ARRÊT N°339
N° RG 21/03152
N° Portalis DBV5-V-B7F-GMXG
[I]
C/
[S]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 11 JUILLET 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 septembre 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de SAINTES
APPELANT :
Monsieur [X] [I]
né le 05 Mai 1958 à [Localité 8]
[Adresse 5]
[Localité 10]
ayant pour avocat postulant et plaidant Me Thibaut KURZAWA de la SCP CALLAUD - MELLIER - KURZAWA, avocat au barreau de SAINTES
INTIMÉ :
Monsieur [C] [L] [S]
né le 23 Juin 1940 à [Localité 7] (62)
[Adresse 4]
[Localité 10]
ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUÉ POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Patrick HOEPFFNER, avocat au barreau de LA CHARENTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 25 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS
Par acte authentique du 29 juillet 2020, M.[S] a acquis un ancien logis seigneurial situé commune de [Localité 10] ( 17 800), cadastré section C n° [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 6].
L'ensemble jouxte un immeuble (ex écurie) appartenant à M. [I], cadastré section C n° [Cadastre 3], immeuble dont il est propriétaire depuis le 22 décembre 2020.
Un litige est né en relation avec le passage qui sépare les parcelles cadastrées [Cadastre 2] et [Cadastre 3], passage qui dans le passé avait fait l'objet d'une action possessoire.
Par arrêt du 9 février 1999, la cour d'appel de céans a reconnu l'existence d'un droit de passage au profit du fonds n°[Cadastre 3], avait condamné M. [G] à enlever piliers et portail installés sur la ruelle située entre l'immeuble lui appartenant et celui appartenant à M. [T] ( auteur de M. [I] depuis le 20 août 1966).
Le 22 janvier 2021, M. [I] écrivait au maire, admettait avoir enlevé le portail qui aurait dû disait-il être enlevé en 1999. Il reprochait au voisin d'avoir posé un nouveau portail en fer fermé par un cadenas.
Une tentative de bornage amiable est intervenue le 19 mars 2021 à la demande de M. [I].
M. [D], géomètre-expert a rédigé un procès-verbal de carence le 30 avril 2021.
Le 30 avril 2021, M. [I] a porté plainte contre son voisin pour atteinte à l'intimité de la vie privée par captation d'image.
Par assignation à jour fixe du 10 mai 2021, M. [S] a saisi le tribunal judiciaire de Saintes aux fins de
-voir juger que l'espace situé entre l'arrière du bâtiment de M. [I] sis section C n°[Cadastre 3] et l'arrière de son bâtiment sis section C n° [Cadastre 2] lui appartenant est sa propriété , qu'il est une section de C n°[Cadastre 6],
-l'indemniser des préjudices subis.
M. [I] a demandé au tribunal d'ordonner le bornage judiciaire du terrain, subsidiairement, de dire que la ruelle litigieuse était commune aux deux parties.
Par jugement du 2 novembre 2021 , le tribunal judiciaire de Saintes a statué comme suit :
'-rejette l'ensemble des demandes présentées par M. [I] ;
-ordonne que l'espace situé entre l'arrière du bâtiment de M. [X] [I] situé sur la parcelle cadastrée C n°[Cadastre 3], côté EST l'arrière de celui appartenant à M. [S] sur la parcelle C n°[Cadastre 2] côté OUEST de cette propriété, soit rattaché à la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 2] appartenant à M. [S], et la publication à la conservation des hypothèques de la présente décision de ce fait.
-condamne M. [I] à payer à Monsieur [S] la somme de 7.251,60 Euros au titre de dommages et intérêts
-condamne M. [I] à régler à M. [S] la somme de 3.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
-condamne M. [I] à supporter la totalité des dépens de première instance, en ce non compris les frais des constats en date des 17 février et 23 mars 2021.'
Le premier juge a notamment retenu que :
Le juge de la revendication dispose d'un pouvoir souverain pour dégager les présomptions de propriété les meilleures et les plus caractérisées.
En aucun cas, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.
L' action en bornage ne peut être que la résultante d'un droit de propriété.
M. [I] sera débouté de sa demande de bornage.
Les titres de propriété des parties en litige sont contradictoires.
Celui de M. [S] en date du 29 juillet 2020 fait référence en page 3 au logement du gardien et aux cours, jardins d'agrément et fruitiers ce qui inclut implicitement mais nécessairement le passage litigieux qui longe le logement sur la partie Ouest.
