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28/02/2023 | FRANCE | N°21/01446

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 28 février 2023, 21/01446


ARRÊT N° 72



N° RG 21/01446



N° Portalis DBV5-V-B7F-GIOV















[U]



C/



[H]





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2023







Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 avril 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de SAINTES



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APPELANTE :



Madame [Z] [U] épouse [L]

née le 26 Mars 1981 à [Localité 4] (CAMEROUN)

[Adresse 1]

[Adresse 1]



ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUÉ POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS









INTIMÉE :



Madame [V] [H] née [A]

née le 25 Mars 1975...

ARRÊT N° 72

N° RG 21/01446

N° Portalis DBV5-V-B7F-GIOV

[U]

C/

[H]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 28 FÉVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 avril 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de SAINTES

APPELANTE :

Madame [Z] [U] épouse [L]

née le 26 Mars 1981 à [Localité 4] (CAMEROUN)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUÉ POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉE :

Madame [V] [H] née [A]

née le 25 Mars 1975 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

ayant pour avocat postulant Me Anne-sophie ARBELLOT DE ROUFFIGNAC, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 08 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

[V] [H] (née [A]) a acquis le 1er avril 2018 la patientèle du cabinet d'infirmier situé à [Localité 5] (Charente-Maritime), dans lequel elle exerçait.

Elle avait conclu le 23 mars précédent un contrat de collaboration à durée déterminée d'une année, du 1er avril 2018 au 31 mars 2019, avec [Z] [U] épouse [L], infirmière libérale qui exerçait en qualité de remplaçante au sein du cabinet infirmier. Il avait été convenu d'envisager la conclusion d'un contrat de collaboration à échéance.

Les relations entre les infirmières se sont dégradées. [V] [H] a saisi le conseil régional de l'ordre des infirmiers. Un procès-verbal de conciliation est en date du 17 septembre 2018. [V] [H] a postérieurement ressaisi le conseil régional de l'ordre des infirmiers.

Par courrier recommandé en date du 15 novembre 2018, elle a notifié à [Z] [L] la rupture du contrat de collaboration à l'expiration d'un délai de quinze jours. Elle a fondé cette rupture sur les manquements contractuels de sa collaboratrice. L'accès au cabinet infirmier lui a été interdit.

[Z] [L] exerce désormais une activité d'infirmière libérale à [Localité 7] (Charente-Maritime).

Par acte du 31 mai 2019, [Z] [L] a fait assigner [V] [H] devant le tribunal de grande instance de Saintes. Elle a demandé paiement à titre de dommages et intérêts de la somme de 47 368,18 € en réparation du manque à gagner à raison des fautes selon elle commises par sa cocontractante, outre la somme de 1 € à titre symbolique.

[V] [L] a demandé de surseoir à statuer jusqu'à décision de la chambre disciplinaire de première instance de la région Nouvelle-Aquitaine. Elle a au fond conclu au rejet des prétentions formées à son encontre.

Par jugement du 2 avril 2021, le tribunal judiciaire (anciennement tribunal de grande instance) de Saintes a statué en ces termes :

'Vu le contrat de collaboration entre les parties en date du 23 mars 2018,

REJETTE la demande de sursis à statuer

DÉCLARE non fautive la rupture par Madame [H] du contrat de collaboration du 23 mars 2018,

DÉBOUTE Madame [L] de l'ensemble de ses demandes,

CONDAMNE Madame [L] aux dépens de l'instance et à verser à Madame [H] une somme de DEUX MILLE EUROS (2 000 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile'.

Il a rejeté la demande de sursis à statuer, d'une part l'instance disciplinaire étant sans lien avec le litige dont était saisi le tribunal, d'autre part celui-ci étant en mesure d'apprécier les fautes alléguées.

