COUR D'APPEL DE REIMS Audiance solennelle ARRÊT N° du 14 novembre 2000 AFFAIRE N : 98/01712 AFFAIRE : S.A. BONOMI C/ S.A. VOLVO AUTOMOBILES FRANCE Décision rendue par le Tribunal de commerce de PARIS du 7 mai 1993
ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2000 APPELANTE : La S.A. BONOMI Rue Pierre et Marie Curie 73490 LA RAVOIRE COMPARANT, concluant par la SCP SIX - GUILLAUME avoués près la Cour d'appel de REIMS, et plaidant par Maître BOURGEON, Avocat associé de la SCP THREARD - LEGER - BOURGEON - MERESSE, avocats au Barreau de PARIS Demanderesse en première instance Appelante d'un jugement rendu, le 7 mai 1993, par le Tribunal de commerce de PARIS Demanderesse devant la Cour d'appel de REIMS, Cour de renvoi INTIMEE : La S.A. VOLVO AUTOMOBILES FRANCE Parc des Fontaines 55 Avenue des Champs Pierreux, Immeuble le Capitole 92757 NANTERRE CEDEX COMPARANT, concluant par la SCP GENET - BRAIBANT, avoués près la Cour d'appel de REIMS, et plaidant par Maître Olivier GAUCLERE, avocat au Barreau de PARIS Défenderesse en première instance Intimée sur ledit appel Défenderesse devant la Cour d'appel de REIMS, Cour de renvoi DÉBATS : A l'audience publique du 12 Septembre 2000, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 Novembre 2000 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : PREMIER PRÉSIDENT : Monsieur Bernard DAESCHLER PRÉSIDENT DE X... : Monsieur Philippe RUFFIER Y... : Madame Marie-Josèphe Z..., Madame Roselyne A..., Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL B... : Madame Isabelle TORRE, greffier en chef, lors des débats et du prononcé du délibéré. LE MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur Jean-Dominique C..., Avocat Général entendu en ses observations ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement, en
audience solennelle sur renvoi de cassation, le 14 Novembre 2000, par Monsieur le Premier Président qui a signé la minute avec le B.... LA COUR, FAITS ET PROCÉDURE
La SA BONOMI, qui exploitait à Chambéry une concession automobile de la marque Honda, a également représenté la marque VOLVO à compter de l'année 1979 en vertu d'un contrat de concession exclusive conclu pour une durée d'un an et constamment renouvelé jusqu'en 1985.
Selon acte sous seings privés daté du 21 janvier 1986, la société BONOMI et la SA VOLVO FRANCE ont signé un nouveau contrat de concession exclusive sur le département de la Savoie, moins les cantons de Ruffieux, le Chatelard en Bauge et l'arrondissement d'Albertville et sur les cantons de Belley, l'Huis et Virieu le Grands dans le département de l'Ain soumis aux dispositions du règlement d'exemption numéro 123-85 du 12 décembre 1984, à savoir un contrat de durée indéterminée auquel chacune des parties pouvait mettre fin librement sous réserve de respecter un délai de préavis de douze mois.
À la suite de la signature d'un avenant du 23 janvier 1987, le territoire concédé a été réduit de huit cantons sur le département de la Savoie (Saint-Pierre d'Albigny, Saint-Jean de Maurienne, Saint-Michel de Maurienne, Modane, Lanslebourg, Chamoux s/ Gelon, La X... et Aiguebelle) au profit du nouveau concessionnaire d'Albertville.
Les huit cantons susvisés ont été restitués à la Société BONOMI à la suite de la conclusion d'un nouveau contrat de concession le 17 décembre 1987.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 juin 1988, la SA VOLVO FRANCE a notifiée à la Société BONOMI son intention de se prévaloir de l'article 1.5 du contrat prévoyant la résiliation de plein droit faute par le concessionnaire d'avoir réalisé
l'engagement minimal de 80% des objectifs de vente, après un préavis de trois mois.
