ARRET No
du 10 juillet 2018
R.G : No RG 17/01807
SCI LE CHATEAU
c/
D...
K...
CL
Formule exécutoire le :
à :
- SCP BILLION-MASSARD-RICHARD-SIX-THIBAULT
-SCP ACG & ASSOCIES
- SCP CHOFFRUT-BRENERCOUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRÊT DU 10 JUILLET 2018
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 12 avril 2017 par le tribunal de grande instance de CHALONS-EN-CHAMPAGNE,
SCI LE CHATEAU
[...]
COMPARANT, concluant par la SCP BILLION-MASSARD-RICHARD-SIX-THIBAULT, avocats au barreau de l'AUBE et ayant pour conseil la SELARL MOREL-THIBAUT, avocats au barreau de REIMS
INTIMES :
Monsieur C..., S..., J...
[...]
COMPARANT, concluant par la SCP ACG & ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS
Monsieur O... K...
[...] [...]
COMPARANT, concluant par la SCP CHOFFRUT-BRENER, avocats au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre
Madame Dominique BOUSQUEL, conseiller
Madame Catherine LEFORT, conseiller
GREFFIER :
Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier, lors des débats et Madame NICLOT, greffier, lors du prononcé,
DEBATS :
A l'audience publique du 28 mai 2018, où l'affaire a été mise en délibéré au 03 juillet 2018, prorogé au 10 juillet 2018
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2018 et signé par Monsieur MARTIN, président de chambre, et Madame NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Exposé du litige :
La Sci Le Château, propriétaire à Bignicourt-sur-Saulx d'un domaine sur lequel est édifié un château, a décidé en 2006 de faire creuser un étang dans le parc de ce château. A cette fin, elle a demandé à M. C... D..., entrepreneur de travaux agricoles et ruraux, d'établir un devis des travaux nécessaires à la création de l'étang et elle a chargé M. O... K..., hydrogéologue, de constituer le dossier de déclaration des travaux de réalisation de l'étang.
Le 3 octobre 2007, la préfecture de la Marne a délivré à la Sci Le Château le récépissé de sa déclaration et M. C... D... a commencé les travaux de creusement de l'étang au cours du second semestre 2008.
Le 15 mai 2009, M. C... D... a adressé à la Sci Le Château une facture de 54 747,61 euros que la Sci a refusé de payer au double motif que la facture n'était pas conforme au devis et que les travaux ne pouvaient être réceptionnés car l'étang creusé n'était pas étanche.
La Sci Le Château a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance Châlons en Champagne, afin de voir ordonner une expertise pour caractériser les désordres affectant l'étang, chiffrer les travaux de remise en état et déterminer les responsabilités encourues.
Par ordonnance de référé du 2 avril 2013, le président du tribunal de grande instance de Châlons en Champagne a désigné M. U... en qualité d'expert.
L'expert a remis son rapport le 18 juillet 2014.
Par actes d'huissier de justice des 7 avril et 1er juin 2015, la Sci le Château a fait assigner M. O... K..., hydrogéologue et M. C... D..., entrepreneur, devant le tribunal de grande instance de Châlons en Champagne, en indemnisation de son préjudice chiffré par elle à hauteur de 264 647,60 €.
La Sci le Château a demandé au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de condamner in solidum M. C... D... et M. O... K... à lui verser les sommes de 264 647,60 € en réparation de son préjudice et celle de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, dont les frais d'expertise de M. U....
Les défendeurs ont conclu au rejet des demandes.
Par jugement rendu le 12 avril 2017, le tribunal de grande instance de Châlons en Champagne a déclaré M. C... D... et M. O... K... responsables du dommage subi par la Sci le Château et il les a condamnés in solidum à verser à la Sci le Château la somme de 29 641 € en réparation de son préjudice, outre celle de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que M. C... D... et M. O... K... avaient l'un et l'autre manqué à leurs obligations contractuelles envers la Sci Le Château, de sorte qu'ils devaient rembourser à cette dernière les sommes qu'elle leur avait déjà payées pour la réalisation de l'étang (soit 20 000 euros pour M. D... et 3 588 euros pour M. K...) et qu'ils devaient assumer le coût des travaux de remise en état des lieux en leur état antérieur (soit 6 053 euros), sans pouvoir leur réclamer néanmoins le prix des matériaux à mettre en oeuvre pour combler l'étang puisque ces matériaux avaient été laissés sur le domaine lors des travaux d'excavation du sol.