Il a considéré que :

- le grief fait d'un refus de communication n'était pas établi ;

- la recherche d'un lieu d'exercice libéral ne pouvait pas être reprochée à la demanderesse, cette recherche ayant été convenue au procès-verbal de conciliation ;

- les attestations produites caractérisaient une tentative par la demanderesse de détournement de la clientèle du cabinet infirmier au préjudice de [V] [H] ;

- le recrutement par cette dernière d'un troisième infirmier non pas en qualité de remplaçant mais de collaborateur, était contraire aux prévisions contractuelles ;

- la preuve d'un manquement à l'article 12 du contrat de collaboration n'était pas établie, cet article ne trouvant application qu'en cas de cession des éléments incorporels et l'intention de [V] [H] de s'associer avec un tiers n'étant qu'affirmée.

En l'absence de rupture fautive du contrat de collaboration, il a rejeté la demande d'indemnisation de la demanderesse, qui ne pouvait porter que sur un manque à gagner et non le chiffre d'affaires.

Par déclaration reçue au greffe le 4 mai 2021, [Z] [U] épouse [L] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 juillet 2021, elle a demandé de :

'Vu le contrat de collaboration en date du 23 mars 2018,

Vu les dispositions de l'article 1212 du Code civil,

Vu les dispositions de l'article 1217 du Code civil,

Vu les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Vu la décision de la Chambre Disciplinaire de Première Instance du 22/04/2021

Vu le jugement du Tribunal Judiciaire de SAINTES en date du 02/04/2021,

' DECLARER Madame [L] bien fondée en son appel,

' REFORMER le jugement en toutes ses dispositions.

' PRONONCER la rupture du contrat de collaboration du 23/03/2018 aux torts exclusifs de Madame [H].

En conséquence,

' CONDAMNER Madame [H] à réparation.

' La CONDAMNER au versement d'une somme de 47.368,18 € au regard du manque à gagner de Madame [L].

' CONDAMNER Madame [H] au versement d'une somme de 1 € symbolique au titre de dommages et intérêts au regard du préjudice subi par Madame [L].

' DEBOUTER Madame [H] de toutes demandes, fins et conclusions,

' CONDAMNER Madame [H] au versement d'une somme de 4.000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC.

' La CONDAMNER aux entiers dépens'.

Elle a indiqué que par décision du 22 avril 2021, la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des infirmiers de Nouvelle-Aquitaine avait considéré que l'intimée avait manqué à son obligation de confraternité

Elle a exposé qu'il avait été convenu au protocole d'accord conclu que le contrat de collaboration serait poursuivi jusqu'à son terme, qu'il lui était permis de rechercher un lieu où exercer son activité libérale. Elle a maintenu n'avoir commis aucune faute dans l'exécution du contrat de collaboration en fondant la rupture anticipée. Elle a ajouté que le changement des serrures du cabinet infirmier par l'intimée était fautif et que son installation à [Localité 7], à 6,5 kilomètres au minimum du cabinet infirmer, ne contrevenait pas au protocole d'accord. Elle a contesté toute tentative de détournement de clientèle, la remise d'une carte professionnelle ne la constituant pas. Elle a ajouté qu'en raison de son ancienneté dans le cabinet, il n'était pas anormal que certains patients aient décidé de la suivre au sein de son nouveau cabinet.

Selon elle, le recours à un troisième infirmier au sein du cabinet était contraire aux stipulations du contrat de collaboration, notamment de l'article 9.

Elle a maintenu sa demande en paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice chiffré par référence au chiffre d'affaires du cabinet. Elle a en outre sollicité paiement à titre symbolique de la somme de 1 €, en réparation de son préjudice moral.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 octobre 2021, [V] [H] a demandé de :

'Vu l'article 564 du code de procédure civile,

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,

Vu le contrat de collaboration en date du 23 mars 2018,

Dire et juger irrecevables les demandes de Madame [Z] [L],

Dire et juger mal fondées les demandes de Madame [Z] [L],

Débouter Madame [Z] [L] de l'ensemble de ses demandes,

Confirmer le Jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Saintes le 2 avril 2021,

Y ajoutant :

Condamner Madame [Z] [L] à pater à Madame [H] la somme de 4 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens'.

Elle a soutenu irrecevable car nouvelle devant la cour la demande de prononcer à ses torts la rupture du contrat de collaboration.