Celui de M. [I] en date du 22 décembre 2020 stipule qu'il comprend d'un seul tenant au levant une ruelle commune avec [E].
L'appellation [E] n'a aucun sens connu.
Les relevés cadastraux ont pu varier dans le temps.
L' arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 9 février 1999 ne prouve pas le droit de propriété.
Il s'agit d'une action possessoire.
La décision établit qu'il a existé un usage commun des lieux et donc l'existence d'un droit de passage de l'auteur de M. [I].
Le droit de passage ne peut exister que sur la propriété de M. [S].
Les acquéreurs antérieurs ont joui du passage comme le confirment les attestations des agents immobiliers qui sont produites.
Il résulte du constat d'huissier du 17 février 2021 que le mur de la propriété de la partie défenderesse est le prolongement du logement de M. [I].
La configuration des lieux est en faveur de M. [S].
Elle est renforcée par la présence d'une porte dans le mur, par le vitrage flouté des fenêtres.
La demande d'expertise sera rejetée.
L'espace situé entre l' arrière du bâtiment C situé section C n°[Cadastre 3] et l' arrière du bâtiment de M. [S] sur la parcelle n° [Cadastre 2] côté Ouest appartient à M. [S].
C'est une section de la parcelle section C n° [Cadastre 2] qu'elle prolonge.
M. [I] s'est livré à des voies de fait. Il a détruit le portail à deux reprises, un pilier de pierre.
Le préjudice subi sera évalué à la somme de 7251,60 euros.
LA COUR
Vu l'appel en date du 2 novembre 2021 interjeté par M. [I]
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 22 mars 2023, M. [I] a présenté les demandes suivantes
-INFIRMER la décision rendue par le Tribunal Judiciaire de SAINTES le 17 septembre 2021 en ce qu'elle a :
-rejeté l'ensemble des demandes présentées par M. [I] ;
-ordonné que l'espace situé entre l'arrière du bâtiment de M. [X] [I] situé sur la parcelle cadastrée C n°[Cadastre 3], côté EST l'arrière de celui appartenant à M. [S] sur la parcelle C n°[Cadastre 2] côté OUEST de cette propriété, soit rattaché à la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 2] appartenant à M. [S], et la publication à la conservation des hypothèques de la présente décision de ce fait.
-condamné M. [I] à payer à M. [S] la somme de 7.251,60 Euros au titre de dommages et intérêts, la somme de 3.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
-condamné M. [I] à supporter la totalité des dépens de première instance, en ce non compris les frais des constats en date des 17 février et 23 mars 2021.
Statuant à nouveau :
-ORDONNER un bornage judiciaire du terrain de Monsieur [I] situé au [Adresse 5] à [Localité 10] cadastré section C n°[Cadastre 3] et des terrains de Monsieur [S] situé au [Adresse 4] à [Localité 10] cadastrés Section C n° [Cadastre 2] et n°[Cadastre 6].
-Désigner un expert-géomètre avec pour missions de :
' Prendre connaissance du dossier et convoquer les parties et leurs conseils,
' Se rendre sur les lieux, les décrire dans leur état actuel et en dresser un plan, en tenant compte, le cas échéant, des bornes existantes,
' Fournir toutes indications de nature à permettre de fixer les limites des propriétés contiguës de Monsieur [X] [I] située [Adresse 5] à [Localité 10] cadastrée section C [Cadastre 3] d'une part, et de Monsieur [C] [S] situées au [Adresse 4] à [Localité 10] cadastrées section C [Cadastre 2] et C [Cadastre 6] d'autre part, en fonction des titres de propriété en cause et de tous indices utiles,
' Implanter et proposer une définition des limites,
' Matérialiser les limites par des bornes ou repères en présence des parties,
' Etablir le plan régulier,
' Rédiger le procès-verbal de bornage
DIRE recevable et bien fondée la demande présentée par Monsieur [I].
DIRE que l'espace litigieux, situé entre l'arrière du bâtiment de M. [X] [I] situé sur la parcelle cadastrée C n°[Cadastre 3], côté EST et l'arrière de celui appartenant à M. [C] [S] sur la parcelle C n°[Cadastre 2] côté OUEST de cette propriété est commun aux deux parties et se situe à la fois sur la parcelle C [Cadastre 3] sur une largeur de 2 m, et sur la parcelle C [Cadastre 2]
sur une largeur de 70 cm, et ordonner la publication à la conservation des hypothèques de la présente décision de ce fait.
