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07/03/2023 | FRANCE | N°22/01751

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 07 mars 2023, 22/01751


ARRÊT N°101



N° RG 22/01751



N° Portalis DBV5-V-B7G-GSXW













L'AUXILIAIRE

S.A.S. MENUISERIE DE BÂTIMENT ROUX FRERES



C/



S.A.S. DUPONT DE NEMOURS (FRANCE)

S.A.R.L. DUPONT DE NEMOURS INTERNATIONAL













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 07 MARS 2023









Décision dé

férée à la Cour : Ordonnance du 23 juin 2022 rendue par le Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire POITIERS





APPELANTES :



L'AUXILIAIRE

Société d'assurances mutuelles

N° SIRET : 324 774 298

[Adresse 2]

[Adresse 2]



S.A.S. MENUISERIE DE BÂTIMENT ROUX FRÈRE...

ARRÊT N°101

N° RG 22/01751

N° Portalis DBV5-V-B7G-GSXW

L'AUXILIAIRE

S.A.S. MENUISERIE DE BÂTIMENT ROUX FRERES

C/

S.A.S. DUPONT DE NEMOURS (FRANCE)

S.A.R.L. DUPONT DE NEMOURS INTERNATIONAL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 07 MARS 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 23 juin 2022 rendue par le Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire POITIERS

APPELANTES :

L'AUXILIAIRE

Société d'assurances mutuelles

N° SIRET : 324 774 298

[Adresse 2]

[Adresse 2]

S.A.S. MENUISERIE DE BÂTIMENT ROUX FRÈRES

N° SIRET : 336 820 097

[Adresse 6]

[Adresse 6]

ayant pour avocat postulant et plaidant Me Cécile LECLER-CHAPERON, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉES :

SAS CORTEVA AGRISCIENCE FRANCE

venant aux droits de la S.A.S. DU PONT DE NEMOURS (FRANCE)

N° SIRET : 950 417 493

[Adresse 1]

[Adresse 1]

S.A.R.L. DUPONT DE NEMOURS INTERNATIONAL

N° SIRET : 105 923 450

[Adresse 3]

[Adresse 3]

(SUISSE)

ayant toutes deux pour avocat postulant Me Emmanuel BREILLAT de la SCP BREILLAT- DIEUMEGARD - MASSON, avocat au barreau de POITIERS

ayant toutes deux pour avocat plaidant Me Joëlle KOBLAN-HUBERSON, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Thierry MONGE, Président qui a présenté son rapport

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ :

Le CHU de [Localité 4] a fait construire [Adresse 5] à [Localité 4] courant 2016/2017 un bâtiment de neuro-cardiologie dont le lot n°2 'Finitions' a été confié à un groupement conjoint d'entreprises dont la société Menuiseries de Bâtiment Roux Frères, titulaire du lot 'menuiseries intérieures & agencements'.

Il a dénoncé le 13 mars 2017 à la société Menuiseries de Bâtiment Roux Frères dans le cadre de la garantie de parfait achèvement une réserve au titre de taches sur des paillasses en résine qu'elle avait posées, puis l'a mise en demeure le 28 avril 2017 de lever ces réserves faute de quoi les reprises seraient faites à ses frais et risques par une entreprise tierce.

La société Menuiseries Roux Frères a procédé alors à une déclaration de sinistre auprès de son propre assureur de responsabilité, la compagnie L'Auxiliaire.

Le CHU de [Localité 4] a saisi en référé le tribunal administratif de Poitiers par requête du 24 février 2021 d'une demande d'institution d'une expertise destinée à déterminer la nature, les causes et le coût de reprise des désordres affectant les paillasses posées dans l'établissement, dont il indiquait qu'il s'agissait d'un modèle du type 'Corian' fourni par la société Dupont de Nemours. La requête était dirigée contre les sociétés Menuiseries de Bâtiment Roux Frères, L'Auxiliaire et Dupont de Nemours SAS (France).

La SAS Dupont de Nemours a sollicité du juge des référés du tribunal administratif sa mise hors de cause en soutenant que le fournisseur des produits en cause n'était pas elle-même, société de droit français, mais la société de droit suisse SARL Dupont de Nemours International, auprès de laquelle l'entreprise Menuiserie Roux s'était approvisionnée.

Cette société de droit suisse est volontairement intervenue à l'instance en formulant protestations et réserves sur la mesure technique demandée.

Par ordonnance du 29 juillet 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a ordonné la mise hors de cause de la société de droit français SAS Dupont de Nemours et a ordonné aux soins de M. [O] une expertise au contradictoire des sociétés Menuiseries de Bâtiment Roux Frères, L'Auxiliaire et Dupont de Nemours International (Suisse).

