ARRET N°350
N° RG 21/03019 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GMMU
[C]
C/
[H]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 11 JUILLET 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03019 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GMMU
Décision déférée à la Cour : jugement du 01 octobre 2021 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Poitiers.
APPELANT :
Monsieur [X] [C]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 6] (86)
[Adresse 5]
[Localité 4]
ayant pour avocat Me Sylvie MARTIN de la SELARL SYLVIE MARTIN, avocat au barreau de POITIERS
INTIMEE :
Madame [E] [H]
née le [Date naissance 2] 2001 à [Localité 8] (Guyane) (97)
[Adresse 3]
[Localité 4]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
- Rendu par défaut
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [X] [C] était propriétaire d'un véhicule RENAULT Traffic immatriculé [Immatriculation 7].
Le 07 juin 2019 le véhicule de M. [X] [C] stationné devant son domicile a été percuté par celui conduit par Mme [E] [H].
Par ordonnance pénale du 04 mai 2020 Mme [E] [H] a été reconnue
coupable des faits de conduite sans permis, de conduite sans assurance et de défaut de maîtrise de son véhicule.
La constitution de partie civile de M. [X] [C] n'ayant pas été examinée, il a saisi le conciliateur de justice qui a dressé un procès verbal de carence le 02 mars 2021, Mme [E] [H] n'ayant pas répondu à sa convocation.
Par acte d'huissier de justice en date du 01 juillet 2021, M. [X] [C] a fait assigner Mme [E] [H] devant le tribunal judiciaire de POITIERS aux fins de la voir condamnée à l'indemniser du préjudice subi.
Il sollicitait du tribunal de :
- condamner Mme [E] [H] à lui verser la somme de 4500 € en réparation de son préjudice matériel,
- condamner Mme [E] [H] à lui verser la somme de 1500 € en réparation de son préjudice moral,
- condamner Mme [E] [H] à lui verser la somme de 1500 € sur le
fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [E] [H] n'est ni présente ni représentée devant le tribunal.
Par jugement réputé contradictoire en date du 01/10/2021, le tribunal judiciaire de POITIERS a statué comme suit :
'DÉCLARE Mme [E] [H] entièrement responsable du préjudice subi par M. [X] [C],
DÉBOUTE M. [X] [C] de sa demande d'indemnisation de son préjudice matériel,
CONDAMNE Mme [E] [H] à payer à M. [X] [C] la somme de 1500 € au titre du préjudice moral,
CONDAMNE Mme [E] [H] à payer à M. [X] [C] la somme de 500 € au titre de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens'.
Le premier juge a notamment retenu que :
- Mme [E] [H] est responsable des dégradations survenues sur le véhicule de M. [X] [C].
- s'il est indéniable que le véhicule a été endommagé, aucun élément ne vient corroborer le fait que le véhicule est devenu inutilisable et que M. [C] a dû le vendre pour pièces pour la somme de 1000 €.
- il est indiqué dans le procès verbal des policiers que le feu arrière gauche est cassé et que le véhicule est abîmé à l'avant sans plus de précision.
M. [X] [C] ne produit aucun devis de réparation ni expertise du véhicule de telle sorte qu'on ignore la nature des dégradations ainsi que le chiffrage de la remise en état.
Il ne produit pas davantage la facture de la vente du véhicule pour pièces.
Dès lors en l'absence d'élément chiffré la demande d'indemnisation du préjudice matériel sera rejetée.
- le préjudice moral de M. [C] est important et doit être indemnisé à hauteur de la somme de 1500 €.
LA COUR
Vu l'appel en date du 19/10/2021 interjeté par M. [X] [C] en ce que le tribunal l'a débouté de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice matériel.
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 10/01/2022, M. [X] [C] a présenté les demandes suivantes :
'Vu les articles visés,
Vu les pièces produites,
Il est demandé à la Cour d'appel de POITIERS de bien vouloir :
- Dire M. [C] recevable et bien fondé en ses demandes,
- Confirmer le jugement rendu par la première chambre civile du tribunal de POITIERS en date du 1 er octobre 2021 en ce qu'il a :
o Déclaré Mme [E] [H] entièrement responsable du préjudice subi par M. [X] [C].
o Condamné Mme [E] [H] à payer à M. [X] [C] la somme de 1500 € au titre du préjudice moral.
o Condamné Mme [E] [H] aux entiers dépens.
