ARRET No
du 10 juillet 2018
R.G : No RG 17/01977
I...
V...
c/
SA LCL - LE CREDIT LYONNAIS
FLM
Formule exécutoire le :
à :
Maître Valérie MICHELOT
SCP DELVINCOURT-CAULIER RICHARDCOUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRET DU 10 JUILLET 2018
APPELANTS :
d'un jugement rendu le 02 juin 2017 par le tribunal de grande instance de REIMS
Madame R... I... épouse V...
[...]
Monsieur C... V...
[...]
COMPARANT, concluant par Maître Valérie MICHELOT, avocat au barreau de REIMS
INTIMEE :
SA LCL - LE CREDIT LYONNAIS inscrite au RCS de LYON sous le no 954.509.711 au capital de 1 847 860 375 euros prise en la personne des Président et Membres de son Conseil d'Administration domiciliés [...]
COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT-CAULIER RICHARD, avocats au barreau de REIMS, et ayant pour conseil Maître BUISSON, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame Florence MATHIEU conseiller, a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées ; en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller
Madame Florence MATHIEU, conseiller
GREFFIER :
Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et du prononcé.
DEBATS :
A l'audience publique du 04 juin 2018, où l'affaire a été mise en délibéré au10 juillet 2018,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2018 et signé par Monsieur Francis MARTIN président de chambre, et Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre préalable reçue le 12 juin 2013 et acceptée le 26 juin 2013, Monsieur C... V... et son épouse, Madame R... I... ont souscrit auprès de la SA CREDIT LYONNAIS un prêt immobilier d’un montant de 212.600 euros, remboursable en 144 mensualités au taux fixe de 2,66 % destiné à financer l’acquisition de leur résidence principale.
Suivant offre préalable reçue le 25 juin 2015, acceptée le 13 juillet 2015, le taux fixe a été diminué à 2,25 % et la durée de remboursement restante fixée à 120 mensualités.
Par lettre recommandée du 5 juillet 2016, les époux C... V..., contestant le mode de calcul des intérêts des deux offres de crédit, ont mis en demeure la SA CREDIT LYONNAIS de leur rembourser leur préjudice.
Cette requête a été rejetée suivant courrier du 22 juillet 2016.
Par acte d’huissier en date du 21 septembre 2016, Monsieur C... V... et son épouse, Madame R... I..., ont fait assigner la SA CREDIT LYONNAIS devant le tribunal de grande instance de Reims, sur le fondement des articles 1907 du code civil et L 313-1, L 313-2 et R 313-1 du code de la consommation, aux fins d’obtenir, avec le bénéfice de l’exécution provisoire :
-le constat que le taux d’intérêt conventionnel dans les actes de prêt et avenant des 10 juin 2013 et 13 juillet 2015 est calculé sur la base de 360 jours et non sur la base de l’année civile,
-la nullité des stipulations d’intérêts conventionnels,
-la substitution de l’intérêt au taux légal,
-la condamnation de la SA CREDIT LYONNAIS à leur rembourser la somme de 12.356,79 euros correspondant à la différence entre les intérêts conventionnels payés et les intérêts au taux légal pour la même période,
-l’établissement par la SA CREDIT LYONNAIS d’un nouveau tableau d’amortissement avec application du taux légal au jour du contrat de prêt et au jour de l’avenant,
-la condamnation de la SA CREDIT LYONNAIS à leur payer la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 2 juin 2017, le tribunal de grande instance de Reims a débouté Monsieur C... V... et son épouse, Madame R... I... de toutes leurs demandes et les a condamnés aux dépens.
Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que la stipulation de «l’année lombarde», à savoir la notion de mois normalisé, dans un crédit immobilier n’est pas irrégulière et donc pas susceptible d’entraîner la nullité de la clause d’intérêt.
Par un acte en date du 18 juillet 2017, Monsieur C... V... et son épouse, Madame R... I... ont interjeté appel de ce jugement.
Cette affaire a été enregistrée sous le no17/1973.
Par un acte en date du 19 juillet 2017, Monsieur C... V... et son épouse, Madame R... I... ont interjeté appel de ce jugement.
