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17/10/2002 | FRANCE | N°01/00323

France | France, Cour d'appel de reims, 17 octobre 2002, 01/00323


COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE CIVILE 2ème SECTION RNB ARRET N° 762 AFFAIRE N : 01/00323 AFFAIRE X... C/ X..., X..., X... C/ une décision rendue par le Tribunal de Grande instance CHALONS EN CHAMPAGNE le 20 Décembre 2000. ARRET DU 17 OCTOBRE 2002 APPELANT/ Monsieur Bernard X... 22 rue Maurice Bidaut 51300 MERLAUT COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET avoué à la Cour, et ayant pour conseil Me PAUTONNIER, avocat au barreau de PARIS, INTIMES: Madame Anne Y... née Z... de Sermaize 51340 MAURUPT LE MONTOIS Monsieur Jean-Luc X... 51240 VITRY LA VILLE X... Madame Marie-Christi

ne A... née X... 51 rue de Sillery 51100 REIMS COMPARA...

COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE CIVILE 2ème SECTION RNB ARRET N° 762 AFFAIRE N : 01/00323 AFFAIRE X... C/ X..., X..., X... C/ une décision rendue par le Tribunal de Grande instance CHALONS EN CHAMPAGNE le 20 Décembre 2000. ARRET DU 17 OCTOBRE 2002 APPELANT/ Monsieur Bernard X... 22 rue Maurice Bidaut 51300 MERLAUT COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET avoué à la Cour, et ayant pour conseil Me PAUTONNIER, avocat au barreau de PARIS, INTIMES: Madame Anne Y... née Z... de Sermaize 51340 MAURUPT LE MONTOIS Monsieur Jean-Luc X... 51240 VITRY LA VILLE X... Madame Marie-Christine A... née X... 51 rue de Sillery 51100 REIMS COMPARANT, concluant par la SCP THOMA-LE RUNIGO-DELAVEAU-GAUDEAUX, avoué à la Cour, et ayant pour conseil Me Gérard CHEMLA, avocat au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE. PRÉSIDENT DE CHAMBRE: Madame MARZI Odile B...: Madame NEMOZ-BENILAN Roselyne B... Monsieur NGUYEN Khac-Tan Mademoiselle Valérie C..., Adjoint administratif faisant fonction de greffier lors des débats et Madame Michèle D..., Greffier lors du prononcé, 1 LES FAITS - LA PROCÉDURE Madame Agnès E... veuve X..., Monsieur Jean X... et son épouse Madame F..., ainsi que Monsieur Bernard X... possédaient chacun des parcelles de terrain situées à GRUSON (59) d'une contenance globale de 6ha, 56a, 24a se répartissant de la façon suivante - une parcelle de lha 85 ares appartenant à Madame Agnès X...; - deux parcelles d'une contenance de lha 53a 88ca pour la première et 85ares 98centiares pour la seconde appartenant en copropriété, chacun pour moitié, à Jean X... et Bernard X..., sous l'usufruit pour moitié de Madame X...; - une parcelle de 2ha 31 a 38 ca appartenant aux époux G.... Ils ont décidé de rassembler ces parcelles pour les vendre à un promoteur immobilier, la S.D.A.F lequel, par suite de difficultés d'urbanisme relatives au classement

de la parcelle des époux G... en zone naturelle, n'en a acquis que 90 ares. C'est dans ces conditions que par acte sous seing privé du 11 août 1974, les consorts X... ont établi un protocole prévoyant une répartition du prix, non pas conformément aux stipulations des actes de vente, mais en calculant le prix moyen des terrains vendus par rapport à la contenance totale, à charge pour les époux H... de répartir, selon les mêmes modalités, les sommes résultant de la vente future de la parcelle non acquise par le promoteur. Par courrier du 28 octobre 1995, le Maire de GRUSON a indiqué que le P.O.S. de la commune ne serait pas modifié et que la parcelle invendue ne deviendrait donc pas constructible. Le 24 mars 1998, Bernard X... a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de CHALONS EN CHAMPAGNE Madame Monique X..., aujourd'hui décédée, et ses trois enfants, Madame Marie-Christine X... épouse A..., Monsieur Jean-Luc X... et Madame Anne X... épouse Y..., pour voir prononcée la nullité du protocole pour absence de cause et afin d'obtenir restitution des sommes indûment perçues, soit 53.254E ainsi que 41.074,50E en sa qualité d'ayant-droit de Madame Agnès X..., outre les intérêts capitalisés. Par jugement du 20 décembre 2000, le Tribunal a débouté Bernard X... de son action en nullité, rejeté l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à verser une somme de 10.000E sur le 2 fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile; MOYENS DES PARTIES Par ses dernières conclusions déposées le 24 juin 2002, Bernard X... prétend qu'il ressort des termes mêmes du protocole que la commune intention des parties était de réaliser une opération de promotion immobilière sur la totalité des terrains d'assiette leur appartenant et que la cause impulsive et déterminante de ce protocole était la vente différée, mais certaine, du terrain restant en tant que parcelle à bâtir, à défaut de laquelle

