propriétés appartenant aux consorts [F] et [W], sises commune de [Localité 12] et cadastrées section AT n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3], et AT n° [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 5].
A titre subsidiaire,
Si d'aventure la cour devait estimer qu'il existait un chemin, dire que celui-ci n'est pas un chemin rural appartenant au domaine privé de la Commune de [Localité 12], et le cas échéant le qualifier de chemin ou sentier d'exploitation,
Dire que le talus n'appartient pas à la commune de [Localité 12]
A titre encore plus subsidiaire,
Si par extraordinaire la Cour devait qualifier le chemin de chemin rural, dire que les consorts [F] et [W] l'ont acquis par prescription.
En tout état de cause,
Débouter les consorts [F] et [W] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
Condamner solidairement les époux [W] et [F] à verser à la commune de [Localité 12] la somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance, et les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens de 1 ère instance, lesquels comprendront ceux du référé et de l'incident.
Y ajoutant,
Condamner solidairement les consorts [W] et [F] à verser à la commune de [Localité 12] la somme de 4.000 € pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel, et les condamner sous la même solidarité aux dépens d'appel'.
A l'appui de ses prétentions, la commune de [Localité 12] soutient notamment que :
- la propriété des époux [F] surplombe celle des époux [W], propriétés qui sont séparées par un talus comportant un très fort dénivelé
- au mois de septembre 2014, suite à de fortes pluies, le talus séparant la propriété des consorts [W] de celle des époux [F], s'est effondré.
- les intimés s'appuyaient sur le cadastre napoléonien faisant apparaître une voie, pour soutenir qu'il existerait un chemin qui appartiendrait au domaine privé de la commune, mais cette voie suit un tracé différent de celui aujourd'hui invoqué.
- il sera dit que la commune de [Localité 12] ne peut être propriétaire d'aucun chemin séparant les propriétés appartenant aux consorts [F] et [W].
- à titre subsidiaire, le chemin serait un chemin d'exploitation, étant précisé qu'il ne relève pas de la compétence du juge judiciaire de statuer sur l'appartenance d'un bien au domaine public.
- le débat doit donc être circonscrit à la question suivante relativement à la commune de [Localité 12] : existe-t-il un chemin rural appartenant au domaine privé de cette collectivité '
- si chemin il devait y avoir, celui-ci serait nécessairement un chemin ou un sentier d'exploitation.
Le premier juge a écarté l'existence d'un chemin rural, ce qui doit être confirmé.
- l'affectation à l'usage du public constitue donc le critère de détermination de l'existence d'un chemin rural et il est impératif qu'il y ait une circulation générale et continue.
En l'absence de preuve de l'utilisation par le public aux fins de circulation générale et continue, et en l'absence de tout acte de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale, il n'y a pas de chemin rural.
- en l'espèce, le chemin litigieux s'il devait exister ne saurait être considéré comme étant un chemin rural.
Matériellement, la « trace du chemin » retenue par l'expert judiciaire empêche, au regard de son étroitesse, de retenir l'existence d'un chemin rural. En outre, ce « chemin » n'est pas affecté à l'usage du public.
Le « chemin », pas plus que le talus, n'est pas accessible au public, et seuls ses
riverains peuvent l'emprunter.
Ce « chemin », ainsi que le talus ne sont pas en outre pas classés dans les chemins ruraux, ils ne sont pas inscrits au plan départemental des itinéraires de promenades et de randonnées.
La commune n'accomplit aucun acte de surveillance ou de voirie sur ce chemin, ni sur le talus.
- le bornage du 26 octobre 1985 n'a absolument pas été réalisé au contradictoire de la commune de [Localité 12] sur la façade [W].
- le trait discontinu apparaissant sur le cadastre représente non un chemin rural, mais un chemin d'exploitation.
- sur la reconnaissance de propriété par la collectivité, cet argument a d'ores et déjà été écarté par le tribunal de grande instance dans son jugement avant-dire droit du 6 novembre 2018 revêtu de l'autorité de la chose jugée décidant que 'cette lettre ne saurait donc avoir quelque incidence juridique que ce soit'. Il n'y a eu aucun aveu de la commune de [Localité 12].