Selon acte introductif d'instance signifiées le 30 juillet 1991, la Société BONOMI a saisi le Tribunal de commerce de Paris pour obtenir la condamnation de la société VOLVO à lui payer une somme de 2 millions de francs en réparation du préjudice que lui aurait causé la résiliation abusive du contrat de concession.
Par jugement rendu le 7 mai 1993, le Tribunal de commerce de Paris, retenant que l'obligation d'objectifs souscrite par le concessionnaire était conforme au règlement 123/85 de la Commission de la CEE et que la société VOLVO n'avait pas engagé sa responsabilité en résiliant le contrat de concession, a débouté la Société BONOMI de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société VOLVO la somme de 25.000 francs à titre de dommages et intérêts pour action manifestement abusive et celle de 25.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, outre les dépens. Par arrêt rendu le 28 février 1996, la Cour d'appel de Paris a confirmé cette décision sauf en ce qu'elle a condamné la Société BONOMI à payer à la société VOLVO la somme de 25 000 francs à titre de dommages et intérêts et statuant à nouveau, a débouté la société VOLVO de ce chef de demande.
Par arrêt rendu le 7 avril 1998, la X... Commerciale de la Cour de Cassation a cassé et annulé en toutes ces dispositions l'arrêt du 28 avril 1996 pour manque de base légale, au motif que la Cour d'appel de Paris avait considéré qu'à défaut d'accord préalable entre les parties il restait de la seule responsabilité du concédant de déterminer à partir d'estimations objectives l'engagement minimal de 80% des objectifs de vente de la marque sans vérifier de façon concrète que, à partir des éléments de preuves dont il appartenait à
la société VOLVO FRANCE de justifier, si ce taux minimal de 80% avait été fixé de façon objective, en tenant compte de critères proportionnels calculés à partir de l'évolution des performances de la marque relevées périodiquement. L'affaire a été renvoyée devant la Cour d'appel de céans. MOYENS DES PARTIES
En l'état de ses dernières conclusions signifiées le 28 août 2000, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé de son argumentation conformément aux dispositions de l'article 455, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile, la société BONOMI conclut à l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la Cour de juger au visa des dispositions de l'article 85-1 du Traité instituant la Communauté européenne que pour résilier le contrat de concession, la société VOLVO AUTOMOBILE FRANCE s'est prévalue d'une clause non exemptée qui encourt par conséquent la nullité.
L'appelante, qui invoque la violation par la société VOLVO AUTOMOBILE FRANCE des dispositions des articles 1134 et 1135 du Code civil, soutient que la résiliation du contrat lui a été opposée de manière brutale et injustifiée, au mépris de ses intérêts, et réclame en conséquence la condamnation de la société VOLVO AUTOMOBILE FRANCE à lui payer une somme de 2.191.000 francs à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'une somme de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE, dans ses dernières écritures signifiées le 26 juin 2000, auxquelles il est également expressément renvoyé pour plus ample exposé de son argumentation conformément aux dispositions de l'article 455, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile, conclut au débouté en soutenant qu'elle n'a pas engagé sa responsabilité en résiliant le contrat de concession et l'obligation d'objectifs souscrite par le concessionnaire est conforme au
règlement Communauté économique européenne 123/85.
À titre subsidiaire, elle fait valoir que la société BONOMI ne rapporte pas la preuve de la nullité de l'engagement d'objectifs au regard de l'article 85, paragraphe 1er et 2, du Traité de Rome et affirme que l'appelante n'a respecté ni son obligation d'objectifs, ni son obligation de rendement suffisant. Elle conteste par ailleurs que les parties aient été liées par un mandat d'intérêt commun ou par un contrat d'intérêt commun.