sa signature aurait été un marché de dupe. Il en déduit que dès lors qu'il est établi que les terres agricoles ne sont pas classables en terrain à bâtir, la cause de l'obligation qu'il avait souscrite de ne pas percevoir une partie du prix sur ses propres terres a disparu et que cette obligation ne peut donc avoir aucun effet, en application des dispositions de l'article 1131 du code civil. Il ajoute que les intimés ayant fait référence, dans leurs écritures, aux écrits du professeur François CHABAS, il a sollicité de ce dernier une consultation, sur laquelle il s'appuie pour faire valoir que le partage du prix de vente d'immeubles constructibles était entré dans le champ contractuel et qui si la parcelle litigieuse était vendue au prix des terres agricoles, l'équilibre du contrat serait rompu alors que, selon la théorie moderne de la cause, celle-ci n'existe que si le contrat est équilibré dans son économie générale et si l'obligation de l'un des contractants, qui doit être fondée sur son intérêt légitime, a une contrepartie réelle. Il fait encore valoir que la vente du terrain à un promoteur n'est pas devenue impossible mais l'est restée et que même s'il était soutenu que la cause a disparu après la conclusion du contrat, ce fait ne constituerait pas un obstacle à la nullité, conformément à théorie de la cause dynamique selon laquelle la cause n'est pas seulement la considération de contre-prestation mais celle de son exécution, de telle sorte que cette cause fait défaut dès lors que la promesse de l'une des parties n'est pas exécutée ou s'avère d'exécution impossible, impossibilité qui doit s'apprécier comme en matière de force majeure; Il rappelle, à cet égard, que vingt-huit ans se sont déjà écoulés depuis la signature du protocole et que selon la lettre du maire de GRUSON, le terrain restera inconstructible encore pendant dix-sept ans, alors que la perpétuité d'un contrat est frappée d'une nullité absolue. Il prétend que les consorts X... n'ont pas

tenté de vendre, pas même au prix du terrain agricole, de telle sorte que la condition est réputée accomplie. 3 Il demande en conséquence à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire et juger sans cause l'obligation qu'il a souscrite d'abandonner aux consorts X... une partie du prix de vente des terrains à bâtir ne leur appartenant pas et en conséquence de condamner solidairement les ayants droits de Jean X..., à savoir MarieChristine X... épouse A..., Monsieur Jean-Luc X... et madame Anne X... épouse Y... à lui payer les sommes de 8.118,52 euros ainsi que celle de 6.261,77 euros correspondant à la moitié de la part de sa mère, lesdites sommes étant majorées des intérêts de droit depuis la date de vente des terrains et ces intérêts étant capitalisés par application de l'article 1154 du Code civil. Il sollicite condamnation des consorts X... à lui payer une indemnité de 3.812 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par leurs dernières conclusions déposées le 17 juin 2002, les consorts X... contestent que la cause impulsive et déterminante de la convention du 11 août 1974 ait été la vente du terrain restant en tant que parcelle à bâtir, alors que le protocole s'analyse comme un contrat synallagmatique innommé et qu'à la cause de l'obligation de Bernard X... - s'abstenir de réclamer la somme lui revenant en application des règles du droit commun - répond leur obligation de lui verser la somme déterminée en fonction des modalités prévues par le protocole une fois la seconde vente réalisée. Ils prétendent que la cause du contrat est de toute évidence la réalisation de l'opération de cession des parcelles de terre au promoteur et que le classement de la parcelle invendue ne constitue pas la cause de l'accord ni une condition d'existence de celui-ci. Ils soutiennent que Bernard X... confond la cause avec l'objet de la convention et précisent que l'objet de l'obligation était une répartition

différente du prix par rapport aux actes de vente, tandis que l'objet du contrat est l'opération juridique envisagée. Ils ajoutent que le partage du prix de vente d'immeubles constructibles n'est jamais entré dans le champ d'application du contrat ainsi que cela ressort de l'exposé du protocole et qu'en toute hypothèse l'exécution du contrat est toujours possible, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges. Ils prétendent que s'agissant, comme en l'espèce, d'un contrat synallagmatique à caractère instantané dont l'exécution est simplement reportée dans le temps, c'est au moment de la formation du contrat qu'il faut se placer pour apprécier l'existence de la cause et que précisément la parcelle de la vente était possible lors de la signature du protocole et reste d'ailleurs toujours possible, soit en tant que terrain agricole, soit en tant que terrain constructible. 4 Ils contestent que l'opération projetée s'analyse en une avance d'argent de l'appelant à Jean X..., cette assimilation ne ressortant d'aucune des dispositions du protocole. Enfin ils rappellent que les parties ont entendu préciser que le protocole était irrévocable et que, ce faisant, elles ont voulu unanimement se prémunir et mettre la convention hors de portée d'éventuels revirements, de sorte que l'irrévocabilité du protocole fait partie de l'économie du contrat. Ils rappellent enfin que, contrairement à ce que Bernard X... prétend, ils ont accompli des diligences pour vendre la parcelle et avaient envisagé de la vendre en tant que terre agricole en janvier 1998. Ils demandent en conséquence à la Cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Bernard X... de ses demandes et de le condamner à leur payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile SUR CE Attendu qu'il est constant que la cause du protocole réside dans les difficultés d'urbanisme relatives à la parcelle restée invendue ; que de ce protocole est

