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13/12/2022 | FRANCE | N°21/00939

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 13 décembre 2022, 21/00939


ARRÊT N°606



N° RG 21/00939





N° Portalis DBV5-V-B7F-GHFZ













[U]



C/



[G]















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2023







Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 février 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de SAINTES





APPELANTE :r>


Madame [B] [Z] [U]

née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]



ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS









INTIMÉ :



Monsieur [R] [G]

[Adresse 2]

[Adresse ...

ARRÊT N°606

N° RG 21/00939

N° Portalis DBV5-V-B7F-GHFZ

[U]

C/

[G]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 février 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de SAINTES

APPELANTE :

Madame [B] [Z] [U]

née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉ :

Monsieur [R] [G]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

ayant pour avocat postulant Me Philippe MINIER de la SCP LLM SOCIÉTÉ D'AVOCATS LEFEBVRE LAMOUROUX MINIER MEYRAND REMY ROUX-MICHOT, avocat au barreau de SAINTES

ayant pour avocat plaidant Me Jényfer CORVISIER, avocat au barreau de SAINTES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

qui a présenté son rapport

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ :

Le cheval de course Pawan, né le [Date naissance 3] 2015, appartenant à [B] [U], a été euthanasié le 10 avril 2018 à la suite d'une fracture de l'humérus consécutive à sa chute alors qu'il se relevait après une anesthésie pratiquée couchée dans le cadre d'une castration.

Mme [U] a fait assigner par acte du 27 juin 2019 [R] [G], le vétérinaire qui avait pratiqué l'opération, afin de voir juger qu'il avait manqué à son obligation d'information en ne lui transmettant aucune information sur les risques d'une castration en position couchée, ainsi qu'à son obligation de sécurité en ayant omis de prendre les précautions requises pour éviter la survenance d'un dommage, et pour l'entendre condamner à lui payer en réparation des préjudices consécutifs à la mort de l'animal

.11.675,33 euros au titre de son préjudice matériel

.3.500 euros au titre de son préjudice moral

.40.000 euros au titre de sa perte de chance d'obtenir des gains liés aux victoires futures du pur-sang lors de courses hippiques.

Le docteur [G] a contesté le principe même de sa responsabilité en niant avoir manqué à ses obligations de sécurité et d'information et a soutenu que le décès était imputable à l'aléa thérapeutique. Il a subsidiairement soutenu que les demandes indemnitaires n'étaient pas justifiées.

Par jugement du 19 février 2021, le tribunal judiciaire de Saintes a

* condamné [R] [G] à payer à [B] [U] 118,74 euros au titre du préjudice matériel consécutif à sa perte de chance d'opter pour une autre méthode opératoire et de voir survivre le cheval

* débouté [B] [U] de sa demande d'indemnisation des frais de saillie, de l'annuité d'amortissement de la mère du cheval décédé et des frais de fonctionnement afférents à celui-ci pour les années 2015, 2016 et 2017

* condamné [R] [G] à payer à [B] [U] 750 euros au titre du préjudice moral résultant de sa perte de chance d'opter pour une autre méthode opératoire et de voir survivre son cheval

* débouté [B] [U] de sa demande d'indemnisation de sa perte de chance d'obtenir des gains de courses

* condamné [R] [G] à payer à [B] [U] 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

* condamné [R] [G] aux dépens

* ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu, en substance,

-que le docteur [G] ne justifiait pas avoir rempli l'obligation d'information lui incombant en vertu de l'article R.242-48 du code rural et de la pêche maritime, intégrée au code de déontologie vétérinaire ; que cette

obligation ne pouvait être valablement remplie qu'à l'égard du propriétaire et

non d'un tiers, comme M. [S] chez lequel le cheval avait été mis au travail ; et qu'au demeurant, il n'établissait pas s'être acquitté de cette obligation auprès dudit M. [S]

-qu'il ne justifiait pas non plus avoir respecté son obligation de sécurité, en ne prouvant pas avoir pris des mesures pour éviter la chute du cheval lors de la phase de réveil de l'anesthésie

-que ces manquements étaient à l'origine d'une perte de chance de 25% d'opter pour une autre méthode et de 50% de voir le cheval survivre à l'opération

-que Mme [U] n'était fondée à obtenir d'indemnisation que dans la mesure requise pour la replacer dans la situation où elle se serait trouvée en l'absence de survenance es faits générateurs de responsabilité

-que même si l'animal avait survécu, elle aurait déboursé les frais de saillie, d'amortissement de la mère et de fonctionnement 2015, 2016 et 2017

-que son préjudice matériel se limitait aux frais d'enlèvement du cheval mort

-que le préjudice moral était réel et serait réparé par l'allocation d'une somme de 750 euros compte-tenu de la perte de chance subie

-qu'aucun élément probant n'était produit à l'appui de la demande en réparation de la perte alléguée de chance d'obtenir des gains de courses.