Par déclaration enregistrée le 3 juillet 2017, la Sci le Château a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions déposées le 2 février 2018, elle demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions excepté en ce qu'il a limité l'indemnisation du préjudice subi à la somme de 29 641 € ; elle réclame la condamnation in solidum de MM. C... D... et O... K... à lui payer la somme de 211 315 € ht, et subsidiairement 186 479,21 ht, ainsi qu'une somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
A l'appui de son appel, la Sci Le Château expose :
- que l'étanchéité de l'étang devait être assurée par l'argile qui, selon le sondage réalisé par M. C... D..., aurait dû se trouver à deux mètres de profondeur,
- que toutefois, M. C... D... n'ayant réalisé qu'un seul sondage, et à 50 mètres du site où l'étang devait être creusé, il s'est avéré que la couche d'argile n'était accessible qu'à une profondeur beaucoup plus importante que prévu sur le site de l'étang, de sorte qu'en l'absence d'argile accessible, l'étanchéité n'a pu être assurée, M. C... D... manquant ainsi à son obligation de résultat,
- que M. O... K... a manqué à son obligation de renseignement et de conseil en n'alertant pas le maître de l'ouvrage sur l'insuffisance et l'inadéquation des investigations préalables de M. C... D...,
- que la seule réparation possible, en pratique, consiste en un comblement de l'étang avec des matériaux d'apport, la réalisation d'un étang étanche étant financièrement trop onéreuse, tandis que le comblement de l'étang avec des matériaux présents sur le site lui serait préjudiciable puisque les matériaux issus de l'excavation ont été ré-employés pour aménager le parc du château,
- que le devis le moins onéreux pour opérer ce comblement de l'étang par apport de matériaux extérieurs est celui de la SA La Marnaise, d'un montant de 211 315 euros ht.
Par conclusions déposées le 28 mars 2018, M. O... K... demande à la cour d'infirmer la décsion de première instance en ce qu'elle a retenu l'existence d'une faute à son encontre et, statuant à nouveau, de :
- dire et juger qu'il n'a commis de faute ni au titre de l'exécution de son contrat, ni au titre de son devoir de conseil,
- subsidiairement, dire et juger qu'il n'existe pas de lien de causalité direct entre une éventuelle faute commise par lui et le préjudice invoqué par la Sci le Château,
- encore plus subsidiairement, dire et juger que la Sci le Château ne justifie pas d'un quelconque préjudice,
- en conséquence, débouter la Sci le Château de son appel et de ses demandes, le décharger de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, condamner la Sci Le Château à lui verser une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouter M. C... D... de son appel en garantie formé à son encontre et condamner ce dernier à lui verser une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamner la Sci le Château et M. C... D... aux entiers dépens de première instance et d'appel.
M. O... K... fait valoir :
- que sa mission, telle que définie par le devis qu'il a établi, se limitait à l'élaboration d'un dossier de déclaration de la création d'un étang, avec notice d'incidence de ce plan d'eau, sans étude géotechnique, la Sci Le Château lui ayant précédemment indiqué que la composition du sol avait été préalablement déterminée,
- qu'il a, comme l'a reconnu l'expert judiciaire, parfaitement rempli sa mission consistant en la réalisation d'un rapport destiné à la déclaration du projet à l'Administration,
- que la Sci Le Château lui ayant dit que les sondages de sol avaient déjà été effectués, avant même qu'il fût missionné, et en lui précisant d'emblée la composition du sol, il n'avait aucune raison de douter du sérieux de ces sondages et n'avait donc aucune obligation de conseil à délivrer à cet égard, d'autant plus que la Sci Le Château ne lui a jamais signalé qu'un seul sondage avait été effectué et qu'il n'avait même pas été réalisé dans le périmètre de l'étang à creuser,
- qu'au surplus, c'est d'un commun accord entre la Sci Le Château et M. C... D... que ce dernier a continué les travaux lorsqu'ils se sont rendus compte que l'argile ne se trouvait pas à la profondeur attendue, sans que lui-même ne fût jamais averti de cette situation,
- qu'enfin, la Sci Le Château ne prouve pas subir un préjudice, les utilisateurs du château n'élevant aucune plainte concernant l'étang.