Entre-temps, les sociétés Menuiseries de Bâtiment Roux Frères et L'Auxiliaire avaient fait assigner par actes du 10 juin 2021 devant le tribunal judiciaire de Poitiers la SAS Dupont de Nemours et la SARL Dupont de Nemours International (Suisse) aux fins d'entendre

*condamner la SAS Dupont de Nemours et subsidiairement la SARL Dupont de Nemours International à indemniser Menuiseries Roux Frères des vices cachés affectant les produits commandés et livrés

*condamner solidairement la SAS Dupont de Nemours et la SARL Dupont de Nemours International à indemniser Roux Frères des préjudices subis au titre des produits commandés et livrés

*condamner solidairement la SAS Dupont de Nemours et la SARL Dupont de Nemours International à garantir L'Auxiliaire et Menuiseries Roux Frères de toutes condamnations qui seraient prononcées contre elles au titre des désordres invoqués par le CHU de [Localité 4]

*ordonner le sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ordonnée par le tribunal administratif.

La société SAS Dupont de Nemours et la SARL Dupont de Nemours International ont saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Poitiers d'un incident tendant à voir

-déclarer irrecevable pour défaut d'intérêt à agir l'action engagée à l'encontre de la société de droit français Dupont de Nemours, au motif que celle-ci n'était pas le vendeur ni le cocontractant de Menuiseries Roux Frères, n'étant intervenue qu'en qualité d'agent commercial de la société Dupont de Nemours International (Suisse)

-déclarer irrecevable pour cause de prescription l'action engagée contre la société de droit suisse Dupont de Nemours International, dès lors que les prescriptions biennale au titre des vices cachés et quinquennale au titre de la responsabilité de droit commun étaient l'une et l'autre acquises au regard de la date de vente des produits litigieux, aucun acte interruptif de prescription ne pouvant être opposé au vendeur

-déclarer irrecevable pour défaut de droit d'agir toute action en responsabilité contractuelle dirigée à leur encontre par les sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire, au motif qu'une telle action ne pouvait être cumulée avec l'action exercée sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Les sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire ont conclu au rejet de l'incident et sollicité une indemnité de procédure en répondant, en substance

-que la SAS Dupont de Nemours France était bien intervenue dans le processus de commercialisation des paillasses litigieuses, ce qui pourrait justifier sa mise en cause au titre de sa responsabilité contractuelle, pré-contractuelle ou délictuelle

-que la prescription n'était pas acquise car son délai ne pouvait avoir couru avant qu'elles-mêmes ne fussent assignées devant la juridiction administrative le 24 février 2021, ajoutant que l'action pouvait aussi être fondée sur le dol du chef des caractéristiques des produits et qu'elle n'était pas non plus prescrite sur ce fondement au vu de la date de révélation des manoeuvres dolosives.

Elles ont été autorisées par le juge de la mise en état à déposer une note en délibéré pour répondre à la fin de non-recevoir tirée d'une irrecevabilité pour défaut de droit d'agir de toute action en responsabilité contractuelle , soulevée dans des conclusions d'incident déposées le jour de l'audience.

Par note en délibéré transmise par la voie électronique le 7 avril 2022, elles ont demandé au juge de la mise en état de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise de M. [O], en faisant valoir que l'expertise en cours avait mis en lumière une confusion dans le processus de vente entre les deux sociétés Dupont de Nemours.

Celles-ci ont demandé le rejet de cette note par note en délibéré responsive, en objectant qu'elle ne répondait pas à l'objet pour lequel une note avait été autorisée.

Par ordonnance du 23 juin 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Poitiers a

*déclaré recevable la note en délibéré du 7 avril 2022

*écarté la demande de sursis à statuer qu'elle formulait

*dit qu'il appartiendrait toutefois aux défenderesses de conclure sur cette demande, figurant dans le dispositif de l'assignation introductive d'instance

*rejeté l'exception d'irrecevabilité pour défaut d'intérêt à agir opposée aux prétentions dirigées contre la SAS Dupont de Nemours (France)

*dit que les sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire étaient forcloses à agir à l'encontre de la SARL Dupont de Nemours International (Suisse) sur le fondement de la garantie des vices cachés

*rejeté l'exception d'irrecevabilité pour cause de prescription opposée aux prétentions formulées contre la SARL Dupont de Nemours (Suisse) sur le fondement de la responsabilité contractuelle

*dit n'y avoir lieu à indemnité pour frais irrépétibles

*laissé chaque partie conserver à sa charge ses dépens d'incident.

Pour rejeter le moyen -improprement qualifié d''exception' alors qu'il s'agit d'une fin de non-recevoir- d'irrecevabilité pour défaut d'intérêt à agir contre elle articulé par la SAS Dupont de Nemours (France), le juge de la mise en état a dit que cet intérêt existait dès lors que les demanderesses fondaient aussi leur action contre cette société sur la responsabilité extracontractuelle, la question du bien ou mal fondé d'un tel fondement échappant quant à elle à la compétence du juge de la mise en état.