Mme [U] a relevé appel le 19 mars 2021 des chefs de ce jugement qui l'ont déboutée de sa demande de condamnation au paiement de 11.675,33 euros au titre des frais relatifs à l'élevage de Pawan, en ce qu'il a limité à 118,54 euros son indemnisation au titre des son préjudice matériel résultant de la perte de chance d'opter pour une autre méthode opératoire et de voir survivre son animal, en ce qu'il a limité à 750 euros l'indemnisation de son préjudice moral et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnisation de sa perte de chance d'obtenir des gains de courses

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique

* le 6 décembre 2021 par [B] [U]

* le 8 septembre 2022 par [R] [G] (identiques à celles du 29.09.2021 sous réserve d'un changement du nom de l'avocat plaidant).

Mme [U] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la responsabilité contractuelle du docteur [G] au titre du manquement à son obligation d'information et de sécurité, en ce qu'il a condamné à lui payer 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, mais de le réformer pour le surplus et, statuant à nouveau, de condamner le défendeur à lui payer

. 10.000 euros au titre de la valeur vénale du cheval

. 11.675,33 euros au titre de l'indemnisation des frais déboursés pour élever le cheval, et notamment frais de saillie, de l'annuité d'amortissement de la mère de Pawan et des frais de fonctionnement afférents au cheval pour les années 2015, 2016 et 2017

. 3.500 euros en réparation de son préjudice moral

.40.000 euros au titre de sa perte de chance d'obtenir des gains liés aux victoires futures de Pawan

en déboutant M. [G] de toutes ses prétentions et en le condamnant aux dépens d'appel ainsi qu'à une indemnité de procédure de 3.000 euros.

Elle maintient que le vétérinaire a manqué à son devoir d'information et à son devoir de sécurité.

S'agissant du devoir d'information, elle indique n'avoir reçu aucune information, tant sur la méthode envisagée pour la castration que sur ses risques, et estime avoir ainsi été privée de la possibilité de la refuser, ce qu'elle aurait probablement fait au vu des risques encourus, qui s'avèrent de plus de

25%. En réponse aux contestations adverses, elle indique que l'information était due à elle-même en sa qualité de propriétaire de l'animal et non à M. [S], auquel le docteur [G] ne prouve d'ailleurs pas l'avoir fournie, la note d'information invoquée n'étant pas signée, et elle tient pour sans intérêt la production des documents sollicités par l'intimé du chef du contrat de pension, qui n'était pas formalisé, ou d'une assurance mortalité. Elle fait valoir que sa qualité d'éleveur de chevaux ne lui donnait pas compétence pour apprécier cette question d'ordre médical, et ne dispensait pas le vétérinaire de son obligation.

S'agissant du devoir de sécurité, l'appelante indique que le docteur [G] n'a fourni aucun justificatif des mesures et précautions prises lors de son intervention, qu'il s'agisse du lieu choisi en l'occurrence une carrière, endroit peu propice, ou des techniques d'immobilisation mises en oeuvre pour limiter les déplacements du cheval sortant de son anesthésie

Elle récuse tout aléa thérapeutique en faisant valoir que le rapport d'expertise du docteur [E] exclut expressément un tel aléa.

Elle reprend ses demandes indemnitaires en faisant valoir qu'elle est en droit de prétendre

.à la valeur vénale du cheval décédé, évaluable à 10.000 euros

.au remboursement des frais déboursés en vain puisqu'il est mort

.à une indemnisation réaliste de son préjudice moral, très réel vu sa grande émotion

.à l'indemnisation de la perte de chance d'encaisser des gains de courses, au vu de ceux procurés par deux autres chevaux, Blue Panis et Fripone, issus du même étalon Panis USA.