Au fond, elle a conclu au rejet des prétentions de l'appelante et à la confirmation du jugement. Elle a imputé la rupture du contrat à l'appelante :

- le contrat ayant pris fin lors de l'ouverture le 15 novembre 2018 d'un cabinet infirmier à [Localité 7] ;

- ce cabinet ayant été ouvert à une distance inférieure à celle convenue au procès-verbal de conciliation ;

- [Z] [U] épouse [L] ayant tenté de détourner sa patientèle.

Elle a maintenu que l'article 9 du contrat de collaboration lui permettait de faire appel à un troisième infirmier pour assurer la continuité des soins.

Elle ajouté que l'appelante ne justifiait d'aucun préjudice, son activité au sein du cabinet n'ayant pris fin qu'à la date d'ouverture de son propre cabinet infirmier, le 15 novembre 2018.

L'ordonnance de clôture est du 6 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A - SUR UNE DEMANDE NOUVELLE

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à 'peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'. L'article 565 précise que 'les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent' et l'article 566 que 'les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire'.

[Z] [U] épouse [L] avait en première instance demandé de :

'- Rejeter la demande de sursis à statuer,

- Constater les manquements contractuels de Madame [H],

En conséquence,

- Condamner Madame [H] à réparation,

- Condamner Madame [H] au versement :

o d'une somme de 47 368,18 € au regard du manque à gagner subi,

o d'une somme d'1 euro symbolique à titre de dommages et intérêts au regard du préjudice subi

- Condamner en outre Madame [H] aux dépens de l'instance et au versement d'une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir'.

[V] [H] avait demandé de :

'- Prononcer le sursis à statuer dans l'attente de la décision de la dite chambre disciplinaire,

- Débouter Madame [L] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamner Madame [L] à payer à la concluante la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile'.

La demande de l'appelante de : 'PRONONCER la rupture du contrat de collaboration du 23/03/2018 aux torts exclusifs de Madame [H]' est dès lors nouvelle en cause d'appel. Elle n'est pas au sens des dispositions précitées l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes initiales de l'appelante qui se limitait à demander paiement de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'intimée laquelle concluait au seul rejet des demandes de son adversaire.

La demande de l'appelante de prononcer la rupture du contrat de collaboration aux torts de l'intimée est dès lors irrecevable.

B - SUR LA RUPTURE DE LA RELATION CONTRACTUELLE

L'article 1103 du code civil dispose que : 'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits' et l'article 1104 alinéa 1er du même code que : 'Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi'.

1 - sur les motifs de la rupture de la relation contractuelle

L'article 3 du contrat en date du 28 mars 2018 stipule notamment que :

'Le présent contrat entrera en vigueur le 1er avril 2018 et se terminera le 31 mars 2019 inclus.

[...]

Toutefois, au cas où l'une ou l'autre des parties soussignées :

- viendrait à manquer aux engagements qu'elle a pris aux termes de la présente convention,

- ferait l'objet d'une sanction disciplinaire définitive lui interdisant d'exercer pendant une période égale ou supérieure à trois mois,

le contrat deviendrait automatiquement caduc quinze jours francs après mise en demeure lui ayant été adressée par l'autre partie, sous forme recommandée avec accusé de réception.

Par ailleurs en cas de non renouvellement, chacune des parties pourra mettre fin aux présentes moyennant le respect d'un préavis de trois mois adressé à sa cocontractante par lettre recommandée avec accusé de réception, sans indemnité de part et d'autre'.

Par courrier recommandé en date du 15 novembre 2018 distribué le 19 novembre suivant, [V] [H], après avoir rappelé les termes de l'article 3 précité, a notifié en ces termes la rupture de la relation contractuelle:

'Je considère que vous manquez à vos engagements:

1- En refusant de communiquer avec moi afin d'assurer le suivi des prises en charges des patients, vous mettez en danger la sécurité des patients,

2- En violation de l'article 10 du contrat de collaboration, vous êtes entrain d'ouvrir votre cabinet à [Adresse 8], Vous en avez informé mes propres patients.

