COUR D'APPEL DE RENNES ARRET DU 14 NOVEMBRE 2002 Huitième Chambre prud'Hom ARRET R.G : 02/00446 Association C.E.R. MORBIHAN C/ M. Roger X... COMPOSITION DE LA COUR LORS DU Y...: Mme Francine SEGONDAT, Président, Mme Marie-Hélène L'HENORET, Conseiller, Monsieur François PATTE, Conseiller, GREFFIER : Mme Isabelle Z..., lors des débats, et M. Philippe A..., lors du prononcé, DÉBATS: A l'audience publique du 04 Octobre 2002 devant Mme Francine SEGONDAT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial ARRÊT: Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience du 14 Novembre 2002, date indiquée à l'issue des débats APPELANTE et intimée à titre incident : l' Association C.E.R. MORBIHAN (anciennement C.C.E.R.M.) prise en la personne de son représentant légal Avenue Borgnis Desbordes- BP 229 56006 VANNES CEDEX représentée par Me Arnaud COLON DE FRANCIOSI, Avocat au Barreau de VANNES INTIME et appelant à titre incident : Monsieur Roger X... B... de Kerminihy 56410 ERDEVEN comparant en personne, assisté de M. André C..., Délégué syndical C.F.D.T. de VANNES I -FAITS ET PROCEDURE Suivant contrat de travail en date du 1er août 1989, Roger X... a été recruté en qualité de technicien de gestion de 2ème niveau à compter du 11 septembre 1989 par le Centre de Comptabilité et d'Economie Rurale du MORBIHAN (CCERM) pour une durée indéterminée. Puis, par contrat en date du 1er février 1992, une filiale du CCERM : l' association bretonne de gestion ( ABG) l' a embauché aux mêmes conditions que le CCERM toujours en qualité de technicien de gestion niveau 2. Suivant "additif aux accords de travail précédemment signés entre les parties" en date du 2 septembre 1992 le CCERM et Roger X... ont convenu qu'au cas où pour une raison indépendante de sa volonté et autre qu'un licenciement pour faute grave ou lourde, le contrat qui
lie l' ABG à Monsieur X... serait rompu, le CCERM reprendrait l'intéressé pour un travail à temps plein. Monsieur X... a été licencié pour faute grave par l' ABG le 27juin 1996. Par jugement rendu le 1er avril 1998, le Conseil des Prud'hommes de LORIENT jugeait ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnait l'ABG à payer à Monsieur X... ses indemnités de rupture ainsi que des dommages intérêts. Le 17 octobre 2000, après avoir vainement sollicité sa réintégration au sein du CCERM Roger X... saisissait le Conseil des Prud'hommes de LORIENT d'une demande en paiement de dommages intérêts et indemnités de rupture dirigée contre le CCERM. Par jugement rendu le 20 décembre 2001, les Premiers Juges ont rejeté les fins de non recevoir tirées de l'unicité de l'instance et du principe de l' autorité de la chose jugée soulevées par le CCERM devenu entre temps CER MORBIHAN et estimé que ses refus répétés de réintégrer Monsieur X... s'analysaient en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Ils ont en conséquence condamné le CER à payer à Monsieur X... 39.600 F + 3.960 F à titre d'indemnité de préavis e(t congés payés associés, 4.345 F à titre d'indemnité de licenciement, 80.000 F à titre de dommages intérêts, 4.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et ordonné la remise des documents salariaux et ASSEDIC correspondant ; Le CER a, le 17 janvier 2002 relevé appel de ce jugement. Roger X... en a ultérieurement relevé appel incident. II -MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES Au soutien de son appel, le CER MORBIHAN fait valoir par conclusions déposées le 3 octobre 2002 développées oralement à l'audience: 1) que 2 contrats de travail s'étant succédés, le 2ème se substituant au 1er, le 1er n'a pas été rompu lorsque la réintégration a été refusée, 2) qu'il n'a pu faire valoir ses arguments dans l'action diligentée à l'encontre de l' ABG et que la décision rendue le 1er avril1999 ne lui est pas opposable, 3) que