Plus subsidiairement, la société VOLVO avance que la société BONOMI ne rapporte pas la preuve du montant du préjudice qu'elle invoque. Elle réclame sa condamnation à lui payer une somme de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 août 2000. DISCUSSION
Il convient de rappeler en premier lieu que la société VOLVO AUTOMOBILE FRANCE a résilié le contrat de concession qui la liait à la société BONOMI en invoquant les stipulations de l'article 1.5 du dit contrat : Pendant la durée du présent contrat, le concessionnaire s'engage à réaliser 80% minimum des objectifs de ventes tels que définis dans le plan opérationnel dans le cadre d'une période quadrimestrielle. Dans le cas où le concessionnaire n'aurait pas réalisé cet engagement minimal, la société VOLVO FRANCE pourra à tout moment (...) considérer le contrat comme résilié de plein droit (...) . Sur la licéité de la clause d'objectifs au regard du droit communautaire
La société VOLVO soutient que le contrat de concession exclusive litigieux ne peut être regardé comme restrictif de concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1 du Traité CEE quand bien même il ne répondrait pas aux prescriptions du règlement 123/85. Elle avance que la société BONOMI ne démontre pas en quoi l'engagement d'objectifs aurait pour effet d'empêcher, de restreindre de fausser le jeu de la
concurrence à l'intérieur du marché commun, ni en quoi le contrat de concession serait de nature à avoir un effet sensible sur le commerce entre États membres. La société VOLVO observe que la part de marché détenue par l'importateur ne représentait que 0,89% en 1987 et 0,78% en 1988 et en déduit que la clause litigieuse ne saurait avoir un effet sensible actuel ou même potentiel sur le commerce intracommunautaire, ni fausser le jeu de la concurrence.
Elle prétend que s'agissant d'un accord mineur, la convention liant les parties ne peut être appréhendée au regard de l'article 85, paragraphes 1er et 2ème, du Traité CE et échappe de ce fait à l'interdiction et la nullité édictées par les dispositions susdites. Sur ce point, si la société VOLVO avait effectivement un taux de pénétration globale inférieure à 1% sur le marché français au cours de la période considérée, on ne peut pour autant retenir que son système de concession n'affecterait pas de façon sensible le jeu de la concurrence dans le marché commun. Il échet en premier lieu d'observer que sa part de marché sur le segment des véhicules haut de gamme, qui est le marché pertinent à considérer, était à l'époque très largement supérieure à 1% et que son taux de pénétration globale excédait sensiblement les performances de son réseau français dans plusieurs pays de l'Union Européenne. Par ailleurs, le chiffre d'affaires total des ventes de véhicules particuliers réalisées par la branche automobile du groupe VOLVO au sein du marché commun dépassait largement les 200 millions d'écus. Il s'ensuit que les accords passés par la société VOLVO dans le cadre de son système de concession exclusive ne peuvent être considérés comme d'importance mineure et relèvent bien des dispositions de l'article 85 paragraphe 1er du traité CEE.
Aux termes du règlement (CEE) d'exemption par catégorie n 123/85 du
12 décembre 1984 concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du Traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de services de vente et d'après-vente de véhicules automobiles et notamment de son article 4.1.3, l'engagement par lequel le distributeur s'oblige à s'efforcer d'écouler dans une période déterminée à l'intérieur du territoire convenu un nombre minimal de produits contractuels que le fournisseur fixe à partir d'estimations prévisionnelles des ventes du distributeur, si les parties ne se mettent pas d'accord à ce sujet, ne fait pas obstacle à l'exemption dont bénéficient les réseaux de distribution exclusive de véhicules automobiles.
Il appert des dispositions susdites que la clause du contrat de concession imposant au concessionnaire un seuil minimum de 80% de réalisation des objectifs de ventes n'est pas en soi restrictive de concurrence et contraire aux prescriptions du règlement d'exemption catégoriel.