Par conclusions déposées le 26 avril 2018, M. C... D... demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :
- constater qu'il n'avait pas comme obligation de résultat de créer un étang à niveau fixe, qu'il a rempli ses obligations contractuelles et son devoir de conseil et d'information et que le préjudice dont se prévaut la Sci le Château n'est pas justifié,
- par conséquent, débouter la Sci le Château de l'ensemble de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- à titre subsidiaire, et pour le cas où il serait fait droit à tout ou partie des demandes de la Sci Le Château, constater que M. O... K... a commis une faute dans l'exécution de sa mission et n'a pas rempli ses obligations contractuelles, par conséquent condamner M. O... K... à le garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, dire qu'il n'y a pas lieu à remboursement de l'acompte que lui a versé la Sci Le Château en l'absence de résolution du contrat et compte-tenu de la fixation de la créance par le juge commissaire, confirmer le jugement en ce qu'il avait limité l'indemnisation à 6 053 € pour les travaux compte-tenu des matériaux déjà présents sur le site, et à défaut limiter l'indemnisation à 19 100 € ht selon devis produit par lui et, enfin, condamner également dans cette hypothèse, M. O... K... au règlement de la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- en tout état de cause, condamner la Sci le Château, ou à défaut M. O... K..., aux entiers dépens.
M. C... D... fait valoir :
- que le rapport d'expertise judiciaire n'est pas complet, la Sci Le Château ayant refusé d'avancer les frais occasionnés par le recours au sapiteur que l'expert souhaitait,
- qu'il n'a commis aucune faute contractuelle envers la Sci Le Château, car il ne s'est jamais engagé dans le devis qu'il a établi à réaliser un plan d'eau étanche et à niveau constant, la déclaration rédigée ultérieurement par M. O... K... indiquant d'ailleurs bien que ce plan d'eau serait alimenté en partie par les eaux de la nappe, ce qui impliquait bien que le sol ne soit pas imperméabilisé,
- qu'au cours de la réalisation de l'étang, lorsqu'il a été confronté au manque de matériaux, la Sci Le Château lui a demandé de continuer les travaux et de faire des berges en terre végétale et non en argile,
- qu'en outre, les constats d'huissier montrent que les volumes et profondeurs d'eau prévus au devis ont été respectés,
- que la Sci Le Château a fait le choix d'assurer elle-même la maîtrise d'oeuvre de ce projet et doit donc en assumer la responsabilité,
- que la solution du rebouchage de l'étang et l'estimation de son coût sont imprécises, une meilleure solution pouvant être de transformer cet étang en gravière, c'est-à-dire en plan d'eau dont le niveau est variable,
- qu'en cas de comblement de l'étang, les matériaux qui avaient été extraits pourraient être réutilisés sans dommage car ils ont été utilisés pour faire un parking et un chemin, de sorte qu'il n'y a pas lieu de prévoir le coût de l'achat de matériaux de comblement et que l'évaluation faite par le tribunal à hauteur de 6 053 euros est valable (montant pouvant être porté à 19 100 euros ht si l'on admet qu'il soit nécessaire d'ajouter la main d'oeuvre),
- que sur les 54 747,61 euros prévus au devis, il n'a perçu que la somme de 20 000 euros qu'il n'a pas à rembourser, d'autant plus que, en fait, il a réalisé des prestations (création d'un chemin et d'un parking) qui ne sont pas remises en cause et que, en droit, il n'y a pas de résolution du contrat et donc pas de raison de rembourser la part de prix acquittée.
MOTIFS DE LA DECISION
Vu les dernières écritures déposées par la Sci Le Château, par M. O... K... et par M. C... D...,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 7 mai 2018.
Sur la responsabilité de MM. D... et K...
Le débiteur d'une obligation contractuelle est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
1o/ La responsabilité de M. C... D... :
Suivant le devis établi le 21 juin 2006 par M. C... D... et accepté par la Sci Le Château, le premier s'est engagé envers la seconde à réaliser "un plan d'eau d'environ 7000 m² après autorisation de la police de l'eau", avec "alimentation par la source et rejet par fossé existant dans le bois, d'une profondeur comprise entre 1,50 et 3 mètres", le tour du plan d'eau devant être ceinturé en argile compactée et les bordures devant être en pente douce.