- le «chemin» et le talus ne sont pas un chemin rural appartenant à la commune de [Localité 12], et n'appartiennent pas à son domaine privé.
- si la cour devait estimer que le chemin litigieux était un chemin rural, il ne pourrait qu'être dit que les consorts [F] et [W] l'ont acquis par usucapion.
- un chemin très étroit, très sinueux qui n'avait fait l'objet d'aucun entretien et qui est utilisé uniquement par les exploitants des parcelles qui avaient façade constitue un chemin d'exploitation, soit une voie de caractère privé, qui relie un chemin public au fonds d'un tiers en traversant celui de son voisin, et qui dessert les 2 héritages, et non un chemin rural.
Il n'existe aucun accès ouvert au public, notamment par la [Adresse 15].
Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 07/09/2022, M. [A] [W] et Mme [D] [U] épouse [W] ont présenté les demandes suivantes :
'Vu les articles L 161-1 et suivants du code rural
Vu les articles 2261 et 2272 du code civil
Vu les articles 696. 699 et 700 du code de procédure civile
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Poitiers en date du 15 décembre 2020
Débouter la commune de [Localité 12] de l'ensemble de ses conclusions
Condamner la commune de [Localité 12] à verser à M. et Mme [W] la somme de 4000 au titre des frais irrépétibles
Condamner la commune de [Localité 12] aux entiers dépens avec distraction au bénéfice de Maître Carl Gendreau dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile'.
A l'appui de leurs prétentions, M. [A] [W] et Mme [D] [U] épouse [W] soutiennent notamment que :
- les traces du chemin demeurent visibles selon l'expert, ce que relevait également M. [B].
- le plan cadastral avant ainsi que la carte IGN de 1950 établissent que le chemin litigieux était une "voie de passage" ouverte au public.
- le chemin litigieux appartenait, au moins à l'époque de ce plan cadastral avant 1971 et carte IGN de 1950, à la commune de [Localité 12] comme le relève le juge des référés par son ordonnance du 20 avril 2016.
- la commune de [Localité 12] a dans un courrier en date du 23 juin 2015 admis elle-même avoir été propriétaire du chemin litigieux.
- la commune n'établit pas le transfert de cette propriété.
- si la commune de [Localité 12] a sans doute délaissé le chemin litigieux, le délaissement d'un chemin n'emporte nullement le transfert de sa propriété par usucapion non établie.
- il s'agit d'un chemin rural appartenant au domaine privé de la commune.
- la domanialité privée ou publique du chemin et du talus litigieux n'importe aucunement en l'espèce.
- nonobstant le défaut d'inscription du chemin sur le plan départemental des itinéraires de promenades ou de randonnées, c'est par définition et plus précisément aux termes des articles L 161-1 et L 161-2 du code rural qu'un chemin rural est "affecté à l'usage du public" et que "l'affectation à l'usage du public est présumée notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage"
- un chemin rural ne perd nullement sa qualité de chemin rural si, comme en l'espèce, il a cessé d'être une voie de passage et notamment "s'il a cessé d'être utilisé et entretenu".
- la commune de [Localité 12] était présente aux opérations de bornage" amiable de la propriété de M. et Mme [F], M. et Mme [W] n'y ont même pas été convoqués de sorte qu'il était déjà acquis que la propriété de ces derniers et celle de M. et Mme [F] ne sont pas attenantes.
- le chemin litigieux n'est pas un chemin d'exploitation du fait de sa configuration, tel que retenu par le tribunal, alors que le plan cadastral avant 1971 ainsi que la carte IGN de 1950établissent sans conteste que le chemin litigieux était une "voie de passage'.
- le chemin litigieux est représenté non par un "trait discontinu" mais par un trait continu sur le plan cadastral avant 1971, le plus ancien et donc celui probant.
Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 18/08/2022, M. [V] [F] et Mme [Z] [R] épouse [F] ont présenté les demandes suivantes :
'Vu les articles 544 et suivants du code civil,
CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal judiciaire de POITIERS en date du 15 décembre 2020 RG 17/00195.
DÉBOUTER la Commune de [Localité 12] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
CONDAMNER la Commune de [Localité 12] ou toute autre partie succombante au paiement de la somme de 4.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens y compris les frais d'expertise'.