M. [G] déclare former appel incident et demande à la cour, après avoir constaté qu'il n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité professionnelle, de réformer en toutes ses dispositions la décision déférée et de condamner Mme [U] à lui payer 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

À titre subsidiaire, en cas de reconnaissance d'une faute commise par lui aussi bien dans les soins pratiqués que dans l'accomplissement de son devoir d'information, il demande à la cour de confirmer alors la décision déférée concernant le préjudice matériel et en ce qu'elle a débouté Mme [U] de sa demande de réparation du préjudice financier, de la réformer sur le quantum accordé au titre du préjudice moral, de la réformer en ce qu'elle l'a condamné aux dépens et à payer 2.000 euros d'indemnité de procédure et de statuer ce que de droit quant aux dépens d'appel.

Il récuse tout manquement à ses obligations en indiquant avoir dispensé valablement l'information à M. [S], qui était le mandataire de la propriétaire et comme tel la représentait, lui avait d'ailleurs conseillé de faire castrer ce cheval, et avait lui-même pris rendez-vous au cabinet vétérinaire. Il soutient que l'absence de signature sur la note d'information effectivement transmise s'explique par la relation d'affaires et de confiance qui existait entre les parties pour ce genre d'opération régulièrement pratiquée. Il affirme que Mme [U] avait été préalablement informée que la castration serait pratiquée en position couchée, et qu'elle y avait consenti, et il rappelle à cet égard qu'elle est une éleveuse professionnelle de chevaux.

Il justifie la méthode utilisée, en faisant valoir qu'elle est la plus employée, que chaque méthode a des avantages et des inconvénients mais que celle-ci comporte moins de risques. Il fait valoir que la castration debout suppose elle aussi de recourir à une forme d'anesthésie.

Il discute les postes de préjudice invoqués, en objectant que la preuve de leur réalité n'est pas rapportée.

L'ordonnance de clôture est en date du 8 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il se forme entre le vétérinaire et son client un contrat comportant pour le praticien l'engagement de donner, moyennant des honoraires, des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science.

La violation, même involontaire, de cette obligation, peut être sanctionnée par une responsabilité contractuelle, dans la mesure où elle procède d'une faute qu'il appartient au client de prouver (Cass. Civ. 1ère 31.01.1989 P n°87-15736).

Le vétérinaire est donc tenu d'une obligation contractuelle de moyens lors des soins (Cass. Civ. 1ère 18.01.2000 P n°98-16203).

Il est aussi soumis à une obligation d'information, et engage sa responsabilité s'il y manque, le propriétaire de l'animal n'ayant pu en ce cas donner aux soins prodigués un consentement éclairé.

Il est constant aux débats que le docteur vétérinaire [R] [G] a procédé à la demande de la propriétaire du cheval de course Pawan à sa castration dans le centre d'entraînement où celui-ci se trouvait, et que l'animal a été euthanasié le 10 avril 2018 après avoir souffert d'une fracture de l'humérus consécutive à sa chute alors qu'il se relevait de l'intervention, pratiquée couchée.

Mme [U] impute en premier lieu au docteur [G] un manquement à la sécurité lors de la castration de l'animal.

Elle ne rapporte pas la preuve d'un tel manquement.

Elle soutient qu'il semble qu'aucune mesure concrète n'ait été prise pour limiter les déplacement du cheval encore atteint par l'anesthésie, mais ne rapporte aucun élément à l'appui de ce grief, évasif ; l'expert ne dit rien de tel; l'intervention a eu lieu dans une carrière, ce qui est un endroit adapté, compte-tenu du caractère meuble du sol et de l'espace disponible pour procéder et pour les mouvements que l'animal fera nécessairement, contrairement à un box, au sol dur et donc possiblement glissant en cas de mouvements désordonnés du cheval au réveil et aux dimensions exiguës, étant ajouté qu'il n'est ni démontré, ni soutenu, que l'intervention aurait dû se faire dans les locaux d'une clinique vétérinaire, ce que rien n'accrédite.

Il est constant que deux personnes étaient présentes, le vétérinaire qui officiait et M. [S], l'éleveur chez lequel le cheval se trouvait en pension, et il n'est ni démontré, ni soutenu que ce nombre n'aurait pas été suffisant pour une telle opération, ni qu'il soit en lien de causalité quelconque avec la blessure du cheval et ses suites.

Le rapport unilatéral d'expertise sur pièces réalisé par l'expert [D] [E] missionné par Mme [U] -ou l'assureur de celle-ci- exclut la survenue d'un aléa thérapeutique tel qu'invoqué par le docteur [G] mais ne formule aucune critique ni même réserve sur la façon dont celui-ci a procédé.

Il note qu'il n'a pas été indiqué la présence ou l'absence d'éléments potentiellement dangereux pour le couchage de l'animal puis pour son relevage au réveil, tels cailloux, trous, cavalettis, matériel vétérinaire.

