ARRET N°91
N° RG 21/01299 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GICC
S.A. GROUPAMA [Adresse 7]
C/
[J]
[J]
S.A.R.L. A FLEUR D'EAU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 28 FEVRIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01299 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GICC
Décision déférée à la Cour : jugement du 23 mars 2021 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 9].
APPELANTE :
S.A. GROUPAMA [Adresse 7]
[Adresse 2]
[Localité 3]
ayant pour avocat Me Marion LE LAIN de la SCP DROUINEAU-BACLE-LE LAIN-BARROUX-VERGER, avocat au barreau de POITIERS substituée par Me Anne-Sophie LAPENE, avocat au barreau de POITIERS
INTIMES :
S.A.R.L. A FLEUR D'EAU
[Adresse 1]
[Localité 8]
ayant pour avocat Me Anne-charlotte IFFENECKER, avocat au barreau de POITIERS
Monsieur [Y] [J]
né le 12 Octobre 1956 à [Localité 8] ([Localité 8])
[Adresse 5]
[Localité 4]
défaillant
Madame [V] [J]
née le 24 Juillet 1956 à [Localité 9] ([Localité 8])
[Adresse 5]
[Localité 4]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
- Réputé contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ :
Les époux [J] ont confié à la SARL A Fleur d'Eau Paysagistes la réalisation de travaux de carrelage autour de leur piscine qui ont été exécutés, et achevés en mars 2012.
Se plaignant de l'apparition de fissures quelques semaines après l'achèvement des travaux, ils ont obtenu en référé l'organisation d'une expertise au contradictoire de l'entreprise.
Au vu du rapport déposé le 9 septembre 2016 par l'expert commis, Mme [D], ils ont fait assigner la société A Fleur d'Eau Paysagistes par acte du 31 juillet 2017 devant le tribunal de grande instance de Poitiers pour la voir déclarer responsable des désordres affectant le carrelage posé et obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.
La société A Fleur d'Eau Paysagistes a appelé en intervention forcée son assureur, Groupama, afin d'être par lui garantie de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.
La compagnie Groupama [Adresse 6] a invoqué un moyen de prescription de l'action en garantie dirigée contre elle, et subsidiairement invoqué l'inopposabilité à son égard du rapport [D], et argué de motifs de non-assurance.
Par un premier jugement du 5 mai 2020, le tribunal, entre-temps devenu tribunal judiciaire, de Poitiers, a, en substance,
* retenu la responsabilité de la société A Fleur d'Eau Paysagistes dans les désordres
* condamné la société A Fleur d'Eau Paysagistes à payer aux époux [J] 6.929,44 euros en réparation de leur préjudice matériel ainsi que 3.000 euros d'indemnité de procédure
* dit que le rapport d'expertise judiciaire était opposable à Groupama
* ordonné la réouverture des débats et invité la SARL A Fleur d'Eau Paysagistes et la compagnie Groupama [Adresse 6] à faire valoir leurs observations relativement à l'absence de mention des différents points de départ du délai de prescription dans les conditions générales du contrat d'assurance susceptible de rendre ce délai inopposable à l'assuré
* renvoyé l'affaire à la mise en état
* réservé les dépens de l'appel en garantie.
Par un second jugement, du 23 mars 2021, le tribunal judiciaire a condamné la compagnie Groupama [Adresse 6] à garantir la société A Fleur d'Eau Paysagistes de toutes les condamnations prononcées à l'encontre de cette dernière au profit des époux [J] dans la décision du 5 mai 2020.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu, en substance,
-que les conditions générales mentionnant le délai biennal de prescription invoquées par Groupama n'étant signées ni d'elle, ni de l'assurée A Fleur d'Eau Paysagistes, elles n'étaient pas opposables à celle-ci, de sorte que l'assureur devait être regardé comme n'ayant pas porté à la connaissance de l'assurée le délai biennal de prescription et son point de départ
-que Groupama ne produisant pas de conditions générales ni particulières signées, elle ne pouvait opposer à son assurée l'exclusion tirée de son attestation d'assurance dont elle se prévalait pour refuser sa garantie décennale
-qu'elle devait donc être condamnée à garantir son assurée des condamnations prononcées.