Le devis de M. C... D... ayant été accepté par la Sci Le Château, la description des travaux faite par le premier a pris valeur d'engagements contractuels envers la seconde.
Or, il est constant que les travaux tels que prévus au devis du 21 juin 2006 n'ont jamais pu être totalement réalisés. En effet, la réalisation du projet impliquait que la couche d'argile soit présente à 2 ou 3 mètres de profondeur et que cette argile soit utilisée pour "ceinturer" le tour du plan d'eau, alors que M. C... D... a découvert en procédant aux travaux de creusement de l'étang que la hauteur de la couche de gravier atteignait six mètres, ce qui empêchait l'accès à la couche d'argile située en dessous. Il en est résulté que M. C... D... n'a pas pu "ceinturer" les bordures de l'étang en argile compactée, qu'il a dû lui substituer de la terre végétale, plus perméable, et que l'étang ainsi créé n'a pas retenu l'eau autant qu'espéré. Ce qui a entraîné une autre conséquence négative : la source qui devait alimenter l'étang s'est avérée insuffisante, poussant ainsi M. C... D... à créer une alimentation d'eau supplémentaire en détournant des eaux du fossé latéral au canal de la Marne au Rhin, solution qui n'est pas pérenne puisque non autorisée par l'Administration.
M. C... D... ne peut invoquer aucune cause étrangère pour s'exonérer de l'inexécution de ses obligations contractuelles, car il lui appartenait de sonder sur le périmètre du site retenu pour creuser l'étang, afin de s'assurer qu'il y trouverait bien l'argile à la profondeur espérée et en quantité suffisante. Il reconnaît avoir procéder lui-même au sondage préparatoire, en 2005, avant l'établissement de son devis. Selon ce sondage, le premier mètre de profondeur était constitué de terre végétale, puis de deux mètres de grève, l'argile étant située en-dessous. Toutefois, M. C... D... a reconnu devant l'expert judiciaire qu'il n'avait pas effectué ce sondage sur le périmètre de l'étang à créer, mais à 50 mètres de là. Il a également reconnu devant l'expert qu'il avait interrompu le sondage dès que la surface de la couche argileuse avait été atteinte (rapport de M. U... page 10).
L'expert judiciaire souligne à juste titre la légèreté de M. C... D... qui, pour établir son devis, s'est contenté d'effectuer un seul sondage, qui plus est à 50 mètres environ du périmètre retenu pour creuser l'étang, alors que si M. C... D... avait effectué plusieurs sondages sur le site même de l'étang il se serait rendu compte de l'épaisseur de la couche de graviers et du caractère irréalisable du projet tel qu'il ressort de son devis du 21 juin 2006.
M. C... D... ne peut valablement regretter que l'expert judiciaire n'ait pu recourir à un sapiteur, car les éléments de la cause (qui ressortent d'ailleurs des déclarations de M. C... D... lui-même en ce qui concerne l'inadéquation du sondage préalable qu'il a réalisé) sont suffisants pour caractériser le non-respect de ses obligations contractuelles. En outre, le débat qu'il instaure sur le fait qu'il ne se serait jamais engagé à créer un étang totalement étanche, avec un niveau d'eau stable et permanent, est sans utilité : il a été démontré que l'absence d'apport d'argile tel que prévu au devis crée une perte d'eau ne permettant plus un remplissage par la seule source, tel que le devis le prévoyait, et que la solution palliative adoptée (dérivation des eaux du fossé longeant le canal) n'est pas pérenne puisqu'illicite. Enfin, M. C... D... ne peut se retrancher derrière l'accord donné par le maître d'ouvrage au cours des travaux pour substituer à l'argile de la terre végétale, puisque la Sci Le Château n'avait plus le choix qu'entre renoncer purement et simplement à son projet d'étang et tenter cette solution alternative qu'il lui suggérait, étant précisé qu'il appartenait à M. C... D..., en sa qualité de professionnel, de prodiguer à sa cliente des conseils avisés pour faire face à la situation qu'il avait lui-même créée par sa faute.
