ARRET N° 83
N° RG 21/01386 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GIKB
[G]
C/
S.A. CNP ASSURANCES
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAR ENTE MARITIME DEUX SEVRES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 28 FEVRIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01386 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GIKB
Décision déférée à la Cour : jugement du 23 février 2021 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de La Rochelle.
APPELANT :
Monsieur [B] [J] [G]
né le 14 Avril 1979 à [Localité 6]
[Adresse 7]
[Localité 3]
ayant pour avocat Me Richard CAILLAUD de la SELARL COBALT LEGIS CONSEIL, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
INTIMEES :
S.A. CNP ASSURANCES
[Adresse 4]
[Localité 5]
ayant pour avocat Me Stéphane FERRY de la SELARL OPTIMA AVOCATS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHARENTE MARITIME DEUX SEVRES
[Adresse 1]
[Localité 2]
ayant pour avocat Me Jean Paul ROSIER de la SELARL E-LITIS SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de SAINTES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Madame Anne VERRIER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
- Contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS
M. [G] exerçait une activité d'artisan en rénovation de logements locatifs et de location.
Le 30 avril 2008, M. [G] et Mme [O] ont souscrit deux prêts immobiliers auprès de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-maritime-Deux Sèvres(CRCA) d'un montant respectif de 855 596 et 200 000 euros.
M. [G] a demandé son admission à l'assurance des prêts auprès de la société CNP Assurances.
Il a adhéré à l'assurance décès, perte totale et irréversible d'autonomie (PTIA), incapacité temporaire totale (ITT) pour le prêt de 855 596 euros, à l' assurance décès, perte totale et irréversible d'autonomie, quotité de 50 % pour le prêt de 200 000 euros.
Le 6 décembre 2013, M. [G] était placé en arrêt de travail. Il souffrait de lombalgies chroniques.
Le 25 février 2015, il demandait le bénéfice de la garantie ITT.
Le prêt d'un montant de 855 696 euros était pris en charge pour la période comprise entre le 6 mars 2014 et le 1er juin 2017.
Le 3 juin 2017, le docteur [F] après examen de contrôle du 2 juin 2017 concluait à l'existence de lombalgies intermittentes , 'proposait en fonction du barème du concours médical' de retenir un taux d'IPP de 8 %.
M. [G] contestait ce rapport et demandait la mise en place de la procédure de conciliation.
Le 19 décembre 2017, la banque lui notifiait un commandement de payer valant saisie immobilière, le solde à payer étant fixé à 1 028 906,95 euros.
M. [G] était convoqué par le docteur [E] le 17 mai 2018. Il ne s'est pas présenté.
Le 29 mai 2018, la société CNP a informé M. [G] de son refus de garantie.
Par acte du 2 juillet 2019, M. [G] a fait assigner les sociétés CNP et CRCA devant le tribunal de grande instance de La Rochelle aux fins de :
-voir déclarer abusive la clause du contrat définissant l'incapacité totale de travail
-les voir condamner solidairement à lui verser les sommes de :
.185 585,60 euros
.841 620,81 euros
.5000 euros au titre du préjudice moral
La société CNP a conclu au débouté, subsidiairement, au prononcé d'une expertise.
La société CRCA a conclu au débouté.
Par jugement du 23 février 2021 , le tribunal judiciaire de La Rochelle a statué comme suit :
'-dit que la clause définissant l'incapacité totale comme étant 'l'incapacité, reconnue médicalement, d'exercer une activité quelconque, professionnelle ou non, même à temps partiel' est claire et intelligible et ne constitue pas une clause abusive ;
-déboute Monsieur [G] de sa demande tendant à voir condamner la SA CNP ASSURANCES à le garantir entièrement des prêts n°70006138118 et n°70005201126 contractés auprès de la SA CRCA CHARENTE-MARTIME/DEUX-SÈVRES ;
-dit que la SA CRCA n'a pas manqué à son devoir de conseil ;
-déboute Monsieur [G] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires ;
-constate que M. [G] reste redevable auprès de la SA CRCA des sommes suivantes :
- 915.634,67 euros au titre du prêt n°70005201126,
- 205.433,33 euros au titre du prêt n°70006138118 ;
- condamne Monsieur [G] à verser à la SA CNP ASSURANCES la somme de 1500 € (mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles ;
-condamne Monsieur [G] à verser à la SA CRCA la somme de 1500 euros au titre des frais irrepetibles ;
-rejette la demande de Monsieur [G] au titre des frais irrépétibles ;
-condamne Monsieur [G] aux entiers dépens.
-dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.'
Le premier juge a notamment retenu que :
-sur le caractère abusif des clauses du contrat d'assurance
La clause incriminée qui subordonne le bénéfice de la garantie ITT à l'incapacité reconnue médicalement d'exercer une activité quelconque , professionnelle ou non, même à temps partiel est suffisamment claire et précise. Elle est dépourvue d'ambiguïté dès lors que l'emploi de l'article indéfini 'une' et de l'adjectif indéfini 'quelconque' manifeste de manière explicite et non équivoque que cette notion s'apprécie par référence à une activité professionnelle ou non ,quelle qu'elle soit, et non en fonction des répercussions des problèmes de santé de l'assuré sur l'activité qu'il exerçait au moment du sinistre.
-sur l'application du contrat d'assurance et le refus de prise en charge
Si la garantie ITT n'est pas contestée au titre du prêt de 855 596 euros, M. [G] a renoncé à cette garantie au titre du prêt de 200 000 euros.
L'absence de garantie est reprise de manière claire dans le contrat de prêt.
L'ITT est définie contractuellement.
Il appartient à M. [G] de démontrer que sa situation répond à la définition de l'incapacité temporaire totale ou de la perte totale et irréversible d 'autonomie pour bénéficier de la couverture de l'assurance souscrite.
Les conclusions de l'expertise [F] ne démontrent pas que M. [G] serait dans l'impossibilité de se livrer à toute occupation et / ou activité rémunérée ou lui donnant gain et profit ni que son invalidité le mettrait définitivement dans l'obligation de recourir à l'assistance d'une tierce personne pour l'ensemble des actes de la vie ordinaire.
Le courrier émanant de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées évaluant le taux d'incapacité entre 50 et 79 % est insuffisant.
Les demandes de garantie seront rejetées.
-sur le manquement au devoir de conseil de la banque
Faute de remplir les conditions des garanties, il n'aurait pu bénéficier des garanties non souscrites.
Les contours des garanties sont clairement expliqués.
Il a délibérément choisi un taux de 50 %.
Les loyers de l'opération immobilière devaient permettre le remboursement des prêts.
Il a bénéficié de la plus large gamme de garanties pour le prêt le plus important.
Aucun élément ne permet de considérer que taux de 50 % n'était pas adapté.
L' assurance souscrite était en adéquation avec les risques encourus.
LA COUR
Vu l'appel en date du 28 avril 2021 interjeté par M. [G]
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 14 janvier 2022 , M. [G] a présenté les demandes suivantes :
Vu l'article les articles 1134 et 1147 et suivants du Code Civil dans leur rédaction antérieure,
Vu la jurisprudence,
Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile, les pièces jointes.
-INFIRMER le jugement rendu le 23 février 2021 par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE dans toutes ses dispositions et, ce faisant :
-CONSTATER que Monsieur [G] est dans l'incapacité d'exercer un emploi quelconque,
DIRE que la clause du contrat d'assurance emprunteur définissant l'incapacité totale n'est ni claire ni intelligible, et qu'entraînant une réduction substantielle de garantie, elle avait pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif';
-DÉCLARER abusive la clause définissant l'incapacité totale comme étant « l'incapacité reconnue médicalement d'exercer une activité quelconque professionnelle ou non même à temps partiel »;
DIRE ET JUGER que CNP ASSURANCES est contractuellement tenue de prendre en charge les prêts n°70006138118 et n°70005201126 contractés par Monsieur [B] [G] ;
En conséquence, CONDAMNER la société CNP Assurances à garantir entièrement les prêts n°70006138118 et n°70005201126 contractés par Monsieur [B] [G] auprès du Crédit Agricole au titre des garanties invalidité totale et définitive et incapacité temporaire totale, en se substituant à l'assurée pour le paiement des sommes dues en principal, intérêts et frais à la banque.