A l'appui de leurs prétentions, M. [V] [F] et Mme [Z] [R] épouse [F] soutiennent notamment que :
La commune de [Localité 12] reconnaît avoir été propriétaire du chemin et indique avoir rétrocédé ce chemin.
- les actes de propriété des époux [F] ne mentionnent pas l'existence de ce chemin sur leur parcelle et le jugement doit être confirmé.
- l'expert a relevé les traces d'un ancien chemin qui ne peut être utilement contesté, même s'il n'est plus utilisé.
- les époux [F] ont acquis le lot B constitué des parcelles AT [Cadastre 2] et [Cadastre 3] d'une contenance de 20 ares, tel que cela a été repris dans l'acte de vente et ils ne sont pas propriétaires du talus.
- il apparaît très clairement sur le cadastre actuel l'emprise de ce chemin dont l'amorce débute [Adresse 15], qui n'est pas numéroté.
C'est à juste titre que le tribunal a jugé que le talus appartenait à la commune.
- sur la qualification du chemin, sont qualifiés de chemin d'exploitation ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds ou à leur exploitation et en l'espèce, la pente du talus empêche la possibilité d'une telle communication, le chemin n'ayant pas fonction de desserte.
- M. et Mme [F] avaient installé quelques marches en raison de la pente pour seulement entretenir la végétation très envahissante du talus à la limite du grillage, pleine de nuisibles tels que des serpents, alors qu'ils ont clôturé leur propriété 50 cm à l'intérieur.
- il n'y a pas usucapion, car le talus et le chemin n'ont absolument pas été occupés par les époux [F], qu'ils sont abandonnés, et seul le possédant peut invoquer à son bénéfice la prescription acquisitive de propriété, d'autant que le tribunal a déjà statué sur ce point le 6 novembre 2018, décision ayant autorité de chose jugée.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 08/09/2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la propriété de la parcelle litigieuse :
Par jugement avant dire droit en date du 06/11/2018, le tribunal de grande instance de POITIERS a ordonné une mesure d'expertise judiciaire, considérant d'une part que la lettre de la commune en date du 23 juin 2015 était sans incidence juridique, que les actes authentiques communiqués ne fournissent aucun renseignement sur la propriété du chemin et du talus, et que le plan de bornage communiqué par M. et Mme [F] n'était pas contradictoire, alors que la prescription acquisitive ne pouvait être invoquée que par celui qui se prétend propriétaire.
Toutefois, seul le dispositif de cette décision ordonnant une mesure d'expertise est revêtu de l'autorité de la chose jugée.
Il ressort désormais du rapport d'expertise judiciaire déposé :
' Analyse de l'expert et réponses aux questions de la mission :
Sur le terrain, l'espace situé entre les propriétés de M. Mme [W] et M. Mme [F] n'est ni aménagé ni utilisé par les parties. C'est une zone abandonnée. M. Mme [W] entretiennent leur terrain jusqu'au pied du talus. M. Mme [F] entretiennent leur terrain jusqu'au haut du talus. La non occupation de cette zone par les époux [F] et [W] est visible.
Entre les deux propriétés, il existe une zone où sont encore visibles les traces d'un ancien chemin (voir annexe n°6) qui, avec le temps et le non usage est de moins en moins visible sur le terrain.
Cette zone peut être étudiée sous plusieurs angles.
1- La considérer comme chemin d'exploitation : aucun élément de preuve n'a été transmis certifiant le caractère privé du chemin (titre ou autre éléments...). On ne peut le considérer comme tel, au vue de la configuration du terrain, dans la mesure où un chemin d'exploitation dessert les parcelles attenantes pour l'utilisation
2- La considérer comme chemin rural : un courrier de la commune l'évoque (annexe n°5) mais aucun titre, registre... ne permettent de justifier ou d'avancer d'un déclassement, d'un changement de propriété...auquel cas il serait envisageable de la classer « bien sans maître ».
3- La considérer comme voie communale : L'espace entre les parcelles de M. Mme [W] et M. Mme [F] est clairement identifié comme une voie sur le plan Napoléonien. Sa liaison sur le plan est visible comme une voie de circulation et donne à ce titre un caractère public (la non occupation trentenaire ne pouvant interférer dans ce cas).