La société BONOMI soutient toutefois que dans le cadre de ce règlement, la Commission n'autoriserait pas la définition d'objectifs de ventes minimales autrement que sur une base annuelle et que les exigences minimales convenues pour une période plus courte ne peuvent avoir qu'un caractère indicatif, de sorte que si elles sont contraignantes, il peut en résulter une perte automatique du bénéfice de l'exemption. Elle invoque une réponse de la Commission des Communautés Européennes du 16 janvier 1996 à une question de principe posée par la Cour d'appel de Paris selon arrêt du 10 février 1994 sur la compatibilité avec l'article 85-1 du traité CEE d'une clause de résiliation de plein droit d'un contrat de concession automobile en cas de non réalisation d'un minimum de 60% des objectifs quantitatifs de vente aux termes d'un semestre.
Il résulte de ladite réponse que la fixation d'un niveau chiffré
d'objectifs de vente au distributeur, en corollaire de son obligation de "meilleurs efforts" dans le cadre d'une relation contractuelle fondée sur le règlement 123/85 n'est pas en soi restrictive de la concurrence, même lorsqu'elle est sanctionnée par un droit de résiliation au concédant du seul fait que le distributeur n'aurait pas réalisé au moins un volume minimum de ses objectifs. Il peut toutefois en être autrement lorsque la clause litigieuse s'avère excessive, que ce soit en ce qui concerne la fixation des objectifs obligatoires sur une période plus courte que l'année ou au regard d'un niveau chiffré d'objectifs de vente exagérément élevé. La Commission indique qu'une obligation excessive est incompatible avec le règlement n 123/85 et fait obstacle à l'application de l'exemption catégorielle qu'il prévoit, de sorte que l'accord contenant une telle clause pourrait seulement bénéficier d'une exemption individuelle si les conditions de l'article 85 paragraphe 3 du traité CE étaient réunies.
Par ailleurs, l'article 5.1.2.b. du règlement n 123/85 subordonne l'application de l'article 4 paragraphe 1 à la condition que le fournisseur n'applique pas des conditions minimales et des critères pour les estimations prévisionnelles tels que le distributeur fasse l'objet d'un traitement inéquitable où, sans justifications objectives, d'un traitement discriminatoire.
Il s'ensuit que la licéité de la clause d'objectifs au regard du règlement n 123/85 est soumise à l'absence de caractère excessif de l'obligation du distributeur tant en ce qui concerne la durée de la période de référence que la détermination du niveau chiffré d'objectifs de vente ou du pourcentage de ce chiffre dont la non réalisation ouvre au fournisseur la possibilité de faire jouer la clause de résiliation de plein droit de la convention. Le caractère excessif ou inéquitable de l'obligation imposée au distributeur doit
s'apprécier in concreto.
Il convient en conséquence d'apprécier la licéité de la clause litigieuse dans le cadre de l'examen de la compatibilité de cette clause avec les dispositions de l'article 1134, alinéa 3, et de l'article 1135 du Code civil, en recherchant si la société VOLVO a fixé les objectifs minimaux à réaliser de manière objective et équitable. Sur les conditions de la résiliation du contrat
La Cour relève en premier lieu que la fixation à 80% des objectifs chiffrés de vente de véhicules neufs du seuil de performances commerciales en dessous duquel le concédant est en droit de faire jouer la clause de résiliation extraordinaire ne fait l'objet d'aucune critique sérieuse de la part de la société BONOMI, de sorte que le caractère excessif ou non de la clause litigieuse occurrence s'apprécier en fonction de l'objectivité de la fixation des objectifs de vente.
La société BONOMI prétend que la société VOLVO FRANCE a manqué à son obligation d'exécuter la convention de bonne foi et de manière équitable. Elle avance que l'intimée ne justifie pas du caractère équitable et non discriminatoire des objectifs sur le fondement desquels elle a mis en oeuvre la clause résolutoire. Elle affirme que le comportement de la société VOLVO FRANCE n'a été dicté que par un calcul d'opportunité commerciale, à savoir la nécessité de l'évincer pour pouvoir confier au Groupe MAURIN, dont la surface financière était très supérieure à la sienne, une concession exclusive Volvo, alors qu'elle-même représentait conjointement la marque Honda.