DIRE ET JUGER que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE-MARITIME DEUX-SEVRES a manqué à son obligation de conseil vis-à-vis de Monsieur [B] [G] ;
-CONDAMNER solidairement CNP ASSURANCES et la CRCA à verser les sommes de 185 585,60 € et de 841 620,81 €;
-CONDAMNER solidairement CNP ASSURANCES et la CRCA à verser la somme de 5 000 € à Monsieur [B] [G] au de son préjudice moral ;
SUBSIDIAIREMENT
-ORDONNER la désignation d'un expert judiciaire ayant notamment pour missions de :
- Se faire communiquer l'entier dossier médical de Monsieur [B] [G] ;
- Retracer l'historique médical de Monsieur [G] et les traitements suivis;
- Examiner Monsieur [B] [G] ;
- Requérir à tout examen de nature à démontrer l'étendue de la pathologie de Monsieur [G]
- Dire si d'un point de vue médical, l'état de santé de Monsieur [B] [G] le place dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit ; le cas échéant, depuis quelle date ;
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,
-ORDONNER l'exécution provisoire du présent jugement ;
-CONDAMNER solidairement CNP ASSURANCES et la CRCA à verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIRE ET JUGER que ces sommes porteront des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et ce, jusqu'à complet paiement ;
-CONDAMNER solidairement CNP ASSURANCES et la CRCA aux entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, M. [G] soutient en substance que :
-La clause 4-2-1 des conditions générales est abusive et doit être réputée non écrite.
Elle ne définit pas précisément l'ITT de sorte qu'elle entraîne une restriction substantielle de garantie. La définition n'est ni claire, ni compréhensible.
La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a reconnu son invalidité et son impossibilité d'exercer une quelconque activité professionnelle.
-Les contrats ne font référence à aucun barème. L'assureur a toute latitude pour apprécier selon ses critères, critères qui ne sont pas communiqués à l'assuré.
-Les dispositions contractuelles sont imprécises et nécessairement à l'avantage de l'assureur.
-Le docteur [F] a reconnu que son état de santé était manifestement incompatible avec les activités physiques de force.
-Il ne pouvait continuer son activité d'artisan en rénovation et location de logements ni aucune activité connexe.
-La banque a manqué à son devoir de conseil. La remise d'une notice ne suffit pas.
La définition des cas de prise en charge est peu claire.
La banque savait que les emprunts avaient pour objet de financer des investissements locatifs dont les travaux devaient être réalisés par M. [G], pilier du projet.
Elle aurait dû lui conseiller de souscrire une garantie à 100 % et non à 50 %.
-Il conteste avoir renoncé à la garantie ITT pour le prêt de 200 000 euros.
-Il a commis une erreur de plume en signant dans la mauvaise case.
-S'il a effectivement renoncé à la garantie ITT, la faute de la banque est établie.
-A titre subsidiaire, il demande qu'une expertise soit ordonnée.
-Il demande l'exécution des contrats d'assurance.
-La déchéance du terme est la conséquence directe de la carence de l'assureur qui sera condamné par équivalent.
