ARRET N°349
N° RG 21/02999 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GMKO
S.A.S. LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS
C/
[U]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 11 JUILLET 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02999 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GMKO
Décision déférée à la Cour : jugement du 30 août 2021 rendu(e) par le Tribunal de Commerce de POITIERS.
APPELANTE :
S.A.S. LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS
[Adresse 4]
[Localité 2]
ayant pour avocat postulant Me Isabelle LOUBEYRE de la SCP EQUITALIA, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant la SELARL LEXI CONSEIL ET DEFENSE (barreau de Saint-Etienne)
INTIME :
Monsieur [X] [U]
[Adresse 1]
[Localité 3]
défaillant bien que régulièrement assigné
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
- Rendu par défaut
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le 28 novembre 2019, il a été signé un contrat n° 228321 entre la société LINKEO et M. [X] [U], entreprise en nom personnel, aux fins de location d'un site internet.
Le contrat prenant effet le 10 janvier 2020 prévoyait 48 mensualités de 420 €.
Soutenant que M. [U] s'était, dès le 20 octobre 2020, trouvé en défaut de règlement. et qu'elle lui avait vainement adressé une mise en demeure reçue en date du 6 janvier 2021 d'avoir à régulariser sa situation sous huitaine. La société LOCAM a par acte délivré le 8 avril 2021, fait assigner M [X] [U], entrepreneur en nom personnel, inscrit sous le N° 429 724 859 au RCS de Poitiers, à comparaître devant le tribunal de commerce de POITIERS aux fins de, selon dernières écritures de :
-condamner M. [U] [X] à payer à la S.A.S LOCAM la somme de 17 556.00 €, outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure,
- Ordonner la restitution du bien donné à bail sous astreinte de 150 par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification du jugement à intervenir,
- juger n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire
- condamner M. [U] [X] au paiement de la somme de 1 500 au titre de l'article 700 du C.P.C. ;
- condamner M. [U] [X] aux entiers dépens.
M. [U] n'était ni présent ni représenté devant le tribunal.
Par jugement réputé contradictoire en date du 30/08/2021, le tribunal de commerce de POITIERS a statué comme suit :
'Constate le défaut d'intérêt à agir de la société SAS LOCAM à l'encontre de M. [X] [U] ;
Déclare irrecevable la mise en cause de M. [U] par la société SAS LOCAM;
- Déboute la société SAS LOCAM de toutes ses fins, demandes et conclusions.
- Condamne la SA LOCAM aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 69,59 euros T.T.C.'.
Le premier juge a notamment retenu que :
- le contrat de location, produit au dossier, est signé entre M. [U] et la
société LINKEO.
- la société LINKEO est une agence de communication spécialisée dans la
location de sites internet et enregistrée sous le N° 430 106 278 au RCS de PARIS ;
- la société LOCAM est spécialisée dans la location d'automobiles et de matériels, enregistrée sous le N'° 310 880 315 au RCS de Saint Etienne ;
- aucun élément de preuve d'un lien entre les deux sociétés n'est versé au dossier ;
- la société LOCAM n'a pas démontré en quoi la société LINKEO, cosignataire du contrat avec M. [U], entretiendrait un lien quelconque avec elle, justifiant son action.
LA COUR
Vu l'appel en date du 15/10/2021 interjeté par la société S.A.S. LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 13/01/2021,la société S.A.S. LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS a présenté les demandes suivantes :
'Vu l'article 16 du code de procédure civile,
Vu les articles 1103 et suivants et 1231-2 du code civil,
Vu les pièces versées,
- Juger bien fondé l'appel de la société LOCAM ; Annuler le jugement entrepris ; À tout le moins, le réformer en toutes ses dispositions ;
- Condamner M. [X] [U] à régler à la société LOCAM la somme de
17 556,00 € avec intérêts au taux légal et autres accessoires de droit à compter de la mise en demeure du 6 janvier 2021 ;
- Le condamner à régler à la société LOCAM une indemnité de 2 000 € au titre de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE ;
- Condamner M. [X] [U] en tous les dépens d'instance et d'appel'.
A l'appui de ses prétentions, 13/01/2021, la société S.A.S. LOCAM soutient notamment que :
- le tribunal a soulevé d'office la fin de non-recevoir tiré d'un prétendu défaut de qualité pour agir de la société LOCAM sans solliciter ses observations et le jugement est nul, faute de respect de l'article 16 du code de procédure civile.
- la société LOCAM est recevable à agir en ce qu'elle est créancière de M. [X] [U] qui a commandé pour les besoins de son activité professionnelle à la société LINKEO (SA) la fourniture d'un site web.