Monsieur X... s'est embauché dans une entreprise de publicité en qualité de comptable après avoir été licencié par l'ABG et qu'il a ainsi renoncé expressément à solliciter sa réintégration au sein du CER. Aussi conclut-il à l'infirmation du jugement, au débouté des demandes et à la condamnation de Monsieur X... à lui payer 3.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive outre 1.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. En réponse Roger X... fait valoir par conclusions déposées et soutenues à l' audience que la rupture du contrat avec le CER lui est imputable suite à son refus de réintégration et que si la Cour ne devait retenir que la notion de simple refus de réintégration, ses conséquences devraient être compensées de la même manière. Aussi prie-t-il la Cour de condamner le CERM à lui verser 245.000 F soit 37.350 euros à titre de dommages intérêts et d'ordonner la remise des documents salariaux et ASSEDIC correspondants. Il réclame enfin 915 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. III-MOTIFS Considérant que le CER ne reprend pas en cause d'appelles fins de non recevoir tirées de l'unicité de l'instance et de l'autorité de la chose jugée mais estime qu'il aurait du être appelé à la cause dans l'action en contestation de son licenciement engagée par Monsieur X... à l'encontre de l'ABG devant le Conseil des Prud'hommes de LORIENT de sorte que le jugement rendu hors sa présence lui est inopposable ; Mais considérant que Monsieur X... n'avait de lien de droit depuis le 1er février 1992 qu'avec l' ABG dont le contrat de travail avait succédé à celui précédemment conclu avec le CCERM et que le CER ne pouvait se faire Juge de l'exécution de la relation de travail ayant existé entre un tiers et un de ses ex-salariés et n'avait donc pas à être appelé à l'instance les opposant ; Considérant que le CER ne peut soutenir que ses obligations naissaient à la date du licenciement prononcé pour faute
grave n'ouvrant pas droit à réintégration alors que l'employeur pouvait s'être mépris dans la qualification du licenciement laquelle ne devient définitive que lorsqu'il a été définitivement statué par le Conseil des Prud 'hommes sur ce point et que son obligation à réintégration est née lorsque la qualification a été définitivement établie ; Considérant qu'ayant signé un document contractuel aux termes duquel elle serait tenue de reprendre Monsieur X... pour un travail à temps plein s'il était licencié par l' ABG pour une raison indépendante de sa volonté et autre qu'une faute grave ou lourde, le CER était tenu de le réintégrer dès lors que son licenciement avait été définitivement jugé sans cause réelle et sérieuse ; Considérant que l'obligation de réintégration étant une obligation de faire se résolvant en dommages intérêts et soumise en l'espèce à la prescription trentenaire, le CER a failli à cette obligation en refusant de reprendre Monsieur X... pour un travail à temps plein comme elle s'y était engagée, peu important que celui-ci ait occupé un autre emploi entre son licenciement par ABG et sa demande de réintégration présentée dans le délai de la loi sans qu'aucune renonciation ne soit établie ; Considérant qu'il y a lieu en conséquence de réformer le jugement en ce qu'il a accordé à Monsieur X... des indemnités de rupture d'un contrat de travail qui n'existait plus depuis le 1er février 1992 mais d'accorder à ce dernier des dommages intérêts correspondant au préjudice subi du fait de la non exécution par le CER de son obligation de réintégration, préjudice qui sera évalué à 20.000 euros compte tenu de la rémunération que Monsieur X... était en droit d'attendre, de son âge et de ses perspectives de carrière ; Considérant en revanche qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la remIse des documents salariaux et ASSEDIC sollicités par Monsieur X...; Considérant que l'équité commande de faire partiellement droit à la demande de ce dernier
fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Considérant que supportant les dépens le CER ne peut bénéficier de ce texte et que succombant en ses prétentions, il n'est pas fondé en sa demande en dommages intérêts pour procédure abusive. DECISION PAR CES MOTIFS LA COUR Réforme le jugement déféré. Condamne le CER MORBllIAN à payer à Monsieur X...: 300 euros au titre des frais non répétibles d'appel s'ajoutant aux frais de première instance. Déboute Monsieur X... de sa demande de remise d'une fiche de salaire, d'une feuille ASSEDIC et d'un certificat de travail. Déboute le CER MORBllIAN de ses demandes et le condamne aux dépens.