3- En violation de l'article 11 du contrat de collaboration, vous détournez ma patientèle. Parmis cette patientèle se trouvent en autres les noms suivants :

[...]

Pour l'ensemble de ces raisons, je considère que notre contrat sera caduc à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la présente mise en demeure.

Conformément aux termes de l'article 11 du contrat, je me réserve le droit de vous demander des dommages et intérêts dans l'hypothèse ou vous persisteriez à vouloir installer votre cabinet à moins de 12 km du mien, c'est à dire sur la commune de [Localité 7]'.

2 - sur le défaut de communication

L'article R 4312-10 alinéa 1er du code de la santé publique dispose que: 'L'infirmier agit en toutes circonstances dans l'intérêt du patient' et l'article R 4312-25 alinéa 1er du même code que : 'Les infirmiers doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité'.

L'article 10 du contrat rappelle notamment que :'Pendant tout le cours du présent accord, les deux parties s'obligent l'une vis-a-vis de l'autre à observer les règles de la meilleure confraternité'.

Les relations entre les parties sont demeurées dégradées postérieurement au procès-verbal de conciliation. L'imputabilité de la dégradation demeure ignorée. Aucun élément des débats n'établit toutefois que cette dégradation a fait obstacle à l'échange des informations nécessaires à la délivrance des soins et au suivi des patients.

3 - sur la non-concurrence

L'article 10 du contrat stipule que :

'Pendant tout le cours du présent accord, les deux parties s'obligent l'une vis-a-vis de l'autre à observer les règles de la meilleure confraternité, en s'interdisant notamment d'ouvrir un autre cabinet, de même que d'accepter d'exercer dans le cabinet d'un(e) ou plusieurs confrères ou consoeurs ou dans un établissement hospitalier ou autrement, sauf accord souscrit par écrit entre les soussignées.

La partie qui viendrait à contrevenir à ses engagements au regard du présent article serait redevable de dommages-intérêts envers la partie lésée, sans préjudice pour cette dernière de faire cesser l'infraction'.

Une clause de non concurrence est stipulée à l'article 11 du contrat en ces termes :

'Conformément aux dispositions de l'article 18 de la loi du 2 août 2005, Madame [Z] [L] peut développer sa clientèle personnelle étant précisé que celle-ci est constituée des patients l'ayant expressément contactée.

[...]

A l'expiration du contrat pour quelque cause que ce soit, la collaboratrice s'engage formellement à ne pas se réinstaller dans un cabinet ayant une activité similaire, comme associée, collaboratrice, ou de s'y intéresser de façon directe ou indirecte, à peine de dommages intérêts envers la titulaire du cabinet ou de ses ayants cause, sauf autorisation écrite entre les soussignés.

Cet engagement se poursuivra pendant un délai de deux années à compter du départ définitif de Madame [Z] [L].

Elle s'appliquera dans un rayon de douze (12) km à vol d'oiseau autour du cabinet.

En revanche, Madame [Z] [L]pourra librement traiter les patients qui constituent sa clientèle telle que définie ci-dessus'.

Le procès-verbal de conciliation du 17 septembre 2018 conclu entre les parties devant la commission de conciliation du conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers stipule notamment que :

'Mme [L] accepte « un délai de réflexion » jusqu'au 15 novembre 2018. Durant ce délai, elle s'engage à chercher un cabinet où elle peut s'installer ou exercer en tant qu'infirmière libérale remplaçante. A ce titre, elle demande de revenir sur l'article 11 de leur contrat de collaboration afin de réduire le périmètre de non réinstallation passant de 12 km à vol d'oiseau à 6 km à vol d'oiseau autour du cabinet de [Localité 5] au [Adresse 3].

Cette demande est acceptée par la partie plaignante, Mme [H].

Sur cette même période, la répartition du temps de travail reste inchangée : 13 jours pleins de travail par mois pour Mme [L].

A compter du15 novembre 2018 :

-Mme [L] verra son temps de travail diminuer de 13 jours pleins à 7 jours pleins avec 1 week end inclus.