-DEBOUTER Monsieur [C] [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions, et en particulier de celle tendant à juger que l'espace situé entre l'arrière du bâtiment de Monsieur [X] [I] sis sur la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 3] et l'arrière du bâtiment de Monsieur [S] sis sur la parcelle cadastrée C n°[Cadastre 2] lui appartenant est la propriété de Monsieur [S] en ce qu'il constitue une section de la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 6] appartenant à Monsieur [S].
-CONDAMNER Monsieur [C] [S] à restituer à Monsieur [I] la somme de 12.473,93 Euros réglée au titre de sa condamnation de première instance outre les frais, assortie des intérêts au taux légal.
-CONDAMNER Monsieur [C] [S] à supprimer tout ouvrage entravant l'accès à la ruelle, et notamment les piliers et le portail, mais également la caméra, et ce sous astreinte de 500 Euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à venir.
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour ne s'estimait pas suffisamment informée,
-ORDONNER tout mesure d'expertise judiciaire utile pour la résolution de ce litige quant à la détermination de la parcelle sur laquelle se situe la ruelle litigieuse.
DIRE que la consignation devra être partagée par moitié entre Monsieur [I] et Monsieur [C] [S].
En tout état de cause,
-Condamner Monsieur [C] [S] à verser à Monsieur [X] [I], la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile :
-Condamner Monsieur [C] [S] aux entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, M. [I] soutient en substance que :
-Il maintient sa demande de bornage. Son voisin a refusé le bornage amiable.
Une incertitude existe puisque l'intimé rattache la ruelle soit à C n°[Cadastre 2], soit à C n°[Cadastre 6].
Le tribunal l'a rattachée à C n°[Cadastre 2].
Il soutient que la ruelle se situe sur les parcelles C n° [Cadastre 3] et [Cadastre 2], leur est commune.
Le titre du voisin inclut terrain, cours, jardins sans aucune mention de la ruelle.
L' acte de vente fait état d'une décision définitive qui a reconnu un droit de passage au propriétaire de la parcelle n° [Cadastre 3], mais ne décrit rien au chapitre des servitudes.
La rédaction est imprécise, ne précise pas la parcelle sur laquelle s'exerce le droit de passage.
-Son acte de vente précise du levant à une ruelle commune avec [E].
-M. [E] habitait l' actuel logement des gardiens.
-M. [P] atteste avoir connu M. [E] qui habitait au '[Adresse 9].
-M. [N] atteste qu'il entretient la partie de la ruelle qui lui appartient.
-L' auteur de M. [I] est M. [T] qui utilisait et entretenait la ruelle
-Le portail et les piliers constituaient déjà un trouble à la possession.
-L' auteur de M. [S] avait été condamné à les enlever. Le passage est clos par un portail depuis 1995.
-La ruelle n'est pas le seul accès de la maison du gardien.
-La décision du 9 février 1999 ne tranche pas la question de la propriété. -La ruelle est commune. La configuration des lieux est en sa faveur.
-Les canalisations, l' alimentation en eau passent sous la terre dans la ruelle.
Il existe deux fenêtres au vitrage clair, une ancienne porte sur le mur donnant sur la ruelle.
-Les gouttières, les câbles électriques, la toiture débordent largement sur la ruelle.
-L' extrait cadastral de 1982 est clair. La ruelle est séparée en 2 parties. Celle de gauche est plus large vers section C n° [Cadastre 3].
-Le voisin a installé une caméra dans la ruelle sans l' informer, a refusé la médiation proposée en novembre 2021.
-A titre subsidiaire, une expertise doit être ordonnée à frais communs.
-Il produit un constat d'huissier réalisé à sa demande le 8 décembre 2021.
L' huissier a entendu M. [S] lui dire ' Je vais t'éclater la gueule'.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 31 mars 2023, M. [S] a présenté les demandes suivantes :
Vu les articles 544 , 1240 du Code Civil,
Vu les articles 146 et 179 du Code de procédure civile,
-Déclarer Monsieur [I] mal fondé en son appel ; l'en débouter,
-Débouter Monsieur [I] de l'ensemble de ses prétentions,
-Confirmer le jugement rendu le 17 septembre 2021 en ce qu'il a :
-rejeté l'ensemble des demandes présentées par Monsieur [X] [I],
-condamné Monsieur [X] [I] à payer à Monsieur [C] [S] la somme de 7.251,60 euros au titre de dommages et intérêts,
-condamné Monsieur [X] [I] à régler à Monsieur [C] [S] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
-condamné Monsieur [X] [I] à supporter la totalité des dépens de première instance en ce non compris les frais de constats en date des 17 février et 23 mars 2021.