issu un engagement réciproque, celui des vendeurs de se répartir différemment le prix versé par la SEDAF et celui des époux G... de répartir le prix de leur parcelle ultérieurement vendue selon les mêmes modalités ; Que les parties s'opposent, notamment sur l'étendue de l'obligation de Jean X..., Bernard X... prétendant qu'il était tenu de vendre une parcelle constructible et les intimés soutenant au contraire que cette constructibilité n'était pas mentionnée dans le contrat; Attendu qu'il ressort de l'économie générale du protocole, que la commune intention des parties était que la parcelle restante soit cédée, dans le futur, en tant que parcelle constructible ; que les parties ont notamment précisé, dans l'exposé préliminaire, qu'ils avaient convenu "de faire masse de l'ensemble des terrains représentant une contenance de 6ha 56 a 24 ca pour les vendre à un promoteur immobilier, en vue de la construction de maisons individuelles d'habitation" ; Que l'engagement de Bernard X... trouve dès lors sa cause dans celui de Jean X... de partager à son tour le prix de vente de sa parcelle devenue constructible ; 5 Qu'il résulte de l'ensemble des pièces du dossier et notamment des courriers échangés avec les élus que cette constructibilité n'a plus pu être envisagée, en tout cas dans un laps de temps raisonnable, à telle enseigne que les intimés ont déclaré se résoudre à la vendre en tant que terre agricole ; Mais attendu que la cause de l'existence d'une obligation doit s'apprécier au jour de la formation du contrat qui la crée ; qu'en l'espèce, et contrairement à ce qu'écrit le professeur CHABAS dans la consultation versée aux débats, l'inconstructibilité n'est pas "restée" impossible, et ne s'est pas non plus "révélée" après coup, ni "confirmée" alors qu'il ressort au contraire des éléments du dossier que le classement en zone constructible était, lors de la signature du protocole, une

perspective parfaitement réaliste, qui ne s'est avérée inenvisageable que vingt ans plus tard, lorsque le conseil communal a décidé, eu égard à l'établissement du nouveau Schéma Directeur d'Aménagement Urbain, de donner un avis défavorable sur l'extension des zones constructibles ; que l'appelant se réfère d'ailleurs lui-même, dans ses écritures, au pacte de préférence dont était bénéficiaire la S.D.A.F sur la parcelle invendue en 1974; Qu'il est ainsi établi qu'à la date de rédaction du protocole, les obligation réciproques des parties n'étaient affectées d'aucun déséquilibre économique ; Que si cet équilibre a ultérieurement été atteint du fait de l'impossibilité, pour les intimés, d'exécuter leur engagement conformément aux dispositions du protocole, en dépit de leurs démarches, cette inexécution n'est pas de nature à faire disparaître rétroactivement la cause qui existait lors de la souscription du contrat; Que la théorie de la "cause dynamique" à laquelle fait référence le professeur CHABAS, selon laquelle "la cause exerce son influence sur le sort du contrat tant que le but visé par chaque obligé n'est pas atteint", " n'intéresse que les contrats à exécution successive comportant des obligations réciproques échelonnées dans le temps, que tel n'est pas le cas en l'espèce s'agissant d'un contrat à caractère instantané, même si l'exécution de l'obligation de l'une des parties a été différée ; Que Bernard X... ne peut, par conséquent, prétendre être déchargé de son obligation ayant consisté à accepter une répartition du prix de vente non conforme aux actes de vente, en alléguant l'absence de cause ; 6 Qu'il convient dans ces conditions de confirmer, mais par subsititution de motifs, le jugement entrepris et de débouter Bernard X... de l'ensemble de ses demandes ; Attendu qu'il serait inéquitable que les consorts X... conservent à leur charge les frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'exposer devant la Cour, et qui seront évalués à

1.800 euros. PAR EMOTIFS La Cour, statuant publiquement et contradictoirement; Reçoit Bernard X... en son appel mais le dit mal fondé et l'en déboute ; Confirme, par substitution de motifs, le jugement entrepris ; Condamne Bernard X... à payer à Mesdames Anne X... épouse Y..., Marie-Christine X... épouse A... et Jean-Luc X... la somme de 1.800 euros (MILLE HUIT CENTS EUROS) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Le condamne aux dépens de l'appel lesquels pourront être recouvrés directement par la SCP THOMA LE RUNIGO DELAVEAU GAUDEAUX conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure Civile. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Numéro d'arrêt : 01/00323
Date de la décision : 17/10/2002

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Cause - Moment d'appréciation - Date de la formation du contrat

La théorie de la "cause dynamique", selon laquelle la cause exerce son influence sur le sort du contrat tant que le but visé par chaque obligé n'est pas atteint, ne concerne que les contrats à exécution successive comportant des obligations réciproques échelonnées dans le temps. En revanche, pour les contrats à caractère instantané, la cause d'une obligation doit s'apprécier au jour de la formation du contrat qui la créée, même si l'exécution de l'obligation de l'une des parties a été différée


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2002-10-17;01.00323 ?
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