Cette affaire a été enregistrée sous le no17/1977.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées par la voie électronique le 22 mai 2018, Monsieur C... V... et son épouse, Madame R... I... concluent à l’infirmation du jugement déféré et demandent à la cour de :
- constater que le taux d’intérêt conventionnel dans les acte de prêt et avenant des 10 juin 2013 et 13 juillet 2015 est calculé sur la base de 360 jours et non sur la base de l’année civile,
-prononcer la nullité des stipulations d’intérêts conventionnels,
- prononcer la substitution de l’intérêt au taux légal,
- de condamner la SA CREDIT LYONNAIS à leur rembourser la différence entre le montant total des intérêts conventionnels payés depuis la première échéance et les intérêts qu’ils auraient dû régler, calculés sur la base du taux légal pour la même période,
-l’établissement par la SA CREDIT LYONNAIS d’un nouveau tableau d’amortissement avec application du taux légal au jour du contrat de prêt et au jour de l’avenant,
-la condamnation de la SA CREDIT LYONNAIS à leur payer la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
Ils exposent qu’ils contestent le taux nominal contractuel et précisent que leur contestation porte sur les termes du contrat de prêt et qu’ils n’ont pas à fournir un quelconque calcul d’intérêts à l’appui de leurs prétentions.
Ils réfutent l’analyse retenue par le premier juge selon laquelle, l’utilisation du mois normalisé correspond à la traduction de la méthode dite de l’année lombarde.
Ils font valoir que la seule présence d’une clause lombarde dans un acte de prêt suffit à entraîner de manière systématique la nullité de la clause.
Ils ajoutent qu’ ils ont fait procéder, par un professionnel, à une évaluation du montant auquel ils peuvent prétendre s’il est fait droit à leur demande
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 15 mai 2018, la SA CREDIT LYONNAIS conclut à la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de condamner les époux V... à lui payer la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
A titre subsidiaire, elle demande à la cour de limiter la restitution des intérêts à une somme forfaitaire symbolique et plus subsidiairement de dire que le taux d’intérêt légal substitué au taux conventionnel subira les variations que la loi lui apporte.
Elle expose que les époux V... ont lancé un procès purement formaliste afin d’être dispensés du paiement de la quasi totalité des intérêts.
Elle explique que pour calculer les intérêts mensuels à partir du taux d’intérêt annuel convenu, il est procédé au terme de l’offre de prêt de la façon suivante :
«Les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l’an». Cela signifie que pour calculer l’intérêt de chaque mois, il est appliqué au capital restant dû 30/360 du taux annuel, autrement dit 1/12 du taux annuel, ces deux fractions étant égales.
Elle fait valoir que si cette méthode revient à considérer des mois d’un douzième d’année, que l’annexe à l’article R 313-1 ancien du code de la consommation appelle «mois normalisés», cela ne rend cependant pas cette dernière critiquable.
Elle soutient que contrairement à la pratique lombarde, condamnée par la cour de cassation dans sa jurisprudence citée par les époux V..., consistant à calculer des intérêts quotidiens selon le 360ème du taux nominal annuel, le calcul des intérêts par mois de durée constante ne comporte aucun effet de sous-estimation du taux nominal.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2018.
MOTIFS DE LA DECISION
Dans un souci de bonne administration de la justice, il convient d’ordonner la jonction des deux instances.
*Sur la clause relative au calcul des intérêts au taux conventionnel
A titre liminaire, il convient de constater que la contestation des époux V... porte sur les termes du contrat de prêt et plus précisément sur la méthode de calcul des intérêts conventionnels et non pas sur le calcul du taux effectif global.
Aux termes de l’article 2 alinéa 3 du contrat de prêt immobilier relatif à l’ajustement de la première échéance, il est stipulé que :
«Les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l’an. En cas de remboursement anticipé, les intérêts courus depuis la dernière échéance seront calculés sur la base du nombre de jours exact de la période écoulée, rapportée à 360 jours l’an. Nous vous précisons que le taux effectif global des prêts est indiqué sur la base du montant exact des intérêts rapportés à 365 jours l’an (
)».
Le taux d’intérêt nominal conventionnel figurant dans l’offre de prêt l’avenant est de 2,60 et 2,25 %.
Il ressort du calcul effectué par les époux V..., lequel n’est pas contredit par la banque, que les intérêts ont été calculés sur 360 jours au lieu de l’être sur une année civile (365 jours ou 366 jours pour une année bissextile).