Réformer le jugement rendu par la première chambre civile du tribunal de POITIERS en date du 1er octobre 2021 en ce qu'il a :
o Débouté M. [C] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel.
o Limité à la somme de 500 € la condamnation de Mme [E] [H] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Statuant à nouveau :
o Condamner Mme [E] [H] à la somme de 4.500 € au titre du préjudice matériel.
o Condamner Mme [H] aux entiers dépens outre à verser la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE au titre de la procédure de première instance et d'appel.
o Condamner Mme [E] [H] aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel'.
A l'appui de ses prétentions, M. [X] [C] soutient notamment que :
- le véhicule de M. [C], stationné devant son domicile, a été percuté sur le côté latéral gauche le 7 juin 2019 par Mme [E] [H] alors que cette dernière effectuait une marche arrière.
N'ayant ni permis, ni assurance, cette dernière a souhaité partir et c'est dans ce contexte que la police est intervenue.
- Mme [H] a reconnu les faits lors de son audition et elle a fait l'objet d'une condamnation par ordonnance pénale du 4 mai 2020.
- le courrier adressé aux fins d'indemnisation au Parquet durant la période COVID n'a jamais été réceptionné, de sorte que M. [X] [C] a été informé, par courrier du 25 juin 2020, qu'il pouvait saisir le service civil du tribunal judiciaire pour obtenir l'indemnisation de son préjudice.
- Mme [H] n'ayant pas jugé utile de se déplacer devant le conciliateur de justice saisi, et il a été dressé un procès-verbal de carence en date du 11 mars 2021.
- le jugement doit être infirmé en ce qui concerne la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel car il fait un amalgame des dommages causés sur le véhicule de Mme [H] et ceux sur le véhicule de M. [C].
- c'est tout le côté latéral gauche du véhicule qui a été endommagé comme en attestent les photos prises le jour de l'accident.
- selon expertise, l'ensemble des travaux de remise en état du véhicule se chiffre à la somme de 3067,26 € HT.
Le coût des travaux dépasse ainsi la valeur de remplacement à dire d'expert estimée à 3.100 €.
- l'expert oublie de mentionner dans le cadre de son rapport que le moteur du véhicule avait été remplacé par son ancien propriétaire le 21 décembre 2013, pour un montant total de 4.633,09 € comme en atteste la facture n° 309321 établie à cette fin.
Si l'expert a pu relever un kilométrage de l'ordre de 391.470 kilomètres parcourus, force est de constater que le moteur n'avait en réalité que 88.619 kilomètres au compteur le jour de l'accident
- le prix du véhicule de M. [C] sera finalement estimé à la somme de 519 €, soit un différentiel de 2.581 € avec sa valeur initiale.
- M. [C] s'était engagé à vendre son véhicule à M. [O] [R] pour la somme de 5.500 €, quatre jours seulement avant l'accident, et M. [R] lui avait d'ores et déjà versé, à titre d'acompte, la somme de 500 €.
- la vente a finalement dû être annulée au regard des dégradations présentes sur le véhicule et entièrement imputables à Mme [H].
Dans ces conditions, il est manifeste que M. [C] a perdu la possibilité de vendre son véhicule à la somme de 5.500 €.
Il a finalement dû se résoudre à vendre son véhicule pour pièces à un particulier, à hauteur de 1.000 €.
- la somme de 4.500 € de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel subi, résultant du delta entre la somme initialement convenue pour la vente du véhicule et celle réellement obtenue après l'accident.
- le jugement doit être confirmé s'agissant de son préjudice moral, dès lors que le véhicule constituait le seul moyen de locomotion de M. [C] afin d'effectuer ses déplacements et pourvoir à ses besoins quotidiens.
Au regard des faibles ressources de M. [C], composées pour l'essentiel de l'allocation aux adultes handicapés, ce dernier n'a pas pu racheter un nouveau véhicule.
Il convient de se référer aux écritures de M. [C] pour un plus ample exposé de ses prétentions et de ses moyens.