Le réformer en ce qu'il a :
-ordonné que l'espace situé entre l'arrière du bâtiment de Monsieur [X] [I] situé sur la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 3], côté Est, et l'arrière de celui appartenant à Monsieur [C] [S] sur la parcelle n°[Cadastre 2], côté Ouest de cette propriété, soit rattaché à la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 2] appartenant à Monsieur [C] [S], et la publication à la conversation des hypothèques de la présente décision de ce fait.
Et statuant à nouveau :
Juger que l'espace situé entre l'arrière du bâtiment de Monsieur [X] [I] sis sur la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 3] et l'arrière du bâtiment de Monsieur [S] sis sur la parcelle cadastrée C n°[Cadastre 2] lui appartenant est la propriété de Monsieur [S] en ce qu'il constitue une section rattachable à la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 6] appartenant à Monsieur [S],
-Ordonner la publication à la conservation des hypothèques de la décision à intervenir,
A titre subsidiaire, Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et en ce qu'il a :
-ordonné que l'espace situé entre l'arrière du bâtiment de Monsieur [X] [I] situé sur la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 3], côté Est, et l'arrière de celui appartenant à Monsieur [C] [S] sur la parcelle n°[Cadastre 2], côté Ouest de cette propriété, soit rattaché à la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 2] appartenant à Monsieur [C] [S], et la publication à la conversation des hypothèques de la présente décision de ce fait.
-Condamner Monsieur [I] à verser à Monsieur [S] la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
-Condamner Monsieur [I] aux entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, M. [S] soutient en substance que :
-La demande en bornage doit être rejetée dès lors qu'elle est en réalité une action en revendication de propriété.
-Il demande la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a retenu que l' espace est une section de C n° [Cadastre 2]. Il estime qu'il est le prolongement de C n° [Cadastre 6]. -Les titres et la configuration des lieux peuvent établir la propriété d'un bien.
-La limite de la section C n° [Cadastre 3] coïncide avec le mur séparatif.
-Quand il a pris possession, l' accès à la parcelle C n° [Cadastre 6] était fermé par un portail en bois appuyé sur 2 piliers, installé en 1989 par M. [G].
Ses vendeurs, les consorts [R], avaient changé le portail et avaient mis à disposition de M. [T] une clé, clé dont il ne s'est jamais servi.
-Le portail, les piliers n'avaient pas été enlevés. Il a acheté ainsi.
-Son acte dans la rubrique servitude fait état du droit de passage reconnu au propriétaire de la parcelle section C n° [Cadastre 3].
-Le gardien a entretenu la sente entre 1996 et 2020 aux frais des propriétaires successifs du domaine.
-L' agent immobilier estime que M. [I] a seulement un droit d'échelle.
-L' entrée de la maison du gardien de M. [S] donne sur le passage. L' accès dessert sa seule propriété.
-Un droit de passage suppose un fonds servant propriétaire.
M. [I] a modifié les jours de souffrance dans le mur, a remplacé les carreaux à verre dormant alors que son acte de vente relevait que le bâtiment vendu ne possédait pas d'ouvertures. Il va lui demander d'occulter les vues qu'il a créées.
-M. [I] a un accès à la voie publique sans avoir besoin de passer sur sa propriété.
-Les évacuations sous gouttières, les câbles ne fondent pas la propriété.
-Il demande des dommages et intérêts au regard des détériorations qu'il a subies.
M. [I] a déversé un produit colorant au pied d'un pigeonnier classé, a détruit deux portails, un pilier en pierre. Il a tagué , détruit le portillon, le portail, jeté des pierres, s'est livré à des violences.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 3 avril 2023.
SUR CE
- sur le bornage judiciaire
Les parties sont propriétaires de deux fonds contigus.
M. [I] justifie d'une tentative de bornage amiable qui a échoué.
Il résulte cependant des demandes de M. [I] que l'objet du litige n'est pas la délimitation respective des fonds voisins qui est connue et constante mais la qualification de la ruelle de bien commun indivis, qualification étrangère à l'objet du bornage.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande de bornage judiciaire.