Par conséquent, M. C... D... doit être déclaré responsable des conséquences dommageables de l'inexécution de ses engagements contractuels. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
2o/ La responsabilité de M. O... K... :
Suivant le contrat passé le 5 février 2007 entre M. O... K... et la Sci Le Château, le premier a reçu mission de procéder à "l'élaboration d'un dossier de déclaration avec notice d'incidence d'un plan d'eau (sans étude géotechnique)". Les prestations que M. O... K... s'est engagé à réaliser pour un prix de 3 588 euros ttc dans le cadre de cette mission étaient, suivant le devis accepté :
- un déplacement sur site,
- l'élaboration du dossier selon la législation actuelle,
- le tirage du dossier en cinq exemplaires et l'envoi.
M. O... K... a constitué le dossier qu'il s'était engagé à élaborer. Sur la base de ce dossier, l'Administration a d'ailleurs délivré à la Sci Le Château, le 3 octobre 2007, le récépissé lui permettant d'engager les travaux de création de l'étang.
L'expert judiciaire reconnaît (page 24 de son rapport) que "le dossier établi par M. O... K... est conforme à la réglementation et il n'a pas fait l'objet, à ma connaissance, de remarques de l'Administration. Cette prestation est également conforme à l'engagement contractuel (devis accepté)".
La Sci Le Château reproche à M. O... K... d'avoir manqué à son obligation de renseignement et de conseil en ne l'alertant pas sur l'insuffisance et l'inadéquation des investigations préalables de M. C... D.... Toutefois, l'obligation de renseignement et de conseil reposant sur M. O... K... ne pouvait concerner que son champ d‘intervention contractuel, à savoir la constitution du dossier à déposer à la préfecture. M. O... K... pouvait devoir, par exemple, conseiller tel aménagement à la Sci Le Château afin de lui éviter un refus de la part de l'Administration. En revanche, il n'appartenait pas à M. O... K..., dont la mission excluait expressément qu'il fût chargé d'une quelconque étude géotechnique, de donner des renseignements ou des conseils sur les investigations géologiques à effectuer pour garantir, dans les règles de l'art, la bonne exécution des travaux de réalisation de l'étang. La Sci Le Château ne peut tout à la fois borner la mission de son prestataire pour limiter le coût de la prestation, et reprocher ensuite à ce prestataire de ne pas lui avoir donné des conseils ou des renseignements sur des questions techniques dont elle l'avait expressément dessaisi.
Il est constant que M. O... K... a élaboré son dossier sur la base des éléments géologiques que la Sci Le Château lui avait elle-même fournis en ces termes par lettre du 14 avril 2007 :
"Pour ce qui concerne la composition du sol, M. C... D..., le terrassier de Bignicourt, m'a indiqué que l'argile se trouvait à deux mètres puisqu'il y avait 80 cm d'épaisseur de terre végétale et1,20 mètre de grève".
N'ayant pas pour mission de vérifier les éléments techniques fournis par le maître de l'ouvrage, c'est à juste titre que M. O... K... a utilisé ces données pour constituer le dossier de déclaration.
Par conséquent, aucune faute ni inexécution contractuelle ne pouvant être reprochée à M. O... K..., la Sci Le Château sera déboutée de toutes ses demandes formées à son encontre et le jugement sera réformé sur ce point. De même, en l'absence de faute imputable à M. O... K..., M. C... D... ne pourra qu'être débouté de sa demande de garantie formée à son encontre.
Sur l'évaluation du préjudice
La Sci Le Château demande que son préjudice soit réparé par le comblement de l'étang, celui-ci ne correspondant pas à la demande qu'elle avait faite à M. C... D.... La remise en état des lieux dans leur état initial est en effet de nature à constituer une réparation intégrale du préjudices subi.
M. C... D... en convient, mais il demande que le comblement soit réalisé avec les matériaux qu'il a extraits du sol pour creuser l'étang et qu'il a ré-employés dans la parc du château, conformément au contrat conclu entre les parties (résultant de l'acceptation du devis du 21 juin 2006). La Sci Le Château demande pour sa part que les matériaux à utiliser pour le comblement de l'étang soient importés de l'extérieur, afin de ne pas souffrir la destruction des aménagements réalisés grâce aux matériaux extraits lors du creusement de l'étang.