Les parties ont conclu le 28 novembre 2019 à cette fin un contrat de location d'une « durée d'engagement de 48 mois » moyennant paiement d'un loyer mensuel de « 350 € HT » incluant l'hébergement et la maintenance du site fourni.
- dans la prévision des parties, selon l'article 12 des conditions générales de location intitulé :
« CESSION-DELEGATION » la société LINKEO a cédé le contrat à la société definancement LOCAM, filiale à 100 % du CRÉDIT AGRICOLE.
La cession du contrat est opposable à M. [U], du fait même de la signature du contrat, d'autant que M. [U] a payé divers loyers dans un premier temps entre les mains de la société LOCAM.
- le site internet a été mis en ligne ainsi qu'en atteste le « e-mail de mise en ligne du site internet » dûment régularisé par M. [X] [U] le 23 janvier 2020.
- la société LOCAM a réglé la facture de vente de la société LINKEO et adressé à son locataire une « Facture Unique de Loyers » à l'en tête « Société LOCAM » valant échéancier.
- selon l'article 12 du contrat de location, il a été expressément convenu qu'à
défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance et faute de règlement dans les huit jours d'une mise en demeure, la totalité des sommes dues deviendra de plein droit immédiatement exigible et que la SAS LOCAM pourra en poursuivre le recouvrement.
- après règlement des dix premiers loyers à la société LOCAM, plusieurs échéances sont demeurées impayées et n'ont pas été réglées par M. [U].
- la somme de 17 556 € est due, soit 6 loyers de retard avec indemnité et clause pénale, soit 3072 €, outre 13 440 € et 1344 € au titre de l'indemnité de résiliation.
Il convient de se référer aux écritures de la société S.A.S. LOCAM pour un plus ample exposé de ses prétentions et de ses moyens.
M. [X] [U], régulièrement intimé à étude, n'a pas constitué avocat en cause d'appel. Il sera statué par défaut.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 20/03/2023.
La cour a demandé à la société LOCAM de lui faire parvenir une note en délibéré sur le moyen, relevé d'office, de la qualification de clause pénale susceptible d'être donnée à l'indemnité de résiliation qu'elle sollicite, et sur la possibilité subséquente pour la cour de la réduire, d'office, en cas d'excès.
Le conseil de la société LOCAM a adressé à la cour en date du 13 juin 2023 une note aux termes de laquelle il soutient l'indemnisation de sa perte de gain et de rentabilité escomptée et affirme que les indemnités de résiliation et la clause pénale ne sont manifestement pas excessives alors que le site n'offre aucune valeur de reprise.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande d'annulation du jugement :
Aux termes de l'article 16, alinéa 1er, du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Selon le troisième alinéa de ce texte, il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Les premiers juges, devant lesquels le défendeur ne comparaissait pas et qui n'étaient donc saisis d'aucun moyen d'irrecevabilité de l'action exercée par la demanderesse, ont, d'office, relevé un moyen d'irrecevabilité tiré du défaut de qualité à agir de la société LOCAM sans l'inviter au préalable à présenter ses observations à ce sujet.
L'appelante est fondée à solliciter l'annulation du jugement qui a ainsi statué en violation du principe de la contradiction.
Par application de l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile, la dévolution s'opère pour le tout, et la cour doit statuer.
Sur la recevabilité de l'action engagée par la société SAS LOCAM :
L'article 31 du code de procédure civile dispose que : ' l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé'.
L'article 32 du même code dispose : 'Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir'.
Aux termes des conditions générales de contrat location souscrit par M. [X] [U] auprès de la société LINKEO le 28 novembre 2019, il est stipulé à l'article 12 de ces conditions générales 'Cession - délégation' que «le locataire reconnaît que le fournisseur l'a tenu informé de l'éventualité d'une cession, d'un nantissement ou d'une délégation des solutions logiciels et/ou de céder à tout moment le contrat de location...
En cas de cession, le locataire s'engage à verser au bailleur la totalité des loyers, en principal, intérêts, accessoires et TVA à partir de la date de substitution..
Les sociétés susceptibles de devenir cessionnaires au titre du présent contrat sont les suivantes : LOCAM SAS...'
Il en résulte que M. [X] [U] a accepté le principe d'un transfert du contrat à une société tierce, et notamment la société LOCAM, et il a reçu de la SAS LOCAM le 30 décembre 2019 une facture-échéancier éditée par cette dernière, acceptant ainsi d'effectuer des prélèvements au bénéfice de la SAS LOCAM à qui il avait accordé une autorisation en ce sens.