- sur la ruelle
Il résulte du titre de M. [I] en date du 22 décembre 2020 qu'il a acquis une maison, une cour, un petit jardin, WC figurant au cadastre C [Cadastre 3], [Adresse 5].
Il s'agit d'une ancienne écurie qui avait été acquise en 1903 par la famille [T].
Son titre cite un acte du 20 août 1966 :
'Il a été indiqué ce qui suit s'agissant des confrontations: cour au midi et au couchant dans l'angle de laquelle il existe un petit jardin et des WC .
Le tout d'un seul tenant, confronte: du nord à [P]- du levant à une ruelle commune avec [E]- et des midi et couchant à une [Adresse 9].' La ruelle commune avec [E] est donc mentionnée au titre des confrontations.
L'acte de vente ne l'inclut pas dans la propriété, dans le descriptif , la cite en ce qu'elle permet de délimiter le bien.
M. [I] produit en appel des éléments qui permettent de penser que '[E] ' était le gardien du logis en 1966.
Il résulte des explications concordantes des parties que la ruelle avait deux usagers:
-le gardien du logis dont la maison est située dans les dépendances du château et est située au fond de la ruelle,
-le propriétaire de la section C [Cadastre 3] qui dispose d'un droit de passage.
L'adjectif 'commun' utilisé dans l'acte du 20 août 1966 ne renvoie pas une propriété indivise mais à un usage commun, partagé, usage consacré par la cour d'appel de céans dans son arrêt du 9 février 1999.
Elle avait relevé des actes d'usage et d'entretien des auteurs de M. [I] et enjoint au propriétaire du logis de l'époque d'enlever les piliers et le portail posés qui faisaient obstacle à ce passage.
Sur les 3 relevés cadastraux produits par les parties, seul un relevé présente des flèches de rattachement.
Il y a deux flèches de rattachement, l'une vers la section C n° [Cadastre 3] et l'autre, plus proche, vers la section C n° [Cadastre 2].
Contrairement à ce qui est soutenu, le relevé n'établit en rien une ruelle indivise.
Deux éléments en revanche apparaissent plus convaincants :
-la configuration des lieux caractérisée par le fait que la ruelle longe le mur du château , dessert uniquement la maison du gardien, conduit à la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 6], propriété de
M. [S].
-les précisions portées sur le titre de M. [I] qui indique (page 16) que le bâtiment vendu ne possède pas d'ouvertures, pas de vues droites, pas de vue oblique et rien dans les murs , en limite de propriété autre que des jours de souffrance.
Sauf à connaître la servitude les justifiant ou sauf la prescription trentenaire, l'acquéreur s'expose à devoir les occulter si le voisin l'exige.'
Ces restrictions n'auraient jamais été stipulées si la ruelle avait été propriété indivise.
La présence de canalisations sous la ruelle est un indice de servitude au profit de la parcelle C n°[Cadastre 3] et non de propriété.
Il résulte des éléments précités que la ruelle litigieuse est propriété intégrale de M. [S] , qu'elle se rattache à la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 2].
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
- sur la demande de dommages et intérêts
Le tribunal a retenu que M. [I] s'était livré à des voies de fait à deux reprises en détruisant le portail, un pilier, en jetant des pierres sur les ouvriers.
Il ajoute ' quand bien même il existerait un droit de passage, il devait se placer dans un cadre légal et non se faire justice lui-même '.
La somme de 7251,60 euros correspond au devis de réparation du portail dégradé.
S'il résulte des productions que les auteurs des parties ont fait le choix de ne pas signifier l'arrêt du 9 février 1999 et de ne pas l'exécuter , décision leur appartenant, M. [I] ne pouvait et ne devait s'arroger le droit de démolir pilier et portails.
Le jugement sera donc confirmé.
- sur la demande d'expertise judiciaire
Il appartient à M. [I] de démontrer que l'expertise demandée à titre subsidiaire s'impose au regard de la technicité des questions soumises à la cour.
Il n'est pas démontré au regard des pièces produites par les parties, pièces qui lui permettent de répondre aux questions posées qu'une expertise se justifie.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
- sur les autres demandes
La demande relative à la suppression des ouvrages entravant l'accès est sans objet au regard de ce qui a été jugé sur la propriété de la ruelle.
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de l'appelant.
PAR CES MOTIFS :
statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
-confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour
Y ajoutant :
-déboute les parties de leurs autres demandes
-condamne M. [X] [I] aux dépens d'appel
-condamne M. [X] [I] à payer à M. [S] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,