Le devis accepté du 21 juin 2006 prévoyait en effet que 15 600 mètres cubes de terre végétale provenant du creusement de l'étang soient ré-employés "en différents endroits autour du château suivant les plans Géraldine E..." et que 5 400 mètres cubes de gravier soient "mis en place à différents endroits autour du château". Ces ré-emplois de matériaux dans le parc du château ont été réalisés par M. D... et ont été payé par la Sci Le Château à hauteur de 20 000 euros (dont cette dernière ne réclame pas le remboursement si les aménagements ainsi payés ne sont pas détruits). Dès lors, autoriser que l'étang soit comblé en utilisant ces matériaux reviendrait à réparer un dommage subi par la Sci Le Château en lui causant un autre dommage consistant cette fois en la destruction d'aménagements qu'elle a commandés, obtenus et payés.
La réparation intégrale, sans perte ni profit, exige que le comblement soit réalisé par l'emploi de matériaux extérieurs.
La Sci Le Château produit des devis correspondant à ces travaux. Le moins onéreux est celui de la société La Marnaise, daté du 21 septembre 2017, pour un prix de 211 315 euros ht, soit 253 578 euros ttc. M. C... D... n'élève aucune critique sérieuse à l'encontre de l'évaluation des différentes postes figurant sur ce devis.
Toutefois, retenir purement et simplement ce montant de 253 578 euros pour indemniser le préjudice de la Sci Le Château reviendrait à consacrer l'enrichissement de cette dernière. En effet, elle a bénéficié des matériaux issus de l'excavation de l'étang, ceux-ci ayant été utilisés pour réaliser divers aménagement (parking, chemin...). Elle n'a pas eu à payer ces matériaux puisqu'ils proviennent du sol dont elle est propriétaire. Mais imputer à M. D... la totalité du coût des matériaux nécessaires au comblement de l'étang, sans tenir compte du fait que les matériaux provenant de son creusement ont été laissés sur place, laisserait à la Sci le bénéfice indu du coût de ces matériaux. M. D... doit être condamné, au titre de la réparation qu'il doit à la Sci, à remettre le périmètre de l'étang dans son état initial, et non à financer des matériaux qui ont servi à l'aménagement de parking et chemin, matériaux que la Sci aurait dû payer si l'étang n'avait pas été creusé. Aussi convient-il de déduire de l'indemnité qu'il doit, la valeur des matériaux enlevés et ré-affectés à des aménagements sur place. La valeur de ces matériaux est, selon le devis de la société La Marnaise, de 96 300 euros ht, soit 115 560 euros ttc.
Par conséquent, M. C... D... sera condamné à payer à la Sci Le Château la somme de 253 578 euros, diminuée d'un montant de 115 560 euros, soit 138 018 euros à titre de dommages et intérêts. Ces dommages et intérêts n'ont pas à être augmentés du remboursement des sommes versées par la Sci Le Château à M. C... D... et à M. O... K..., puisque ces sommes constituent le paiement de prestations réalisées. Le jugement déféré sera infirmé sur tous ces points.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
M. C... D..., qui est la partie perdante, supportera les dépens de première instance et d'appel, sauf ceux qui sont afférents à la mise en cause de M. O... K... qui resteront à la charge de la Sci Le Château, et il sera débouté de sa demande de remboursement de ses frais de justice irrépétibles. En outre, il est équitable que soit condamné à payer à la Sci Le Château la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle de 4 000 euros au paiement de laquelle il a déjà été condamné en première instance, tandis que la Sci Le Château sera condamnée à payer sur ce même fondement la somme de 1 500 euros à M. O... K....
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,
DECLARE l'appel recevable,
INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,
DECLARE M. C... D... seul responsable du dommage subi par la Sci Le Château,
CONDAMNE M. C... D... à payer à la Sci Le Château la somme de 138 018 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
DEBOUTE la Sci Le Château de toutes ses demandes dirigées contre M. O... K...,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
DEBOUTE M. C... D... de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. C... D... à payer à la Sci Le Château la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Sci Le Château à payer à M. O... K... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Sci Le Château aux dépens afférents à la mise en cause faite par elle de M. O... K... et CONDAMNE M. C... D... à tous les autres dépens de première instance et d'appel et autorise la Scp Choffrut-Brener et la Scp Billion-Massard-Richard-Six-Thibault, avocats, à faire application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le greffier Le président