-La perte de chance de ne pas avoir contracté une assurance adaptée le couvrant pour la totalité des échéances ne peut qu' être égale au montant théorique garanti par l'assurance.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 7 avril 2022, la société CNP Assurances a présenté les demandes suivantes :
Vu les articles 1315, 1134 et 1165 du Code Civil, 276 et, L.113-5 du Code des assurances
Vu l'article 562 du code de procédure civile, Vu les pièces produites au débat,
-Déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [G] en tant qu'elles se rapportent à des chefs du jugement qui ne font pas l'objet de sa déclaration d'appel et qui n'ont donc pas été dévolus à la Cour à savoir :
'- Dire que la clause du contrat d'assurance emprunteur définissant l'incapacité totale n'est ni claire ni intelligible, et qu'entraînant une réduction substantielle de garantie, elle avait pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif ;
-Déclarer abusive la clause définissant l'incapacité totale comme étant « l'incapacité reconnue médicalement d'exercer une activité quelconque professionnelle ou non même à temps partiel ».
-A défaut, l'en débouter.
A titre principal,
-Confirmer purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE le 23 février 2021 dans l'ensemble de ses dispositions,
-Débouter Monsieur [B] [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
En ce qui concerne le prêt d'un montant de 855 596 € :
Dans l'hypothèse où la Cour déciderait d'ordonner une expertise, désigner un expert judiciaire qui aurait pour mission de (....)
A titre très subsidiaire,
-Ordonner que toute éventuelle prise en charge s'effectuera dans les termes et conditions contractuels,
En tout état de cause,
-Débouter Monsieur [G] de ses demandes de dommages et intérêts.
-Débouter Monsieur [G] de toutes ses autres demandes.
-Condamner Monsieur [B] [G] à payer à CNP ASSURANCES une somme de 3.000,00€ par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile outres les entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, la société CNP soutient en substance que :
-Elle a pris en charge le prêt pendant plus de 3 ans.
-M. [G] n'a pas fait appel du chef de jugement qui a dit que la clause ne devait pas être interprétée et n'était pas abusive.
-Il ne prouve pas être dans l'incapacité d'exercer une activité professionnelle quelconque, même à temps partiel.
-Il avait sollicité la procédure de conciliation, ne s'est pas présenté à l' examen médical.
-Le docteur [F] a constaté qu'il pouvait se déplacer, se nourrir, se laver, s'habiller , qu'il n'avait pas besoin d'une aide permanente pour accomplir les actes ordinaires de la vie quotidienne. Il ne remplit pas les conditions de la garantie PTIA.
-Il ne remplit plus les conditions de la garantie ITT pour le prêt de 855 596 euros.
-La carte mobilité inclusion ne lui permet pas de mobiliser la garantie PTIA. La commission lui a refusé la carte mobilité inclusion invalidité.
-Il était tenu d'honorer les échéances. L' emprunteur est tenu de rembourser son prêt tant qu'il ne justifie pas qu'une prise en charge doit être effectuée par l'assureur.
-Le devoir de conseil ne pèse pas sur l'assureur.
-La société CNP n'était pas présente quand il a demandé à adhérer.
-M. [G] ne subit pas de préjudice moral. Il était tenu d'honorer ses prêts.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 14 octobre 2021 , la société CRCA a présenté les demandes suivantes :
Vu les pièces du dossier ;
-Débouter Monsieur [B] [G] de son appel,
-Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal le 23 février 2021,
-Constater que M. [G] doit à La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE-MARITIME DEUX-SEVRES la somme globale de 1 199 542,75 euros,
-Condamner Monsieur [B] [G] à payer une somme de 3 000 euros en application de 1'article 700 du code de procédure civile,
-Condamner Monsieur [B] [G] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP e.LITIS conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
A l'appui de ses prétentions, la société CRCA soutient en substance que :
-Il lui est reproché un manquement au devoir de conseil.
-Les conditions générales sont claires.
-M. [G] a renoncé à la garantie ITT, a souscrit les seules garanties décès et PTIA pour le prêt de 200 000 euros.
-Il a souscrit les garanties décès, PTIA, ITT pour le prêt le plus important.
-La clause n'est pas abusive. La jurisprudence citée n'est pas applicable.
-Le tribunal a souverainement estimé qu'il n'était pas dans un état d'ITT correspondant à la définition qu'en donne le contrat d'assurance.