Pour dire les sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire forcloses à agir à l'encontre de la SARL Dupont de Nemours (Suisse) sur le fondement de la garantie des vices cachés, le juge de la mise en état a dit que le point de départ de cette action courait en vertu de l'article 1648 du code civil à compter de la découverte du vice, et que la société Menuiseries Roux Frères avait découvert le vice dont elle argue plus de deux ans avant d'avoir introduit son action, à savoir le 13 mars 2017, date des réserves formulées par le CHU de [Localité 4].

Pour rejeter la fin de non-recevoir -improprement qualifiée d''exception'- tirée de la prescription invoquée par la SARL Dupont de Nemours International (Suisse) au titre des demandes formulées à son encontre sur le fondement de la responsabilité contractuelle, le juge de la mise en état a retenu que cette action était soumise à un délai de prescription quinquennal qui courait à compter de la date des réserves du CHU et qui n'était pas expiré lorsque Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire avaient présenté devant le juge des référés administratif un mémoire s'opposant à la demande de mise hors de cause formulée par la SARL Dupont de Nemours International (Suisse), puis assigné les deux sociétés devant le tribunal judiciaire.

Pour rejeter le moyen tiré d'un défaut de droit d'agir à l'encontre de la SAS Dupont de Nemours et de la SARL Dupont de Nemours International, le juge de la mise en état a dit que c'est de l'appréciation du juge du fond que relevaient d'une part, la question de savoir si la SAS Dupont de Nemours avait ou non la qualité de vendeur dans ses relations avec l'entreprise Menuiseries Roux Frères, et d'autre

part la question de savoir si les éléments invoqués par les demanderesses à l'encontre des sociétés Dupont de Nemours International (Suisse) s'apparentaient aux éléments constitutifs de la garantie des vices cachés.

Les sociétés Menuiseries de Bâtiment Roux Frères et L'auxiliaire ont relevé appel le 11 juillet 2022 de cette ordonnance en ses chefs de décision les déclarant forcloses à agir contre la SARL Dupont de Nemours (Suisse) sur le fondement de la garantie des vices cachés, ainsi qu'en ceux afférents aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés SAS Dupont de Nemours et SARL Dupont de Nemours International ont relevé appel le 13 juillet 2022 de cette ordonnance en ses chefs de décision rejetant 'l'exception d'irrecevabilité' pour défaut d'intérêt à agir opposée aux prétentions dirigées contre la SAS Dupont de Nemours, rejetant 'l'exception d'irrecevabilité' pour cause de prescription opposée aux prétentions formulées contre la SARL Dupont de Nemours (Suisse) sur le fondement de la responsabilité contractuelle, rejetant 'l'exception d'irrecevabilité' pour défaut du droit à agir à l'encontre des deux sociétés Dupont de Nemours sur le fondement de la responsabilité contractuelle, ainsi qu'en ceux afférents aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 3 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a joint ces deux instances.

En cours de procédure d'appel, la société de droit français SAS Dupont de Nemours a procédé à une transmission de son patrimoine au profit de la SAS Corteva Agriscience France avec effet au 1er octobre 2022 dans le cadre d'une fusion-absorption.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique

*le 2 décembre 2022 par les sociétés Menuiseries Roux Frères et L'auxiliaire

*le 30 novembre 2022 par les sociétés Corteva Agriscience France et Dupont de Nemours International (Suisse).

Les sociétés Menuiseries de Bâtiment Roux Frères et L'Auxiliaire demandent à la cour d'infirmer l'ordonnance en ses chefs de décision les déclarant forcloses à agir contre la SARL Dupont de Nemours International (Suisse) sur le fondement de la garantie des vices cachés, ainsi qu'en ceux afférents aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, de les juger recevables à agir à l'encontre de cette société sur ce fondement de la garantie des vices cachés, de débouter leurs contradicteurs de leurs fins de non-recevoir en confirmant leur rejet et de les condamner aux dépens de l'incident et à leur payer 10.000 euros d'indemnité de procédure.

Sur la forclusion à agir contre la SARL Dupont de Nemours (Suisse) sur le fondement de la garantie des vices cachés, elles se prévalent des arrêts rendus le 16 février et le 25 mai 2022 par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation pour soutenir qu'il est de jurisprudence assurée en matière de désordres constructifs que pour ce qui est de l'action récursoire exercée contre son vendeur de matériaux sur le fondement de la garantie des vices cachés par un entrepreneur recherché sur le fondement de la responsabilité pesant de plein droit sur les constructeurs, le bref délai pour agir contre le vendeur ou le fabricant court à compter du jour où il est lui-même assigné, et non à compter du jour de la découverte du vice. Elles font valoir qu'à retenir même que le délai pour agir sur le fondement du vice caché ait couru non de leur propre assignation au fond mais du jour où elles furent assignées en référé, elles ont assigné les sociétés Dupont de Nemours le 19 juin 2021 alors qu'elles avaient été mises en cause devant le juge des référés administratif le 24 février 2021, de sorte que leur action est parfaitement recevable.