L'appelante affirme que les objectifs qui lui ont été fixés ont été définis arbitrairement d'une manière grossièrement excessive et qu'ils ont constamment excédé le potentiel commercial du secteur concédé, secteur rural et montagneux, au regard de produits peu adaptés aux spécificités locales. Elle observe qu'ils excédaient en
outre largement la part de marché régional de la marque VOLVO.
La société VOLVO fait valoir en réponse qu'elle a essentiellement entendu tirer les conséquences d'une insuffisance commerciale avérée et maintes fois dénoncée au regard non seulement des objectifs de ventes mais tout autant des performances du concessionnaire mises en relation avec celles des autres concessionnaires de la marque sur les plans régional, de zone et national. Elle affirme en conséquence avoir agi en conformité tant avec les stipulations du contrat qu'avec les dispositions du règlement 123-85.
L'intimée observe en outre qu'aucune stipulation du contrat de concession n'imposait à la société BONOMI de réaliser 100% de ces objectifs mais qu'elle y était simplement incitée puisqu'à partir d'un taux de réalisation de 80%, les performances donnaient lieu au versement de primes d'objectifs par véhicule. Elle relève que les performances de la société BONOMI se situaient très en deçà du seuil contractuel de 80% de réalisation.
La Cour relève toutefois que si la société VOLVO fait grief à la société BONOMI d'une insuffisance globale de performances commerciales dans la lettre recommandée avec avis de réception du 7 juin 1988, par laquelle elle lui a notifié la résiliation du contrat de concession, seul le manquement à l'engagement du concessionnaire de réaliser un minimum de 80% des objectifs de ventes tels que définis dans le plan opérationnel dans le cadre d'une période quadrimestrielle est susceptible de lui permettre d'invoquer la résiliation extraordinaire du contrat avec un préavis abrégé de trois mois et doit dès lors être seul pris en compte.
Si la société VOLVO soutient que les objectifs de vente n'étaient ni irréalistes, ni surestimés et qu'ils ont été librement acceptés par la société BONOMI, il n'en reste pas moins qu'ils ont été fixés unilatéralement par l'intimée et qu'il incombe dès lors à cette
dernière de démontrer qu'ils ont été déterminés de façon objective, en tenant compte de critères proportionnels calculés à partir de l'évolution des performances de la marque relevées périodiquement et non en fonction de l'évolution du nombre global d'immatriculations de véhicules neufs dans le secteur concédé.
En l'occurrence, les objectifs de vente de la société BONOMI ont été fixés par le concédant à 85 véhicules pour l'année 1985, 86 véhicules pour l'année 1986, à 89 véhicules pour l'année 1987 et à 27 véhicules pour le premier quadrimestre de l'année 1988 (88 véhicules pour l'année entière). Force est de relever qu'au regard de l'évolution des immatriculations sur le marché concédé, ces objectifs représentent un taux de pénétration sur le territoire de la concession de 0,9644% en 1985 ( moyenne régionale 0,79%), de 0,902% en 1986 (moyenne régionale 0,73%) et de 1,2088% en 1987 (moyenne régionale 0,66 %). Il s'évince des propres chiffres fournis par la société VOLVO que les objectifs de vente assignés à l'appelante au cours des trois exercices précédant la résiliation étaient constamment supérieurs aux taux de pénétration régional et de zone de la marque et même qu'ils excédaient de plus de 35% le taux de pénétration national en 1987.
En outre, ces objectifs de vente n'ont cessé de croître alors pourtant que, corrélativement, la part de marché de la marque VOLVO régressait au cours de la même période tant au niveau de la région et de la zone qu'au niveau national. L'objectif de vente assigné au cours du premier quadrimestre de l'année 1988 s'avère encore supérieur puisqu'il représente en projection annuelle une cible de 108 véhicules vendus qui est manifestement totalement irréaliste.