La banque soutient que l’opération qui consiste à calculer les intérêts sur un mois de 30 jours et une année de 360 jours revient au même que celle consistant à calculer les intérêts sur une année de 365 jours et un mois normalisé de 30,41666 jours ; elle se réfère pour cela au mois «normalisé» tel qu’il figure dans l’annexe à l’article R 313-1 du code de la consommation précité.
Le paragraphe III de cet article dispose que pour toutes les opérations de crédit autres que celles mentionnées au II, le taux effectif global est dénommé «taux annuel effectif global» et calculé à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires, selon la méthode d’équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent article.
Il en résulte que cette annexe ne s’applique qu’aux opérations de crédit autres que celles mentionnées au paragraphe II et qu’elle ne concerne donc pas les prêts immobiliers.
Par ailleurs, il convient de souligner que dans son bulletin officiel du 20 septembre 2005, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, en annexe II- recommandation n o05-02, paragraphe 8 considère «qu’une clause qui prévoit le calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année de 360 jours ne tient pas compte de la durée réelle d’une année civile et ne permet pas au consommateur d’évaluer le surcoût qui est susceptible d’en résulter à son détriment, ce qui est de nature à créer un déséquilibre au détriment du consommateur».
Aussi, au cas présent, la cour relevant que le prêt dont s’agit étant un prêt immobilier, le mois «normalisé» ne lui est pas applicable. En effet, le taux d’intérêt n’a pas été calculé sur la base d’une année civile de 365 ou 366 jours.
La violation de cette règle a pour effet d’entraîner la nullité de la stipulation de l’intérêt nominal et la substitution du taux légal au taux conventionnel initialement prévu.
Dans ces conditions, il convient de prononcer la nullité de la clause d’intérêt figurant dans le contrat de prêt et l’avenant des 10 juin 2013 et 13 juillet 2015 ainsi que la déchéance du droit aux intérêts au taux contractuel à compter de la date de prélèvement de la première échéance du prêt, soit le 10 septembre 2013, le taux d’intérêt légal lui étant substitué, selon des modalités précisées au dispositif de la présente décision.
Par conséquent, il convient d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
*Sur les autres demandes
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la SA CREDIT LYONNAIS succombant, elle sera tenue aux dépens de première instance et d’appel.
Les circonstances de l’espèce commandent de condamner la SA CREDIT LYONNAIS à payer aux époux V... la somme de 1.500 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles et de la débouter de sa demande sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
ORDONNE la jonction de l’instance inscrite sous le no17/1977 à celle enregistrée sous le no17/1973.
INFIRME le jugement rendu le 2 juin 2017 par le tribunal de grande instance de REIMS, en toutes ses dispositions
Et statuant à nouveau,
Dit que les intérêts du prêt initial et de l’avenant des 10 juin 2013 et 13 juillet 2015 ont été calculés sur la base de 360 jours et non d’une année civile.
Prononce en conséquence la nullité de la clause d’intérêt figurant dans le contrat de prêt et l’avenant.
Dit que la SA CREDIT LYONNAIS doit être déchue du droit aux intérêts contractuels à compter de la date de prélèvement de la première échéance, soit, au vu du tableau d’amortissement, à compter du 10 septembre 2013.
Dit que le taux légal devra être substitué à compter de cette date au taux contractuel initialement prévu.
Dit que la SA CREDIT LYONNAIS devra établir un nouveau tableau d’amortissement prenant en compte cet événement.
Dit que les sommes ayant été réglées par Monsieur C... V... et son épouse, Madame R... I... au titre des intérêts pour l’offre initiale du 10 juin 2013 et l’avenant du 13 juillet 2015 devront être réimputées sur le capital et recalculées en considération du remplacement des intérêts contractuels par des intérêts au taux légal.
Dit que le trop perçu par la banque devra être restitué à Monsieur C... V... et son épouse, Madame R... I... et ce, dans les deux mois de la signification de l’arrêt.
Condamne la SA CREDIT LYONNAIS à payer à Monsieur C... V... et son épouse, Madame R... I... la somme de 1.500 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.
La déboute de sa demande sur ce même fondement.
Condamne la SA CREDIT LYONNAIS aux dépens de l’instance d’appel avec recouvrement direct par application de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président