DÉCISION N 2
DU 30 JANVIER 2007
DÉCISION PRÉVUE PAR L'ARTICLE 149-1
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
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LE PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR D'APPEL DE REIMS, statuant en audience publique le TRENTE JANVIER DEUX MILLE SEPT, a prononcé la décision suivante :
Statuant sur la requête de :
Haitham X...
né le 26 avril 1959 à HAMA (Syrie)
fils d'Ahmed et de Wissal X...,
de nationalité syrienne
chirurgien
ayant élu domicile chez Maître BOURDON, avocat, ...,
formée en vertu de l'article 149-1 du Code de procédure pénale, enregistrée au secrétariat le 16 décembre 2005 sous le numéro IDP23/2005,
Ayant pour avocat Maître William BOURDON,
Avocat au barreau de PARIS,
Vu le dossier de la procédure, duquel il résulte que la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de REIMS sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel de CHÂLONS EN CHAMPAGNE du 26 mai 2004, a relaxé le 15 juin 2005 Haitham X... du chef de faux, altération frauduleuse de la vérité dans un écrit, et usage de faux en écriture,,
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire du Trésor Public en date du 24 février 2006 et notifiées par lettre recommandée avec avis de réception le 1er mars 2006,
Vu les conclusions du procureur général près la cour d'appel de REIMS en date du 10 mars 2006 et notifiées par lettre recommandée avec avis de réception le 14 mars 2006,
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Vu la lettre recommandée avec avis de réception en date du 20 avril 2006 par laquelle a été notifiée la date de l'audience fixée au 15 juin 2006 à 14 heures,
Vu le renvoi contradictoire à l'audience du 7 septembre 2006 à 14 heures,
Vu la lettre recommandée avec avis de réception en date du 24 octobre 2006 par laquelle a été notifiée une nouvelle date d'audience fixée au 12 décembre 2006 à 9 heures 30,
Vu, Notre rapport, les observations de Monsieur X..., de Maître Z..., avocat au barreau de PARIS substituant Maître BOURDON, de Maître A..., suppléé par Maître NICOLAS, avocat à la cour d'appel de REIMS, avocat de l'Agent Judiciaire du Trésor Public, les conclusions du procureur général,
Monsieur Haitham X... ayant eu la parole le dernier,
Et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vidant son délibéré à l'audience publique de ce jour, 30 janvier 2007 :
Le 30 Avril 1998 Hait Ham X... était placé sous mandat de dépôt ensuite de sa mise en examen des chefs d'empoisonnement sur la personne de son épouse ainsi que de faux et usage par le magistrat instructeur du tribunal de grande instance de CHÂLONS en CHAMPAGNE. Le 6 Juillet 1998 il était remis en liberté avec un placement sous contrôle judiciaire soit au total 67 jours de détention provisoire.
Il bénéficiait d'un jugement de relaxe suite au non lieu partiel et au renvoi des seuls chefs de faux et usage par jugement du tribunal correctionnel de CHÂLONS en CHAMPAGNE du 26 Mai 2004.
Sur appel du ministère public, la chambre correctionnelle de la Cour de céans confirmait le jugement de relaxe entrepris par un arrêt du 15 juin 2005.
Par requête du 14 Décembre 2005 monsieur X... sollicite sur le fondement de l'article 149 CPP la réparation du préjudice né de sa détention provisoire et conclut à l'allocation d'un montant de 200.000 Euros toutes causes confondues.
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Le requérant expose que l'indemnisation à laquelle il peut prétendre ne peut être appréciée qu'à l'aune des 7 années de mise en examen et suite à la détention, d'un contrôle judiciaire particulièrement stricte et pénalisant du fait de l'éloignement.
Il relève que la mise en examen intervenait dans un contexte très difficile puisque l'épouse décédait après la réception de l'arrêt de renvoi devant la Cour d'assises pour empoisonnement de l'enfant issue d'un premier mariage, fait dont il sera reconnu innocent. (Il reste seulement la condamnation des chefs d'abus de confiance)
Il observe que sa détention l'affectera profondément puisque sa famille est en Syrie, qu'il lui sera interdit durant sept ans de quitter le territoire national et partant de voir ses proches, de prendre part aux funérailles de sa mère et celles de son frère dont il s'estime responsable de la mort.
Il note qu'il a seulement perçu durant trois mois le RMI étant privé d'emploi et de toute autre indemnisation, alors qu'il était médecin attaché à l'hôpital de Vitry avant son incarcération, qu'il percevait 2.640 Euros et que par la suite son salaire sera inférieur de 30% sachant qu'il sera licencié ensuite du déchaînement médiatique, qu'il lui a été difficile de retrouver un emploi à MOULINS, que les obligations du contrôle judiciaire lui seront très lourdes eu égard à l'éloignement d'autant qu'il a failli perdre son emploi et que les déplacements furent onéreux, que sa carrière a été gravement affectée et qu'il a du accepter un poste d'urgentiste.
