R.G : 07/00380
ARRÊT No
du : 20 février 2008
Y.M./F.B.
S.A.S. SOCIÉTÉ SOLEMA
C/
ASSOCIATION INTERPROFESSIONNELLE DES FRUITS ET LÉGUMES - INTERFEL -
Formule exécutoire le :
à :
S.C.P. G.B.
S.C.P. T.R.D.G.
COUR D'APPEL DE REIMS
1ère CHAMBRE CIVILE - SECTION INSTANCE
ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2008
APPELANTE :
S.A.S. SOCIÉTÉ SOLEMA - agissant poursuites et diligences de son Président domicilié de droit au siège social -
9, route de Villemorien
10260 JULLY SUR SARCE
COMPARANT, concluant par la S.C.P. GENET - BRAIBANT, avoués à la Cour, et ayant pour conseil Maître Jean-Pierre CHUDET, avocat au barreau de PARIS.
Appelant d'une décision rendue par le Tribunal d'Instance de BAR SUR SEINE le 10 Janvier 2007.
INTIMÉE :
ASSOCIATION INTERPROFESSIONNELLE DES FRUITS ET LÉGUMES INTERFEL - agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège social -
60, rue du Faubourg Poissonnière
75010 PARIS
COMPARANT, concluant par la S.C.P. THOMA - LE RUNIGO - DELAVEAU - GAUDEAUX, avoués à la Cour, et ayant pour conseil Maître Bruno Y..., avocat au barreau de PARIS.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Yves MAUNAND
CONSEILLER : Madame Anne HUSSENET
CONSEILLER : Madame Odile LEGRAND
GREFFIER D'AUDIENCE :
Madame Frédérique BIF, Greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 janvier 2008, où l'affaire a été mise en délibéré à l'audience du 20 février 2008, sans opposition de la part des conseils des parties et en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, Monsieur Yves MAUNAND, a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, et par Madame Frédérique BIF, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La S.A.R.L. SOLEMA a pour activité l'achat, à l'état brut, de légumes frais (essentiellement des oignons, des choux et des carottes) sur lesquels elle effectue des opérations d'épluchage, de coupe, d'éminçage, de râpage et de traitement par débactérisation. Elle revend ensuite les légumes à des industriels de la seconde transformation qui les utilisent pour la fabrication de produits alimentaires élaborés.
L'ASSOCIATION INTERPROFESSIONNELLE DES FRUITS ET LÉGUMES (INTERFEL), reconnue par les pouvoirs publics en qualité d'organisation interprofessionnelle «dans le secteur des fruits et légumes destinés à la consommation en frais», regroupe en son sein l'ensemble des organisations professionnelles les plus représentatives de ce secteur comprenant les producteurs, les commerçants et les distributeurs.
Par application de l'article L.632-6 du Code Rural, elle est habilitée à prélever, sur tous les membres des professions constituant les organisations interprofessionnelles des cotisations dont le paiement est obligatoire.
Quatre accords interprofessionnels des 17 décembre 1997, 18 octobre 2000, 4 novembre 2003 et 12 octobre 2006, étendus par arrêtés interministériels des 20 janvier et 22 décembre 1998, 27 novembre 2000, 19 décembre 2003 et 8 janvier 2007 ont instauré une cotisation due par chaque opérateur de la filière et assise sur le chiffre d'affaires hors taxes de ventes de «fruits et légumes frais (...) n'ayant pas subi une transformation destinée à leur garantir une longue conservation».
Estimant que la S.A.R.L. SOLEMA exerçait une activité la rendant redevable de la cotisation interprofessionnelle, l'association INTERFEL lui a demandé en vain à plusieurs reprises de régulariser sa situation.
Devant le refus de la S.A.R.L. SOLEMA, qui estime que la transformation n'est pas l'une des professions constituant l'association INTERFEL, cette dernière l'a fait assigner le 18 mai 2005 devant la juridiction de proximité de BAR SUR SEINE afin d'obtenir paiement des cotisations dues pour les années 2000 à 2003 inclus, soit une somme totale de 2.815,96 euros.