Il indique qu''il s'agissait d'une castration a priori classique, sans difficulté particulière, sur un cheval sain..'.

Il écrit qu''il ne semble pas y avoir eu d'erreur dans le protocole d'anesthésie'.

Il indique qu'il existe trois méthodes pour procéder à la castration d'un cheval : debout, couchée en décubitus latéral et couchée en décubitus dorsal, en précisant que la troisième n'est 'pas réalisée en routine' et que la seconde -celle pratiquée par le docteur [G] sur Pawan- est 'la plus utilisée', en recensant, pour chacune des trois, ses avantages et ses inconvénients, sans exposer à aucun moment que le recours à la technique couchée en décubitus latéral n'aurait pas été selon lui adapté, ou pas le plus adapté, pour ce cheval.

Il conclut qu'en revanche, il est certain que le docteur [G] n'a pas recueilli de consentement éclairé de mademoiselle [U] ou, à défaut, de son représentant, et consacre après les notations déjà relatées le reste de son rapport à la question du devoir d'information et de son respect ou pas en l'affaire.

L'appelante n'apporte aucun élément, voire simplement indice, à l'appui du reproche de manquement à la sécurité qu'elle adresse au vétérinaire.

Ce chef de prétention sera rejeté.

Madame [U] reproche en second lieu au docteur [G] un manquement au devoir d'information.

Conformément à ce que prévoit l'article L.1111-2 du code de la santé publique, cette information porte sur les différents traitements proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent, ainsi que les autres solutions possibles, et sur les conséquences possibles en cas de refus.

Ce manquement imputé par l'appelante à l'intimé est avéré.

En effet, le docteur [G], auquel il revient de prouver qu'il y a satisfait, n'établit pas avoir prodigué l'information à la propriétaire -non plus d'ailleurs qu'à celui qu'il présente sans l'établir comme le mandataire de celle-ci, M. [S], chez qui l'animal avait été mis au travail par sa propriétaire et qui semble lui avoir conseillé la castration, mais qui n'était pas pour autant, en l'absence de tout élément en ce sens, mandaté par celle-ci pour prendre une décision.

Le formulaire intitulé 'note d'information et consentement préalable à la castration' établi par la conférence de consensus des vétérinaires de France (rapport d'expertise p.5) et dont la remise accompagnée d'une signature du propriétaire sert communément à attester de l'accomplissement de l'obligation, tel que le produit le docteur [G] (sa pièce n°1), n'est pas signé, et rien ne permet de retenir qu'il aurait été remis à Mme [U], non plus d'ailleurs qu'à M. [S] à charge de le transmettre à la propriétaire ou comme mandataire prétendu.

Le moyen tiré à cet égard par l'intimé de ce qu'il aurait été en relation suivie d'affaires avec madame [U] n'est pas de nature à le dispenser de rapporter une preuve qu'il ne fournit pas, par exemple au moyen de témoignages.

Le vétérinaire soutient avoir dispensé l'information oralement, à Mme [U], et affirme qu'elle aurait donné son consentement, mais il n'en

rapporte pas la preuve, l'absence de nécessité d'un écrit ne retirant rien au fait

qu'il lui incombe de démontrer avoir rempli son obligation, et qu'une simple affirmation, contestée, ne tient pas lieu de preuve.

Le docteur [G] échoue ainsi à prouver avoir rempli son obligation d'information.

Il a donc engagé sa responsabilité à ce titre.

Il est de jurisprudence établie que le préjudice résultant du manquement du vétérinaire à son obligation d'information quant à la technique de castration utilisée consiste en la perte d'une chance, pour le propriétaire de l'animal, de recourir à une intervention moins risquée (Cass. Civ. 1ère 26.10.2004 P n°03-16183).

Cette perte de chance s'apprécie concrètement.

À cet égard, il s'avère que le docteur [G] était le 'vétérinaire habituel de l'éleveuse', ainsi que l'expert le consigne dans son rapport.

Il est donc à considérer que s'il lui avait dit recommander la technique, en l'occurrence de castration couchée en décubitus latéral, à laquelle il a recouru, sa cliente aurait été portée à suivre ce conseil, aucun élément n'étant produit ni seulement même évoqué, de nature à lasser penser que Mme [U] aurait eu à cet égard une expérience ou une préférence de recours à une autre méthode pour faire castrer ses chevaux.