-Mme [L] verra sa redevance de collaboration baisser de 10% à 5% de ses honoraires, hors frais kilométriques

Il peut être mis un terme par un avenant à la collaboration entre Mme [L] et Mme [H] à tout moment si Mme [L] trouve un autre cabinet pour exercer sa profession.

Dans le cas contraire, le contrat de collaboration se poursuivra jusqu'au 31 mars 2019, date d'échéance du contrat.

[...]

« Le litige s'éteint. Les deux parties ont abouti à un accord et se désistent mutuellement d'instance et d'action »'.

L'appelante s'est établie à [Localité 7] où elle a ouvert un cabinet infirmier à compter du 15 novembre 2018, date non contestée. L'appelante a produit une impression d'une page du site www.viamichelin.fr indiquant que la distance séparant [Localité 5] et [Localité 7] est de 7 kilomètres. L'impression d'une page du site www.coordonnées-gps.fr établit que [Localité 7] est distant à vol d'oiseau de [Localité 5] de plus de 6 kilomètres. L'établissement de l'appelante n'est dès lors pas contraire aux termes du procès-verbal de conciliation.

Toutefois, il résulte de la combinaison de l'article 10 du contrat de collaboration et du procès-verbal de conciliation du 17 septembre 2018 que [V] [H] était fondée à rompre le contrat de collaboration dès lors que [Z] [U] épouse [L] s'installait à son compte, étant rappelé que cette installation n'était pas fautive.

4 - sur un détournement de clientèle

Les parties au contrat de collaboration étaient tenues d'un devoir de confraternité. L'article R 4312-25 alinéa 3 du code de la santé publique dispose en outre que : 'Il est interdit à un infirmier, quel que soit le moyen ou le support de communication utilisé, d'en calomnier un autre, de médire de lui ou de se faire l'écho de propos capables de lui nuire dans l'exercice de sa profession'.

[V] [H] a produit aux débats plusieurs attestations établissant selon elle le détournement de patientèle allégué. Selon [F] [E], [Z] [U] épouse [L] a dénigré [V] [H]. [Y] [D] a attesté de propos similaires de l'appelante qui avait précisé qu'elle allait s'installer à son compte. [K] [C] a attesté de même, ajoutant que l'appelante lui avait donné une carte de visite avec ses coordonnées. [K] [W] a attesté que cette dernière lui avait demandé d'être son patient.

[Z] [U] épouse [L] a produit une attestation de [N] [G], aux termes de laquelle [K] [S] avait indiqué à sa mère en sa présence qu'elle : 'n'avait pas le droit de prendre des clients à [V]' et que : 'nous on risquait de ne pas être remboursé par la Sécurité Sociale'. Elle a produit d'autres attestations relatives à la qualité des soins délivrés, qui n'a pas été contestée.

Ces attestations, si elles ont insuffisantes à caractériser un détournement de clientèle au préjudice de l'intimée ou sa tentative, établissent de la part de l'appelante un manquement à l'obligation de confraternité rappelée par l'article R 4312-25 précité.

[V] [H] pouvait dès lors fonder la rupture de la relation contractuelle sur ce manquement, par application des articles 3 et 10 du contrat de collaboration.

Il résulte de ces développements que la rupture par l'intimée de la relation contractuelle n'est pas fautive.

C - SUR LES ABSENCES

L'article 9 du contrat relatif aux absences prévoit que

'Dans le cadre de l'accord ainsi conclu, Madame [Z] [L] accepte dès à présent, en cas de besoin, et notamment celui d'empêchement de Madame [V] [H] d'accorder ses soins aux patients de cette dernière, en y apportant toute sa compétence.

De même et en sens inverse, Madame [V] [H] s'engage à pareille réciprocité.

Dans le même esprit, les soussignés s'engagent aussi, dès à présent, à organiser leur départ respectif en congés à des dates qu'elles auront préalablement arrêtées en commun, et de façon à ce que jamais le cabinet ne soit déserté en même temps par l'une et l'autre, le remplacement de la consoeur absente étant à tour de rôle assuré par celle qui reste.