La cession est donc opposable à M. [U] par application des dispositions de l'article 1216 du code civil qui dispose que 'un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l'accord de son cocontractant, le cédé.
Cet accord peut être donné par avance, notamment dans le contrat conclu entre les futurs cédant et cédé, auquel cas la cession produit effet à l'égard du cédé lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu'il en prend acte.
La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité',
En outre, la réalité de la cession intervenue est justifiée par la société LOCAM qui produit la facture de cession du 16 décembre 2019 établie à son adresse par la société LINKEO, fournisseur du site internet commandé par M. [U], le numéro du contrat cédé, soit le n° 228321, étant celui du contrat souscrit par M. [U] auprès de LINKEO.
La société SAS LOCAM justifie ainsi de sa qualité et de son intérêt à agir à l'encontre de M. [U].
Sur les demandes en paiement de la société LOCAM :
La société LOCAM a, par courrier recommandé avec accusé réception en date du 25/12/2020 et présenté le 06/01/2021 mis en demeure M. [U] de s'acquitter de loyers impayés depuis octobre 2020.
Faute de règlement effectif des loyers visés par la mise en demeure, la résiliation du contrat était encourue au 15 janvier 2021 aux torts de M. [X] [U] qui pas plus en cause d'appel qu'en première instance ne vient rapporter la preuve, qui lui incombe, du paiement de ces loyers, la société LOCAM ne pouvant se voir imposer de faire la preuve, négative et donc impossible, qu'elle n'a rien reçu.
La société LOCAM pouvait ainsi prétendre au paiement des sommes qu'elle réclame au titre des 4 loyers d'octobre à décembre 2020 et de janvier 2021.
Par contre, et compte tenu de la déchéance du terme qu'elle a prononcée et dont elle se prévaut, elle ne peut réclamer le paiement des loyers de février et mars 2021.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande en paiement de la société LOCAM au titre des 4 loyers d'octobre à décembre 2020 et de janvier 2021, M. [X] [U] devant être condamné à ce titre au paiement de la somme de 1680 € T.T.C..
S'agissant de l'indemnité contractuelle de résiliation que lui réclame la demanderesse, la clause du contrat sur laquelle elle fonde cette demande stipule, en cas de résiliation anticipée pour non paiement des loyers, une indemnité dont le montant, équivalent au montant dû en cas d'exécution du contrat jusqu'à son terme, correspond à l'évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice subi par le bailleur du fait de la rupture fautive de celui-ci, et présente dès lors un caractère comminatoire en ayant pour objet de contraindre le locataire à exécuter le contrat jusqu'à cette date, de sorte qu'elle constitue une clause pénale, susceptible comme telle de modération en cas d'excès (ainsi : Cass. Com. 08.02.2023 P n°21-21391).
La société LOCAM ne prouve ni ne prétend qu'après la résiliation qu'elle a prononcée, le locataire a continué à pouvoir utiliser le matériel et le site internet qu'elle avait mis à sa disposition et dont, en cause d'appel, elle ne sollicite d'ailleurs pas la restitution.
Le paiement, dans ces conditions, d'une indemnité pour la période postérieure à la résiliation d'un montant équivalent à celui qui avait pour contrepartie la mise à disposition de ces matériels et site, apparaît manifestement excessif, et déséquilibré.
La clause pénale prise en son ensemble sera réduite à la somme de 3000 €.
Sur les dépens et l'application de l'article 699 du code de procédure civile:
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d'appel seront fixés à la charge de M. [X] [U].
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de condamner M. [X] [U] à payer à la société S.A.S. LOCAM la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par défaut,
ANNULE le jugement entrepris, prononcé le 30 août 2021 par le tribunal de commerce de Poitiers
statuant,
DIT recevable l'action engagée par la société S.A.S. LOCAM à l'encontre de M. [X] [U].
CONDAMNE M. [X] [U] à payer à la société S.A.S. LOCAM la somme de 1680 € T.T.C. au titre des loyers impayés à la date de résiliation anticipée du contrat, avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 janvier 2021.
CONDAMNE M. [X] [U] à payer à la société S.A.S. LOCAM la somme de 3000 € au titre de l'indemnité de résiliation constitutive d'une clause pénale et judiciairement réduite, d'office, pour cause d'excès.
REJETTE toutes demandes plus amples ou contraires.
CONDAMNE M. [X] [U] à payer à la société S.A.S. LOCAM la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE M. [X] [U] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,