À titre subsidiaire, si la cour ne faisait pas application de cette jurisprudence et retenait que le délai pour agir courait à compter de la découverte du vice, elles soutiennent qu'il ne faut pas confondre cette notion avec celle de manifestation des désordres, et elles affirment que seules les conclusions définitives de l'expert

permettront de connaître le vice, d'autant que Dupont de Nemours International réfute devant l'expert l'existence d'un vice, et que l'expert judiciaire semble en voie de retenir après analyses en laboratoire que le matériau utilisé pour façonner les vasques des paillasses n'était pas équivalent au 'Corian' indiqué.

Sur les autres fins de non-recevoir, les sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire déclarent approuver la motivation de l'ordonnance déférée, et contestent l'affirmation adverse qu'il incombait au juge de la mise en état de trancher ou faire trancher une question de fond.

Elles indiquent que leur intérêt à agir contre la SAS Dupont de Nemours devenue Corteva Agriscience France résulte suffisamment de ce que cette société est intervenue dans la conclusion du marché de fourniture litigieux et a été destinataire de la commande, fût-ce à titre d'agent commercial comme elle le prétend, le reste relevant de l'appréciation du fond.

Les sociétés Corteva Agriscience France et Dupont de Nemours International (Suisse) demandent à la cour de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit que les sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire étaient forcloses à agir à l'encontre de la SARL Dupont de Nemours International (Suisse) sur le fondement de la garantie des vices cachés, et de l'infirmer en ce qu'elle a rejeté l'exception d'irrecevabilité pour défaut d'intérêt à agir opposée aux prétentions dirigées contre la SAS Dupont de Nemours devenue Corteva Agriscience, rejeté l'exception d'irrecevabilité pour cause de prescription opposée aux prétentions formulées contre la SARL Dupont de Nemours (Suisse) sur le fondement de la responsabilité contractuelle, et rejeté l'exception d'irrecevabilité pour défaut du droit à agir à l'encontre des sociétés Corteva et Dupont de Nemours International sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

S'agissant de l'action des demanderesses contre la SARL Dupont de Nemours International (Suisse) sur le fondement de la garantie des vices cachés, elles maintiennent qu'elle est forclose, ou prescrite, en affirmant que s'il a certes pu être jugé en matière d'action récursoire en garantie des vices rédhibitoires que l'entrepreneur ne pouvait agir contre le fabricant avant d'avoir été lui-même mis en cause par le maître de l'ouvrage, c'est sous la réserve que l'entrepreneur n'ait pas eu lui-même connaissance des vices affectant la chose, et elles font valoir que le délai pour agir courait depuis le 13 mars 2017, date à laquelle le CHU avait dénoncé à la société Menuiseries Roux Frères une réserve tenant aux 'paillasses en résine tachées', ce qui la mettait en situation de mettre en cause le fabricant, fût-ce à titre préventif, comme elle a fini par se résoudre à le faire sans attendre le dépôt du rapport d'expertise judiciaire, mais tardivement. Elles contestent la pertinence de la jurisprudence de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation invoquée par leurs contradicteurs en avançant qu'elle est loin de faire l'unanimité, et qu'elle est contraire à la position de la 1ère chambre civile et de la chambre commerciale, lesquelles sont majoritairement suivies par les cours d'appel.

S'agissant du défaut d'intérêt des demanderesses à agir à l'encontre de la SAS Dupont de Nemours, devenue Corteva, elles maintiennent que celle-ci n'a pas qualité à défendre à une action en responsabilité, ce qui ne relève pas du fond mais bien d'une fin de non-recevoir, qui doit être tranchée par le juge de la mise en état ou renvoyée par celui-ci à être tranchée spécialement selon les modalités prévues à l'article 789-6° du code de procédure civile. Elles soutiennent que la SAS Dupont de Nemours (France) était à l'époque l'agent commercial de la société de droit helvétique Dupont de Nemours International, laquelle a seule été la cocontractante directe de Menuiseries Roux Frères ; elles font valoir que sa participation au marché de travaux n'est pas démontrée ; que les demanderesses sont dans l'incapacité d'établir que les fautes ou négligences dont elles se prévalent

pourraient lui être imputées, et elles ajoutent que le rapport d'expertise n'y changera rien puisque la SAS Dupont de Nemours (France) n'y est pas partie à cette expertise, qui ne pourra pas lui être opposée.