Mme [E] [H], régulièrement intimée à son domicile le 10/12/2021, n'a pas constitué avocat en cause d'appel.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 20/03/2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la responsabilité de Mme [H]
L'article 1240 du code civil dans sa version applicable dispose que 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.
En l'espèce, Mme [H] a indiqué le 11 juin 2019 aux services de police qu'elle ' a percuté l'arrière du véhicule RENAULT, je n'a pas pu l'éviter, j'ai fait une mauvaise manoeuvre avec le levier de vitesse et j'ai a reculé ce qui a endommagé le véhicule de M. [C] [X]'.
Mme [H] a fait l'objet d'une ordonnance pénale rendue par le tribunal judiciaire de Poitiers le 04 mai 2020 la condamnant pour des faits de conduite sans permis de conduire ni assurance ainsi que pour défaut de maîtrise.
Sa responsabilité est ainsi engagée, comme retenu par le tribunal.
Sur l'indemnisation du préjudice matériel de M. [C] :
S'agissant des dommages subis par le véhicule de M. [C], les policiers ont seulement indiqué que le véhicule RENAULT Traffic 'est abîmé à l'avant' et que le véhicule Ford Galaxy conduit par Mme [H] a le feu arrière gauche cassé.
Il ressort néanmoins des photographies versées aux débats ainsi que du rapport d'expertise d'assurance réalisé le 6 août 2019 que le véhicule de M. [C] a effectivement subi des dommages importants sur le côté gauche, à la suite de la manoeuvre de Mme [H], les travaux de réparation étant estimés à la somme de 3006,04 € HT pour une valeur à dire d'expert de 3100 € et une valeur de revente de 519 € HT.
En outre, M. [C] produit aux débats la preuve de son engagement de vente de son véhicule à M. [O] [R], cet engagement étant formé selon courrier en date du 3 juin 2019, soit 4 jours avant l'accident, pour une somme de 5500 €, le véhicule devant être livré après son passage au contrôle technique et une somme de 500 € étant versée à M. [C] au titre de la réservation du véhicule.
Au surplus, M. [C] justifie de ce que le moteur du véhicule avait été remplacé par son précédent propriétaire le 21/12/2013 à 302 851 km, le véhicule ayant parcouru 391470 km au jour de son expertise.
Il convient de retenir au regard de ces divers éléments que du fait de l'accident de l'entière responsabilité de Mme [H], M. [C] est fondé à soutenir qu'il a perdu une chance de vendre son véhicule à M. [R] pour un prix de 5500 €, sous réserve de son passage au contrôle technique.
Cette perte de chance doit être évaluée au regard de la valeur du véhicule, celui-ci ayant été estimé par expert d'assurance à la somme de 3 707,60 € T.T.C.
M. [C] a toutefois pu revendre son véhicule pour pièce pour une somme indiquée de 1000 €, en dépit d'une offre de reprise mentionnée au rapport d'expertise pour une somme de 519 € HT.
Le préjudice matériel de M. [C] est ainsi établi à hauteur de la somme de 4000 €, constitué tant du montant des réparations, dès lors que le véhicule était jugé techniquement réparable, que de sa perte de chance de vendre le véhicule pour une somme supérieure.
Mme [H] sera en conséquence condamnée, par infirmation du jugement rendu sur ce point, à payer à M. [C] la somme de 4000 €, avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation.
Les autres dispositions du jugement relatives au principe de la responsabilité de Mme [H] et à l'indemnisation du préjudice moral de M. [C] ne sont pas entreprises.
Sur les dépens et l'application de l'article 699 du code de procédure civile:
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de Mme [E] [H].
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de condamner Mme [E] [H] à payer à M. [X] [C] la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt par défaut,
INFIRME le jugement en ce qu'il a :
- débouté M. [X] [C] de sa demande d'indemnisation de son préjudice matériel,
- condamné Mme [E] [H] à payer à M. [X] [C] la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
CONDAMNE Mme [E] [H] à payer à M. [X] [C] la somme de 4000 € au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel, avec intérêt au taux à compter de l'assignation en date du 1er juillet 2021.
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
CONDAMNE Mme [E] [H] à payer à M. [X] [C] la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel.
CONDAMNE Mme [E] [H] aux dépens d'appel, étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,