Il est aussi à considérer que, même s'il n'est pas établi qu'il fût son mandataire, M. [S], qui faisait travailler le cheval et à ce titre le connaissait bien, était présent et a assisté le docteur [G] durant l'opération, et il ne vient pas témoigner d'une réticence ou d'une opposition de sa part à la méthode utilisée.

Il ressort, par ailleurs, des énonciations du rapport unilatéral d'expertise, que la méthode en couchée en décubitus latéral employée est 'la technique la plus utilisée', et que celle de la castration debout requiert elle aussi un recours à l'anesthésie, même si c'est sous une forme différente, de sorte que les risques liés à une anesthésie existaient dans les deux cas.

La perte de chance de prendre une autre décision ayant évité le risque mortel apparaît dans ces conditions très faible, et sera évaluée à 5%.

Le préjudice indemnisable est constitué en premier lieu de la valeur même du cheval, qui se situe entre 8.000 et 12.000 euros selon une attestation non contestées d'un opérateur de ventes volontaires (pièce n°8 de l'appelante), de sorte qu'il sera retenu une valeur de 10.000 euros, et que Mme [U] recevra ainsi à ce titre 500 euros.

Il est ensuite constitué des frais d'enlèvement du cheval mort, d'un montant de 158,33 euros (cf sa pièce n°2) soit la somme de 7,91 euros arrondie à 8 euros.

Il ne comprend pas, faute de lien de causalité suffisant, les frais et dépenses de saillie, d'amortissement de la mère et de fonctionnement 2015, 2016 et 2017, exposés par Mme [U] du vivant de l'animal et qui ne constituent pas l'accessoire de la valeur du cheval, contrairement à ce qu'elle soutient, ce chef de demande étant rejeté.

Il recouvre un préjudice moral nécessairement subi par Mme [U] en raison de l'émotion ressentie à cause du décès de son animal, préjudice toutefois moindre que ce qu'elle allègue, à considérer qu'il s'agissait d'un animal de rapport et qu'ainsi que le fait valoir le docteur [G] en objectant sans être contredit que la blessure n'était pas mortelle, elle a pris la décision de le faire euthanasier alors qu'il aurait pu survivre à sa blessure en restant handicapé et sans bien sûr pouvoir courir.

Ce préjudice sera chiffré à 1.000 euros, et Mme [U] recevra ainsi 50 euros.

Il recouvre, enfin, au vu des énonciations du rapport d'expertise et des productions, notamment résumés de carrière et palmarès (pièces n°9 à 12 de l'appelante), la perte de chance pour l'éleveuse de percevoir les gains de course que le cheval était susceptible de lui procurer

Au vu de la carrière des deux autres chevaux issus du même étalon que Pawan élevés par l'appelante, ayant respectivement rapporté 66.105 euros et 8.528 euros et des débuts prometteurs de sa soeur utérine Sabata, ayant rapporté 4.517 euros, et en l'absence de plus d'éléments circonstanciés, cette perte sera évaluée à 20.000 euros, ce qui détermine pour l'appelante une indemnisation de 1.000 euros.

Il n'existe pas d'autre chef avéré de préjudice en relation avec la mort de l'animal pour madame [U], qui recevra donc (500 + 8 + 50 + 1.000) = 1.558 euros.

Le jugement sera ainsi infirmé en ses chefs de décision autres que condamnant [R] [G] aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure qui était adaptée.

Devant la cour, le docteur [G], qui sollicitait le rejet pur et simple des prétentions adverses, et est condamné à des sommes supérieures à celles de première instance, doit être regardé comme la partie qui succombe, et il supportera les dépens d'appel et la charge de l'indemnité de procédure prévue à l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort :

INFIRME le jugement, sauf en ce qu'il condamne [R] [G] aux dépens et au paiement d'une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

statuant à nouveau :

DÉBOUTE [B] [U] de sa prétention à voir juger que le docteur [G] aurait commis un manquement à la sécurité et plus généralement une faute lors de la castration du cheval Pawan

DIT que le docteur [G] a manqué à cette occasion à son obligation d'information

DIT qu'il en est résulté, pour [B] [U], une perte de chance minime de prendre une autre décision ayant évité le risque mortel

CONDAMNE [R] [G] à payer à [B] [U] la somme de 1.558 euros en réparation de ce préjudice

REJETTE toutes demandes autres ou contraires

CONDAMNE [R] [G] aux dépens d'appel

CONDAMNE [R] [G] à payer à [B] [U] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00939
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;21.00939 ?
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