S'agissant du défaut d'intérêt des demanderesses à agir à l'encontre des sociétés SAS Dupont de Nemours, devenue Corteva, et SARL Dupont de Nemours International sur le fondement de la responsabilité contractuelle, elles maintiennent que l'action en garantie pour vice caché étant exclusive de l'action en responsabilité de droit commun, les deux ne peuvent être invoquées cumulativement, et que l'action en responsabilité est donc irrecevable, ce que le juge de la mise en état devait juger lui-même, ou demander au tribunal de juger en le saisissant spécialement à cette fin comme prévu par l'article 789-6° du code de procédure civile.

S'agissant du moyen de prescription opposé par la société Dupont de Nemours International (Suisse) à l'action exercée à son encontre sur le fondement de la responsabilité contractuelle, elles s'étonnent que le juge de la mise en état l'ait rejeté en se fondant sur l'article 2224 du code civil pour fixer le point de départ du délai de prescription, alors qu'il faut selon elles appliquer entre commerçants l'article L.110-4 du code de commerce au vu duquel la jurisprudence fixe en la matière le point de départ du délai de prescription à la date de la livraison soit donc en l'espèce à la livraison de chacune des commandes, toutes antérieures de plus de cinq années à leur assignation.

Elles réclament la condamnation des sociétés Menuiserie Roux Frères et L'Auxiliaire aux dépens de première instance et d'appel, et à leur payer 15.000 euros d'indemnité de procédure.

L'ordonnance de clôture est en date du 5 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La SAS Corteva Agriscience France justifie être venue en cours d'instance aux droits de la société de droit français SAS Dupont de Nemours par voie de fusion-absorption.

* sur la fin de non-recevoir prise d'un défaut d'intérêt à agir des sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire contre la société Dupont de Nemours France devenue Corteva Agriscience

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

L'intérêt à agir s'apprécie au regard de l'objet et de la nature de l'action.

Il n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action.

Toute personne qui prétend qu'une atteinte a été portée à un droit lui appartenant et qui profitera personnellement de la mesure qu'elle réclame a un intérêt personnel à agir en justice.

Les sociétés Corteva Agriscience France et Dupont de Nemours International (Suisse) reprennent devant la cour leur fin de non-recevoir -improprement qualifiée d'exception dans la décision déférée- tirée d'un défaut d'intérêt à agir des sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire à l'encontre de la société Dupont de Nemours France devenue Corteva Agriscience, motif pris

que celle-ci n'était à l'époque des commandes litigieuses que l'agent commercial

en France de la société Dupont de Nemours International (Suisse) laquelle fut 'la seule contractante directe' de Menuiserie Roux Frères, ajoutant (cf p. 12 de leurs conclusions) qu' 'il est tout à fait normal que cette dernière ait eu des contacts avec des préposés de la société Dupont de Nemours (France) lors de ses commandes de produits DuPont Solid Surfaces, en l'occurrence le Corian utilisé pour les plans de travail des paillasses et le Montelli utilisé pour les vasques, parce qu'elle était l'agent commercial de Dupont de Nemours International (Suisse) et le mandataire de celle-ci pour la promotion des ventes et le recueil des commandes des produits Corian et Montelli en France.

La société Menuiseries Roux Frères et son assureur L'Auxiliaire ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Poitiers la SAS Dupont de Nemours (France) et la SARL Dupont de Nemours International (Suisse) aux fins de les voir condamner à indemniser Roux Frères des préjudices subis au titre du vice caché affectant les produits litigieux qu'elle dit leur avoir commandés, et de les garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées contre elles au titre des désordres invoqués par le CHU de [Localité 4].

La responsabilité de la société Menuiseries Roux Frères est recherchée par le CHU de [Localité 4] au titre de taches affectant les paillasses du type 'Corian' et les vasques du type 'Montelli' qu'elle a posées dans son bâtiment de neuro-cardiologie dans le cadre de l'exécution des 'menuiseries intérieures & agencements' dont elle était titulaire dans le lot n°2 'Finitions'.

Il en résulte suffisamment la preuve de l'intérêt à agir de l'entreprise et de son assureur à l'encontre de celle ou de ceux qui ont fourni les paillasses et les vasques.

En réalité, la fin de non-recevoir invoquée par la SAS Dupont de Nemours et la SARL Dupont de Nemours International (Suisse) ne consiste pas réellement à soutenir que les demanderesses n'auraient pas intérêt à agir, ce qu'elles ont à l'évidence, mais à prétendre que la SAS Dupont de Nemours (France) n'aurait pas qualité pour défendre à l'action.