Par jugement avant dire droit du 13 octobre 2005, la juridiction de proximité de BAR SUR SEINE a désigné Monsieur Alain Z... en qualité d'expert judiciaire.
Ce dernier a déposé son rapport le 9 mai 2006.
Le Tribunal d'Instance de BAR SUR SEINE, devenu compétent à la suite de l'actualisation de ses demandes par l'association INTERFEL, a par jugement du 10 janvier 2007 :
- déclaré la S.A.R.L. SOLEMA tenue de verser des cotisations à l'association INTERFEL pour les années 2000 à 2005 incluses,
- rejeté la demande en paiement formée par l'association INTERFEL à l'encontre de la S.A.R.L. SOLEMA,
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- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ni à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamné la S.A.R.L. SOLEMA aux dépens comprenant les frais d'expertise.
La S.A.R.L. SOLEMA a relevé appel de ce jugement le 15 février 2007.
Par dernières conclusions notifiées le 27 décembre 2007, la S.A.R.L. SOLEMA poursuit l'infirmation du jugement déféré, le débouté des prétentions de l'association INTERFEL et sa condamnation au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.
Par dernières conclusions notifiées le 18 janvier 2008, l'association INTERFEL poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré la S.A.R.L. SOLEMA tenue de verser les cotisations à l'association INTERFEL pour les années 2000 à 2005 incluses et demande à la Cour, y ajoutant, de :
• déclarer la S.A.R.L. SOLEMA tenue de verser les cotisations à l'association INTERFEL échues postérieurement au jugement entrepris,
• infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement des cotisations,
• enjoindre à la S.A.R.L. SOLEMA de lui communiquer, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, les bordereaux de déclaration annuels de son chiffre d'affaires hors taxes correspondant aux ventes de fruits et légumes de 2000 à 2007 inclus,
• condamner d'ores et déjà la S.A.R.L. SOLEMA à lui payer à titre de provision les sommes de :
2.815,96 euros au titre des cotisations 2000 à 2003 incluses, avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2004,
1.240,43 euros au titre des cotisations 2004 et du premier trimestre 2005, avec intérêts au taux légal à compter du 20 août 2005,
267,54 euros au titre des cotisations du second semestre 2005, avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2005,
535,09 euros au titre des cotisations des troisième et quatrième trimestres 2005 avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2006,
1.117,26 euros au titre des cotisations 2006, avec intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2007,
• condamner la S.A.R.L. SOLEMA au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise.
SUR CE,
Attendu qu'à l'appui de ses prétentions tendant à la confirmation du jugement déféré, l'association INTERFEL rappelle
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que les accords, ayant fait l'objet des arrêtés d'extension, visent «les fruits et légumes frais (...) n'ayant pas subi de transformation destinée à leur garantir une longue conservation» ; qu'elle estime que la S.A.R.L. SOLEMA exerce une activité de préparation et de commercialisation de fruits et légumes frais alors que la transformation est un acte spécifique, tel que le chauffage, la surgélation ou l'appertisation, destiné à rendre le produit apte à une longue conservation en lui faisant perdre ses caractéristiques de fraîcheur ; qu'elle soutient que la seule notion de transformation existant dans les fruits et légumes est la transformation en vue d'une longue conservation ; que l'appelante fait observer que les légumes commercialisés par la S.A.R.L. SOLEMA sont des «légumes destinés à la consommation en frais» et que la destination des produits (à l'intention des industriels ou des consommateurs) est indifférente dès lors que le seul critère qui doit être retenu est la fraîcheur du produit vendu ;