Monsieur l'agent judiciaire du Trésor conclut pour sa part au débouté de la demande au titre du préjudice matériel et propose un montant de 3.000 Euros en réparation du préjudice moral.
Il fait remarquer que l'on ne saurait indemniser un préjudice tous préjudices confondus mais seulement le dommage matériel et moral consécutifs à la détention provisoire ; que le préjudice moral sera exactement indemnisé par l'allocation d'un montant de 3.000 euros et que le préjudice financier n'est pas justifié d'autant que celui lié à la mesure de contrôle judiciaire ne peut donner lieu à réparation.
Le Ministère public conclut à l'indemnisation du seul préjudice moral dés lors que le préjudice matériel n'est pas justifié puisque aussi bien la diminution de revenus a été compensée par l'attribution d'un logement.
SUR CE ;
Vu les pièces de la procédure ;
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Considérant qu'en application des dispositions de l'article 149 du Code de procédure pénale, la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure achevée par une décision de non lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention ;
Considérant que le requérant a été placé sous mandat de dépôt du 30 Avril 1998 au 6 Juillet 1998 soit durant 67 jours, puis sous contrôle judiciaire et qu'il sera renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs de faux et usage avant d'être relaxé définitivement par la Cour de céans au terme d'un arrêt confirmatif du 15 Juin 2005 ;
Considérant que seul le dommage résultant de la détention provisoire peut donner lieu à réparation et non celui qui pourrait être la conséquence d'une mesure de contrôle judiciaire aussi contraignante fut-elle ;
Considérant qu'au demeurant il y a lieu de distinguer les différents postes de préjudice ;
Quant au préjudice matériel :
Considérant que le requérant percevait avant sa détention 2.640 Euros par mois comme attaché associé de chirurgie à l'hôpital de VITRY ;
Considérant qu'il a été mis fin à ce contrat de travail à l'issue de la détention provisoire et que le requérant va percevoir le RMI d'Octobre 1998 à Décembre 1998 tout en touchant à l'hôpital de MOULINS, 771,55 Euros en Novembre 1998, 1.243,30 euros en Décembre 1998 et 1.237,61 Euros en Janvier 1999 ;
Considérant que la perte de revenu dont il est justifié se monte à 14.520 Euros et que cette perte de revenus est la conséquence de la détention ;
Considérant cependant que la baisse de revenus, le différentiel de salaire et le refus de renouvellement du contrat de travail par l'hôpital de RIOM voire les droits à retraite, ne sont pas des conséquences de la détention et partant ne sauraient donner lieu à réparation ;
Considérant que la charge de loyer n'est pas une conséquence directe de la détention pas plus que la facture EDF alors que le bail pouvait être résilié et que le requérant était hébergé gratuitement à la maison d'arrêt;
Considérant que les seuls frais d'avocat directement liés à la détention provisoire peuvent être pris en compte contrairement à des frais d'expertise, qu'au vu de la facture produite il convient donc de retenir une indemnité de 2.000 Euros à ce titre ;
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Quant au préjudice moral :
Considérant que l'Etat français ne peut être tenu qu'à la réparation du préjudice du seul requérant ;
Considérant que le préjudice moral ensuite d'une détention sans autre particularité sera exactement indemnisé par l'allocation d'un montant de 3.000 Euros tel qu'offert par l'agent judiciaire du trésor ;
PAR CES MOTIFS,
Disons qu'une indemnité de SEIZE MILLE CINQ CENT VINGT EUROS (16.520 €) sera versée au requérant en réparation de son préjudice matériel ;
Donnons acte à Monsieur l'Agent judiciaire du Trésor de ce qu'il offre de réparer le préjudice moral du requérant en lui allouant la somme de 3.000 euros ;
Disons qu'une indemnité de TROIS MILLE EUROS (3.000 €) sera versée au requérant en réparation de son préjudice moral ;
Rejetons quant au surplus.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique par Monsieur BANGRATZ, président de chambre en remplacement de Monsieur le premier président de la cour d'appel de REIMS, le TRENTE JANVIER DEUX MILLE SEPT,
Où étaient présents Monsieur BANGRATZ, président de chambre, désignée par ordonnance de Monsieur le premier président en date du 28 juin 2006, Monsieur ENQUEBECQ, procureur général, et Monsieur DE MARCO, greffier.