La compagnie Groupama [Adresse 6] a relevé appel le 21 avril 2021 des chefs de ce jugement l'ayant condamnée à garantir son assurée et aux dépens, en intimant la SARL A Fleur d'Eau Paysagistes et les époux [J].
Saisi par voie d'incident par la société Groupama, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 12 avril 2022 déclaré irrecevables les conclusions et pièces transmises par la voie électronique le 29 décembre 2021 par la société A Fleur d'Eau Paysagistes.
La SA Groupama [Adresse 6] demande à la cour dans ses conclusions transmises par la voie électronique le 28 mars 2022 d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau
¿ à titre principal : de juger que l'action en garantie formée par la SARL A Fleur d'Eau Paysagistes est irrecevable en ce qu'elle est prescrite
¿ subsidiairement : de dire hors de cause la compagnie dans la mesure où le tribunal judiciaire a dans son jugement du 5 mai 2020 retenu la seule responsabilité décennale de la société A Fleur d'Eau Paysagistes, alors que Groupama n'est pas l'assureur décennal de l'entreprise mais seulement l'assureur RC et que le jugement du 5 mai 2020 est devenu définitif
¿ très subsidiairement : constater que les ouvrages relèvent d'une activité non déclarée par l'assurée, que les désordres sont expressément exclus du contrat souscrit par A Fleur d'Eau Paysagistes, et juger que ses garanties ne sont pas mobilisables dans le cadre du présent litige.
¿ en tout état de cause :
.déclarer opposable à la société A Fleur d'Eau Paysagistes les franchises prévues aux conditions personnelles du contrat
.rejeter toutes les demandes formulées par la SARL A Fleur d'Eau Paysagistes
.la condamner aux dépens et à lui verser 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle indique verser aux débats les conditions particulières et les conditions générales du contrat souscrit par l'entreprise, où sont précisés le délai biennal de prescription, son point de départ et ses causes d'interruption. Elle estime l'action prescrite faute pour son assurée d'avoir agi à son encontre dans les deux ans où le tiers avait exercé une action en justice contre l'assuré, en faisant valoir qu'il peut s'agir d'une action en référé expertise, comme en l'espèce, où les époux [J] ont fait assigner la société A Fleur d'Eau Paysagistes le 21 novembre 2014 pour voir commettre un expert, et où A Fleur d'Eau Paysagistes a attendu le 15 janvier2018 pour l'assigner en garantie.
Elle invoque subsidiairement un moyen de non-assurance, en faisant valoir que la société A Fleur d'Eau Paysagistes n'a jamais souscrit auprès d'elle de police couvrant sa responsabilité décennale, alors que c'est sur le fondement de cette responsabilité qu'ont été prononcées les condamnations dont elle sollicite la garantie.
Elle ajoute que le contrat d'assurance avait au surplus été résilié au 31 décembre 2012 soit avant la réclamation, de sorte qu'elle ne peut pas devoir sa garantie, laquelle est déclenchée sur la base d'une réclamation.
Elle articule aussi un moyen de non-assurance tiré de l'activité non déclarée, en faisant valoir qu'A Fleur d'Eau Paysagistes a déclaré exercer l'activité de paysagiste, alors que les désordres déplorés par les époux [J] affectent des ouvrages de carrelage et de terrassement.
Les époux [J] n'ont pas constitué avocat. Ils ont été assignés par actes du 25 juin 2021 signifiés à personne.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'appel porte sur la condamnation de la société Groupama à garantir son assurée la SARL A Fleur d'Eau Paysagistes des condamnations prononcées à son encontre par le jugement du 5 mai 2020 et à supporter les dépens.
La société Groupama argue d'irrecevabilité pour cause de prescription l'action en garantie que son assurée exerce envers elle, au motif qu'elle n'a pas été introduite dans le délai biennal de l'article L.114-1 du code des assurances.