...
- CONCLUSION
Je propose donc au tribunal les conclusions suivantes :
1- la propriété des époux [W] s'arrête au pied du talus (aujourd'hui indéfinissable puisqu'une partie du talus est effondrée).
2- la propriété des époux [F] s'arrête à leurs bornes.
3- entre les deux limites l'ensemble de la zone est communal (dont le caractère juridique reste à déterminer ).
Limite proposée sur le plan : déjà matérialisée pour les époux [F] Non matérialisable actuellement pour les époux [W] (une matérialisation pourra être effectuée après réfection du talus)'.
Ces constatations et analyses sont argumentées et ne sont pas utilement réfutées. Elles sont convaincantes.
Il résulte de ces éléments que la réalité de la présence d'un chemin est établie, en dépit de sa non exploitation.
La propriété de ce chemin n'est pas établie au regard des titres de propriété des consorts [W] et [F], au vu notamment des contenances de leurs parcelles.
En outre, seuls peuvent être qualifiés de chemin d'exploitation ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds ou à leur exploitation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la pente du talus empêchant la possibilité d'une telle communication et le chemin n'ayant pas fonction de desserte d'exploitation.
Il ressort du plan cadastral d'avant 1971 ainsi que de la carte IGN annexée par l'expert que le chemin apparaît comme une voie de passage affectée à l'usage du public, non classé comme voie communale mais ayant qualité de chemin rural au sens de l'article L 161-1 du code rural, étant rappelé que l'affectation à l'usage du public est présumée.
Or, un chemin rural est réputé appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé tant que son aliénation n'a pas été réalisée dans les formes prescrites par la loi, cela même s'il a cessé d'être utilisé et entretenu.
Si la commune de [Localité 12] conteste avoir reconnu par son courrier en date du 23 juin 2015 avoir été propriétaire du chemin litigieux, elle ne justifie en tout cas par aucune pièce de son aliénation alors qu'elle indiquait pourtant 'le chemin situé à l'extrémité de vos parcelles avait été rétrocédé aux voisins ou occupé par eux, il y a de très nombreuses années, entre 1970 et 1977 pour l'un, dans les années 1950 voire avant pour d'autre'.
Faute de la justification de ces démarches de rétrocession et en dépit de l'arrêt de l'entretien du talus et du chemin par la commune, il y a lieu de considérer que ce chemin en dépit de son étroitesse et son talus demeurent propriété de la commune, sans que son défaut d'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenades ou de randonnées exclue sa qualité de chemin rural, dans un cadre d'abandon ancien.
Si la commune soutient à titre subsidiaire l'acquisition de la parcelle litigieuse de la part des consorts [F] et [W] par prescription, il y a lieu de rappeler ici que l'article 2272 du code civil dispose que 'le délai de prescription pour acquérir la propriété immobilière est de 30 ans.
Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par 10 ans'.
L'article 2261 du même code précise que dans tous les cas de possession, 'pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.'
Or, seul le possédant se prétendant propriétaire a qualité pour revendiquer le bénéfice de la prescription, ce qui n'est pas le cas de M. et Mme [W] ni de M. et Mme [F]. En outre, il ne peut être retenu d'indice effectif de possession, dès lors que l'expert judiciaire retient que ' M. Mme [W] entretiennent leur terrain jusqu'au pied du talus. M. Mme [F] entretiennent leur terrain jusqu'au haut du talus', la non occupation de la zone litigieuse par les époux [F] et [W] étant constatée.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement rendu en ce qu'il a dit que le talus et l'ancien chemin, contigus aux parcelles situées communes de [Localité 12] cadastrées d'une part section AT [Cadastre 2] et [Cadastre 3] appartenant à M. [V] [F] et Mme [Z] [R] son épouse et d'autre part section AT numéro [Cadastre 5] appartenant à M. [A] [W] et Mme [D] [U], tels que délimités, appartiennent à la commune de [Localité 12].
Sur les dépens et l'application de l'article 699 du code de procédure civile:
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de la commune de [Localité 12].
Il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la Maître Carl GENDREAU, avocat.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de dire que chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris.
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
CONDAMNE la commune de [Localité 12] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par Maître Carl GENDREAU, avocat, étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,