À cet égard, il est justifié par les productions que les deux sociétés défenderesses à cette action sont bien intervenues l'une et l'autre dans le processus de fourniture à l'entreprise Menuiseries Roux Frères de ces paillasses et de ces vasques, puisque les demanderesses versent la demande de prix (leur pièce n°27 verso) et les bons de commande tous libellés à destination de 'Du pont de Nemours - Mr [G]' (leurs pièces n°4,5, 34 annexe 1), ce monsieur [G] étant, ainsi qu'il est constant et démontré par des échanges de courriels (cf pièces n°26 à 31, 34) à l'époque des commandes, le responsable développement régional Sud Est de la SAS Dupont de Nemours France dont le nom et le RCS figure sur ces messages où figure aussi l'adresse électronique www.corian.com et www.dupontdenemours.fr (cf pièce n°28), et puisque les factures ont été quant à elles émises par Dupont de Nemours International (cf pièces n°29, 30,37 de Roux, et 9,10 et 11 des sociétés Dupont de Nemours).

Cette implication des deux sociétés dans le processus de pré-commande, de commande et de vente des matériels litigieux suffit à leur conférer qualité pour défendre à l'action.

Il est sans incidence sur ce constat que la SAS Dupont de Nemours (France) ne soit pas partie à l'expertise instituée par la juridiction administrative le 29 juillet 2021, étant observé que l'analyse par une juridiction administrative statuant en

référé que la SAS Dupont de Nemours (France) ne serait intervenue dans l'opération de vente qu'en qualité d'agent commercial de la SARL Dupont de Nemours International (Suisse), et qui plus est d'une façon qui ne l'expose pas à engager éventuellement sa responsabilité envers l'entreprise Menuiserie Roux, est dépourvue de toute autorité de chose jugée sur l'instance en cours devant le tribunal judiciaire.

La défense opposée par la SAS Dupont de Nemours (France) à sa mise en cause nécessite, pour être appréciée, d'analyser la nature des relations, avérées, ayant existé entre les sociétés Menuiseries Roux Frères, Dupont de Nemours (France) et Dupont de Nemours International (Suisse), ce qui ne relève pas de l'appréciation de la qualité à défendre à l'action ou de l'intérêt à agir ni, contrairement à ce qu'elles soutiennent subsidiairement, du mécanisme prévu à l'article 789-6° du code de procédure civile, mais de l'examen du fond du litige par le seul tribunal.

L'ordonnance entreprise sera ainsi confirmée en ce qu'elle a rejeté ce moyen d'irrecevabilité, qu'il soit qualifié de défaut d'intérêt à agir ou requalifié en défaut de qualité pour défendre à l'action.

* sur la fin de non-recevoir tirée par les sociétés Corteva Agriscience et Dupont de Nemours International (Suisse) d'un défaut de droit d'agir contre elles sur le fondement de la responsabilité contractuelle

Les sociétés Corteva Agriscience France et Dupont de Nemours International (Suisse) demandent au juge de la mise en état -en l'occurrence d'appel, par voie d'infirmation de l'ordonnance déférée- de déclarer la société Menuiseries Roux Frères et son assureur L'Auxiliaire irrecevables en leur action en responsabilité contractuelle dirigée à leur encontre, et de les en débouter, au motif que la garantie des vices cachés constitue l'unique fondement de l'action exercée pour un défaut de la chose vendue la rendant impropre à l'usage auquel elle était destinée.

Il sera observé en liminaire que le juge de la mise en état -d'appel comme de première instance- n'a pas le pouvoir de débouter une partie de son action et commettrait un excès de pouvoir à le faire après avoir jugé l'action irrecevable, ainsi qu'il le lui est demandé.

Pour le reste, cette fin de non-recevoir ne saurait prospérer.

Le fait que l'action en garantie des vices cachés constitue l'unique fondement de l'action engagée contre le vendeur pour défaut de la chose vendue la rendant impropre à sa destination normale ne fait pas obstacle (cf Cass. Com. 17.09.2002 P n°00-14884) à ce que la société Menuiserie Roux Frères agisse à titre principal sur le fondement de la garantie des vices cachés, et subsidiairement sur celui d'un défaut de conformité qui affecterait les vasques et paillasses litigieuses, dont les demanderesses font valoir que le pré-rapport de l'expert désigné par la juridiction administrative -dont le fait que Corteva Agriscience France ne soit pas partie aux opérations ne suffira pas à lui rendre le rapport inopposable, s'il est régulièrement produit aux débats pour être soumis à la discussion et qu'il est corroboré par d'autres éléments- conclut après analyses en laboratoire que la nature du matériau utilisé pour façonner les vasques des paillasses 'Montelli' n'est pas équivalente au Corian contrairement aux prescriptions du CCTP du lot 2.2 menuiseries intérieures et agencement dont Menuiseries Roux était titulaire, et exprime l'avis que les établissements Dupont de Nemours en tant que sachant et fabricant auraient dû conseiller l'entreprise Roux Frères lors de ses commandes de produits, connaissant leur destination au sein du CHU de [Localité 4] (cf pièce n°11 de Roux Frères et L'auxiliaire).

