Septième Chambre R.G : 04/02148 S.A. ELEVAGE DU CRANIC Mme Rose Marie LOUIS X... épouse Y... Z.../ M. Laurent A... B... la décision déférée renvoi devant le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux d'AURAY RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2004 COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
: Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président de Chambre, Monsieur Patrick GARREC, Conseiller, Madame Agnès LAFAY, Conseiller, GREFFIER : Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 13 septembre 2004 devant Madame Marie-Gabrielle LAURENT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président de Chambre, à l'audience publique du 27 Octobre 2004, date indiquée à l'issue des débats.
DEMANDEURS AU CONTREDIT S.A. ELEVAGE DU CRANIC Le Cranic 56400 BRECH assistée de Me Jacques LE BRUSQ, avocat Madame Rose Marie LOUIS X... épouse Y... C... 56400 PLUNERET Me Jacques LE BRUSQ, avocat
DEFENDEUR AU CONTREDIT Monsieur Laurent A... 12 rue Amiral Coudé 56400 AURAY Me Antoine JOURDA, avocat
M. Laurent A... a exploité l'étang du Cranic situé à Brech d'une superficie de 45 ha appartenant indivisément à la société Elevage du Cranic et à Mme Rose-Marie D... épouse Y....
Se plaignant de ce que M. A... ne permettait aucun contrôle sur les quantités pêchées alors que le loyer est proportionnel à la valeur des prises et de ce qu'aucun loyer n'a été payé en 2001, les indivisaires l'ont assigné devant le tribunal d'instance pour voir constater la résiliation du bail, interdire à M. A... de venir pêcher sur l'étang et le condamner au paiement. M. A... a excipé de l'existence d'un bail rural.
Par jugement du 12 mars 2004 le tribunal d'instance d'Auray s'est déclaré incompétent au profit du tribunal paritaire des baux ruraux d'Auray.
Mme Y... et la société Elevage du Cranic ont formé contredit contre ce jugement en exposant notamment qu'il n'y a pas bail rural, l'empoissonnement ne constituant qu'un modeste alevinage. Ils soutiennent qu'il n'y a qu'un bail de pêche qui doit être résilié en l'absence de paiement des loyers.
M. A... conclut à l'irrecevabilité du contredit d'une part parce que ce n'est pas le gérant de la société qui a formé le contredit, d'autre part parce que le mémoire ne précise pas quel est la juridiction compétente. Au fond il estime apporter la preuve d'un bail rural. SUR CE
Sur la recevabilité
Considérant que le contredit formé par la société du Cranic est signé par Y... JN ou JH
; qu'il résulte de l'extrait du Registre du
commerce et des sociétés que la SARL Elevage du Cranic a pour gérant M. François Y... ; qu'il n'est produit aucune pièce justifiant du pouvoir du signataire du contredit pour représenter la société ; que son contredit est en conséquence irrecevable ;
Considérant en revanche qu'il n'est pas contesté que Mme Rose-Marie Y... soit co'ndivisaire de l'étang ; que, partie au procès, elle est recevable à former contredit au jugement d'incompétence ;
Que, dès lors qu'elle avait saisi le tribunal d'instance d'Auray pour voir constater la résiliation du bail, il en résulte implicitement mais nécessairement qu'elle soutient que c'est ce tribunal qui avait compétence pour statuer ; que l'absence de désignation du tribunal qu'elle estime compétent ne peut donc avoir pour effet de rendre irrecevable son contredit ;
Sur la compétence
Considérant qu'aux termes de l'article L311-1 du code rural sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation ; que selon l'article L411-1 toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole pour y exercer une des activités ci-dessus est soumise au statut du fermage qui est d'ordre public ;
Que l'article L415-10 précise que le statut s'applique aux étangs et
bassins aménagés servant à l'élevage piscicole mais que le bail de pêche n'est pas soumis au statut des baux ruraux
;
Considérant qu'aucun écrit n'a jamais lié les parties ; que, même si le bail rural doit, en principe, être écrit, la validité d'un bail verbal ne peut être discutée mais est soumise à la preuve de son existence ;
Considérant qu'en 1990 l'étang du Cranic a connu une grande mortalité des poissons que l'expert alors désigné a attribuée à la chaleur qui a entraîné la prolifération d'algues et de bactéries associées ayant consommé l'oxygène ; que l'asphyxie de la plupart des poissons s'en est suivie ; que l'expert fixait à environ 87 000 francs le coût du rempoissonnement ;
Que jusqu'alors M. A..., qui était pêcheur professionnel, bénéficiait de l'autorisation de pêcher, semble-t-il sans contrepartie financière
;
Qu'en fin 1992 il a obtenu l'agrément des services vétérinaires pour l'établissement situé Etang du Cranic en Brech
; qu'il s'est par ailleurs inscrit à la Mutualité sociale agricole en tant que chef d'exploitation en janvier 1990
; que ces deux événements sont déclaratifs et ne permettent pas à eux seuls à faire la preuve d'un bail rural ;
Mais considérant qu'après la surmortalité de 1990 M. A... a introduit en janvier 1992 des "amours blanc" dont il indique sans être contredit qu'ils se nourrissent des micro-algues à l'origine du sinistre ; qu'il est démontré par factures et attestations des
dirigeants des entreprises lui ayant vendu les poissons qu'en décembre 1992 il a empoissonné l'étang moyennant un coût de 76
118,25 francs, ce qui ne constitue pas un modeste alevinage
; qu'il est également établi qu'il a empoissonné l'étang en 1995 et 1998, cette dernière année pour un coût de 33
971 francs
; que ses stagiaires, MM Calvez et Nicolleau, et son fils Julien attestent avoir aidé à des empoissonnements
de l'étang, parfois par des animaux provenant d'autres exploitations gérées par M. A... ;
Considérant en outre qu'il est démontré que l'exploitant a fait entreprendre des travaux pour créer un chemin d'accès à l'étang, curer le bassin et le canal de vidange de l'étang (il ne faut pas 7H1/2 de pelleteuse pour creuser un trou en bord d'étang afin d'y mettre une barque)
; qu'il a en outre fait des travaux pour garder un niveau d'eau constant dans l'étang ;
Que l'existence de tels investissements non négligeables démontre que le bail a changé de nature en 1992 après le dépeuplement de 1990 ;
Considérant qu'en présence du repeuplement de l'étang en 1992 par l'exploitant, de rempoissonnements réguliers, outre le croît naturel, de travaux pour maintenir les abords et l'étang en état de servir à l'exploitation, du paiement d'un loyer représentant normalement 25% du prix des prises, c'est par des motifs que la cour approuve que le premier juge a dit que M. A... exerce une activité dans laquelle il maîtrise et exploite le cycle biologique des poissons
;
Que la présence occasionnelle de pêcheurs extérieurs à l'entreprise de M. A..., au demeurant non démontrée, n'est pas de nature à ôter à la location son caractère de bail rural ;
Que le jugement sera confirmé ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et contradictoirement, Dit irrecevable le contredit formé par la société Elevage du Cranic. Reçoit Mme Rose-Marie D... épouse Y... en son contredit. L'en déboute. B... le jugement. Renvoie l'affaire devant le tribunal paritaire des baux ruraux d'Auray. Condamne la société Elevage du Cranic et à Mme Rose-Marie D... épouse Y... aux dépens. LE GREFFIER
LE PRESIDENT