Attendu qu'à l'issue de ses investigations, l'expert judiciaire concluait son rapport en indiquant que la S.A.R.L. SOLEMA achetait des légumes crus sur lesquels elle effectuait une transformation qui consistait en l'étêtage, l'épluchage, l'éminçage ou le cubage des aliments avant de les conditionner pour être revendus vers ses clients, eux-mêmes industriels, selon les besoins exprimés dans les cahiers des charges ; que Monsieur Z... précisait qu'il ne s'agissait pas d'une préparation pour le compte de tiers, mais d'un achat de produits bruts, d'une transformation desdits produits, d'un reconditionnement et d'une vente ; que la S.A.R.L. SOLEMA effectuait également une débactérisation, par pulvérisation ou par trempage dans une solution chlorée, laquelle permettait de conserver les légumes sur une ou deux semaines ; que l'expert judiciaire indiquait, par ailleurs, que les activités de la S.A.R.L. SOLEMA ne relevaient ni de la première ni de la quatrième gammes dès lors que, d'une part, les produits frais avaient subi une transformation et que, d'autre part, les produits étaient destinés aux industriels et non aux consommateurs ; que les légumes frais, transformés par la S.A.R.L. SOLEMA, sont en effet utilisés par les industriels de la seconde transformation pour la fabrication de produits comme les tartes flambées, les andouillettes, le boudin ou la choucroute ;
Que la S.A.R.L. SOLEMA est, dès lors, bien fondée à se prévaloir des dispositions du règlement (CE) no 2200/96 du Conseil du 28 octobre 1996 portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes, et notamment de son article 22, en vertu duquel un accord interprofessionnel ne peut être étendu aux opérateurs non membres de l'organisation signataire qu'à la condition qu'il bénéficie à ceux à l'égard desquels il est rendu obligatoire ;
Qu'il ressort, en effet, du rapport destiné à l'assemblée générale d'INTERFEL du 22 juin 2005 chargée de se prononcer sur l'exercice 2004 que cette association développe, pour l'essentiel, une activité destinée à faire consommer par le grand public des fruits et des légumes frais, et ce, par le biais de campagnes promotionnelles («5 à 10 fruits et légumes frais par jour», «Fraîche Attitude») ; que l'action en faveur de la recherche et de la communication sur les
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résidus des pesticides dont fait état l'intimée dans ses conclusions est de toute évidence très accessoire et ne peut profiter que très marginalement à l'appelante ; qu'il ressort en effet du tableau intitulé «résultat analytique 2004» que les activités de promotion en faveur de la consommation de fruits et de légumes frais ont représenté près des trois quarts des dépenses de l'exercice 2004 (73 %), alors que les activités non promotionnelles, dont celles de recherche et de diffusion de l'information économique, n'ont représenté que 7 % des dépenses, le cinquième de ces dernières correspondant aux frais de gestion ; qu'il ne peut pas être sérieusement soutenu que l'acte d'achat d'une andouillette, d'une tarte flambée ou d'un morceau de boudin et, d'une manière générale, de tous les produits élaborés intégrant des légumes préparés par la S.A.R.L. SOLEMA, soit dicté par la volonté de consommer des légumes frais et, partant, soit susceptible d'être conditionné par des actions destinées à promouvoir la consommation de légumes frais ; que les campagnes promotionnelles financées par l'association INTERFEL n'ont donc aucune incidence sur l'activité de la S.A.R.L. SOLEMA ;
Qu'il s'ensuit que cette dernière qui, pour l'essentiel, ne bénéficie pas des actions conduites par l'association INTERFEL, est bien fondée à s'opposer au paiement de la cotisation instaurée par les accords interprofessionnels étendus sus-mentionnés ;
Que le jugement déféré sera, par conséquent, infirmé en toutes ses dispositions et l'association INTERFEL déboutée de l'ensemble de ses prétentions ;
Attendu que l'association INTERFEL, qui succombe dans ses prétentions, sera condamnée aux dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise, et d'appel ; qu'elle ne peut donc pas obtenir l'indemnité qu'elle sollicite au titre de ses frais de procédure non compris dans les dépens ;
Que l'équité commande sa condamnation au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,
Réforme en toutes ses dispositions le jugement déféré et statuant à nouveau :
Déboute l'association INTERFEL de l'ensemble de ses prétentions ;
Condamne l'association INTERFEL à payer à la S.A.R.L. SOLEMA la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000 euros) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Rejette la demande d'indemnité de procédure formée par l'association INTERFEL et la condamne aux dépens de première instance, comprenant notamment les frais d'expertise, et d'appel ;
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Admet la S.C.P. GENET & BRAIBANT, Avoués, au bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,