Il échet d'en déduire non seulement que la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE ne rapporte pas la preuve qu'elle a déterminé de manière objective les objectifs de vente assignés au concessionnaire, mais
encore que ces objectifs étaient largement excessifs et plus particulièrement en ce qui concerne celui fixé pour le premier quadrimestre de l'année 1988 qui est visé par la mise en oeuvre de la clause de résiliation extraordinaire. Il n'est pas sans intérêt de relever que la société BONOMI indique sans soulever de contestation de la part de l'intimée que la société ALPES AUTOMOBILES, créée en juillet 1988 par le Groupe MAURIN pour reprendre la concession VOLVO de Chambéry, a renoncé au mois de janvier 1991 à la suite de mauvais résultats et que la société SAVOISIENNE AUTOMOBILES, qui lui a succédé, n'a pas poursuivi la distribution de la marque au delà de l'année 1993, de sorte que l'intimée ne dispose plus depuis 1994 de concessionnaire exclusif dans le département de la Savoie, circonstances qui sont de nature à mettre en doute à la fois la réalité du manquement allégué de la société BONOMI à son obligation de moyens et la pertinence des performances commerciales demandées à cette dernière.
En outre, il y a lieu de considérer que la prise en compte d'une période de référence limitée à quatre mois pour apprécier les performances commerciales réalisées par le concessionnaire au regard des objectifs de vente est manifestement inéquitable pour ce dernier et le place dans une situation de dépendance injustifiée à l'égard du concédant, favorisant ainsi un cloisonnement du marché prohibé par l'article 85 paragraphe 1er du traité CEE.
Il s'évince de ces éléments, d'une part, que la fixation par la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE des objectifs de ventes du concessionnaire n'est pas conforme aux prescriptions du règlement (CEE) de la Commission n 123/85, de sorte que la clause d'objectifs est frappée d'une nullité de plein droit à défaut d'une exemption à titre particulier et, d'autre part, que la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi la clause de
résiliation extraordinaire du contrat de concession, de sorte que la rupture unilatérale de cette convention revêt un caractère abusif.
Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en toutes ces dispositions et de retenir que la société BONOMI est fondée à réclamer l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi du fait de la rupture abusive et anticipée de ses relations commerciales avec la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE. Sur le préjudice
La société BONOMI soutient que le préjudice qu'elle a subi tient essentiellement, d'une part, dans la perte de marge éprouvée du fait de la rupture anticipée des relations commerciales et, d'autre part, dans la perte d'éléments d'actifs liée à la rupture. La société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE prétend à titre subsidiaire que l'indemnisation du contrat de concession ne peut s'établir que sur la base d'un manque à gagner calculé en termes de marge bénéficiaire semi-nette.
Sur ce point, la société BONOMI fait valoir à bon droit qu'à la suite de la rupture brutale par l'intimée de son droit de vendre en exclusivité les véhicules de la marque VOLVO sur le territoire concédé, elle a dû supporter des frais généraux qui ont continué à courir, en étant privée des ressources nécessaires à leur amortissement. Il s'ensuit que l'indemnisation doit être calculée sur ce point à partir de la moyenne de la marge bénéficiaire brute des trois dernières années d'activité, laquelle s'élève à la somme de 1 691 024 francs selon l'estimation du cabinet Pierre Magnin, expert-comptable de l'entreprise, ce dernier chiffre ne faisant l'objet d'aucune contestation de la part de l'intimée.
En revanche, la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE est fondée à soutenir qu'il y a lieu de prendre en compte le préavis de trois mois effectué par la société BONOMI, de sorte que la perte de marge brute doit être calculée sur une période de 9 mois. Elle s'établit en conséquence à la somme de 1 268 269 francs.