Ainsi que l'a pertinemment retenu le premier juge, la compagnie Groupama ne démontre pas que comme le requiert l'article R.112-1 du code des assurances, l'exemplaire du contrat remis à la société A Fleur d'Eau Paysagistes mentionne le délai de prescription des actions en découlant et les modes d'interruption de ce délai (Cass. Civ. 1° 22.01.2002 P n°98-18892).
C'est à l'assureur qu'il incombe de prouver qu'il a satisfait aux dispositions de cet texte, ce que Groupama ne fait pas plus en cause d'appel qu'en première instance, les conditions personnelles (sa pièce n°1), les conditions particulières (sa pièce n°2) et les conditions générales (sa pièce n°3) qu'elle produit n'étant pas signées ni paraphées par l'assurée non plus que par elle-même de sorte qu'il n'est pas démontré que la société A Fleur d'Eau Paysagistes en ait eu connaissance, et l'attestation d'assurance qu'elle a établie (sa pièce n°9) ne pouvant tenir lieu de justification de l'opposabilité du contrat à l'assurée.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté le moyen tiré par Groupama de l'acquisition de la prescription biennale à son profit.
Pour le cas ainsi advenu où la cour confirmerait la recevabilité de l'action en garantie exercée à son encontre par la société A Fleur d'Eau Paysagistes, Groupama [Adresse 6] fait subsidiairement valoir qu'elle ne doit pas cette garantie parce que son assurée, condamnée au titre de sa responsabilité décennale, n'avait pas souscrit de police couvrant cette responsabilité.
De fait, c'est au titre de sa responsabilité décennale que le tribunal a prononcé sur le fondement de l'article 1792 du code civil au profit des époux [J] dans son premier jugement du 5 mai 2020 les condamnations à l'encontre de la société A Fleur d'Eau Paysagistes dont celle-ci demande à être garantie par son assureur.
Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le moyen opposé à cette demande par la compagnie Groupama n'est pas tiré d'une exclusion du contrat d'assurance qui, comme telle, devrait figurer en caractères très apparents dans le contrat connu de l'assuré et accepté par lui, mais il constitue un moyen de non assurance tiré de l'absence de souscription par la société A Fleur d'Eau Paysagistes d'une police couvrant sa responsabilité décennale.
Or la société A Fleur d'Eau Paysagistes, dont Groupama atteste assurer la responsabilité civile professionnelle pour des dommages aux tiers causés dans le cadre de son activité de jardinier-paysagiste, n'a jamais justifié, ainsi qu'il lui incombe puisque c'est elle qui revendique le bénéfice d'une assurance dont l'assureur nie l'existence, être aussi assurée auprès de cette compagnie pour sa responsabilité décennale, laquelle relève d'une garantie distincte de celle-ci.
La compagnie Groupama est ainsi fondée à solliciter le rejet des demandes de garantie formulées à son encontre sur le fondement d'une police décennale que la SARL A Fleur d'Eau Paysagistes n'établit pas avoir souscrite.
Le jugement entrepris sera ainsi infirmé en ces chefs de décision contestés, condamnant la société Groupama à garantir la SARL A Fleur d'Eau Paysagistes des condamnations prononcées à son encontre par le jugement du 5 mai 2020 et à supporter les dépens.
La SARL A Fleur d'Eau Paysagistes supportera les dépens d'appel.
L'équité justifie de ne pas mettre d'indemnité de procédure à sa charge.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort :
INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il n'a pas jugé prescrite l'action de la SARL A Fleur d'Eau Paysagistes envers Groupama [Adresse 6]
statuant à nouveau :
DÉBOUTE la SARL A Fleur d'Eau Paysagistes de ses demandes dirigées contre la compagnie Groupama [Adresse 6]
CONDAMNE la SARL A Fleur d'Eau Paysagistes aux dépens d'appel
DIT n'y avoir lieu à indemnité de procédure
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,