Dans les autres hypothèses d'absence, Madame [V] [H] organisera la continuité des soins par un remplaçant extérieur si besoin'.

Ces stipulations visent à assurer la permanence des soins au profit des patients.

Par courriel en date du 17 juin 2018 puis par courrier recommandé en date du même jour, [Z] [U] épouse [L] a indiqué à [V] [H] que :

'Juste un petit courrier pour te rappeler certains engagements non exhaustifs...et en particulier l'article 9. absences. Cet article précise que dans la mesure de mes disponibilités j'ai obligation de te remplacer lors de tes indisponibilités. II est donc impératif de modifier notre planning d'intervention que tu as coqueté toute seule, à savoir du 25 au 29 juillet, 5 et 6 septembre, 17 et 18 septembre et 29 et 30 septembre 2018 qui aux vues de tes disponibilités doivent t'être ré attribués à moins que tu soit réellement indisponible. Dans ce cas je suis dans l'obligation d'accorder mes soins à tes patients en y apportant toute ma compétence. Bien sur je me réserve la possibilité de te réclamer le montant de mon préjudice (article 10) à calculer pour les remplacements illégaux que tu as par le passé fait réalisés par ton remplaçant alors que j'étais dispos....(voir petits matin)'.

Aucun élément extérieur objectif ne caractérise une faute de [V] [H] dans l'organisation du fonctionnement du cabinet infirmier pendant les périodes de congé. [Z] [U] épouse [L] ne justifie de plus d'aucun préjudice subi en étant résulté.

[V] [H] a notamment indiqué dans son courrier en date du 20 juillet 2018 adressé à la commission de conciliation du conseil interdépartemental de l'ordre des infirmiers que :

'Nous avions une remplaçante fixe, Madame [Z] [L] qui travaillait exactement comme moi

[...]

Au départ de Madame [J], ancienne propriétaire de la patientèle, j'ai accepté de prendre Madame [Z] [L] comme collaboratrice. Nous nous retrouvions à deux infirmières pour une charge de travail qui a augmenté légèrement. J'ai tout naturellement émis le souhait de prendre un remplaçant, Monsieur [T] [S].

Lors d'un déjeuner à trois, Madame [Z] [L], Monsieur [T] [S] et moi-même, j'ai clairement exposé le projet de mon cabinet. J'ai suggéré de prendre Monsieur [T] [S] comme remplaçant six jours par mois, le temps qu'il se libère de ses autres engagements, puis à partir d'octobre de le prendre comme collaborateur avec dix jours pleins de travail par mois, puis quelques matinées ; Il est en effet à noter que nous sommes obligés de travailler à deux par jour vu la surcharge de travail. Ma priorité étant la qualité des soins apportés, le confort du patient, il me semble indispensable d'être trois, voire quatre'.

Le contrat de collaboration tel que conclu ne confère à l'appelante aucun droit d'exclusivité et n'interdit pas à [V] [H] de recourir à un remplaçant ou de conclure un contrat de collaboration supplémentaire pour assurer le bon fonctionnement du cabinet infirmier. L'appelante ne justifie d'aucune faute de l'intimée et n'est pour ces motifs pas fondée en ses prétentions formées de ce chef.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a débouté l'appelante de ses prétentions.

D - SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Le premier juge a équitablement apprécié l'indemnité due sur ce fondement par l'appelante.

Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits de l'intimée de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à la demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.

E -SUR LES DÉPENS

La charge des dépens d'appel incombe à l'appelante.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

DECLARE irrecevable la demande formée en cause d'appel par [Z] [U] épouse [L] de :'PRONONCER la rupture du contrat de collaboration du 23/03/2018 aux torts exclusifs de Madame [H]' ;

CONFIRME le jugement du 2 avril 2021 du tribunal judiciaire de Saintes ;

CONDAMNE [Z] [U] épouse [L] à payer en cause d'appel à [V] [H] (née [A]) la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [Z] [U] épouse [L] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01446
Date de la décision : 28/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-28;21.01446 ?
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