La société BONOMI invoque en outre la perte d'éléments d'actif qu'elle éprouve au titre d'investissements devenus inutiles (informatique Volvo, outillages spécifiques) et au titre de la dévalorisation du stock de pièces détachées d'origine Volvo. La société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE ne formule aucune contestation sur le premier point et indique en ce qui concerne la dévalorisation des pièces de rechange que l'article 7.3 du contrat de concession offrait au concessionnaire la possibilité de lui demander la reprise du stock de pièces de rechange et d'accessoires d'origine dans le délai de moins d'un mois suivant la date de cessation du contrat, par lettre recommandée avec avis de réception, faculté dont la société BONOMI n'aurait selon elle a pas usé.
La société BONOMI, qui conteste ce dernier point, se borne à produire la copie d'une lettre simple datée du 19 septembre 1988 réclamant la reprise du stock de pièces détachées et de l'outillage neuf sans toutefois justifier qu'elle a adressé ce courrier à la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE et a fortiori qu'il ait été reçu par cette dernière. Faute de rapport à la preuve qu'elle a mise en oeuvre la clause de reprise du stock de pièces détachées d'origine Volvo dans les conditions et délai stipulés par le contrat de concession, l'appelante ne peut prétendre à aucune indemnisation du fait de la dépréciation de ce stock.
En revanche, la société BONOMI peut prétendre à l'indemnisation du préjudice résultant de l'acquisition en janvier 1987, à la demande de la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE, d'un système informatique spécifique devenu inutile consécutivement à la rupture et à sa déconnexion subséquente du réseau informatique du concédant. Au regard du coût de ce système (soit 230 000 francs hors taxes), qui n'a été utilisé que jusqu'au mois de septembre 1988, le préjudice subi de ce fait peut être évalué sur la base d'une période
d'amortissement de cinq ans à 195 500 francs.
Enfin, aucune disposition du contrat de concession ne prévoyant la reprise par le concédant de l'outillage spécifique Volvo, la rupture brutale de la convention a causé à la société BONOMI un préjudice en mettant fin de manière prématurée à sa durée d'amortissement normale. Au regard des éléments dont dispose la Cour ce chef de préjudice sera évalué à la somme de 30.000 francs.
Le montant des frais irrépétibles exposés par la société BONOMI en première instance et en cause d'appel qu'il échet de mettre à la charge de la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile sera fixé à la somme de 50.000 francs. * * * PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en audience solennelle et contradictoirement, Déclare recevable et bien-fondé de l'appel formé par la société BONOMI à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 7 mai 1993 ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
Constate que la fixation à un niveau excessif par la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE des objectifs chiffrés de ventes de véhicules neufs par la société BONOMI et de la durée de la période de référence pour l'appréciation de l'exécution de l'engagement de réalisation minimale prive la clause d'engagement d'objectifs du bénéfice du règlement (CEE) d'exemption n 123/85 de la Commission, de sorte qu'elle encourt l'annulation de plein droit en application des dispositions de l'article 85 paragraphe 2 du traité CEE ;
Dit au surplus qu'en fixant les objectifs annuels chiffrés de ventes de véhicules neufs par la société BONOMI sur des critères dont l'objectivité n'est pas démontrée, puis en mettant en oeuvre la
clause de résiliation extraordinaire pour défaut de réalisation du seuil minimal de 80% de ces objectifs excessifs au cours du premier cas trimestre de l'année 1988, la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE a manqué à son obligation d'exécuter le contrat de concession de bonne foi et de manière équitable ;
Condamne en conséquence la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE à payer à la société BONOMI une somme de 1.493.769 francs, soit 227.723,61 Euros, en indemnisation du préjudice causé par son comportement abusif ;
Condamne la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE aux dépens de première instance et d'appel et autorise la société civile professionnelle Jean-Pierre SIX et Pascal GUILLAUME, Avoués, à procéder à leur recouvrement direct dans les conditions fixées par les dispositions de l'article 699 nouveau Code de procédure civile ; Condamne enfin la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE à payer à la société BONOMI une indemnité de 50.000 francs, soit 7.622,45 Euros, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
LE B...
LE PREMIER PRÉSIDENT