En outre, l'action en garantie des vices cachés n'est pas exclusive de l'action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol ou la réticence dolosive commise avant ou lors de la conclusion du contrat.

Seule la juridiction du fond, et non le conseiller de la mise en état , y compris selon les modalités de l'article 789-6° du code de procédure civile, est compétente pour apprécier le bien ou le mal fondé des demandes principale et subsidiaire d'une partie, étant relevé qu'il restera loisible aux sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire

-d'une part, de modifier éventuellement le fondement de leur action contre les sociétés défenderesses après le dépôt du rapport de l'expert commis en référé par la juridiction administrative,

-d'autre part, d'exercer contre les sociétés Corteva Agriscience France et Dupont de Nemours International (Suisse) des actions de nature différente, compte-tenu des discussions sur l'identité de celle d'entre elles qui aurait seule la qualité de vendeur, et aussi d'un éventuel grief de défaut de conseil ou de mauvais conseil.

Ce moyen n'est donc pas fondé.

* sur le moyen de prescription de l'action fondée sur la garantie des vices cachés

Les sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire ont assigné devant le tribunal judiciaire de Poitiers la SAS Dupont de Nemours (France) devenue Corteva Agriscience France et la SARL Dupont de Nemours International (Suisse) par actes du 10 juin 2021.

Celles-ci demandent à la cour de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'elle a dit que les sociétés demanderesses étaient forcloses à agir à l'encontre de la SARL Dupont de Nemours International (Suisse) sur le fondement de la garantie des vices cachés, en soutenant au visa de l'article 1648, alinéa 1er, du code civil que cette action, introduite par assignation du 10 juin 2021, a été engagée plus de deux ans après la découverte du vice par l'acquéreur, qui se situe au 13 mars 2017, date à laquelle le CHU de [Localité 4] a signalé à la société Menuiseries Roux Frères dans le cadre de la garantie de parfait achèvement des taches sur les paillasses en résine, terme comprenant selon elles tant les paillasses que les vasques fournies par l'entreprise. Elles demandent à la cour de dire que cette action, jugée forclose, est prescrite.

En réponse à l'objection adverse qu'aucune action en justice n'était dirigée à son encontre à l'époque, elles affirment que Roux Frères et son assureur n'en pouvaient pas moins les mettre en cause à titre préventif, comme elles s'y sont d'ailleurs en définitive résolues le 10 juin 2021, où elles ont indiqué le faire à titre conservatoire, pour préserver leur recours en garantie.

Elles récusent l'argument tiré de ce que le délai biennal de l'article 1648, alinéa 1er du code civil devrait se combiner avec le délai quinquennal de l'article L.110-4 du code de commerce, et l'affirmation que le point de départ dudit délai serait suspendu jusqu'au jour où la responsabilité de l'entrepreneur est recherchée par le maître de l'ouvrage.

Il est pourtant de jurisprudence établie, émanant de la chambre de la Cour de cassation spécialisée en matière de contentieux immobilier (cf Cass. 3° civ. 25 mai 2022 P n°21-182018) que la loi du 17 juin 2008 ayant réduit le délai de prescription prévu par l'article L.110-4,I, du code de commerce sans préciser son point de départ, celui-ci ne peut que résulter du droit commun de l'article 2224 du code civil, ce qui annihile toute possibilité d'encadrement de l'action en garantie des vices cachés, le point de départ de la prescription extinctive du droit à garantie se confondant avec le point de départ du délai pour agir prévu par l'article 1648 du code civil à savoir la découverte du vice ; qu'il s'ensuit que le délai de cinq ans de l'article L.110-4,I, du code de commerce ne peut plus être regardé comme un délai butoir, et que l'action en garantie des vices cachés relative à des biens vendus -comme en l'espèce- après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans résultant de l'article 2232 du code civil et courant à compter de la vente initiale.

En l'espèce, la société Menuiseries Roux Frères ayant été assignée en référé expertise le 24 février 2021 par le CHU de [Localité 4], maître de l'ouvrage, son action en garantie envers les sociétés Dupont de Nemours engagée le 19 juin 2021 n'est pas prescrite.

S'agissant d'une action récursoire, il n'importe qu'elle, et/ou son assureur, aient été alertés auparavant par des doléances du CHU, dès lors qu'ils ne faisaient l'objet d'aucune action de la part du maître de l'ouvrage ni de quiconque, étant ajouté que ce sont seulement les conclusions de l'expertise judiciaire qui sont de nature à caractériser la découverte du vice en sa nature et en son ampleur.

L'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a jugé le contraire.