-Il a été en mesure de solliciter l' application du contrat et d'en bénéficier.
-Les conclusions d'appel sont le copié collé des conclusions de première instance.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 octobre 2022.
SUR CE
-sur la recevabilité de la demande tendant à déclarer abusive la clause définissant l'incapacité totale de travail.
M.[G] demande à la cour dans ses conclusions d'interpréter la clause relative à l'incapacité temporaire totale et à la déclarer abusive.
La société CNP Assurances fait valoir que la déclaration d'appel tend à l'annulation, l'infirmation ou la réformation du jugement en ce qu'il a débouté M. [G] de sa demande de garantie, en ce qu'il a dit que la banque n'avait pas manqué à son devoir de conseil et débouté M. [G] de ses demandes indemnitaires.
L'article 562 du code de procédure civile dispose que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
Il ressort de la déclaration d'appel que la demande d'infirmation du jugement ne porte pas sur le chef du jugement qui a '-dit que la clause définissant l'incapacité totale comme étant 'l'incapacité, reconnue médicalement, d'exercer une activité quelconque, professionnel ou non, même à temps partiel' est claire et intelligible et ne constitue pas une clause abusive.'
L'appel fixe l'étendue de la dévolution à l'égard des parties intimées et cette saisine initiale ne peut être élargie que par un appel incident ou provoqué.
Les demandes de l'appelant relatives à l'interprétation de la clause définissant l'incapacité totale et à sa qualification comme abusive sont donc irrecevables.
-sur les garanties mobilisables
Il résulte des écritures et productions que M. [G] a souscrit :
-les garanties décès, ITT et PTIA pour le prêt de 855 596 euros, quotité assurée 50% .
-les garanties décès, PTIA pour le prêt de 200 000 euros.
Le contrat définit l'incapacité temporaire totale comme suit :
un assuré est en état d'ITT lorsque les 3 conditions suivantes sont réunies:
1 Il se trouve à la suite d'un accident ou d'une maladie dans l'incapacité, reconnue médicalement, d'exercer une activité quelconque, professionnelle ou non, même à temps partiel.
2 Cette incapacité est continue et persiste au-delà de la période de franchise.
3 Cette incapacité doit être justifiée par la production des pièces prévues à l'article 6-2 'pièces justificatives à fournir'.
Le contrat définit la perte totale et irréversible d'autonomie comme l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et ou à toute activité, le mettant définitivement dans l'obligation de recourir à l'assistance totale et constante d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie.
M. [G] a bénéficié de la garantie ITT entre le 6 mars 2014 et le 1er juin 2017.
Il a été examiné le 3 juin 2017 par le docteur [F].
Ce dernier concluait à l'existence de lombalgies intermittentes imposant la suppression des efforts importants et ou prolongés, nécessitant des traitements symptomatiques intermittents et s'accompagnant de sciatalgies droites avec déficit sciatique sensitif.
Il 'proposait en fonction du barème du concours médical' de retenir un taux d'IPP de 8 %.
Il renseignait le questionnaire joint comme suit :
Aux questions ' l'assuré est-il capable d'exercer du fait de son état de santé global
-la profession exercée le jour du sinistre, il répondait ' Non '.
-une autre activité professionnelle, il répondait 'Oui', ' totalement ' .
Il précisait que l'état actuel de l'assuré lui permettait seul de se déplacer, se nourrir, se laver, s'habiller, précisions antinomiques avec la garantie PTIA.
M. [G] a contesté ce rapport et demandé la mise en place de la procédure de conciliation. Il a été convoqué le 17 mai 2018 par le docteur [E]. Il ne s'est pas rendu à ce rendez-vous.
Il résulte des pièces médicales produites par l'assureur que M. [G], au 3 juin 2017, ne remplissait pas les conditions des garanties ITT et PTIA.
Le seul fait de bénéficier d'une carte mobilité inclusion, carte qui est accordée aux personnes dont le taux d'incapacité est évalué entre 50 et 80 % , sans autre précision, ne saurait démontrer que les conditions des garanties sont réunies.