* sur le moyen de prescription invoqué par la SARL Dupont de Nemours International (Suisse)

La SARL Dupont de Nemours International (Suisse) oppose à la société Menuiseries Roux Frères et à L'Auxiliaire la prescription de l'action pour manquement à l'obligation de délivrance conforme qu'elles viendraient à exercer à son encontre, au motif qu'une telle action devait être engagée dans les cinq années de la date de chacune des livraisons des marchandises litigieuses, intervenues les 6 mai, 27 mai, 3 juin, 17 juin, 8 juillet, 15 juillet, 22 septembre et 13 novembre 2015.

Les sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire objectent dans les motifs de leurs conclusions qu'il ne peut être statué sur la recevabilité d'une action qui n'est pas engagée à ce stade, où le choix de leur fondement au fond reste à déterminer et sera exprimé dans des conclusions sur le fond qui seront notifiées après le dépôt du rapport définitif d'expertise, mais d'une part, elles ne formulent pas dans le dispositif de leurs conclusions qui seul saisit la cour en application de l'article 954 alinéa 4 du code de procédure civile un moyen d'irrecevabilité de ce chef de demande, et en tout état de cause, il ne peut qu'être constaté qu'elles visent dans leur assignation du 10 juin 2021 tant le fondement de la garantie du vice caché que celui de la responsabilité contractuelle, outre aussi subsidiairement celui la responsabilité délictuelle (cf pièce n°16, pages 6 et 7).

Cette action est soumise à un délai de prescription quinquennal qui, s'agissant d'une action récursoire, court, pareillement, à compter de l'assignation, et n'était donc pas expiré lorsque les sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire, assignées en référé expertise le 24 février 2021, ont assigné la SARL Dupont de Nemours International (Suisse) le 10 juin 2021.

Au demeurant, comme l'a indiqué le juge de la mise en état, il ne s'était pas écoulé un délai de cinq années à compter des premières doléances du maître de l'ouvrage, exprimées le 13 mars 2017, lorsque les sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire, qui avaient déjà contesté devant le juge des référés administratif sa prétention à ne pas participer aux opérations d'expertise, ont fait assigner la SARL Dupont de Nemours International (Suisse), ce 10 juin 2021.

L'ordonnance sera ainsi confirmée en ce qu'elle a rejeté cette fin de non-recevoir.

* sur les dépens et l'indemnité de procédure

Le sens du présent arrêt, selon lequel la SAS Dupont de Nemours (France) devenue Corteva Agriscience France et la SARL Dupont de Nemours International (Suisse) succombent en leurs quatre fins de non-recevoir, implique qu'elles doivent supporter les dépens d'incident et la charge de verser aux défenderesses à l'incident une indemnité pour frais irrépétibles.

Ces sociétés Dupont de Nemours (France) devenue Corteva Agriscience France et Dupont de Nemours International (Suisse) succombent devant la cour, et supporteront les dépens d'appels sur incident.

Elles verseront une indemnité de procédure aux sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONSTATE que la SAS Corteva Agriscience France justifie être venue en cours d'instance aux droits de la société de droit français SAS Dupont de Nemours par voie de fusion-absorption

CONFIRME l'ordonnance entreprise, rendue le 23 juin 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Poitiers, sauf en ce qu'elle qualifie d''exception' les fins de non-recevoir sur lesquelles elle statue sauf en ce qu'elle dit les sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire forcloses à agir à l'encontre de la SARL Dupont de Nemours International (Suisse) sur le fondement de la garantie des vices cachés, et sauf en ses chefs de décision afférents aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile

statuant à nouveau de ce chef :

REJETTE la fin de non-recevoir tirée par la SARL Dupont de Nemours International (Suisse) de la prescription ou de la forclusion de l'action en garantie des vices cachés exercée à son encontre par les sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire

ajoutant :

DIT qu'à analyser comme tirée en réalité d'un défaut de qualité à défendre à l'action la fin de non-recevoir invoquée au titre d'un défaut d'intérêt à agir des sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire contre la société Corteva Agriscience France, cette fin de non-recevoir est pareillement mal fondée, et LA REJETTE en tant que de besoin

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres ou contraires sur incident

CONDAMNE in solidum les sociétés Corteva Agriscience France et Dupont de Nemours International (Suisse) aux dépens d'incident de première instance et aux dépens d'appels sur incident

CONDAMNE in solidum les sociétés Corteva Agriscience France et Dupont de Nemours International (Suisse) à verser une somme de 8.000 euros aux sociétés Menuiseries Roux Frères et L'Auxiliaire, ensemble, en application de l'article 700 du code de procédure civile

ACCORDE à maître LECLERC-CHAPERON, avocat, le bénéfice de la faculté prévue à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/01751
Date de la décision : 07/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-07;22.01751 ?
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