Il sera rappelé que M. [G] a mis en échec la procédure de conciliation qu'il avait lui-même sollicitée sans s'expliquer sur sa défaillance.
Il ne produit aucun certificat médical.
-sur le devoir de conseil de la banque
La banque a l'obligation d'informer l'adhérent sur les garanties souscrites et les conditions de leur mise en oeuvre.
Elle est tenue d'éclairer ce dernier sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur.
Cette obligation incombe au seul établissement de crédit souscripteur du contrat d'assurance.
L' établissement de crédit qui propose aux clients emprunteurs d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à leur profit n'agit pas comme mandataire de l'assureur et n'engage pas la responsabilité de ce dernier.
-sur le prêt de 200 000 euros
M. [G] affirme avoir voulu souscrire la garantie ITT, assure que sa signature dans la case 'je renonce à la garantie ITT ' est une erreur de plume.
A défaut, il estime que la renonciation établit l'erreur de la banque qui ne lui a pas conseillé de souscrire cette garantie.
Il résulte de la demande d'adhésion produite qu'elle prévoit un emplacement spécifique ainsi rédigé :
'Par dérogation et après avoir été informé des conséquences de mon choix, je renonce définitivement à la garantie de l'incapacité temporaire totale.
La présente renonciation est ouverte aux demandes d'assurance pour prêts pour investissement immobilier à caractère locatif.
Attention ne signez qu'en cas de renonciation à la garantie ITT (souligné)'.
M. [G] a signé deux fois le document intitulé demande d'adhésion, ce qui rend peu vraisemblable une confusion entre la renonciation à la garantie ITT et la demande d'adhésion.
Force est de relever qu'il ne justifie, ni ne prétend avoir sollicité une garantie au titre du prêt de 200 000 euros et avoir réalisé, découvert qu'il n'était pas en fait assuré, ce qui démontre qu'il avait connaissance des garanties souscrites.
Il a indiqué au demeurant avoir été informé des conséquences de son choix.
-sur le prêt de 855 596 euros
M. [G] reproche à la banque de ne lui avoir pas conseillé de souscrire une quotité assurée de 100 % plutôt que 50 %.
La banque fait observer à juste titre que la garantie a joué entre mars 2014 et juin 2017, que la question de la quotité (100 % ou 50%) est inopérante dès lors que le refus est motivé par le fait que les conditions de la garantie ne sont pas réunies.
Enfin, le manquement à une obligation d'information et de conseil est une perte de chance de souscrire des garanties applicables et susceptibles de garantir le remboursement des prêts.
Or, M. [G] évalue son préjudice au montant théorique garanti soit 185585,60 et 841 620,81 euros.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [G] de ses demandes dirigées contre la banque. Le manquement prétendu au devoir de conseil n'est pas établi.
Le préjudice demandé ne correspond pas au préjudice résultant d'un manquement au devoir d'information et de conseil.
-sur la demande d'expertise
A titre subsidiaire, M. [G] demande à la cour d'ordonner une expertise médicale.
L'article 232 du code de procédure civile, le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien.
M. [G] ne produit aucune pièce devant la cour.
Le tribunal a fait l'analyse des pièces produites en première instance. Elles ne sont pas de nature à créer un doute sur son état de santé.
Il sera donc débouté de sa demande d'expertise.
-sur les autres demandes
En l'absence de fautes imputables à la banque et à l'assureur, M. [G] sera débouté de sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral.
La société CRCA sera déboutée de sa demande tendant à 'voir constater' que M. [G] lui doit 1 199 542,75 euros .
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de M. [G].
Il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles exposés.
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
-confirme le jugement entrepris
Y ajoutant :
-déboute M. [G] de sa demande d'expertise
-déboute les parties de leurs autres demandes
-condamne M. [G] aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCPe. Litis
-laisse à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles exposés par elle en appel,
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,